Document

mis en distribution

le 12 octobre 1999

   

N° 1839

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 octobre 1999

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la proposition de règlement du Conseil relatif à
la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions
en matière matrimoniale et de responsabilité parentale
des enfants communs (E 1270)

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement)

PRÉSENTÉE,

en application de l'article 151-1 du Règlement,

par M. Alain BARRAU

Rapporteur de la Délégation

pour l'Union européenne,

Député.

________________________________________________________________Voir le numéro : 1838

Famille.

EXPOSE DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La construction européenne, performante dans le domaine économique, n'a guère progressé dans le domaine judiciaire. Les Etats membres de l'Union européenne hésitent à exercer en commun une partie des pouvoirs sur lesquels ils ont forgé leur identité juridique. La communautarisation du droit et, à un moindre degré, la coopération judiciaire se heurtent, pour une large part, à des traditions et à des systèmes juridiques très différents.

Les frontières qui ont été supprimées pour les biens, les marchandises et les capitaux subsistent pour les décisions de justice, les magistrats et les policiers. En matière matrimoniale et familiale, des décisions contradictoires peuvent être rendues dans une même affaire par les juridictions de deux Etats membres. Quant à la criminalité organisée, elle sait tirer profit des structures juridiques traditionnelles. Face à ces défis, la prise de conscience de la nécessité de réaliser un espace judiciaire européen s'est faite de plus en plus vive. Elle a été solennellement affirmée par l'article 2 du traité sur l'Union européenne modifié par le traité d'Amsterdam. Parmi les missions que cet article attribue à l'Union européenne, son développement en tant qu'espace de liberté, de sécurité et de justice figure désormais en bonne place. Ces trois notions forment un triptyque dont la cohérence a été particulièrement mise en exergue par le plan d'action de Vienne du 3 décembre 1998 : « La liberté perd une grande partie de son sens si on ne peut la vivre dans un environnement sûr, fondé sur un système judiciaire auquel tous les citoyens et résidents de l'Union européenne peuvent faire confiance. Ces trois concepts, indissociables, ont un dénominateur commun, les personnes, et la pleine réalisation de l'un suppose celle des deux autres. »

En communautarisant la coopération judiciaire civile et en rénovant la coopération judiciaire pénale, le traité d'Amsterdam a infléchi la logique intergouvernementale qui avait prévalu jusqu'ici en matière judiciaire. L'accroissement du rôle de la Commission, la possibilité de recourir à des décisions-cadres que l'on peut être tenté de qualifier de « directives du troisième pilier », l'assouplissement des conditions d'entrée en vigueur des conventions, sont autant de manifestations de cette volonté de renforcement de la coopération judiciaire pénale dans le cadre du troisième pilier.

On peut prêter à cet espace judiciaire deux objectifs : d'une part, aboutir à une plus grande cohésion du droit et des procédures des Etats membres et, d'autre part, conférer une légitimité démocratique à cette construction. Si le traité d'Amsterdam aspire en effet au maintien et au développement d'un espace de justice, c'est par référence aux principes communs aux Etats membres que sont la liberté, la démocratie, le respect des droits de l'homme, des libertés fondamentales et de l'Etat de droit.

Dans ce contexte, la proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniales et de responsabilité parentale des enfants communs (document E 1270) a valeur d'exemple. Tout en constituant en effet la première traduction de la communautarisation de la coopération judiciaire civile, elle fournit l'occasion de se pencher sur les acquis de cet espace judiciaire et de tracer des perspectives au regard des avancées du traité d'Amsterdam. Ce moment apparaît d'autant plus opportun que le Conseil européen extraordinaire de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, consacré exclusivement à l'espace de liberté, de sécurité et de justice de l'Union européenne, doit donner une nouvelle impulsion à la construction de cet espace.

Telles sont les raisons pour lesquelles la Délégation vous demande, en conclusion de son rapport d'information (n° 1838), d'adopter la proposition de résolution suivante :

PROPOSITION DE RESOLUTION

Article unique

L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu l'article 65 c) du Traité instituant la Communauté européenne modifié par le Traité d'Amsterdam,

- Vu la proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale des enfants communs [COM (99) 220 final / document E 1270],

Considérant que cette proposition de règlement, qui reprend pour l'essentiel les stipulations de la convention adoptée par le Conseil le 28 mai 1998 concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale constitue une étape fondamentale dans la construction progressive d'un espace judiciaire européen au bénéfice des citoyens européens ;

Considérant qu'elle reconnaît une compétence aux autorités judiciaires pour trancher les conflits matrimoniaux et assure la reconnaissance et l'exécution d'une décision d'un Etat membre dans tous les autres Etats membres selon des procédures simplifiées ;

Considérant qu'elle a vocation à s'appliquer à toutes les procédures civiles relatives au divorce, à la séparation de corps ou à l'annulation du mariage des époux ainsi qu'aux procédures civiles relatives à la responsabilité parentale à l'égard des enfants communs des époux au moment de l'action matrimoniale ;

Considérant que si elle constitue une première pierre dans la voie de la communautarisation de la coopération judiciaire civile, prévue par le traité d'Amsterdam, celle-ci doit faire l'objet d'un programme d'action conforme aux stipulations de l'article 65 du traité instituant la Communauté européenne ainsi que l'a décidé le Conseil européen de Vienne le 3 décembre 1998 ;

Considérant que l'accès à la justice et les droits à réparation des victimes constituent une dimension essentielle de la coopération judiciaire civile ;

Considérant que la reconnaissance mutuelle des décisions en matière civile et commerciale doit permettre également d'améliorer de façon décisive cette coopération ;

Considérant que l'unité de l'espace judiciaire européen montre que les problèmes de coopération judiciaire civile ne peuvent être traités séparément des questions de coopération judiciaire pénale ;

Considérant qu'à ce titre, les jugements en matière pénale se heurtent également à des difficultés d'exécution, les décisions prises par les autorités judiciaires nationales n'étant pas reconnues de plein droit dans les autres Etats membres ;

Considérant que la coopération entre les services répressifs et les juges des Etats membres de l'Union européenne doit être renforcée ;

Considérant que l'Union européenne doit adopter des instruments permettant le rapprochement des législations des Etats membres, en ce qui concerne les éléments constitutifs de la criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue ainsi que les sanctions qui leurs sont applicables ;

Considérant que la nécessité de l'instauration d'un contrôle judiciaire sur Europol ne manquera pas de se poser à terme ;

Considérant que l'Union européenne doit s'attacher à conforter et à donner toute sa légitimité à l'espace judiciaire européen en adoptant une Charte des droits fondamentaux ;

I - Sur la coopération judiciaire civile :

1. Souhaite que l'Union européenne s'attache à définir une stratégie propre à garantir aux citoyens européens une plus grande sécurité juridique ;

2. Estime que la réalisation de cet objectif implique : un accès plus simple à la justice ; une identification de la juridiction compétente et du droit applicable ; la résolution des conflits de lois sur la compétence judiciaire ; la reconnaissance et l'exécution automatique des jugements, sur les modèles de la convention révisée de Bruxelles et de Lugano et de la convention de Bruxelles II ;

3. Demande l'achèvement des procédures de ratification des conventions signées, lorsque l'entrée en vigueur d'un règlement reprenant le contenu d'une convention apparaît trop lointaine ;

4. Souhaite que l'Union européenne s'attache à harmoniser les normes de procédure civile applicables par les Etats membres ;

5. Souligne la nécessité de mieux protéger les victimes, en leur garantissant un droit effectif à réparation, l'indemnisation de leurs préjudices étant aujourd'hui inégale d'un Etat à l'autre.

II - Sur la coopération judiciaire pénale :

1. Souhaite la ratification des conventions de coopération judiciaire pénale en instance par tous les Etats membres de l'Union européenne ;

2. Soutient le renforcement de la coopération entre les services répressifs et les juges des Etats européens ;

3. Insiste sur l'urgence que revêt la signature du projet de convention d'entraide judiciaire en matière pénale ;

4. Souhaite que le Conseil européen de Tampere mette tout en _uvre pour instaurer des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les domaines de la criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue, conformément à l'article 31 e) du traité sur l'Union européenne ;

5. Souhaite que ce Conseil européen fixe également comme priorité l'élaboration d'un droit pénal européen pour les infractions nouvelles à caractère transnational comme la contrefaçon de l'euro ou l'utilisation répréhensible de l'Internet ;

6. Fait valoir que si Europol doit devenir un outil opérationnel d'enquête comme le prévoit l'article 30 du traité sur l'Union européenne, il apparaît nécessaire de soumettre à terme cet organe à un contrepoids judiciaire et politique ;

7. Souhaite la poursuite de l'harmonisation de la procédure pénale applicable dans les Etats membres de l'Union européenne.

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