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50ème anniversaire de l'Institut national de la propriété industrielle
à l'Hôtel de Lassay le mardi 3 avril 2001

Discours de M. Raymond Forni,

Président de l'Assemblée nationale

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Directeur général,

Mesdames,

Messieurs,

C'est avec beaucoup de plaisir que j'accueille ce soir à l'Hôtel de Lassay ceux qui ont bien voulu répondre à l'invitation de Daniel Hangard et à la mienne, pour célébrer le cinquantième anniversaire de l'institut national de la propriété industrielle. C'est aussi l'occasion pour Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, que je salue, de remettre les trophées de l'innovation 2000.

Je remercie aussi les éminents membres du comité d'honneur de ce cinquantième anniversaire qui représente les partenaires privilégiés de l'INPI pour leur contribution décisive au succès de cette soirée.

Vous savez que la loi 51-444 du 19 avril 1951 a créé un établissement public ayant la personnalité civile et l'autonomie financière, chargé de l'application des lois et règlements concernant la propriété industrielle, les registres du commerce et des métiers et le dépôt des actes de sociétés. Par cet acte, la République renouait avec une très longue tradition de protection des "inventions" et des "inventeurs".

Les lois et règlements dont l'INPI était chargé d'assurer l'application remontent au tout début de la Révolution française et elles ont une relation étroite avec la philosophie des lumières et l'idée de progrès. Il suffit de relire aujourd'hui le rapport du 30 décembre 1790 de M. de Boufflers devant l'Assemblée constituante, préparatoire à la loi du 7 janvier 1791, pour comprendre que la protection industrielle avait un double enjeu :

- un enjeu intellectuel et moral tout d'abord. Une invention est un produit de l'esprit, aussi son inventeur a une propriété intellectuelle incorporelle sur ses idées. Par conséquent, l'innovation demandait à être protégée par la puissance publique contre la jalousie, la rivalité, la contrefaçon, le vol. C'est ce que faisait la loi de 1791 en octroyant, au profit des inventeurs, des brevets pour une durée de 15 ans.

- un enjeu industriel et commercial ensuite. La République a toujours compris le lien intime existant entre l'amélioration de la société et de son bien être d'une part, et le développement des sciences et des techniques d'autre part.

On ne compte plus depuis la Révolution le nombre de sociétés savantes dont le but était de favoriser la science pour tirer du génie humain des applications pratiques destinées à améliorer la vie en société. L'Encyclopédie de Diderot en est la meilleure illustration au XVIII° siècle et quand je feuillette ces quelques trente ouvrages surgit à chaque page l'extraordinaire puissance de notre peuple.

Il faut bien dire aussi que ces enjeux industriels et commerciaux n'étaient pas étrangers à la rivalité de l'époque entre la France et de l'Angleterre. Les révolutionnaires avaient d'ailleurs vu la relation existante entre l'innovation et la puissance économique et diplomatique. L'esprit d'innovation s'opposait à la routine et M. de Boufflers vantait l'Angleterre pour avoir su l'entretenir. C'est cet esprit qui génère le désir, qui lui-même engendre l'offre de nouveaux biens et services, et qui offrent à leur tour des emplois et de la richesse.

Cet aspect de l'innovation n'a jamais disparu de notre horizon intellectuel, parce que nous sommes persuadés que c'est par la recherche, le développement et, au bout du compte par le nombre de brevets déposés, que l'on peut mesurer la vitalité intellectuelle d'un pays.

D'ailleurs l'évolution des chiffres de dépôts de brevets, marques dessins et modèles nationaux sur l'année 2000 confirme le dynamisme industriel, même si l'on peut faire mieux et si l'on doit faire plus pour accompagner l'évolution du monde et rester dans la course.

Cependant, si j'en crois les chiffres publiés pour l'année dernière, 17 357 brevets ont été déposés en 2000 à l'INPI soit une hausse de 2,8 % par rapport à 1999. Les dépôts de marques sont eux en forte croissance puisqu'en 2000, 74 482 marques françaises ont été déposées à l'INPI soit une augmentation de 14 % par rapport à l'année précédente. Enfin les dessins et modèles ont connu une augmentation significative en 2000. 7541 dessins ou modèles français ont été déposés à l'INPI soit une augmentation de 6,2 % par rapport à l'année précédente.

Au-delà des bons chiffres, il faut aussi marquer qu'aujourd'hui les enjeux de la propriété industrielle sont devenus largement mondiaux. A l'origine, les droits de propriété industrielle étaient limités à l'espace national parce qu'on considérait qu'ils étaient une manifestation de la souveraineté nationale. Aujourd'hui cette limitation s'estompe parce que la circulation des idées, des hommes et des capitaux ont lancé de nouveaux défis à l'innovation et que la marchandisation ne s'accommode pas des limites hexagonales.

Particulièrement importante déjà est la mise en place au niveau de l'Europe d'un brevet européen qui substitue une procédure unique de dépôt aux procédures nationales. Mais le dépôt de brevet peut également se faire par une voie internationale qui conduit à ne faire qu'une seule démarche pour obtenir un brevet dans 100 pays.

L'internationalisation conduit alors le Parlement national à jouer un plus grand rôle que dans le passé puisqu'il ratifie les conventions internationales et transpose les directives communautaires. A cet égard, je rappelle que nous sommes face à un défi majeur puisque notre Assemblée devra être saisie de la directive relative à la brevetabilité du vivant qui a des conséquences économiques majeures mais dont vous savez qu'elle pose des problèmes éthiques aigus.

Mais puisque aujourd'hui, il n'y a pas d'enjeux mondiaux et de perspectives globalisantes sans une contrepartie locale, laissez-moi sacrifier à une région qui m'est chère, la Franche Comté ! Je voudrais rappeler que la sixième édition régionale des trophées de l'innovation 2000 a récompensé 5 entreprises de Franche Comté pour leur aptitude à intégrer la propriété industrielle dans leur politique de développement. Qu'on permette de les citer et des les saluer tout spécialement puisqu'elles concourent pour le trophée national : la société MULLER de Besançon, la société GAUSSIN de Héricourt située non loin de Delle, le Groupe GUILLIN d'Ornans, le Groupe FORSYM des Rousses, enfin la SERMAP de Pierrefontaine-les -varans.

Qu'il s'agisse des enjeux mondiaux comme des enjeux locaux, je voudrais dire pour terminer qu'il faut que l'Europe demeure, comme la France et l'Angleterre au XVIII° siècle, un lieu d'excellence de la propriété intellectuelle dans le monde. Mais il faut aussi que les besoins des économies du sud soient pris en considération..

Le procès qui s'est ouvert le 5 mars dernier devant la Haute Cour de Pretoria, en Afrique du Sud est l'indice le plus clair qu'on n'a pas encore trouvé un équilibre entre les intérêts de chacun, inventeurs et consommateurs. En matière de médicaments anti-sida par exemple, les uns sont au Nord, ce sont les grands laboratoires européens et américains, les autres sont au Sud, ce sont des malades dépourvus de tout. Le procès qui s'est ouvert représente un moment charnière dans la bataille que mènent nombre de pays du tiers-monde, pour s'affranchir d'un droit sur les brevets et licences qui les pénalisent durement. En matière de santé publique, il n'est pas admissible qu'un compromis ne puisse être trouvé entre inventeurs et consommateurs.

Je suis sûr que par sa tradition humaniste, l'Europe a un rôle à jouer dans la nécessaire recherche d'une solution que personnellement j'appelle de mes voeux. Merci.