OFFICE PARLEMENTAIRE DEVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

Réunion des commissions et offices chargés de l’évaluation des choix scientifiques et technologiques des Parlements des pays de l’Union européenne et du Parlement européen

Science, Société et Parlements
Paris, 22 septembre 2008

Intervention de M. Claude Birraux, député, Président de l’OPECST

(lundi 22 septembre après-midi
Nouvelles technologies et interrogations de la société)

____________

Nous allons cet après-midi aborder une autre problématique. Comment les Parlements répondent-ils aux interrogations de la société suscitées par l’utilisation de nouvelles technologies ? Comment peuvent-ils mieux affirmer leur légitimité dans l’analyse des risques ?

 

Progressivement, s’est imposée, à côté des objectifs d’excellence scientifique et de transfert technologique, la nécessité de prendre en considération en Europe « l’acceptabilité sociale ».

 

Pour y répondre, plusieurs mécanismes ont été mis en place : procédures d’information et de consultation du public et dispositifs d’analyse des risques.

 

Le processus de Ljubljana s’inscrit dans le prolongement de cette évolution : les projets réalisés en coopération devront répondre à des besoins sociétaux et être suffisamment « lisibles » pour obtenir l’adhésion des citoyens.

 

Cette orientation traduit une opinion largement partagée par nos pays.

 

Aussi, l’heure est-elle venue de réfléchir ensemble aux conditions dans lesquelles ces principes devraient être mis en oeuvre, ainsi qu’au rôle que peuvent jouer nos Parlements dans ce domaine.

 

Notre réunion nous en offre l’occasion.

- Comment les Parlements se sont-ils impliqués dans les controverses socio techniques. Par quels moyens les Parlements participent-ils aux débats de société suscités par l’utilisation des nouvelles technologies ?

- Peut-on aujourd’hui dresser un bilan des expériences initiées à la fin des années 80 - conférences de consensus, conférences de citoyens, forums et débats publics…?

- Comment aussi respecter les règles propres aux processus scientifiques ? Ne faut-il pas reconnaître que, dans ce domaine, il existe des contraintes irréductibles qui empêchent de traiter de la même façon les théories qui ont été vérifiées et celles qui ne le sont pas, qui créent une asymétrie entre le scientifique et le néophyte, et qui sont difficilement compatibles avec le principe d’une transparence absolue, comme avec l’exigence d’une certitude immédiate ?

- Quelles sont les évolutions qui semblent souhaitables ?

 

Il ne s’agit cependant pas seulement de questions de procédure.

 

Sur le fond, la prise en considération des interrogations de la société a eu des effets bénéfiques. Témoignant de la grande réactivité des États européens et de l’Union européenne, qui ont multiplié les initiatives pour mieux évaluer et gérer les risques, informer les citoyens, elle a aussi permis de prendre conscience du déficit de connaissances dans certaines disciplines (toxicologie, épidémiologie, par exemple).

 

Elle devrait aussi nous faire prendre conscience que la construction d’un Espace européen de la recherche dépend de la capacité des États et de l’Union européenne à répondre à ces interrogations de façon plus cohérente.

 

Car, en l’absence d’un mode de régulation adapté et coordonné, la recherche, l’innovation technologique et la croissance économique en Europe risquent d’en pâtir.

 

Les efforts déployés au sein de l’Union européenne pour combattre la désaffection croissante vis-à-vis des études et des carrières scientifiques, pour favoriser la mobilité des chercheurs et abolir les frontières sur le territoire européen, pour décourager les expatriations et les délocalisations vers d’autres continents, pour inciter l’investissement privé dans la recherche et vivifier le capital risque peuvent être compromis.

 

Pour faciliter la compréhension des citoyens européens, il faut aussi rechercher une plus grande cohérence des politiques publiques, en particulier celles ayant un impact sur les moyens utilisés par la recherche.

Cohérence des principes éthiques applicables, comme par exemple dans le domaine de la recherche biomédicale ou dans le domaine des technologies de l’information.

Cohérence des politiques visant à répondre aux attentes de la société et des moyens donnés à la recherche pour y répondre, moyens non seulement financiers mais aussi techniques et scientifiques, tels que les essais en plein champ des plantes génétiquement modifiées ou les recherches effectuées en neurosciences.

Cohérence des actions visant à accélérer les processus de transfert technologique et de mise sur le marché et celles se proposant d’évaluer les conséquences et de convaincre les citoyens.

Cohérence des objectifs tendant à répondre aux préoccupations à court et moyen terme des citoyens européens, satisfaire les besoins des hommes qui peuplent des continents plus déshérités que le nôtre et préparer, pour les générations futures, un environnement de qualité.

 

La tâche est immense et difficile, en raison de la variété des approches et des priorités au sein de nos sociétés, de la multiplicité des objectifs, de l’influence qu’exercent les médias…

 

Mais ce défi doit être relevé et les Parlements peuvent y contribuer.

 

Car les interrogations de la société ne doivent pas constituer des freins au développement de la recherche et de l’innovation, mais au contraire enrichir les politiques scientifiques et technologiques, sans que la peur ne devienne l’unique levier de la recherche européenne, ni le critère déterminant de choix des programmes de recherche et de développement.