Document

mis en distribution

le 1er juin 1999

   

N° 1646

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 mai 1999

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur les propositions de directives relatives aux chemins de fer communautaires» (COM [98] 480 final / n° E 1163) ;

(Renvoyée à la commission de la production et des échanges, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement)

PRÉSENTÉE,

en application de l'article 151-1 du Règlement,

par M. Didier BOULAUD

Rapporteur de la Délégation

pour l'Union européenne,

Député.

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Voir le numéro : 1645.

Transports ferroviaires.

EXPOSE DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

A intervalles réguliers, on redécouvre les atouts du rail. Ainsi, il y a une vingtaine d'années, le rapport Guillaumat concluait que le choc pétrolier devait donner des raisons de croire à un avenir meilleur pour les chemins de fer.

Aujourd'hui, c'est la Commission européenne qui propose de revitaliser le rail au moyen des trois propositions de directives dont nous sommes saisis, encore appelées « paquet infrastructure ».

Toutefois, la Commission postule que la revitalisation du rail passe par le renforcement du processus de libéralisation instauré par la directive 91/440/CEE relative au développement des chemins de fer communautaires. L'article 10 de cette directive a ainsi ouvert une brèche dans le monopole en reconnaissant des droits d'accès et de transit aux regroupements d'entreprises ferroviaires effectuant des services de transports internationaux ou exploitant des services de transport combinés internationaux de marchandises.

La Commission considère que ce cadre juridique ne permet pas réellement de favoriser l'apparition de nouveaux entrants, bien que certains Etats aient décidé d'aller au-delà des termes de la directive 91/440 et d'ouvrir leur transport régional à la concurrence. Elle n'a cessé d'affirmer que seul un dispositif qui ouvrirait totalement les entreprises ferroviaires à la concurrence serait de nature à entamer la domination des « opérateurs historiques » et à permettre au rail de reconquérir durablement des parts de marché. En d'autres termes, il importerait de déréglementer le rail, à l'exemple des transports routier, aérien et maritime et des autres industries de réseaux, comme les télécommunications et l'énergie.

Dans cette perspective, la Commission propose des mesures qui ont pour effet de bouleverser l'organisation actuelle des entreprises ferroviaires. C'est ainsi que les « candidats autorisés » - qui pourraient être, outre les entreprises ferroviaires, des chargeurs ou des collectivités territoriales - se verraient accorder des droits d'accès à l'infrastructure. De même, divers organes indépendants des entreprises ferroviaires seraient institués et dotés de compétence en matière de sécurité, d'octroi de licences et de répartition des infrastructures.

Or, plusieurs Etats membres ont à peine achevé la transposition de la directive 91/440 et toutes les entreprises ferroviaires sont confrontées à des difficultés découlant de la fragilité de leur équilibre financier. De surcroît, la Commission a présenté le « paquet infrastructures » sans qu'aucun bilan précis de la réglementation en vigueur n'ait été dressé. On peut également regretter que la Commission ait invoqué un postulat qui ne repose sur aucune expérience susceptible de confirmer la pertinence de l'introduction de la concurrence dans le transport ferroviaire.

Il en résulte que sa réforme risque, sur la base d'une simple hypothèse, d'interdire à un groupe d'Etats membres, dont la France, de poursuivre les expériences de coopération dans lesquelles ils sont engagés dans le cadre de la directive 91/440 et qui tendent à montrer que l'avenir du rail peut se construire autour de l'idée de service public.

Telles sont les raisons pour lesquelles la Délégation a conclu son rapport d'information (n° 1645), par le dépôt de la proposition de résolution suivante.

PROPOSITION DE RESOLUTION

Article unique

L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu les textes intitulés : « proposition de directive du Conseil modifiant la directive 91/440/CEE relative au développement des chemins de fer communautaires ; proposition de directive du Conseil modifiant la directive 95/18 CE concernant les licences des entreprises ferroviaires ; proposition de directive du Conseil concernant la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire, la tarifification de l'infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité ; document de travail de la Commission : commentaire des différents articles de la proposition de directive concernant la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire, la tarification de l'infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité » (COM[98] 480 final / n° E 1163) ;

Considérant que ces propositions de directives visent, selon la Commission européenne à revitaliser le transport ferroviaire et à porter remède à la dégradation continue de ses parts de marché dans le transport de marchandises ;

Considérant qu'un tel objectif répond au souci unanime d'établir un meilleur équilibre entre les transports routier et ferroviaire pour des raisons d'ordre écologique, économique et social ;

Considérant toutefois que la Commission européenne postule que la revitalisation des chemins de fer passe par l'introduction de la concurrence entre les entreprises ferroviaires et l'arrivée de nouveaux entrants ; qu'à cette fin, elle propose, d'une part d'accorder des droits d'accès à l'infrastructure aux candidats autorisés mentionnés à l'article 19 de la proposition de directive susvisée concernant la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité, et, d'autre part, d'instituer divers organes indépendants des entreprises ferroviaires, en matière de sécurité, d'octroi de licences et de répartition des infrastructures ;

Considérant que la politique ferroviaire de l'Union européenne ne saurait se limiter à ce seul objectif de concurrence, mais qu'elle doit inclure une politique à moyen terme d'investissements, de création ou de modernisation de nouveaux réseaux ; qu'au surplus, une réforme aussi vaste que celle proposée par la Commission intervient dans la précipitation, alors que plusieurs Etats membres ont à peine achevé la transposition de la directive 91/440/CEE relative au développement des chemins de fer communautaires ; qu'elle aurait pour effet de déstabiliser les entreprises ferroviaires, alors que la quasi-totalité d'entre elles sont confrontées aux difficultés découlant de la fragilité de leur équilibre financier ; qu'aucun bilan de cette transposition n'a été dressé ;

Considérant, par ailleurs, que la politique ferroviaire de l'Union européenne ne saurait être valablement discutée en dehors d'une approche intermodale rail-route ;

Considérant qu'elle doit également prendre en considération les obligations de service public auxquelles il incombe aux Etats membres de satisfaire, conformément aux dispositions de l'article 16 du Traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant, enfin, que le postulat invoqué par la Commission ne repose sur la base d'aucune expérience, au plan international, qui soit susceptible de confirmer la pertinence de l'introduction de la concurrence dans le transport ferroviaire ; que, dès lors, les propositions de directives susvisées risquent, sur la base d'une simple hypothèse, d'interdire à un groupe d'Etats membres de poursuivre les expériences de coopération dans lesquelles ils sont engagés dans le cadre de la directive 91/440/CEE relative au développement des chemins de fer communautaires ;

1. Estime nécessaire de rejeter les propositions de directives susvisées en l'état actuel de leur contenu ;

2. Demande aux autorités françaises d'obtenir du Conseil de l'Union européenne que la Commission soit invitée à présenter de nouvelles propositions qui prennent en compte, au plan communautaire, les expériences nationales et celles visant au développement de la coopération entre les Etats membres ; qui prévoient la reconduction, pour une période de cinq ans au moins, des dispositions de la directive 91/440 relative au développement des chemins de fer communautaires ; qui impartissent à la Commission d'établir, à l'issue de cette période, un bilan précis, afin qu'une réglementation communautaire soit élaborée en vue de promouvoir le développement durable des chemins de fer ;

3. Considère qu'il est urgent pour les Etats membres de développer une politique commune en vue de mettre en place de véritables réseaux transeuropéens de voyageurs et de transports de marchandises intégrant des objectifs d'aménagement du territoire et de service public ;

4. Estime urgent d'émettre un emprunt communautaire destiné au financement des réseaux transeuropéens de transports de voyageurs et de marchandises ;

5. Estime nécessaire : de s'attacher à régler, sans délai, l'interopérabilité des réseaux et de mettre en _uvre une harmonisation positive des conditions de travail, de formation et de sécurité entre les entreprises ferroviaires mais aussi entre les différents modes de transport ; d'engager une réflexion destinée à promouvoir la multimodalité ;

6. Estime impérieux que la S.N.C.F. et R.F.F. mettent tous les moyens en _uvre pour valoriser pleinement le potentiel technique et humain de grande valeur dont ils disposent, afin de pouvoir répondre de manière dynamique et efficace aux défis auxquels les entreprises ferroviaires sont confrontées, dans le cadre du développement nécessaire de réseaux transeuropéens de transports de voyageurs et de marchandises.

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