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Célébration du centenaire de la loi du 1er juillet 1901
à l'Hôtel de Lassay le lundi 25 juin 2001

Discours de M. Raymond Forni,

Président de l'Assemblée nationale

Monsieur le Président,

Mes chers collègues,

Mesdames, Messieurs,

Par la journée qu'elle a organisée, riche et dense grâce à la qualité des interventions, l'Assemblée nationale, je tiens à le souligner, a voulu rendre hommage à la vie associative du monde entier, dans la variété de ses buts, des pays où elle peut se développer, des militants qui la font vivre, trop souvent dans la difficulté.

Car, s'il y a un point commun entre les thèmes traités aujourd'hui par ceux qui représentent ici les cinq continents, et dont je veux saluer la présence, ce sont bien les difficultés, - et l'ardeur qu'il faut pour les surmonter ; qu'il s'agisse de faire reconnaître, ici le droit au savoir, là le droit à la vie, ailleurs la liberté de penser. Ces difficultés, on sait bien d'où elles viennent, des fautes ou des défaillances de l'Etat.

Il ne m'appartient pas de juger publiquement, à la fonction qui est la mienne, telle ou telle contrée et risquer ainsi des incidents diplomatiques dont le Ministre des affaires étrangères pourrait me faire le reproche.

Pour autant, si, de l'autre côté de la Méditerranée, la libre information de chacun connaît tant d'obstacles, si ceux qui la veulent vivante le paient parfois de leur liberté, c'est parce qu'un Etat se dresse et agit contre ce qu'il devrait protéger et soutenir.

Si, de l'autre côté de l'Atlantique, on continue, au nom de la loi, de gazer, d'électrocuter, de pendre ou de fusiller, c'est parce qu'un État - et surtout ceux qui le composent - refuse de se rendre à l'évidence et de reconnaître que la peine de mort ─ les pays abolitionnistes maintenant majoritaires l'ayant pourtant démontré ─ est une méthode vaine autant que sauvage pour lutter contre la criminalité de sang.

Si, de l'autre côté, encore, de l'Atlantique, des hommes se battent pour une répartition plus équitable de la terre, c'est parce que l'Etat ne veille pas, pas suffisamment, à la dignité des uns vis à vis de l'opulence des autres.

Si, quelque part sur notre continent européen, on se groupe pour des actions d'alphabétisation, c'est que l'État faillit à sa mission essentielle qui est l'instruction de ses enfants, pour qu'il en surgisse des adultes conscients d'eux-mêmes.

Rassurez-vous, je ne vais pas reprendre un à un, et forcément moins bien, ce qui a été si clairement exposé au cours de la journée ; mais je souhaitais que vous ne doutiez pas, au travers de ces quelques exemples, de la part que je prends, personnellement, aux combats que vous conduisez.

Sachez aussi que, par ces exemples venus d'autres pays, je ne mets pas implicitement la France à l'abri des critiques. Il faut savoir, comme on dit ici, balayer devant sa porte. S'il existe chez nous des associations contre le racisme ou la xénophobie, ou pour le droit au logement, c'est évidemment parce que, même dans un pays aussi globalement prospère et instruit, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.

Mais l'Assemblée nationale avait fait le choix, que je crois heureux et pertinent, de donner la parole, si j'ose dire, au reste du monde et c'est pourquoi je ne m'attarde pas sur la situation de mon propre pays, aussi indispensable qu'y soit l'action associative si brillamment et largement représentée aujourd'hui dans cette salle pour éclairer, rectifier, critiquer, approfondir l'action des pouvoirs publics. Vous êtes nécessaires, même si les dirigeants que nous sommes sont, parfois ...disons... désorientés par certaines de vos actions. Vous êtes nécessaires, ne l'oubliez pas.

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Au-delà de la lutte contre les erreurs et les fautes des Etats - celui-ci, le mien, tous les autres - il y a un autre point commun entre vous et, à cet instant, je ne parle pas des associations, mais des hommes et des femmes qui les font vivre. Ce point commun, c'est évidemment le courage.

Le courage, d'abord, d'aller contre des opinions que l'on croit dominantes parce que rien n'est fait ─ et au contraire ─ pour qu'il en soit autrement et l'on voit bien à quoi je pense après l'effroyable mise en scène récente d'une revanche d'État. Je n'ose parler de vengeance, indigne du grand pays que sont les Etats-Unis. Le courage, c'est aussi d'agir avec souvent comme seuls moyens d'action l'ardeur, le désir de servir, la volonté, même si pareille expression paraît mièvre, d'oeuvrer pour un monde meilleur. Le courage, enfin, de chacune et de chacun d'entre vous, vous qui êtes présents et ceux que vous représentez, de s'engager physiquement, au prix de la liberté, de la vie parfois.

C'est vous dire que ce colloque, par delà les rites habituels à ce genre de réunions, se veut aussi symbole.

Depuis un peu plus de deux cents ans maintenant, avec quelquefois trop d'emphase, je le confesse, la France entend incarner la liberté. On a connu, hélas ! des circonstances où c'était plutôt l'inverse et chacun comprendra que je fais plus qu'allusion à la période coloniale, aux excès, aux horreurs même, commis alors.

L'idée de liberté n'était pourtant pas éteinte. Au moment où l'Etat prétendait imposer sa loi injuste, des hommes se groupaient pour lutter qui contre l'oppression, qui contre la torture, qui contre le pillage des richesses. C'est cette France-là qui vous a accueillis aujourd'hui. Celle qui, sans prétendre se mêler de tout, veut cependant être le défenseur de toutes les libertés.

C'est vous dire que cette journée, l'esprit qui l'anime, ne s'achève pas avec ces quelques mots de conclusion et, surtout de reconnaissance pour être venus dans cette maison de la démocratie. C'est vous dire que ces rencontres sont aussi une promesse : de ne jamais oublier ce qui a été dit, de répondre toujours aux appels que vous pourriez lancer, pour que, dans vos actions, aussi longtemps qu'elles seront nécessaires, vous soyez certains que nous sommes à vos côtés.