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Hommage solennel à Claude DESBONS
Hémicycle le mardi 6 novembre 2001

Discours de M. Raymond FORNI,

Président de l'Assemblée nationale

Monsieur le Premier ministre,

Mesdames et Messieurs les ministres,

Mesdames et Messieurs les députés,

Madame,

A la veille de la rentrée parlementaire, Claude Desbons s'est éteint au terme d'un terrible calvaire. Durant de longs mois, son absence nous fut douloureuse et, quand il nous a quittés, le 24 septembre, l'émotion fut vive au sein de cette Assemblée. Depuis décembre dernier, nous le savions plongé dans la nuit, à la suite d'un accident cérébral, mais l'espoir ne nous avait jamais quittés de le retrouver sur les bancs de cet Hémicycle, où il avait mené tant de combats, où il avait noué tant d'amitiés. Nous perdons un collègue estimé et respecté, mais nous voyons surtout disparaître un admirable serviteur de la République.

Aujourd'hui, par ma voix, la Représentation nationale rend hommage à un homme qui incarnait ce mélange d'humanisme et de générosité sincères, qui était d'un même élan républicain et de gauche. De ses années de jeunesse, dans la campagne gersoise où il puisait ses racines, Claude Desbons avait gardé la conviction que l'écoute et le partage sont les plus grandes richesses. Elevé, dans une famille modeste, à l'école de la solidarité et de l'entraide, il avait fait de la modestie, de la loyauté et du courage ses vertus cardinales. Tout au long de sa vie, sa fidélité à ses convictions et à ses idéaux fut son honneur et sa force. Là se tient, tout entière, la personnalité exemplaire d'un homme qui consacra son existence au combat pour la justice, l'égalité et le progrès.

Nous saluons aujourd'hui le parcours exceptionnel d'un brillant autodidacte qui jamais n'oublia ses origines. De ses parents, fervents républicains, il avait appris le sens du devoir et de la discipline ; il continua, plus tard, d'incarner la rigueur et la détermination de ceux qui savent la valeur du travail et le prix de l'engagement. Son plus beau diplôme, c'était sa volonté ; sa meilleure école fut celle de la vie, la plus exigeante, celle où se puise l'envie d'entreprendre. Car avant d'être un élu respecté, Claude Desbons fut un talentueux entrepreneur.

En 1968, âgé de trente ans, il créa une entreprise avec son frère, surmontant vaillamment les difficultés que les événements de cette année là ne manquèrent pas de faire surgir. A force de patience et d'intelligence, il s'imposa dans ce domaine et y rencontra une réussite exceptionnelle. Mais la persévérance et le travail n'expliquent pas, seuls, ce remarquable destin professionnel. Il témoigne aussi d'une admirable capacité à conjuguer l'économique et le social en un subtil et précieux équilibre. Claude Desbons croyait en l'éthique de l'entreprise, fondée sur le respect et le dialogue, qui permet que les responsables patronaux et les salariés ne soient pas des adversaires mais des partenaires. Vision moderne, vision de gauche.

De la sphère privée à la sphère publique, Claude Desbons demeura profondément fidèle à ses convictions, à son idéal de fraternité et de solidarité. En Algérie, où il avait servi sous les drapeaux français aux heures sombres de notre Histoire, il avait acquis le goût de la confrontation et du débat d'idées, aux côtés de ses compagnons d'armes. Fort de cette expérience initiatique, il entra en politique peu après son retour en France, en rejoignant les Jeunesses Socialistes du Gers en 1965. Pendant dix ans, doué d'une sensibilité toujours aux aguets, il fut pour ses camarades socialistes un éclaireur et un visionnaire, avec, d'ailleurs, la timidité et la simplicité des hommes qui sont en avance sur leur temps.

En 1975, Claude Desbons choisit de rejoindre le Mouvement des Radicaux de Gauche pour mener d'autres batailles, mais sans jamais varier dans ses convictions ou dans ses amitiés. En 1977, il fut élu conseiller municipal d'Auch, puis réélu en 1983. A la mairie, comme au sein de la Jeune Chambre Economique de la ville, dont il contribua grandement à développer les activités, il conserva l'ambition de ses idées et la passion de ses engagements. Claude Desbons illustrait ce que la politique a de plus noble, lorsqu'elle n'est pas une profession mais une vocation. Il aimait simplement l'action publique et croyait profondément en ce qu'il accomplissait pour le bien commun.

Elu premier adjoint au maire et conseiller général du canton d'Auch Sud-Est en 1987, il continua de faire la preuve éclatante que la fermeté peut s'allier à la gentillesse, que la politique peut inspirer le respect. Les Gersois saluaient son intégrité, l'énergie avec laquelle il s'attachait à défendre leur terre, lui qui était épris de sa sérénité et de sa beauté. Par une exceptionnelle capacité d'écoute et de dialogue, Claude Desbons savait se rendre attentif aux aspirations et aux espoirs de ses concitoyens. C'est avec bonheur qu'il partait à leur rencontre, arpentant inlassablement cette France rurale qu'il aimait tant, pour leur expliquer ses projets et leur faire partager ses engagements. Ceux qui croisaient son chemin savaient qu'ils pouvaient engager la conversation, avec les mots simples et sobres de ceux qui, quelle que soit leur condition, se savent respectés.

En 1995, les Auscitains témoignèrent à Claude Desbons leur estime en lui confiant leur mairie. Il était profondément fier de cette confiance, qui donne tout son sens au contrat social liant le peuple à celui qu'ils ont choisi pour le représenter. Résolu à ne jamais la trahir et à s'en montrer digne, il était toujours généreux de son temps, sacrifiant ses loisirs et ses vacances, payé en retour de la satisfaction du devoir accompli, et du plaisir de servir l'intérêt général. Il portait une amitié sincère à ses électeurs du Gers et aux administrés de sa commune. Je fus d'ailleurs témoin du magnifique hommage, empreint de gratitude et d'émotion, que la ville d'Auch lui rendit peu après sa disparition.

 

C'est peu dire que Claude Desbons accomplit en sa cité gersoise une oeuvre remarquable, sachant allier tradition et modernité. Amoureux des arts et des lettres, il s'attacha beaucoup à préserver et à promouvoir le patrimoine de sa ville, à favoriser la création artistique et les pratiques culturelles. Ceux qui l'ont vu se passionner pour les nouvelles technologies de l'information et de la communication savent que pour sa ville, pour son département, il ne cessait jamais de regarder vers l'avenir.

Parmi les mandats électifs que Claude Desbons exerça, celui de maire le combla plus qu'aucun autre. C'était à ses yeux le plus exigeant mais aussi le plus valorisant, parce qu'il faisait vivre la démocratie au quotidien. Pourtant, il servit la République avec autant d'enthousiasme et d'ardeur sur d'autres scènes politiques. En 1997, celui qui avait aussi dans le coeur la chaleur que font d'ordinaire résonner les voix du Sud-Ouest, fut élu à l'Assemblée nationale. Il aimait à dire la joie qui l'avait envahi lorsqu'il avait franchi, pour la première fois, la Porte de Bronze. C'était, disait-il, l'un des plus beaux jours de sa vie. Mais il savait, aussi, que l'honneur d'être député est moins une faveur qu'une charge, la responsabilité éminente d'exprimer et de réaliser la volonté de ses concitoyens. Il s'en acquitta avec une constance et une clairvoyance que nul ici n'oubliera.

Au sein de notre Assemblée, Claude Desbons fut un membre écouté et respecté de la Commission de la Défense, où son sens aigu de l'analyse, sa vivacité et son dynamisme firent merveille. Pour lui, la politique ne se limitait pas aux frontières d'une circonscription ou d'une nation. Il ne concevait le Parlement que comme ouvert sur le monde, généreux, rayonnant de l'éclat des valeurs de la République. Il sut les faire vivre sur d'autres continents, en présidant le groupe d'amitié France-Niger. Au cours des nombreuses missions qui l'ont porté sur le continent africain, il donna un nouvel élan à la coopération humanitaire et contribua à développer des relations fécondes entre ces deux pays.

Mes chers collègues, nous saluons aujourd'hui une vie de militant, avec toute la noblesse qui s'attache à ce mot. Simple, toujours droite, intensément fidèle. Une vie tournée vers les autres, exigeante, exemplaire. En pensant avec affection à sa famille et à ses proches, à sa femme Marie-Françoise, à ses enfants Jean-Yves et Marie-Pierre, désormais orphelins d'un père attentif et aimant mais héritiers d'un modèle, je vous demande de bien vouloir vous recueillir à la mémoire de Claude Desbons.