Mme Benita FERRERO-WALDNER,

Membre de la Commission européenne chargée des relations extérieures et de la politique européenne de voisinage

Assemblée Nationale Française

Réunion avec les présidents des commissions d'affaires européennes des parlements nationaux des Etats membres de l'UE

7 juillet 2007
 
Processus de Barcelone: Union pour la Méditerranéenne

Introduction

• Mesdames et Messieurs membres des parlements nationaux des Etats membres de l'UE

• C'est pour moi un grand plaisir d'être aujourd'hui ici pour partager avec vous quelques idées sur le présent et surtout l'avenir des relations euro-méditerranéennes.

• A mes yeux, géographiquement depuis la maitrise de la navigation par les phéniciens, culturellement depuis l'expansion de la philosophie grecque et des religions monothéistes, et politiquement depuis la disparition de l'empire ottoman et des ambitions coloniales européennes, la Méditerranée fait partie de l'espace européen et l'espace européen fait partie de l'ensemble méditerranéen.

• Qu'elle les ait provoqués ou subis, la Méditerranée ne s'est jamais contentée de civilisations médiocres; elle ne s'est jamais accommodé, non plus, des politiques faibles ni de visions à court terme.

Contexte politique

• La situation politique dans la région est aujourd'hui moins sombre qu'il y a quelques mois : au Proche Orient, les événements récents ont ouvert une dynamique positive : le cessez le feu à Gaza, la reprise des négociations israélo-syriennes, l'Accord de Doha pour le Liban, la réactivation des négociations avec l'Iran sur le dossier nucléaire. Et le rôle et l'implication des puissances régionales dans l'obtention de ces résultats.

• D'un côté moins positif, le dernier attentat à Jérusalem et quelques réactions de la part de certains responsables israéliens sur la prise de représailles contre des innocents, ainsi que l'incertitude sur la réponse de l'Iran vis-à-vis de la proposition européenne nous rappellent que les difficultés persistent et qu'il faut rester vigilants et surtout actifs.

• Dans ce cadre, l'Union Européenne, aujourd'hui le plus grand bailleur des fonds dans la région, ne reste pas passif: elle est au centre d'importantes initiatives à caractère politique. Sans vouloir être exhaustive :

- Liban : Une mission d'experts électoraux est actuellement au pays pour étudier comment assister le gouvernement à prendre les mesures pratiques requises pour concrétiser les propositions de la Commission Boutros (basées sur les recommandations faites dans le rapport final de la mission d'observation électorale de l'UE en 2005) sur la reforme électorale, l'un des volets les plus importants de l'accord de Doha.

- Syrie : dans le contexte de la reprise des négociations avec Israël, et du rôle plus positif de la Syrie dans les négociations de Doha sur le Liban, l'Union Européenne a un instrument important pour motiver le gouvernement syrien à poursuivre des efforts de paix, il s'agit de la finalisation de l'Accord d'Association paraphé en 2004.

- Israël : nous avons donné notre accord de principe au rehaussement de nos relations et nous en discutons maintenant le contenu. Comme vous le savez, le lien entre le progrès dans ce dossier et le processus de paix au Moyen Orient reste clairement établi.

- Palestine : L'UE continue à être très active dans le quartet et elle est fortement impliquée dans la construction d'un état palestinien. Ce soir je vais me réunir avec les coprésidents de la Conférence des donateurs de Paris pour nous assurer du respect des compromis acquis lors de la Conférence.

- Libye : l'UE a ouvert un processus de négociation, la Commission est en train de demander au Conseil un mandat de négociation pour un accord de coopération.

- Maroc : nous étudions aussi la possibilité de donner un statut avancée à ce pays.

- Finalement, l'UE reste déterminante pour une sortie négociée de la crise avec Iran.

Défis

• Comme vous voyez les objectifs du sommet de Paris sont ambitieux. Pourquoi devons-nous

être ambitieux ?

• D'abord par la taille et l'importance des défis de la région :

• Pour commencer l'emploi : plus de 22 millions de nouveaux emplois devront être crées en 15 ans dans les pays partenaires. Une croissance économique de 6 ou 7% sera nécessaire pour y arriver et plus d'investissements, notamment européens, serons requis.

• Deuxièmement, l'environnement : la Méditerranée est une des régions les plus sensibles au changement climatique. Le Mare Nostrum est fragile, il faut le protéger et le préserver; davantage d'investissements serons nécessaires pour combler les déficits environnementaux de la région.

• Finalement la sécurité ou plutôt les menaces à la sécurité et la paix dans la région ; la nécessité pressante d'aborder le conflit au Moyen Orient, d'établir les bases d'un dialogue entre les parties pour une solution définitive, durable et juste d'un conflit qui empoisonne la région et empêche ou limite très fortement toute coopération politique et économique au Moyen Orient.

• Bien entendu, je n'oublie pas la nécessité d'aborder de façon franche et ouverte avec nos partenaires du sud la question du dialogue culturel. Je suis consciente de l'importance de ce sujet. Le fossé économique qui sépare le nord et le sud de la Méditerranée constitue aujourd'hui une grave préoccupation (un différentiel de 1 à 13 entre les revenus par habitant entre l'Espagne et le Maroc, par exemple, est une source de tensions migratoires et sociales). Mais le fossé culturel risque de devenir un enjeu majeur. Depuis la crise de caricatures nous savons que les différentes perceptions culturelles et les sensibilités religieuses peuvent être à l'origine de tensions politiques. Nous devons avancer dans la voie d'un dialogue culturel plus ambitieux et plus concret. La Fondation Anna Lindh à Alexandrie est la seule institution financée par tous les partenaires. Elle est appelée à jouer un rôle majeur dans la promotion de la compréhension mutuelle.

Le Sommet de Paris

• En 1995, quand le Processus de Barcelone a été lancé, l'Europe toute entière avait concentré une grande partie de ses énergies à la réunification du continent; puisqu'il s'agissait bien d'une réunification, d'une reconstruction historique et non pas d'un simple élargissement des institutions communautaires.

• Le sommet de Paris du 13 juillet prochain «Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée» reflète une volonté claire: forts de notre expérience de treize dernières années de coopération dans le cadre du Processus de Barcelone, nous voulons donner une nouvelle ambition à la Méditerranée.

• Il est évident que le Processus de Barcelone a un bilan nuancé. Les réalisations depuis 1995 sont remarquables, j'en parlerai après. Mais il y a aussi un niveau de frustration considérable et tout le monde est d'accord sur le fait qu'il nous faut, sur les bases solides du Processus de Barcelone, bâtir de nouvelles ambitions, nous fixer des nouveaux objectifs avec de nouveaux moyens pour y parvenir.

Le sommet de paris le 13 juillet a quatre objectifs concrets :

- Renforcer le niveau politique des relations de l'Union européenne avec ses partenaires méditerranéens ;

- Mieux partager la responsabilité de nos relations multilatérales avec eux ;

- Promouvoir des grands projets régionaux et sous-régionaux, utiles pour les citoyens de la région, qui rendront ces relations plus concrètes et plus visibles, et finalement,

- Impliquer pleinement le secteur privé.

• Renforcer le niveau de nos relations est essentiel. Les chefs d'Etat et de gouvernement se réuniront tous les deux ans. Il serait difficile de comprendre pourquoi nous avons des sommets réguliers avec nos partenaires importants à travers le monde sans avoir un forum de discussion entre chefs d'Etat et de gouvernement avec nos voisins et amis de la Méditerranée.

• Un meilleur partage des responsabilités est aussi essentiel. Trois propositions ont recueilli le soutien général des partenaires:

- la mise en place d'une coprésidence de l'Union pour la Méditerranée par un pays du Sud et un pays du Nord,

- la création d'un comité permanent conjoint basé à Bruxelles chargé de la gouvernance de notre coopération ; et

- la création d'un secrétariat voué à la promotion des projets.

• Au cœur de l'initiative il y a la nécessité de lancer des projets. Des projets visibles et proches des nécessités des citoyens.

• C'est la qualité des projets qui garantira le succès de l'initiative. Ce sont les projets concrets qui permettront aux citoyens de constater les résultats de l'action politique en Méditerranée.

Des projets qui auront un effet structurant pour la région et qui permettront d'intégrer les collectivités locales, les acteurs non étatiques, la société civile et les entreprises. L'Europe doit être un levier, les capitaux privés un relais.

• Pour le premier sommet, 6 projets sont proposés :

- la promotion des autoroutes de la mer ainsi que l'interconnexion de l'autoroute du nord de l'Afrique ;

- la promotion de l'énergie solaire avec un plan solaire pour la Méditerranée ;

- la dépollution de la Méditerranée avec l'horizon 2020 comme objectif,

- un projet de coopération dans le domaine de la protection civile,

- l'Université euro-méditerranéenne à Piran ; et

- l'initiative pour le développement des affaires dans la méditerranée, soutien aux petites et moyennes entreprises.

• Bien entendu, cette liste est ouverte. D'autres projets suivront. Le Sommet de Paris doit toutefois déjà lancer des initiatives.

Réalisations du Processus de Barcelone

• Mais il ne faudrait pas faire croire que le partenariat avec les pays Méditerranéens a été en panne depuis 1995. Les déficits de la région sont importants. Les insuffisances d'une coopération qui reste tributaire de la situation au Moyen Orient sont bien connues, mais les réalisations, notamment ces quatre dernières années, sont considérables :

• Comparé à 1995, les relations euro-méditerranéennes sont maintenant beaucoup plus solides, alors qu'avant 1995 elles étaient intermittentes et non-institutionnalisées :

o Un réseau d'accords d'association et de plans d'action dans le cadre de la politique européenne de voisinage est en place. L'objectif: créer une zone de libre échange et, plus important encore, promouvoir la convergence (politique et économique) entre les deux rives de la Méditerranée. C'est un effort de longue halène où il est important d'être constants et de persévérer dans nos politiques.

o L'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne a été établie en 2004 ; tous les accords d'association sauf un sont en vigueur ;

o la coopération sud-sud encore insuffisante, est plus forte que jamais ;

o la Fondation Anna Lindh, crée en 2005, est opérationnelle grâce à une importante contribution financière de la Commission ;

o et la plateforme euromed de la société civile basée à Paris, travaille au rapprochement des citoyens et des ONG.

• Depuis 1995 les pays partenaires, grâce en partie à leur ancrage avec l'UE, ont réussit la stabilité macro-économique avec une inflation qui était en moyenne à 12% et qui l'année passée était à 3% ; avec des investissements qui sont passé de 10 milliards d'euros en 2000 à 40 milliards d'euros en 2006.

• Mais parlons de coopération concrète. Grâce à la coopération euromed nous avons des cadres de coopération dans tous les domaines stratégiques comme les transports, l'énergie, l'industrie avec la charte euromed pour les PME, l'environnement, l'eau, avec un réseau des autorités dans la gestion de l'eau couvrant tous les pays euromed ; dans la recherche économique, avec le réseau euromed piloté depuis Marseille par l'Institut de la Méditerranée qui constitue un centre d'excellence pour tous les pays autour de la Méditerranée ; sans oublier les investissements où hier, aussi à Marseille, on a lancé le nouveau programme Med-Invest avec une contribution de la Commission européenne de 9 millions d'euros sur un total de 12 millions, pour promouvoir les investissements dans la région, les rencontres entre les entreprises, et la modernisation de la législation économique.

• En 2007 la Commission a engagé plus de 1.250 millions d'euros avec un taux de payement de 94%. Entre 2000 et 2007 plus de 7 milliards ont été investis par la Commission européenne. Ces quantités sont largement comparables aux montants d'aide accordée aux nouveaux Etats membres dans les années 90 avant leur adhésion. En plus, la Banque Européenne d'investissement, par le biais de la FEMIP, investi près de 2 milliards d'euros par an dans les pays de la région.

Prochaines étapes

• Les partenaires euro-méditerranéens sont en train de discuter les conclusions du sommet de Paris. Les discussions sont bien avancées et je suis sûre qu'on réussira à parvenir à un accord avec tous les partenaires portant sur des conclusions ambitieuses sur l'avenir de notre partenariat.

• Les pays arabes ont déjà exprimé leur point de vue. Ils appuient les propositions de la Commission. Appuient l'idée d'une coprésidence, la création d'un secrétariat et d'un comité conjoint.

• Il faut aussi intégrer pleinement la Turquie, l'Albanie et les autres partenaires non-arabes de l'initiative et tenir compte de leurs préoccupations et priorités. Pour la Turquie notamment, il est important de souligner son statut de pays candidat.

• Cette réunion ministérielle devra, en outre, se prononcer positivement sur l'adhésion des nouveaux pays candidats (Monténégro, Croatie, Bosnie et Monaco).

Conclusion

• Je suis sûre que le sommet de Paris le 13 juillet prochain sera un succès. Il y a la volonté politique de tous les pays. Il y a l'ambition politique de faire plus et de faire mieux. Il y a une vision réaliste et pragmatique de ce que peut être accompli.

• Le Président Barroso et moi-même ferons tout le nécessaire pour que le sommet soit un succès et pour que l'Europe participe pleinement dans cette nouvelle ambition.

• Après cet à tous et a toutes de travailler pour que cette nouvel étape de nos relations euro- méditerranéennes soit un succès.

• J'aimerais finir avec une phrase d'Ali Ibn Abi Talib, quatrième calife de l'Islam, que je trouve très inspiratrice dans nos relations euro-méditerranéennes :

« Il n'y a pas une plus grande richesse que la sagesse, une plus grande pauvreté que l'ignorance; un plus grand héritage que la culture et un plus grand appui que la consultation.".

MERCI