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Visite officielle de M. Abdelkader Bensalah, Président de l'Assemblée populaire nationale d'Algérie, à l'Hôtel de Lassay le mercredi 24 octobre 2001

Discours de M. Raymond Forni,

Président de l'Assemblée Nationale

Monsieur le Président de l'Assemblée populaire nationale,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs, chers amis,

C'est un honneur et un plaisir de vous recevoir, à titre officiel, aujourd'hui à l'Assemblée nationale, vous-même Monsieur le Président, ainsi que la délégation qui vous accompagne. Permettez-moi de saluer l'importance de cette délégation, autant par le nombre que par la qualité de ses membres, qui représentent les différents groupes politiques de l'Assemblée populaire nationale.

Monsieur le Président,

Au-delà de l'honneur protocolaire que je ressens à accueillir ici le Président de l'Assemblée populaire nationale d'Algérie, je dois vous dire à quel point, en tant que responsable politique et en tant qu'homme, j'en éprouve surtout une grande joie.

Notre histoire commune, est-ce la peine de le rappeler, fut une histoire tourmentée. Du sang a coulé. Des actes tout à fait condamnables ont été commis dont l'actualité récente a fait ressurgir le douloureux souvenir.

Et cependant, vous voici en ces lieux, comme le Président Bouteflika, il y a un peu plus d'un an, en visite d'amitié retrouvée, dont j'ai voulu que soient témoins les Ambassadeurs des pays Arabes représentés en France et dont je salue la présence aujourd'hui.

De toute la violence qui a opposé nos deux peuples, en particulier durant les huit années de décolonisation, oserais-je dire que peut naître, que doit naître, comme un bien d'un mal, dans une sorte de naissance cathartique, une amitié des plus intenses et des plus durables.

Il y a, je le crois, de nombreux atouts pour cela.

Notre appartenance commune au monde Méditerranéen. Le français que nous partageons et dont je sais que vous n'êtes pas de ceux qui souhaitent sa disparition en Algérie. Pardonnez-moi cet aveu ! J'éprouve de la fierté et de l'émotion quand j'entends tant de vos compatriotes s'exprimer dans notre langue.

Mais l'atout principal de l'amitié entre nos peuples, c'est surtout la présence en France de nombreux Algériens, dont certains ont adopté la nationalité française, dont d'autres sont restés Algériens, mais qui, par leur nombre et leur diversité, incarnent cette proximité entre la France et l'Algérie.

L'immigration algérienne a enrichi la France. Aujourd'hui, des Français d'origine algérienne s'intègrent de mieux en mieux à tous les niveaux de notre société, et y apportent, par la richesse de leur culture, un indiscutable renouveau.

La Presse, c'est dans sa fonction, souligne trop souvent les carences de l'intégration. Elles existent. Mais ne confondons pas ces carences avec les manifestations d'indiscipline sociale de certains jeunes qui ne sont pas propres aux immigrés, mais qui posent le problème plus général des cités, des conséquences des années de chômage, des problèmes pédagogiques spécifiques que pose l'ambition d'amener 80 % de tous les jeunes au baccalauréat, de la perte des valeurs familiales et de la crise de l'autorité parentale.

Les incidents survenus lors du match France-Algérie, le 6 octobre dernier, ont été une manifestation de cette indiscipline sociale. Ils n'ont rien à voir avec les relations franco-algériennes, ni même avec l'immigration d'origine algérienne. Ils sont regrettables, car ce match aurait pu être un jalon supplémentaire sur la route de cette amitié durable que j'évoquais il y a un instant, comme un souhait profond et dont je sais qu'il est aussi le vôtre.

Je souhaite qu'une nouvelle occasion sportive soit vite trouvée afin de mieux rapprocher nos peuples par la vertu du sport.

Enfin, parmi les atouts de l'amitié franco-algérienne, il y a cette communauté des Français originaires d'Algérie, communauté souvent constituée de petites gens qui n'ont pas personnellement tiré profit de la colonisation et qui, aujourd'hui que les cicatrices sont refermées, ont gardé au coeur l'amour passionné, l'attachement charnel à cette lumineuse terre d'Algérie.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, permettez-moi, avant de conclure, d'émettre le voeu que la France, si proche par son histoire et sa culture, non seulement de l'Algérie mais plus généralement du monde Arabe, puisse apporter une contribution importante à une meilleure compréhension, à une meilleure coopération, entre l'Europe et les pays arabophones et musulmans.

A ce titre d'ailleurs, j'exprime ici le souhait que les négociations en vue de l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Algérie, qui viennent de reprendre à Bruxelles, aboutissent très rapidement. La France et l'Algérie sont en effet des partenaires à part entière du processus euro-méditérranéen commencé à Barcelone en novembre 1995. Il s'agit pour la France d'un choix stratégique et pour l'Europe d'une nécessité, si nous voulons que le Bassin méditerranéen devienne un espace de paix, de sécurité et de prospérité partagée, à laquelle ensemble nous aspirons.

Mais je ne saurais conclure mon propos sans évoquer les événements internationaux dramatiques que nous vivons depuis le 11 septembre et qui montrent à l'évidence la nécessité de renforcer encore le rapprochement et le dialogue entre nos peuples.

Les attentats perpétrés aux Etats-Unis sont une tragédie pour l'ensemble de l'humanité. Parmi les victimes figuraient des femmes et des hommes originaires de tous les continents, de toutes les croyances. L'atrocité de ces attentats a suscité des réactions de douleur et d'indignation sur toute la planète.

Je tiens à saluer la solidarité, le sang-froid et la dignité avec laquelle les pays arabo-musulmans ont réagi face à ces terribles événements. L'Algérie, plus que toute autre Nation, sait que le terrorisme n'est pas un problème nouveau, ni un problème géographiquement limité.

Mais je tiens à dire, avec la plus grande fermeté, que les terroristes ne nous forceront pas à nous replier sur nous-mêmes, à fermer nos frontières, à rejeter l'Islam et à sombrer dans la haine de l'autre. Chaque religion a ses fanatiques. Nous n'avons pas oublié l'apport de l'Islam à la richesse et à la diversité de nos cultures.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, dans ces circonstances particulièrement difficiles, les parlementaires doivent plus que jamais agir ensemble et être tous guidés par les principes qui font la force de nos pays, de nos peuples et de nos Parlements : la tolérance, la démocratie, le respect de l'Etat de droit.

Monsieur le Président, je sais que comme moi vous êtes convaincu de l'utilité et de la nécessité du rôle des Parlements dans le rapprochement entre les peuples. Vous exercez actuellement avec dynamisme et efficacité la Présidence de l'Union interparlementaire arabe. J'avais pu en mesurer toute l'importance lorsque je vous avais reçu à la tête d'une délégation de parlementaires arabes au mois de janvier dernier pour évoquer le conflit israélo-palestinien. Je vous invite à nouveau à conduire à Paris, avant la fin de l'année si possible, une délégation de l'Union interparlementaire arabe pour évoquer la situation internationale et les conséquences que l'on peut en tirer.

Autant de priorités, Monsieur le Président, qui appellent à un dialogue et à une concertation accrus entre nos deux Assemblées. Les parlementaires de nos deux pays jouent un rôle actif au service de l'amitié entre nos peuples. Je tiens à cet égard à saluer les Présidents des groupes d'amitié de nos deux Assemblées, M. Zidane Charef et M. Jérôme Lambert, infatigables artisans de notre coopération parlementaire bilatérale.

L'Algérie, par la place qu'elle occupe dans le coeur des Français, par la position qu'elle a au sein du Maghreb et du monde arabe est, pour la France et son Assemblée nationale, un partenaire naturel.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

Confiant dans les perspectives nouvelles qui s'ouvrent à l'Algérie et à la France, je suis heureux de saluer avec vous le renforcement de l'amitié et de la coopération entre l'Assemblée populaire nationale d'Algérie et l'Assemblée nationale française, et la fraternité retrouvée de nos deux peuples.