Le suffrage universel

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Le Fronton

Le suffrage est l'acte par lequel l'électeur, lors d'une consultation électorale, procède à une désignation, exprime un choix, une volonté. Il est universel lorsque le droit de vote est reconnu à tous les citoyens.

Le suffrage est l'expression de la volonté individuelle de l'électeur. C'est aussi la décision collective résultant du décompte de chacun des votes. Il peut avoir pour objet d'élire un ou plusieurs députés, un chef d'État, une assemblée parlementaire ou locale ou d'exprimer par référendum l'adoption ou le rejet d'une mesure, d'une disposition constitutionnelle, d'un projet de loi ou encore d'autoriser la ratification d'un traité.

L'universalité du suffrage ne signifie pas qu'il soit accordé à tous. Le suffrage est, en effet, soumis à certaines conditions, d'âge notamment, sous réserve qu'elles soient les mêmes pour tous. L'universalité du suffrage résulte de l'assimilation de la qualité d'électeur à celle de citoyen. S'il peut revêtir des modalités différentes - le suffrage peut être direct ou indirect -, le suffrage doit, en tout état de cause, être égal et secret, pour que chaque voix pèse d'un même poids et pour que chaque voix s'exprime librement. Le suffrage universel est la première condition d'une vie politique démocratique.

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Ce fut longtemps une histoire d'amour. Avant d'être un droit acquis, une habitude, parfois une lassitude, la République et le suffrage universel, son frère jumeau, ont été passionnément attendus. Des hommes et des femmes entre 1830 et 1848, après l'essai non transformé de 1792, ont souffert, parfois sont morts, parce qu'ils ont eu « le goût infini de la République » pour reprendre les mots de Charles Baudelaire.

Admirable récit de Georges Weill, historien du « Parti républicain de 1814 à 1870 », sur l'annonce de la révolution de février 1848 faite aux insurgés de mai 1839, dans leur prison de Doullens :

« Enfin un soir le directeur de la prison vint, très ému, causer avec Martin Bernard ; un prisonnier demande à travers le mur le motif de cette visite et son compagnon lui répond : ''C'est l'une et indivisible qui est arrivée". Cela se passait dans la nuit du 25 au 26 février 1848 ».

Ce fut un long enfantement. Si long que Marx, et Flaubert, se sont moqués de ces révolutionnaires de 1848 qui ont revêtu les habits vieux de 1793. Mais, comment, à force de jouer en rêve la scène primitive, n'auraient-ils pas été tentés, le jour venu, de se prendre pour Robespierre, Danton ou Saint-Just ?

Le cortège des Républiques a été accompagné jusqu'à nos jours du même contrepoint de sentiments antagonistes. Même la IIIe République, si prosaïque et si vite résignée au compromis, a été aimée : « nous l'avons trouvée belle et nous avons cru en elle » a écrit Robert Debré, évoquant sa jeunesse. Mais elle a rencontré aussi la haine : celle des royalistes pour « la Gueuse ». Les républicains se sont souvenus longtemps que, à peine instauré, le suffrage universel avait, par deux fois, porté un Bonaparte à l'Empire. Les socialistes, au début, ont douté : la République est-elle conciliable avec la révolution sociale ? Le « vote universel », comme on disait encore au XIXe siècle, n'est-il pas voué au sacre des possédants et des puissants ? Ne pas oublier la dérision : on sait quelle est la rime d' « élections » dans le langage anarchiste et soixante-huitard.

La République et le suffrage universel n'en ont pas moins, depuis deux siècles, prouvé à chaque tournant leur capacité de renaissance et d'expansion. La République est « revenue » après les temps d'éclipse : les deux Empires, l' « État français » sous Vichy. Le suffrage universel a conquis, ou reconquis, de nouveaux domaines : élections présidentielles, élections régionales, référendum législatif et constitutionnel. Les oubliés du suffrage - femmes, jeunes de dix-huit ans -, votent enfin, les premières depuis 1945, les autres depuis 1974. Le vote de tous les Français puis de toutes les Françaises, a été le moteur, à maintes reprises l'accélérateur de la législation : droit syndical, libertés des collectivités locales, lois scolaires, droit d'association, sécurité sociale, congés payés, retraite à 60 ans, droits des travailleurs dans les entreprises... Il permet le dénouement des crises, la légitimation des autorités, l'adoption et la confirmation du cadre des institutions, l'amorce des grands choix de l'avenir.

Au suffrage universel républicain, nous devons presque tout.