Présentation du budget des affaires culturelles

5 novembre 1960

Monsieur le président, mesdames, messieurs, quelle journée étrange que celle d'un vote de budget et comme il est étonnant que nous semblions nous opposer depuis près de quatre heures !

Presque tous ceux qui sont intervenus - ceux que l'on appelait jadis les interpellateurs - ont parlé au nom des théâtres lyriques de province.

Mesdames, messieurs, lorsque la question s'est posée l'an dernier, mon budget était voté. J'ai déclaré que vous pouviez compter sur moi et que ce qui serait possible serait fait.

Ce qui a été réalisé, on n'en avait jamais tenté l'équivalent !

Et pourtant, comme vos obstacles restent grands, comme chacun de ceux qui ont exposé leurs difficultés avait raison, et comme nous avancerons pas à pas sur ce chemin malaisé ou toujours si peu sera fait à la fois ! Alors, si vous le voulez bien, essayons de parcourir ce chemin ensemble.

Je dispose relativement de peu de temps, même en ayant beaucoup plus de dix minutes. Je vais donc essayer de m'en tenir à l'essentiel. Je répondrai directement, et non de la tribune, à quelques questions qui ne recoupent pas directement le budget ou dont la réponse serait trop longue. Je répondrai essentiellement sur l'axe de mes travaux et sur les questions subordonnées ou épisodiques, néanmoins principales, et avant tout sur celles que j'appellerai les questions de fond.

Je répondrai d'abord aux questions qui m'ont été posées en commençant, si vous le voulez bien, par le domaine traditionnel des affaires culturelles et en envisageant ensuite ce qui appartient au cinéma.

Je commence par l'exposé de M. le rapporteur spécial.

Je remercie tout particulièrement M. Taittinger du travail très attentif qu'il a accompli. Je sais qu'il n'est pas toujours facile pour un rapporteur des finances de voir de près un budget aussi complexe que celui-là à tant d'égards et en tant d'occasions.

Je remercie aussi la commission des finances.

Ce rapport exprime plusieurs souhaits. A l'exception d'un très petit nombre d'entre eux - que j'écarte, uniquement pour des raisons techniques et dont j'entretiendrai M. le rapporteur spécial - ces souhaits, je les fais miens.

Je ne reprendrai donc ici que ceux auxquels j'attache, moi aussi, une importance particulière, d'abord celui qui se rapporte aux monuments historiques.

Les crédits d'entretien aussi bien que les crédits d'équipement affectés à la remise en état des monuments historiques ont toujours été insuffisants pour faire face aux obligations de sauvegarde du patrimoine national et historique qui incombent à l'État. Compte tenu du caractère dramatique de gravité que présente désormais le problème de la sauvegarde des monuments historiques, celui-ci ne pouvait recevoir une solution satisfaisante que dans le cadre d'un plan établi pour plusieurs années.

Conformément aux engagements souscrits l'an dernier devant votre assemblée, le principe d'une section d'équipement culturel fonctionnant dans le cadre du commissariat général au plan d'équipement national a été retenu et la partie du plan élaborée par cette commission figurera au quatrième plan intérimaire.

Cependant les travaux de restauration et de sécurité de certains monuments essentiels ne peuvent être retardés plus longtemps sans conséquences graves. Il est du devoir du Parlement et du Gouvernement de prendre conscience de la nécessité d'une action immédiate.

Le Gouvernement a donc décidé de saisir le Parlement d'un projet de loi de programme se développant sur cinq années, celui qui vous a été exposé tout à l'heure, concernant les palais de Versailles et de Fontainebleau, l'hôtel des Invalides, les châteaux de Vincennes et de Chambord et la cathédrale de Reims.

En outre, l'évacuation par le ministère des finances du pavillon de Flore devrait permettre d'entreprendre, dès 1561, le programme d'équipement des nouveaux travaux du musée du Louvre.

Je sais, monsieur Palewski, que beaucoup de petits monuments devraient eux aussi être protégés. Je le souhaite comme vous. Disons-nous cependant que si nous pouvons obtenir - et je le crois - du Parlement l'aide sur les grands monuments, je pense qu'il sera plus facile ensuite d'obtenir par diverses voies une aide au moins partielle pour un certain nombre de petits monuments qui appartiendraient à ce projet de zone dont vous avez entendu parler, qui n'est pas encore complètement mûr, mais qui le sera avant peu de temps.

Par ailleurs, un projet de décret prévoit que par extension des dispositions de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, le ministre des affaires culturelles pourrait, par arrêté, inscrire sur un inventaire supplémentaire les immeubles ou parties d'immeubles qui, sans justifier d'une demande de classement immédiat, présentent un intérêt d'histoire, d'art ou d'archéologie pouvant en rendre désirable la préservation.

Vous savez que depuis longtemps un certain nombre de parlementaires souhaitaient ce texte.

J'en viens au problème malheureusement assez complexe - plusieurs d'entre vous s'y sont intéressés et je comprends bien pourquoi - de la retraite des écrivains.

A la suite de l'Intervention de M. Taittinger, faite ici même le 17 novembre en faveur de l'instauration d'un régime de retraites pour les vieux écrivains, j'ai fait demander à la caisse nationale des lettres une étude préliminaire de ce régime, après avis, comme il le sait, de la société des gens de lettres.

Cette étude a abouti à l'inscription d'une ligne budgétaire nouvelle sur l'avant-projet de budget de mon département. J'avais alors demandé l'inscription de 534 600 nouveaux francs pour un régime de retraite s'appliquant à cent cinquante écrivains.

L'étude des modalités d'application de ce régime a toutefois soulevé des problèmes tels qu'il m'est apparu difficile de maintenir cette inscription lors des discussions budgétaires internes, au sein du Gouvernement.

L'an passé déjà, je répondais ici à M. Taittinger : « Il est extrêmement difficile, non pas de savoir qui est écrivain, car la gloire y suffit parfois, mais de savoir qui n'en est pas un ».

C'est bien là, en effet, que réside la difficulté.

Qui est écrivain ? Les critères adoptés pour l'application du régime de sécurité sociale permettent de répondre : celui dont 51 p. 100 des revenus proviennent des droits d'auteur. Il est impossible de trouver une autre base comptable que celle-là.

Mais qui niera que, dans ce domaine, les chiffres conduisent à l'absurde ? Cent cinquante écrivains seulement répondent à cette définition, dont quatre sur cinq sont des auteurs de romans policiers ou d'ouvrages de vulgarisation.

Par ailleurs n'est pas résolu ainsi le problème d'écrivains véritables qui, pour vivre, doivent exercer un second métier, et vous savez s'ils sont nombreux.

Dans son caractère automatique, le régime d'une caisse de retraites, passant nécessairement par les définitions déjà adoptées pour celui de la sécurité sociale, ne semble pas résoudre le vrai problème, celui de venir en aide aux écrivains véritablement dans la gêne et dont la notoriété et le talent sont incontestables.

Mais cela implique l'intervention d'un critère de qualité, donc d'éléments subjectifs extrêmement difficiles à cerner dans les définitions administratives. C'est pourquoi je suis après examen, et avec regret, favorable davantage à un régime plus souple tel que celui qu'applique actuellement la caisse nationale des lettres lorsqu'elle distribue des secours en toute connaissance de cause et en veillant bien à venir en aide aux écrivains dont l'État a à se préoccuper.

L'extension des crédits de secours de la caisse nationale des lettres pourrait constituer une solution heureuse et efficace au problème qui préoccupe l'Assemblée, celui de la situation des vieux écrivains.

Mesdames, messieurs, cette solution n'est pas excellente mais je n'en connais pas d'autre.

J'en viens au rapport des rapporteurs pour avis. J'écarte le domaine des archives au sujet desquelles aucune critique importante n'a été formulée et je passe au rapport de M. le rapporteur Vayron. Sa première partie est extrêmement technique et je répondrai moi-même sur le plan technique.

M. le rapporteur spécial a présenté sur le budget de fonctionnement diverses observations. Il estime, d'une part, que les effectifs des personnels destinés à l'administration centrale sont augmentés dans une proportion très importante. Je ferai observer que l'effectif actuel est de 377 agents et qu'il est envisagé, par de nouvelles créations d'emploi, de le porter à 398, proportion relativement modeste.

Cet accroissement est justifié surtout par les besoins de l'administration générale qui dispose actuellement de 42 emplois destinés au fonctionnement du bureau du cabinet et du service de l'administration générale. Si l'on observe que sur ces emplois 17 sont absorbés par le service de la comptabilité, service qui aura d'ailleurs émis, au cours de l'année 1960, près de 20 000 ordonnances de paiement, on mesure les effectifs squelettiques dont disposent les organes administratifs et financiers de mon département.

A titre indicatif, je me dois de faire observer que le service social ne comporte actuellement que 4 personnes, que le bureau du budget n'est constitué que de 3 éléments, que l'ensemble des affaires contentieuses n'est suivi que par un seul fonctionnaire. Ce sont ces raisons qui m'ont incité à solliciter 21 créations d'emploi qui permettront un fonctionnement plus rationnel d'une administration assez chichement dotée au départ.

M. Vayron note, d'autre part, qu'il est envisagé de créer un poste de directeur chargé de réaliser une certaine coordination sans être accroché à des problèmes techniques spécifiques. Je tiens à rassurer tout de suite le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles en lui précisant que le directeur dont il est question n'est autre que celui de l'administration générale à qui incombe la responsabilité de sept bureaux : personnel, affaires sociales, législation, contentieux, matériel, budget et comptabilité. La coordination qu'il pourra être appelé à effectuer ne se situe que sur le plan purement technique en correspondance avec ses attributions. S'il devait faire quelque chose de plus, je me demande vraiment comment il ferait !

Le poste est actuellement tenu par un chef de service et il m'a paru souhaitable, comme cela existe dans tous les autres ministères, qu'il soit confié à un directeur d'administration centrale.

En ce qui concerne les dépenses de matériel, l'augmentation des crédits est assurément très importante puisqu'elle a plus que doublé, mais j'observe que les dotations prévues au budget de 1960 étaient telles que l'Assemblée a été conduite, à l'occasion de l'examen de la loi de finances rectificative adoptée en juillet dernier, à modifier les chiffres prévus au budget primitif.

De même - il convient de vous en informer dès maintenant - le collectif budgétaire de fin d'année, dont vous serez prochainement saisis, complétera la dotation du chapitre relatif au remboursement de frais.

En effet, le crédit prévu pour payer le ministère des postes et télécommunications n'est actuellement que de 350 000 nouveaux francs, alors que la facture reçue au titre de l'un des trimestres s'élève déjà à plus de 345 000 nouveaux francs.

C'est dire que les moyens en matériel dont je dispose ont été primitivement établis sur des bases qui se sont rapidement révélées erronées et dont il convient d'assurer maintenant l'ajustement.

D'autre part - ceci n'est plus technique - la commission des affaires culturelles s'étonne de voir disparaître le musée de la France d'outre-mer.

Je vous rassure immédiatement. Ce musée n'est point supprimé et il ne le sera pas. Il deviendra le grand musée des arts africains et, peut-être, l'un des grands musées africains d'Europe

Cependant, les crédits destinés à son fonctionnement ne doivent plus figurer à une rubrique spéciale, mais être intégrés dans ceux qui figurent au chapitre des musées de France. Il est, en somme, rattaché aux musées de France.

J'aborde maintenant quelques points de détail.

En ce qui concerne les maisons de la culture, je vous précise que la circulaire de base ainsi que les projets de statuts seront adressés dans dix jours à tous les préfets. Ce n'est qu'au mois de septembre 1960 qu'a pu paraître l'arrêté pris conjointement avec le ministère des finances fixant le taux des subventions à accorder.

Enfin - vous le savez, puisque vos rapporteurs l'ont établi - six grandes maisons de la culture sont actuellement en préparation en France métropolitaine, auxquelles s'ajoute le projet de création d'une maison de la culture à Fort-Lamy, au Tchad.

M. le rapporteur et d'autres orateurs ont également évoqué le problème des écoles de musique.

Je suis aussi persuadé que vous, mesdames, messieurs, de leurs difficultés. C'est la seule impossibilité de dépasser certaines masses budgétaires qui m'a empêché d'augmenter les crédits qui leur sont destinés. Il reste bien entendu que mon souci est d'accroître les sommes réservées aux écoles de musique et de transformer profondément leurs conditions matérielles. Essayons de le faire ensemble. Même de cette façon ce sera très difficile.

Vous savez quelle masse budgétaire est en cause. Ou bien nous envisageons de sauver - c'est ce que nous ferons - quelques écoles sur le plan national, ou bien nous envisageons une opération très étendue.

Je passe maintenant au rapport de M. Lebas, rapport qui n'est pas exempt de critiques - mais quand le théâtre a-t-il échappé à la critique ?

Ce domaine, vous le savez, mesdames, messieurs, a toujours été entouré d'une certaine agitation.

Nous pouvons en oublier ici jusqu'aux échos puisque M. le rapporteur a précisé la position de la commission des affaires culturelles en cinq points auxquels je répondrai successivement en allant, si vous le voulez bien, du particulier au plus général.

Permettez-moi de relever d'abord un passage dudit rapport. Vous avez fait allusion, monsieur le rapporteur, à la désignation d'un fonctionnaire de mon ministère « chargé d'une liaison autoritaire » pour l'ensemble des théâtres nationaux.

Si vous entendez par là que je désire doter la direction des théâtres - qui existe depuis 1945 et a vu son personnel se réduire d'année en année - de hauts fonctionnaires et d'agents nouveaux, vous avez raison.

J'ajoute qu'il n'est pas mauvais qu'il y ait des conseillers à la Cour des comptes pour contrôler les comptes.

Si le journal que vous avez cité fait allusion à une action d'ordre politique, il se trompe. En effet, pour ce qui est de l'autorité politique, ne croyez-vous pas, monsieur le rapporteur, que si je devais, dans les théâtres de France, n'être entouré que de gens qui partagent mes opinions politiques, il y a bon nombre de directeurs qui n'y figureraient pas ?

Revenons aux conclusions du rapport.

La première demande m'engage à instituer une procédure et un contrôle sérieux des subventions aux théâtres parisiens, aux troupes privées et aux auteurs débutants.

Tout cela, mesdames, messieurs, il n'y a pas lieu de l'instituer parce que cela existe déjà en droit depuis un décret de 1947.

Je me rencontre en tous points avec vous pour penser qu'en fait le contrôle de l'emploi des subventions accordées aux entreprises de spectacles doit d'abord être appliqué, puis renforcé et enfin étendu aux sommes consacrées à la décentralisation dramatique et même - je pense que MM. les députés maires seront de mon avis - à la décentralisation lyrique. Que se passe-t-il actuellement ?

Les subventions aux théâtres privés sont accordées sous forme d'avances remboursables sur l'avis d'une commission qui n'a d'ailleurs pas changé depuis de longues années et qui ne m'a pas attendu - croyez-le - pour conseiller de subventionner des spectacles du type de ceux que vous vous étonnez de voir soutenus.

Ces avances, en effet, ne peuvent être octroyées que pour un spectacle déterminé et le jugement qualitatif de la commission ne devrait en principe prendre en considération que la valeur de la pièce, de l'auteur, du metteur en scène et des acteurs.

En fait, la commission tient inévitablement et légitimement compte aussi du passé artistique du directeur, de la qualité de son activité, de même qu'elle lie l'avance à la situation financière de ce directeur.

Vous savez comme moi qu'il suffit d'une bien courte suite d'échecs pour mettre certains théâtres, parmi les plus célèbres, en péril de mort. Il en était ainsi du théâtre Hébertot lorsqu'il reprit Knock. Nous lui avons avancé un million d'anciens francs en février dernier. Il demandait une aide pour la reprise de Knock et pour la création d'une pièce d'O'Neill. Il était préférable de subventionner Knock plutôt qu'une pièce étrangère, il était nécessaire aussi d'aider le théâtre Hébertot qui joue pendant la saison d'été, qui accorde des tarifs réduits aux étudiants et aux membres des groupements culturels et qui a si longtemps servi la cause du théâtre français. Il en était ainsi pour la reprise de Madame Sans-Gêne à l'Ambigu qui a reçu aussi un million. Le directeur de ce théâtre avait perdu 8 millions en 1959 pour une exploitation dont la qualité générale méritait, vous le savez, d'être soutenue.

Quant à Château en Suède monté à l'Atelier, il s'agissait, selon la formule dont la commission doit tenir compte, de la première pièce d'un jeune auteur. Sa notoriété ne vous parait pas devoir mériter une aide particulière, à moi non plus, certes, s'il s'agissait d'encourager un de ses romans... Mais le théâtre qui montait cette première pièce dont personne ne pouvait prédire alors le succès, se trouvait dans une situation financière grave puisqu'il avait perdu 50 millions en 1959 et il ne viendrait à l'esprit de personne de penser que M. Barsacq n'est pas l'un de nos meilleurs animateurs. Il lui manquait donc 50 millions. Les 4 millions d'anciens francs qui lui ont été donnés sur l'avis unanime de la commission, seront, je pense, remboursés. Alors, pour une fois qu'on nous remboursera et que nous aurons sauvé quelqu'un, va pour Château en Suède !

Le principe du contrôle que vous souhaitez existe. Chaque fois qu'un arrêté de subvention est pris, il est notifié à l'inspecteur général des finances chargé des questions théâtrales et il fait l'objet, dans les écritures du trésorier-payeur général de la Seine, de l'inscription d'une dette.

Lorsque le haut fonctionnaire que j'ai cité a donné son avis sur le déficit - car c'est à peu près toujours, jusqu'ici, un déficit - je soumets à la signature du ministre des finances un arrêté de « remise de débet » qui permet la régularisation comptable de l'avance.

Mais l'inspecteur général des finances qui assure le contrôle est seul. Je rends hommage à la qualité de ses travaux ; je me rencontre avec lui pour penser qu'il ne peut tout taire. Je crois, comme vous, à la nécessité d'un contrôle renforcé. Vous savez qu'une réforme de structure est en cours à la direction générale des arts et lettres. Si elle aboutit, comme je l'espère, les postes dont j'ai demandé la création et qui me paraissent indispensables, permettront enfin ce renforcement nécessaire.

Votre commission a insisté, par ailleurs, pour que soit poursuivi l'effort de décentralisation dramatique et lyrique, « sans oublier les théâtres municipaux ». Sur ce dernier point, notons qu'à l'exception de quelques festivals lyriques qui reçoivent fort peu d'argent, les théâtres municipaux sont les seuls à bénéficier de l'effort de décentralisation lyrique, et que c'est moi qui ai décidé d'augmenter cet effort, inscrit à mon budget.

Quant à la décentralisation dramatique, elle est au premier rang de mes intentions.

J'ai déjà dit que vingt et une troupes, dont six centres dramatiques, avaient reçu, cette année, une aide fortement accrue. Pour la première fois, de jeunes troupes de province qui vivaient avec passion, mais dans la misère, ont connu, cette année, des jours meilleurs. Je souhaite augmenter ce qui a été accordé jusqu'ici. Je pense que vous le souhaitez aussi.

Vous avez signalé, monsieur le rapporteur, que mon budget prévoyait une augmentation de 200 millions pour la décentralisation dramatique, une diminution, au contraire, des crédits relatifs aux théâtres en général, et vous vous en êtes étonné. C'est que quinze troupes de province, parmi lesquelles celles qu'on appelle les « troupes permanentes », étaient autrefois rémunérées sur un crédit de caractère général et vont l'être, parce que c'est plus normal, sur le crédit de décentralisation.

Ce qu'a perdu le premier, l'autre l'a recueilli, tout simplement. Ce n'est pas un changement de politique, c'est un besoin d'ordre et de clarté.

Le même fait fausse votre comparaison entre l'augmentation des crédits de décentralisation dramatique et celle des crédits de décentralisation lyrique. L'une et l'autre sont l'objet des mêmes soins, je crois l'avoir suffisamment prouvé. Il me reste à souhaiter que les municipalités qui possèdent un théâtre consentent, pour l'art dramatique, un effort aussi sérieux que celui qu'elles réservent à l'art lyrique. C'est un souhait peut-être vain, parce que si elles le font pour l'un, elles ne pourront sans doute pas le faire pour l'autre.

Si le premier de ces arts peut être plus national que municipal, il est au moins aussi important que le second.

Néanmoins, en ce qui concerne l'art en province, je voudrais qu'il n'y ait pas d'équivoque entre nous.

Voici ce que, au nom des maires, le docteur Marcel Bouvier, chargé des arts à Toulouse, écrivait de la décentralisation lyrique au directeur de mon cabinet :

« Je ne veux pas tarder plus longtemps à vous exprimer ma satisfaction et celle de mes collègues, en vous priant de bien

vouloir dire à M. le ministre notre reconnaissance profonde pour son geste, que nous considérons avec émotion comme une preuve de l'intérêt qu'il apporte à la cause que nous défendons ».

Si je fais cette citation, c'est seulement pour vous montrer que les tentatives que nous faisons ne sont pas à l'occasion de ce budget : cette lettre date du mois de mars dernier.

Dernier point de détail, le projet de cahier des charges du Théâtre de France est, après deux navettes, soumis à un nouvel examen du département des finances. Or il ne peut devenir définitif qu'avec l'approbation de ce ministère.

Quant au théâtre de Versailles, vous savez qu'il a été l'objet d'une question écrite. Par conséquent, je répondrai à cette question écrite. Je voudrais tout de même signaler que le milliard que paraît reprocher cette question, et qui a été employé au rétablissement du théâtre de Versailles, ne l'a pas été par mes soins ni par ceux de la Ve République. Il y avait un théâtre et on ne mettait personne dedans. Si vous estimez que j'ai tort d'y mettre des chefs d'État, je veux bien les en écarter ; mais cela vaut peut-être aussi bien que des souris !

D'autre part, je voudrais y mettre évidemment autre chose que des chefs d'État. Je pense que nous pourrons le faire pour le printemps.

J'en reviens aux festivals. Ils sont d'année en année plus nombreux et certains d'entre eux - Avignon, Aix, Strasbourg - se sont imposés sur le plan international. En 1960, nous avons reçu plus de 30 demandes, dont plus de 70 ont été satisfaites.

Peut-être sera-t-il, dans l'avenir, nécessaire de s'en tenir aux plus importantes de ces manifestations, afin de leur donner une aide plus considérable.

Vous vous êtes penchés sur les festivals de Dieulefit et de Marvejols. Je pourrais en citer d'autres qui paraissent, si l'on s'en tient à la seule importance de la ville qui les abrite, avoir une audience très réduite. Mais, vous vous en doutez, le programme détermine aussi la subvention. Dieulefit a vu Le Malade imaginaire et entendu le quatuor Loewenguth pour son 12e festival en 1960. Marjevols, pour son quatrième, a mis en scène une adaptation de La Rabouilleuse, de Balzac, et monté une série de réalisations dont la qualité méritait le succès qu'elle obtint. Je vous rappelle que les subventions à ces deux festivals allaient de 400.000 à 600.000 anciens francs. Pour d'autres, qui à notre sens recevaient trop, les subventions ont été réduites.

Barentin reçoit, en effet - à cause de Corneille ! - beaucoup de subventions. C'est néanmoins cette année que ces subventions ont été réduites pour la première fois.

Mon effort en ce qui concerne les festivals doit rester lié à la qualité de ces manifestations. Je l'accroîtrai pour les bénéficiaires moins nombreux peut-être, et plus choisis, de façon que les meilleurs d'entre eux puissent vraiment accomplir les promesses que leur activité apporte.

Votre commission m'a également demandé de définir la mission dévolue à chaque théâtre national.

En ce qui concerne le rôle respectif de chacun des théâtres nationaux, il découle évidemment de leur dénomination même, ou, en tout cas, de leur tradition, si l'on s'en rapporte à leur seul répertoire. Encore faut-il préciser que le théâtre n'a pas de frontière si bien tracée qu'on puisse exactement ranger par catégories le répertoire qui devrait être assigné à tel ou tel des théâtres nationaux.

Pour le lyrique, par exemple, c'est bien à l'Opéra qu'a été monté Le Roi David, et c'est à l'Opéra-Comique que sera donné Didon et Enée : la dimension des plateaux, l'utilisation normale des équipements conduisent ainsi à une répartition logique des oeuvres représentées. Quant au reproche parfois avancé de voir le répertoire de l'Opéra-Comique prétendument pillé au profit de l'Opéra, il reste, dans son principe, sans fondement.

J'ai refusé que l'Opéra-Comique se voit démuni d'une partie de ses musiciens et de ses choristes.

J'ai refusé que l'Opéra-Comique soit réduit au rôle de musée désaffecté que certains désiraient lui faire jouer. C'est, au contraire, dans cette salle, dont l'équipement sera bientôt rénové, que se jouent non seulement le répertoire classique et traditionnel qu'elle a connu, mais aussi des oeuvres nouvelles, des créations d'auteurs modernes aussi bien que des oeuvres anciennes. Dire que l'Opéra-Comique est le parent pauvre de la Réunion des théâtres lyriques nationaux, c'est ignorer délibérément les dernières créations qu'il vient de faire avec succès, et celles qu'il va faire ; c'est oublier sa permanence dans la représentation du répertoire traditionnel ; c'est vouloir ignorer aussi le renouveau d'intérêt que trouve ce théâtre auprès du public, les efforts faits pour intéresser les jeunes à l'art lyrique, et les tentatives heureuses de création d'un répertoire nouveau.

Quant aux théâtres nationaux d'art dramatique, c'est aussi le répertoire qui délimite, par l'évidence, leur rôle respectif : où auraient pu être montées ailleurs qu'au Théâtre de France des oeuvres comme Tête d'Or et Christophe Colomb de Claudel, ou d'autres comme le Rhinocéros de Ionesco ? Mesdames, messieurs, il ne me semble pas nécessaire de définir la mission dévolue à chacun des théâtres nationaux : elle existe dans les faits, comme elle existe d'ailleurs dans les textes.

Vous savez que La Réunion des théâtres lyriques nationaux est un établissement public chargé de maintenir - je cite l'arrêté du 8 janvier 1941 - « les traditions d'art des deux scènes lyriques par le choix des scènes anciennes et modernes, des interprètes ainsi que des artistes chargés des décors, des costumes et de la présentation des spectacles ».

Je vous rappelle que ce même arrêté définit rigoureusement ce que vous me demandez de préciser. Vous savez aussi que la Société des comédiens français a pour tradition de représenter les pièces du répertoire classique et que le décret de Moscou précise bien que « dans le nombre de ces pièces seront des pièces d'auteurs vivants ».

Quant aux deux autres théâtres exploités sous le régime de la concession, le Théâtre national populaire et le Théâtre de France, il leur incombe de me fournir leurs programmes qui restent un des éléments de fixation de la subvention. Ces programmes ont assez bien montré, je pense, que la mission du Théâtre national populaire, comme celle du Théâtre de France reste de faire du bon théâtre, dans le classique comme dans le moderne, pour un public que nous nous efforçons de rendre de plus en plus nombreux, de plus en plus divers.

Vous aviez également souhaité que chacun des responsables des théâtres nationaux ait le temps et les moyens de remplir sa mission.

Je rappelle qu'aucun délai réglementaire du mandat de ces responsables n'a été écourté, bien au contraire. Quant aux moyens, mesdames, messieurs, ils dépendent au premier chef de vous : ce sont les crédits que je vous demande.

Vous avez également insisté pour que je ne perde pas de vue le problème de la crise théâtrale en général. Ici, je rappelle que je n'ai jamais dit qu'il n'y avait aucune crise au théâtre. J'ai dit qu'il n'y avait pas de crise du théâtre, c'est-à-dire de la création, mais une crise de l'exploitation des salles, exactement comme pour le cinéma.

Vous avez insisté pour que j'obtienne que le théâtre puisse financièrement vivre.

J'ai déjà eu l'occasion de dire que la crise du théâtre était une crise endémique, principalement due à des conditions économiques qui ne peuvent se comparer à aucune autre. Le produit théâtral vendu au public comporte, par nature, une masse de salaires considérable, demande pour sa préparation la fermeture des exploitations pendant de longs jours, dépend en partie d'un soir de générale et de quelques articles de la presse du lendemain. Il faut beaucoup de temps pour remonter auprès du public le courant tracé par quelques-uns.

De plus, nos théâtres ont un équipement vétuste et supportent un régime fiscal particulièrement lourd.

A propos de régime fiscal, je suis intervenu depuis environ un an et demi pour qu'il soit allégé. Une commission a été créée qui groupe actuellement mes représentants, ceux du ministère des finances et du ministère de l'intérieur, car je vous rappelle que cette fiscalité est locale et dépend en grande partie des communes. Cette commission a commencé ses travaux et je suis le premier à souhaiter avec vous qu'ils aboutissent au résultat pour lequel je n'ai jamais cessé d'intervenir, et vous aussi d'ailleurs.

Mais, comme je vous le disais il y a peu de temps, je crois bien davantage à un système de soutien et de crédits qui cesserait de faire dépendre l'aide de l'État d'une série de cas particuliers et s'adresserait à un ensemble, en transformant les conditions mêmes de l'exploitation théâtrale.

Dire que l'exploitation des théâtres privés est en crise, je le répète, n'a rien de neuf, mais n'a rien non plus de réconfortant. Vous savez que je me soucie d'apporter à cette crise, non seulement des remèdes, mais un changement de nature, qui permettrait d'en transformer le cours.

Enfin, votre commission a particulièrement insisté sur le conseil supérieur de la Réunion des théâtres lyriques nationaux.

Ce conseil, vous l'avez dit, a été créé par le décret du 29 mai 1956. Il était présidé par le secrétaire d'État aux arts et lettres. Vous en avez exposé la composition, je n'y reviens pas.

Il n'a pas semblé opportun de réunir le conseil supérieur de la R. T. L. N. avant que les travaux en cours sur la réforme des statuts de la R. T. L. N., et qui font l'objet de discussions délicates avec le département des finances, aient permis de dégager un texte suffisamment élaboré.

Les conversations portent sur divers points, et notamment : sur un accroissement possible de la durée du mandat de l'administrateur afin de permettre à celui-ci de développer son programme ; sur la recherche des moyens qui permettront de faire de la notion de Réunion des théâtres lyriques nationaux une réalité administrative, etc.

Dans cette perspective, l'adaptation éventuelle de l'actuel appareil consultatif aux missions de la R. T. L. N. rénovée se révèle nécessaire mais sous une autre forme.

Il faudra peut-être le réformer pour le mettre en état de collaborer plus efficacement à la recherche des solutions aux problèmes que pose aujourd'hui la gestion d'un établissement aussi important que la R. T. L. N. Le ministre d'Etat chargé des affaires culturelles, sous réserve de l'accord du Gouvernement, qui à l'heure actuelle ne devrait pas faire de question, ne soulèverait, au contraire, aucune objection à la représentation du Parlement dans un conseil rénové ou dans une commission qui se substituerait à ce conseil.

Il ne demande pas mieux que de s'en expliquer au cours d'une séance de votre commission des affaires culturelles et cela, messieurs les rapporteurs, était écrit avant votre intervention.

J'en arrive maintenant au cinéma.

Le rapport de M. Beauguitte, rapporteur spécial de la commission des finances, insiste particulièrement sur la nécessité, pour le Gouvernement, de trouver un remède rapide à la crise d'exploitation cinématographique. Il engage également les pouvoirs publics à effectuer la réforme de l'Union générale cinématographique.

En ce qui concerne l'exploitation, j'indique tout d'abord à M. Boutard que, dans l'exposé qu'il a présenté lors de la discussion de la question orale qu'il m'avait posée, il a eu à aborder un très grand nombre de problèmes et que, comme je le lui ai dit à ce moment là, certaines de ses informations étaient partielles ou incomplètes.

Vous m'avez dit, au mois d'octobre dernier, monsieur Boutard, que le ministère des finances acceptait d'accorder aux théâtres privés des améliorations fiscales, en laissant entendre qu'elles ne dépendaient plus que de moi. Je me suis adressé en ce sens à mon collègue des finances en octobre 1959, en décembre 1959, en janvier 1960, en avril 1960, en octobre 1960 pour aboutir à la réunion du 3 novembre dernier, avant-hier, de la commission d'études que j'avais instamment demandée et qui traitera de la fiscalité des spectacles en général, théâtres et cinémas.

A ces lettres vous ajouterez les entrevues et le contact constant, et vous conclurez ensuite, pour savoir si je ne suis pas d'accord pour alléger la fiscalité des spectacles, comme certains paraissaient le penser.

En réponse à la fois à l'ensemble de ce qu'avait précédemment déclaré M. Boutard, à ce qu'il a indiqué aujourd'hui et à l'exposé de M. le rapporteur du budget, je parlerai successivement de la production, de l'exploitation et du conseil supérieur du cinéma. En ce qui concerne la production, M. Boutard indique que l'aide financière de l'État aurait été de nature à augmenter la quantité des films sinon la qualité. Tant que l'aide avait un caractère strictement automatique, il est certain qu'il y avait danger que s'accroisse trop fortement une production hâtive de films.

Le nouveau régime de soutien institué par le décret du 16 juin 1959 a consisté à réduire progressivement le volume de l'aide automatique et à accroître l'importance d'une aide sélective constituée par des avances et des garanties de recettes.

Cette politique a pour but, certes, de mettre en harmonie la législation française avec les conditions du Marché commun et de l'O. E. C. E, mais également de n'aider que des productions considérées comme ayant une valeur artistique.

Sur la totalité des scenarii des films ou sur la totalité des films projetés devant la commission chargée de me donner un avis sur le soutien à leur accorder, seule la moitié a obtenu des avances et des garanties de recettes. Ainsi ont été accordées des avances ou garanties de recettes à dix films déjà réalisés et à douze films à faire.

Je dois rappeler à l'Assemblée les prix que le cinéma français a remportés dans les principales manifestations internationales de l'année 1960.

C'est un film français qui a remporté l'Oscar à Hollywood : Orféo Negro. C'est un film français qui a également remporté la plus haute récompense à Venise, Le Passage du Rhin. A Cannes, le prix d'interprétation féminine a été donné à Jeanne Moreau. A Cannes également, le court métrage Le Sourire a obtenu la plus haute récompense de sa catégorie. A Berlin, Les Jeux de l'Amour ont obtenu l'ours d'argent, c'est-à-dire la deuxième récompense et le court métrage Songe des chevaux sauvages a obtenu le premier prix de sa catégorie.

En ce qui concerne l'exploitation, la création et la fermeture de salles, M. Beauguitte a rappelé que, dans le monde entier, le développement de la télévision et le succès d'autres distractions, telles que le voyage ou le camping, ont eu pour conséquence une certaine crise de l'exploitation.

En France, cependant, cette crise est actuellement moins grave que dans les pays étrangers. En effet, on a constaté, du 1er janvier 1950 au 1er janvier 1960, une augmentation des salles de 5.000 à 5.834, c'est-à-dire 16 p. 100 de l'équipement national. En 1959, nous avons eu 101 nouvelles salles, et 24 qui se sont transformées mais, en revanche, 71 fermetures.

Ainsi, même en 1959, l'équipement national s'est augmenté, il est vrai, d'une façon beaucoup plus faible que dans les années précédentes.

En Grande-Bretagne, au cours des années 1957, 1953 et 1959, le nombre des salles fermées s'est élevé à 843 sur un total de 4.299. Quant aux États-Unis, le nombre des spectateurs, par rapport à 1939, a baissé de 45 p. 100 malgré le développement des projections en plein air.

D'autre part, il est exact que l'exploitation ne dispose plus d'aide de l'État, mais je dois rappeler combien importante a été cette aide dans les années passées et combien exceptionnel a été ce soutien par rapport aux autres commerces.

Sans tenir compte de l'effort fait de 1948 à 1953, la loi de développement pour l'industrie cinématographique a donné à la totalité de l'exploitation environ 20 milliards de francs.

La petite exploitation, qui préoccupe particulièrement M. Boutard comme moi-même, a reçu, sur ces sommes, 2 600 millions de francs. Ces chiffres représentent 80 p. 100 des taxes spéciales perçues à leurs guichets, ce pourcentage n'ayant pu être mis en application qu'en réduisant simultanément la part des salles normales de 50 à 42 p. 100.

Ainsi, dans les années passées, la petite exploitation a été extrêmement avantagée par rapport à l'exploitation grosse ou moyenne.

Enfin, je rappelle ce que j'ai obtenu en faveur de l'exploitation cinématographique depuis le 1er janvier 1960 : un aménagement important des dispositions relatives au droit de timbre ; l'incorporation de l'ancienne taxe additionnelle au prix des places et du droit de timbre supprimé dans la recette commerciale ; j'ai, d'autre part, favorisé la conclusion après de laborieuses négociations d'un accord interprofessionnel apportant à l'exploitation une compensation des nouvelles dispositions appliquées au cinéma.

La question du maintien de l'Union générale cinématographique a été posée sur le plan gouvernemental. Le ministre des finances et des affaires économiques était partisan de la liquidation de cette société. Le ministre d'État chargé des affaires culturelles, au contraire, avait demandé qu'elle puisse poursuivre son activité et que les moyens financiers lui soient fournis pour exercer sa mission dans des conditions normales.

C'est ce que vous avez bien voulu rappeler.

Un premier arbitrage du Premier ministre avait conclu dans le sens souhaité par le ministre d'État, une enquête devant établir, dans un délai très rapide, les conditions financières et économiques de la relance éventuelle de la société.

M. Frappart, conseiller à la Cour des comptes, a été enfin chargé de cette mission et il doit faire connaître ses conclusions avant la fin de l'année 1960, vraisemblablement avant la fin du mois de novembre, c'est-à-dire de ce mois-ci. La solution doit intervenir aussitôt après le dépôt de ce rapport.

Enfin, je parlerai du Conseil supérieur du cinéma !

Messieurs, c'est là un problème extrêmement proche de celui que nous avons rencontré tout à l'heure à propos du conseil supérieur de la R. T. L. N. Il m'a été demandé pourquoi le Conseil supérieur du cinéma ne s'était pas réuni.

On doit remarquer que cette instance ne s'était plus réunie depuis octobre 1957, c'est-à-dire de nombreux mois avant que j'aie la responsabilité de l'activité cinématographique.

Le Gouvernement vous a exposé qu'il était dans ses intentions de transformer les structures administratives de la tutelle cinématographique. Cette réforme n'a pas pu vous être présentée dans le budget qui vous est actuellement soumis en raison des difficultés à dégager les crédits nécessaires.

Quoi qu'il en soit, il apparaissait que le maintien ou la réforme du conseil supérieur était lié à cette réforme plus générale.

Il faut cependant remarquer qu'auprès de moi siège une commission consultative du cinéma chargée de donner son opinion sur tous les problèmes que pose la gestion du fonds de soutien et que je tiens à consulter sur les principaux problèmes que pose le cinéma.

Nous pouvons donc dire que, provisoirement et pendant que le conseil n'est pas rétabli, cette commission en a, en somme, les fonctions.

Lorsque je pourrai mettre en place la réforme de l'administration de tutelle du cinéma, il existera naturellement un conseil supérieur qui sera peut-être la commission consultative du cinéma actuellement en activité et dont la composition pourrait être élargie en comprenant dés maintenant une représentation parlementaire.

Je réponds ainsi à la question qui m'a été posée tout à l'heure.

Il n'est pas possible d'envisager actuellement une représentation parlementaire au Conseil supérieur du cinéma, mais il est possible d'envisager une représentation au sein de la commission consultative qui, elle, existe.

Ainsi donc pour vous faire une réponse qui me paraît raisonnable, j'ai le choix entre vous dire : « Je suis d'accord avec vous sur ce qui existe », ou vous dire : « Je serais d'accord avec vous sur ce qui existera ».

Je préfère la première solution.

Je crois avoir répondu, mesdames, messieurs, aux principales questions qui m'ont été posées ou apporté les éclaircissements que vous attendiez de moi.

J'en viens, pour terminer, à ce que j'ai appelé l'axe des travaux dont j'ai assumé la charge. Je vais donc très rapidement résumer toute l'action du ministère des affaires culturelles.

Il s'agissait d'abord, pour le cinéma, de permettre à la production française, dont je rappelle que la presse annonçait, il y a un an, qu'elle risquait d'être touchée à mort, d'affronter les conséquences du traité de Rome. Or, on produisait 126 longs métrages en France en 1958 ; on en a produit 133 en 1959 et 160 en 1960.

On me dira peut-être que le nombre ne fait pas la qualité. En 1960 - je viens de le dire - le cinéma français a obtenu la première récompense américaine, la première récompense italienne, le prix de l'interprétation à Cannes. Quant au court métrage, il a obtenu la première récompense à Berlin, la première récompense à Cannes. Cent soixante films, quatre premiers prix internationaux, c'est, pour un moribond, un assez joli sursaut !

Il s'agissait encore, dans le domaine du cinéma, de donner à l'exploitation des salles sa chance dans des conditions difficiles. Vous savez quels obstacles nous avons rencontrés. Vous êtes presque tous d'accord avec moi pour penser que l'aide la plus efficace que nous puissions apporter est d'ordre fiscal. J'ai reçu hier soir de M. le ministre des finances l'assurance que les travaux entrepris pour accorder cette aide sont sur le point d'aboutir.

Pour les théâtres privés, le problème est de même nature que pour l'exploitation des salles de cinéma, et la réponse de mon collègue s'applique aux salles de théâtre comme à celles du cinéma.

Pour les théâtres nationaux, il s'agissait avant tout de rendre sa place au patrimoine culturel, et d'abord à celui de notre pays. On ne peut guère contester, me semble-t-il, que ce résultat ait été obtenu dans le domaine dramatique, non seulement sur les scènes nationales, mais encore sur les scènes privées. Jamais, depuis le début du siècle, autant d'artistes célèbres n'ont joué en France, en une seule saison, un si grand nombre d'oeuvres illustres.

Dans le domaine lyrique, on ne peut contester davantage me semble-t-il qu'un effort ait été fait en faveur de la décentralisation, ni que l'Opéra ait trouvé, dans la vie parisienne, une place qu'il avait rarement connue. Les craintes inspirées par l'avenir de l'Opéra-Comique semblent s'estomper.

Voici le chiffre des recettes des théâtres nationaux :

A la Comédie-Française, au 31 juillet 1960, Ies recettes font apparaître une plus-value, par rapport à la même date de 1959, de plus de 20 000 nouveaux francs.

Au Théâtre de France, au déficit de 375.000 nouveaux francs de l'exercice 1959 s'est substitué un excédent de plus de 300 000 nouveaux francs au 31 août.

Au T. N. P., le déficit de 1959 fera place en 1960 à un équilibre.

A la Réunion des théâtres lyriques nationaux, les recettes prévues pour 5 700 000 nouveaux francs vont dépasser 6 millions.

On m'a dit ici que les recettes de Carmen « baissaient déjà ». Elles se sont toujours maintenues et sont fort loin de baisser : le 22 et le 23 octobre, elles ont dépassé pour chaque soir 2 700 000 anciens francs, alors qu'au 14 mai, par exemple, elles étaient de 2 600 000 anciens francs. Je rappelle seulement qu'en mai 1959 la recette de Carmen dans l'ancienne mise en scène était de 516 000 anciens francs.

L'ampleur de l'appel fait à des artistes étrangers a suscité de légitimes inquiétudes mais nul ne peut faire que la musique ne soit un art international. En vérité, le seul problème qui se pose est un problème de salaires.

En ce qui concerne les archives, les problèmes techniques, dont quelques-uns étaient complexes, ont reçu des solutions acceptables, quelquefois plus qu'acceptables. L'exposition consacrée à Saint Louis a reçu trois cent mille visiteurs et laissé à ses organisateurs un bénéfice de plus de vingt millions de francs.

Dans les musées, les expositions organisées soit par leurs seuls services, soit avec le concours du ministère des affaires étrangères ou de la Ville de Paris, ont montré un éclat exceptionnel. L'exposition Poussin, celle de l'art indien et bien d'autres encore sont dans toutes les mémoires. Quant au Louvre lui-même, il exposait, en 1959, 1 300 tableaux; il en expose actuellement 2 500. Nous avons donc doublé le Louvre.

A l'étranger, nous avons pu, sans appel à de nouveaux crédits, donner à la présence de l'art et du cinéma français le premier rang au Japon et bientôt en Iran, resserrer nos relations culturelles avec l'Inde et l'Amérique latine, notamment avec le Brésil. Ce sont des textes français qui ont été joints à ceux du Président de la République du Brésil dans l'urne de fondation de Brasilia.

Dans le domaine artistique confié à l'architecture, les sondages que j'ai fait faire à Fontainebleau viennent de révéler, sous les fresques repeintes au XIXe siècle, l'existence des fresques originales. Deux d'entre elles sont déjà dégagées ; et si. comme tout le laisse supposer, les travaux de dégagement continuent à donner Ies mêmes résultats, la France aura retrouvé un ensemble de peinture maniériste rival de celui de Mantoue, donc l'un des premiers du monde.

Enfin, pour les monuments historiques, leur inscription au plan de modernisation et la loi de programme dont il a été fait état tout à l'heure permettront de leur apporter la protection la plus efficace - ou, en tout cas, la moins faible - qu'ils aient reçue depuis de longues années.

Telles sont, mesdames, messieurs, les lumières du tableau. Elles n'en effacent pas les ombres, mais elles permettent de leur donner leur juste valeur.

J.O. Débats Assemblée nationale,
n° 79, 6 novembre 1960, p.3179-3183.