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Discours du Président de l'Assemblée Nationale, Monsieur Raymond FORNI,
Dixième anniversaire du prix de Reporters sans frontières,
Assemblée Nationale, Galerie des fêtes, mercredi 28 novembre 2001

Monsieur le Président de Reporters sans frontières,
Monsieur le Président de la Fondation de France,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs, chers amis,

Je tiens tout d'abord à exprimer le plaisir mais aussi et surtout l'émotion que mes collègues députés et moi-même avons à vous accueillir aujourd'hui à l'occasion du dixième anniversaire du prix de l'association Reporters sans frontières.

Nous sommes d'autant plus fiers de vous accueillir ici, dans la maison de la démocratie, que notre Assemblée partage pleinement les idéaux et les valeurs fondatrices de Reporters sans frontières: la liberté d'informer, bien sûr, mais aussi les droits de l'homme et la tolérance.

Cet anniversaire est pour tous les députés l'occasion de saluer l'action courageuse que les membres de cette association déploient inlassablement, partout dans le monde, au service de la liberté de l'information.

Cette action, qu'il s'agisse de secourir les journalistes victimes de la répression ainsi que leurs familles, de lutter pour en faire libérer d'autres, d'appuyer les organisations syndicales et professionnelles indépendantes, s'inscrit dans le droit fil des valeurs défendues par notre Assemblée depuis les Etats généraux de la Révolution française de 1789.

Les auteurs de la Constitution américaine, quelques années seulement avant la Révolution française, ont fait de la liberté de la presse le principe fondateur de l'État moderne, la condition essentielle de l'exercice plein et entier des libertés fondamentales. Sans presse libre, point de démocratie. La France, elle aussi, l'a bien compris. Votre association a choisi de défendre ce principe hors de nos frontières.

Depuis l'Antiquité, nous savons que la démocratie n'est jamais achevée, qu'elle exige une constante attention de tous, qu'elle est un combat permanent et jamais un acquis. Elus et citoyens doivent donc faire preuve de vigilance et de fermeté pour assurer la réalisation de la promesse essentielle de la démocratie : que le gouvernement du peuple soit véritablement un gouvernement pour le peuple.

Pour que ce principe soit pleinement respecté, encore faut-il que les citoyens soient informés de tous les événements qui affectent le monde, mais aussi de toutes les idées qui en infléchissent la marche.

C'est le rôle du journaliste et il ne peut l'exercer que s'il a accès à toutes les informations et dispose de la liberté de les transmettre.

Mais si le journaliste est l'historien du présent, le reporter est, lui, plus encore le médiateur en temps réel des événements les plus lointains et parfois les plus tragiques. Sa liberté d'enquêter qu'il revendique et l'instantanéité de l'information qu'il transmet font de sa mission un métier à hauts risques, parfois maculé de sang.

Le Rapport 2001 de « Reporters sans frontières » donne assez d'exemples d'atteintes directes et brutales à la liberté de la presse pour que ce rappel soit un devoir. Les 770 journalistes tués en service depuis la création, en 1985, de Reporters sans frontières sont un souvenir plus que douloureux. Et je n'oublie pas les huit journalistes, morts ces derniers jours en Afghanistan.

Les atteintes liberticides à la Presse ne sont pas toujours aussi brutales ou aussi violentes. Mais elles prennent de plus en plus souvent des formes pernicieuses, et malheureusement, tout aussi grave.

Je pense en particulier au vote de ces lois restrictives au terme desquelles des gouvernements paralysent l'action des journalistes, les poursuivent, les encadrent.

L'idée que la Presse est au service du pouvoir politique, se drapant volontiers dans le rôle de porteur exclusif de l'intérêt général est encore très, trop, répandue en ce début du XXIème siècle.

C'est pourquoi, nous avons besoin de femmes et d'hommes courageux et prêts, quel que soit le danger, à témoigner des souffrances que des hommes infligent à d'autres hommes.

Mesdames et Messieurs, on dit souvent que le monde d'aujourd'hui compte trop peu de héros. C'est peut-être vrai. Mais aujourd'hui, en accueillant les dix lauréats du prix de Reporters sans frontières, nous sommes en présence d'authentiques héros de notre temps, qui incarnent l'esprit de liberté, de fraternité et de résistance à l'oppression qui habite chacun de nous et qui est le fondement même de notre République.