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CHAMBRE DES DÉPUTÉS

Compte rendu de la séance du vendredi 14 février 1879

Extraits

Présidence de M. Léon Gambetta

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion sur la prise en considération de la proposition de loi de M. Talandier et plusieurs de ses collègues, ayant pour objet de faire reconnaître à La Marseillaise, conformément au décret du 26 messidor an III (14 juillet 1795), son caractère de chant national français.

M. Barodet. Messieurs, quand M. Talandier, quelques-uns de nos amis et moi, avons déposé la proposition de loi tendant à faire reconnaître à La Marseillaise le caractère de chant national, nous avions plusieurs ministres et un Président de la République qui paraissaient avoir horreur de ce chant sublime dont Lamartine a dit qu'il est gravé dans l'âme de la France.

On interdisait La Marseillaise aux citoyens, on l'interdisait aux musiques militaires, on l'interdisait dans les cérémonies officielles, aussi bien en France qu'à l'étranger, et nous nous rappelons tous qu'au Palais de l'Industrie, à la distribution solennelle des récompenses aux exposants, on a préféré nous faire entendre du plaint-chant et des cantiques.

Aujourd'hui, Messieurs, les temps sont bien changés ; nous avons deux chambres républicaines, des ministres républicains, un Président de la République républicain. Nous avons donc lieu de croire que La Marseillaise a désormais conquis sa pleine liberté, et que le décret du 26 messidor an III, qui attribue à La Marseillaise le caractère de chant national, recevra son entière exécution.

Si donc, Messieurs, le ministère, notamment M. le ministre de la guerre, veut bien nous en donner l'assurance à la tribune, nous retirerons notre proposition.

M. le général Gresley, ministre de la guerre. Messieurs, il ne peut entrer dans ma pensée, comme ministre de la guerre, de m'opposer à l'exécution d'un décret. J'appliquerai donc le décret du 26 messidor an III dans toutes les circonstances où il y aura lieu de l'appliquer. (Applaudissements prolongés à gauche et au centre.- Murmures à droite)

[...]

M. de La Rochefoucauld, duc de Bisaccia. Nos pères ont été guillotinés à ce chant-là.

M. Barodet. Nous n'avons guillotiné personne.

M. Louis Le Provost de Launay. On a fait la Commune avec ce chant-là.

M. Barodet. On a sauvé la patrie avec ce chant-là.

M. le président, après quelques observations, conclut en demandant à la Chambre de cesser des interpellations qui sont « un véritable anachronisme dans les deux sens » (Approbation sur un grand nombre de bancs).

M. de Tillancourt. L'empire a fait chanter La Marseillaise par les troupes en 1870.

M. Louis Le Provost de Launay. On refera la Commune au chant de La Marseillaise !

M. Jules Ferry, ministre de l'instruction publique et des beaux-arts. Nous sommes là pour lutter contre elle et contre vous !

M. Louis Le Provost de Launay. Vous inviterez les souverains à venir à Paris entendre La Marseillaise !