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    Déjeuner offert par le Président de l'Assemblée du Peuple, M. Fahti SOROUR
    Le Caire - Egypte - le jeudi 29 mars 2001

    Allocution de M. Raymond FORNI,

    Président de l'Assemblée nationale

Monsieur le Président de l'Assemblée du Peuple, Cher Fahti SOROUR,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Mesdames et Messieurs, chers amis,

C'est un immense plaisir pour moi de me retrouver au Caire et de rencontrer le peuple égyptien, que tant de liens unissent au peuple français.

Ces liens, je les éprouve très concrètement chaque jour, puisque, de mon bureau, au Palais-Bourbon à Paris, si vous me permettez cette image, je peux constater que se poursuit, depuis maintenant 162 ans, un dialogue entre l'obélisque de Louxor et le Palais-Bourbon, par delà le pont de la Concorde, ce qui, vous l'admettrez avec moi, est tout un symbole.

Aujourd'hui encore, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'Egypte exerce une réelle fascination sur mes concitoyens.

Le passé immémorial de l'Egypte, diffusé par les livres, les expositions, les films, la statuaire, l'architecture, quoi encore ! fait plus que jamais rêver mes compatriotes. Pourtant "l'égyptomanie" d'aujourd'hui est différente de celle d'hier. Elle ne se tourne plus exclusivement vers les millénaires si féconds de l'Egypte pharaonique. On découvre, depuis plusieurs années déjà, la richesse de l'Egypte hellénistique qui sut, aux premiers temps de notre ère, accomplir la synthèse la plus foisonnante et la plus créatrice des diverses cultures du bassin méditerranéen, préfigurant ainsi la fusion, par l'Egypte actuelle, des traditions musulmane et copte, de l'immense héritage arabe, et d'une modernité ouverte sur le monde.

De plus en plus, aussi, c'est l'Egypte contemporaine qui retient l'attention et l'admiration des Français, la littérature de Naguib Mahfouz, avec sa trilogie cairote et tous ses récits sur votre belle ville, mais aussi le cinéma de Youssef Chahine.

Au-delà même de la culture et de l'archéologie, il est difficile de trouver un champ d'activité où Egyptiens et Français n'oeuvrent pas ensemble, de l'économie à la diplomatie, du cinéma à la recherche universitaire et à l'industrie.

De grands projets d'équipement vont modifier profondément le visage de votre pays. La France est fière d'avoir été associée à nombre de ces projets, parmi les plus significatifs : je pense aux deux premières lignes de métro, qui ont apporté un mieux être significatif à la population du Caire. Je sais que les études vont commencer pour la troisième ligne et qu'elles sont en train de s'achever pour la création d'un métro à Alexandrie. Je pense aussi aux installations d'épuration de l'eau. Comment ne pas évoquer aussi le satellite Nilesat I, qui a renforcé la première place de l'Egypte dans le paysage audiovisuel à l'Est de la Méditerranée.

Tous ces changements font maintenant partie intégrante de l'image de l'Egypte, de cette Egypte qui conjugue si efficacement l'avenir et le passé, qui s'incarne en vous aujourd'hui et que nous saluons.

Je n'oublie pas, Monsieur le Président, le rôle éminent que vous avez joué dans l'Union interparlementaire qui a tenu ici son avant-dernier Congrès. Les Parlements ont vocation, dans le siècle qui vient, à voir leur rôle renforcé, non seulement au sein des institutions de chaque pays mais aussi dans l'organisation du monde, puisqu'on n'a pas encore trouvé meilleur instrument et témoin de la démocratie.

Votre activité au sein de l'Union interparlementaire a montré, Monsieur le Président, que vous êtes pleinement persuadé de cette nécessaire évolution. Que notre rencontre symbolise la place qui revient et doit revenir aux Parlements dans le dialogue entre les Nations et le progrès vers un ordre international plus fraternel, plus équitable, plus démocratique.

Sur le plan politique, nos deux pays sont d'ailleurs fidèles aux mêmes engagements en faveur de la paix au Proche-Orient, de la coopération entre les deux rives de la Méditerranée, d'un monde multipolaire et multiculturel. Le Président Anouar El Sadate, dont je garde un souvenir ému depuis la rencontre que j'ai eu le privilège d'avoir avec lui au Caire en 1974, avait tendu la main à Israël. L'Histoire a ratifié son choix, qui a suscité l'admiration du monde. Le Président Moubarak a, ensuite, maintenu cette ligne, en dépit des difficultés.

L'Egypte ne cesse de dialoguer avec les uns et avec les autres, d'entretenir des contacts, d'écouter les points de vue, de donner de judicieux conseils, d'ouvrir et d'éclairer des pistes, de montrer qu'il est possible de concilier le respect de la justice et la voie de la modération.

Nous sommes encore loin du compte, hélas !

Aujourd'hui, le climat s'est à nouveau tendu dans la région, chargé de craintes, de méfiances et de calculs, qui suspendent l'élan des bâtisseurs de la paix, quand il ne leur coûtent pas la vie, et qui nourrissent la tentation du recours à la violence. La France et l'Egypte ne peuvent pas se résigner à cette dégradation, à laisser éclater cette catastrophe.

Nous sommes tous conscients, en effet, que seule une solution négociée est de nature à satisfaire les aspirations à la paix et à la sécurité des peuples israélien et palestinien. Il n'existe pas d'autre voie, pas d'autre choix, que de reprendre le chemin de la négociation vers la paix pour laquelle Israéliens et Palestiniens ont, au cours des dernières années, franchi tant d'obstacles considérés très longtemps comme insurmontables. C'est difficile, cela devient plus dur que jamais, et malgré tout, c'est plus nécessaire que jamais.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, dans cette magnifique ville du Caire où vous m'accueillez, où le merveilleux se mêle au quotidien, les trois religions du Livre sont unies, dans un syncrétisme qui prend un sens tout particulier aujourd'hui.

A deux pas d'Abu Serga s'élève la synagogue Ben Ezra dont les origines remonteraient aux premiers siècles du judaïsme ; les légendes affirment qu'elle marquerait le lieu où Moïse fut recueilli dans un panier de roseaux par la fille de Pharaon, et où il pria une dernière fois avant de quitter l'Egypte avec son peuple. Elle jouxte la première mosquée jamais construite sur le sol d'Afrique. Mais, dans le quartier résidentiel de Maadi, on trouve aussi l'escalier de pierre que la Sainte Famille aurait emprunté pour descendre jusqu'au Nil et embarquer sur une felouque.

Puisse ce syncrétisme idéal, dans la ville la plus peuplée du Proche-Orient, préfigurer l'avenir de votre belle région !

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je forme le voeu que l'amitié qui unit l'Egypte et la France soit éternelle et s'approfondisse encore, pour le plus grand bien de nos deux peuples.