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Ouverture de la VIIème Grande Commission Parlementaire France-Russie
à l'Assemblée nationale le mardi 27 novembre 2001

Discours de M. Raymond FORNI,

Président de l'Assemblée nationale

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Chers Collègues,

Monsieur l'Ambassadeur,

Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux de retrouver aujourd'hui nos amis Russes, à l'Assemblée nationale, et d'ouvrir avec vous cette septième commission parlementaire France-Russie. Cette grande commission se réunit chaque année depuis 1995. Elle nous permet de cultiver, avec l'un des plus anciens amis de la France, qui est aussi le plus grand voisin de l'Europe, des relations privilégiées. Et je conserve un excellent souvenir de l'accueil qui grâce au Président SELEZNEV m'avait été réservé à Moscou, en octobre 2000, lors de notre sixième réunion. Ces réunions sont ainsi assez rapidement entrées dans nos habitudes, -je m'en réjouis.

Mais le millésime 2001 de la grande commission parlementaire France-Russie revêt un caractère exceptionnel.

D'abord parce que nous avons souhaité resserrer les relations entre nos deux Assemblées. Depuis que la Russie a renoué avec la démocratie, il était indispensable de retisser des liens avec un pays dont nous restons, par-delà la distance géographique, si proches. Nous avons accueilli en décembre 2000 de « jeunes députés » de la Douma -jeunes par l'âge, ou par leur élection récente. Nous avons invité en avril 2001 des étudiants de l'Université de Moscou à venir à l'Assemblée découvrir le fonctionnement de notre démocratie parlementaire. Et nous nous retrouverons demain, lors d'un colloque consacré à la coopération entre les territoires de Russie et de France, élément essentiel d'un réel rapprochement entre nos deux pays. Je veux remercier le Président SELEZNEV d'avoir encouragé cette coopération plus étroite entre la Douma et l'Assemblée nationale. Sans son soutien, ces nouvelles formes de notre travail en commun n'auraient pu voir le jour.

Cette réunion est surtout exceptionnelle par le contexte international dans lequel elle intervient. Les attentats du 11 septembre ont mis en lumière les changements souterrains que ce monde a connus. Ils ont souligné les insuffisances de l'organisation actuelle des relations internationales. Ils ont mis en évidence la nécessité d'améliorer les moyens dont nous disposons pour assurer la sécurité de nos concitoyens, dans une situation internationale plus dangereuse.

Ces attentats dramatiques ont également suscité quelques prises de position remarquées, qui méritent une discussion plus approfondie.

Le discours prononcé au Bundestag par le Président Vladimir POUTINE a résonné jusqu'entre ces murs. La volonté qu'il a marquée d'un rapprochement entre la Russie, d'une part, les Etats-Unis et l'Union européenne, d'autre part, l'appel, qu'il nous a lancé, à porter un regard neuf sur la Russie d'aujourd'hui, ont soulevé un vif intérêt. La question qui se pose aujourd'hui est de savoir dans quelle mesure nous sommes prêts à progresser ensemble dans les domaines de la politique énergétique, de la coopération économique, de la coopération en matière de sécurité et de défense, afin de mieux faire face à la situation internationale actuelle.

Il nous faut travailler ensemble à un meilleur gouvernement du monde.

Les attentats du 11 septembre ont souligné la fragilité des démocraties face à des réseaux de terroristes fanatisés. La libre circulation des capitaux leur permet de se financer. Même très relative, la libre circulation des personnes leur permet de pénétrer les pays dont ils font leur cible. Les enquêtes policières et les procédures judiciaires menées dans un cadre national les laissent passer entre les mailles du filet. Nous devons donc offrir à la coopération internationale un cadre renforcé.

Ce cadre est d'abord celui des Nations Unies. Un vrai règlement politique, une paix durable en l'Afghanistan, conditions de l'éradication du terrorisme au moins dans ce pays, passent avant tout par les Nations Unies. Mais la lutte contre le terrorisme dépasse très largement les frontières de ce pays. C'est aussi dans le cadre de l'ONU que nous pouvons adopter des conventions universelles contribuant à cet objectif. L'Assemblée nationale a autorisé le 20 novembre dernier, par un vote unanime, la ratification par la France de la convention internationale des Nations Unies de décembre 1999 pour la répression du financement du terrorisme. Cette proposition française faisait suite -déjà- aux attentats contre les ambassades américaines à Dar-es-Salaam et à Nairobi, en juillet 1998. Les sanctions qu'elle met en place, les mesures nécessaires à l'identification, au gel, à la saisie et à la confiscation des fonds utilisés qu'elle prévoit, le renforcement des mécanismes d'entraide judiciaire entre Etats qu'elle comporte en font un instrument essentiel de la lutte contre le terrorisme. Mais si 97 Etats ont signé cette convention, la France n'est que le 11ème à la ratifier. Onze ratifications sont encore nécessaires pour qu'elle entre en vigueur.

Contre le terrorisme, chaque grande région du monde doit se mobiliser.

L'Europe a commencé de réagir à la menace. L'espace de liberté, de sécurité et de justice que doit devenir l'Union européenne est une réponse efficace. La France et l'Allemagne ont réaffirmé le 23 novembre leur volonté que les décisions prévues au sommet européen extraordinaire du 21 septembre soient prises dans les délais impartis : la définition commune du terrorisme, la création d'un mandat d'arrêt européen, la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, l'échange d'informations et la coopération entre autorités chargées de la sécurité. Nous voulons mettre en place une véritable police européenne, renforcer la coopération judiciaire, en particulier Eurojust, sur la voie d'un véritable ministère public européen. Il est souhaitable que la Russie accompagne ce renforcement de la coopération entre Européens.

Cette coopération pour la paix doit concerner aussi les foyers d'instabilité sur chaque continent. Certains de ces foyers d'insécurité, en Europe même, ont parfois été le terrain d'entraînement de quelques fanatiques. Il nous faut aujourd'hui oeuvrer à la coexistence de peuples, de religions, de cultures différentes sur le continent européen, et en particulier dans les Balkans, dans des pays qui ont été ces dix dernières années terriblement éprouvés par les violences et la guerre. C'est aussi une manière de lutter contre le terrorisme. Les élections au Kosovo ont été marquées par une forte participation de la minorité serbe. La Macédoine vient d'adopter une révision de sa constitution qui apporte une réponse satisfaisante aux demandes de la minorité albanaise. Il nous faut réfléchir ensemble aux moyens de conforter ces premiers succès. La France et la Russie peuvent chacune faire état de leur expérience de l'intégration de communautés d'origine étrangère mais aussi de la présence de l'islam -c'est, en Russie comme en France, la deuxième confession du pays.

Mesdames, Messieurs,

Sur la lutte contre le terrorisme et son financement, sur l'enracinement de la paix dans l'Europe du sud-est, sur le projet d'une société plus ouverte aux différences et plus respectueuse des droits de l'homme, vous aurez, aujourd'hui, des débats passionnants. Sur ces trois sujets, je veux souligner l'attachement qui est celui des députés français, qui est le mien, à une République laïque, respectant toutes les croyances, ne se soumettant à aucune, rejetant toute discrimination et ne reconnaissant que des citoyens, égaux en droits et en devoirs. Par-delà l'affirmation de principes intangibles -qui sont ceux des valeurs universelles que nous partageons- ce n'est pas un « modèle » que nous voulons imposer au monde. C'est une proposition que nous faisons, une invitation au dialogue et à la réflexion, dont cette septième grande commission parlementaire France-Russie sera, je n'en doute pas, un moment irremplaçable.