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Inauguration de l'exposition « Sécurité routière »
à l'Assemblée nationale le mardi 24 octobre 2000

Discours de M. Raymond Forni,

Président de l'Assemblée nationale

Lorsqu'un piéton s'approche d'un passage clouté, en Angleterre, avant même qu'il n'ait posé le pied sur la chaussée, toutes les voitures s'arrêtent. En France, le même piéton sait qu'il doit d'abord vérifier qu'il n'y a pas de voiture à l'horizon, et l'on recommande aux enfants de préférer à ces passages cloutés les feux tricolores, et de les aborder eux aussi avec la plus grande prudence.

Cela se traduit, chez nous, de manière abrupte, par environ deux fois plus d'accidents mortels.

Voilà qui, à mon sens, résume le problème qu'ont les Français avec la sécurité routière et qui montre bien, ici, à l'Assemblée nationale où nous faisons la loi, que cette loi ne se suffit pas à elle-même quand les questions auxquelles elle est censée répondre sont liées à des attitudes individuelles et collectives trop ancrées dans nos habitudes.

C'est pour cette raison, parce que le législateur ne peut pas convaincre uniquement à travers le vote de la loi, que j'ai été très heureux qu'Isabelle Massin, déléguée interministérielle à la sécurité routière, nous propose d'associer l'Assemblée nationale à la semaine pour la sécurité sur la route.

Il faut en effet que nous changions notre attitude face à la route, et cela exige de notre part, tout particulièrement pour nous, députés, qui sommes des relais d'opinion, un véritable engagement : 8 000 morts par an sur les routes françaises. Cela n'est pas inéluctable.

L'Assemblée s'associe donc à cette démarche, à travers l'exposition que nous avons sous les yeux, mais aussi en tant que lieu où travaillent plus de 3 000 personnes : les députés, leurs collaborateurs, l'administration. Je me félicite donc que nos questeurs aient accepté de mettre en oeuvre, avec le service des transports, un véritable plan de prévention du risque routier, d'information et de formation, qui pourra s'adresser à tous ceux qui travaillent dans nos murs.

Nous participons ainsi de manière réellement active à cette semaine de la sécurité routière ; cela me paraît indispensable, même si les choses bougent trop lentement, même si la tâche est particulièrement ingrate.

Ingrat, le travail législatif, sur lequel nous revenons pratiquement tous les dix ans, pour durcir toujours et encore le code de la route, avec parfois l'incompréhension de l'opinion publique - les députés ici présents peuvent en témoigner -, mais les résultats sont là et les statistiques montrent que chaque mesure importante - limitations de vitesse, ceinture de sécurité, alcool au volant, permis à points et peut-être, plus récemment, délit de grande vitesse et responsabilité pécuniaire des propriétaires de véhicules - fait reculer l'insécurité sur la route. Mal aimés, peut être, mais nous n'avons pas à nous interroger sur la popularité des contraintes que nous imposons.

Ingrat, aussi, le rôle de la délégation à la sécurité routière, parce que les progrès sont lents et parce que tout mauvais résultat, même ponctuel, provoque la mise en cause de son travail ; on l'a vu encore très récemment.

Alors, il nous faut avancer, à petits pas, avec opiniâtreté, et je tiens à remercier les associations liées à la sécurité routière pour leur action au quotidien, qui nous rappellent qu'il ne doit pas y avoir de fatalité de l'accident ; tous les accidents auraient pu être évités si..., si on n'avait pas bu ce dernier verre, si on s'était reposé, si on avait fait contrôler ses pneus, et, presque toujours, si l'on avait fait attention aux autres...

Alors, cette exposition est bienvenue, parce qu'elle nous rappelle tout cela, avec des photos fortes, avec des phrases vraies.

Les photos fortes de Raymond Depardon, connu pour ses reportages filmés ou photographiés, des hôpitaux, de gardes à vue, de la ferme de ses parents, sont simples, vraies et émouvantes, parce que l'on voit qu'il n'y a pas de tricherie, qu'il montre la stricte - et triste - réalité, dans toutes ses dimensions. Les photos que nous voyons ici sont violentes. Muettes fatalement et cependant si douloureuses.

Et puis, derrière ces photos qu'il nous est donné de voir, il y a aussi onze personnes qui ont vécu un drame, et je pense tout particulièrement à Yamini Souad, présente parmi nous, qui ont accepté et peut être souhaité témoigner, venir face à nous, vivre une nouvelle fois ce drame, peut-être pour l'exorciser, mais sûrement aussi pour nous dire que le risque automobile n'est pas banal, car il est simplement dramatique, car il brise des vies.

L'automobile est peut être un espace de liberté. C'est aussi, beaucoup trop, un instrument de notre égoïsme et de notre agressivité. Il nous faut donc réapprendre, sur la route, dans la rue, le sens des mots civisme et civilité.