Accueil > Archives de la XIe législature > Discours de M. Raymond Forni, Président de l'Assemblée nationale

Remise du Prix de l'Asemblée nationale du livre pour la jeunesse
à l'Hôtel de Lassay le mardi 4 décembre 2001

Discours de M. Raymond Forni,

Président de l'Assemblée nationale

Madame la Présidente,

Madame la Défenseure des enfants,

Mesdames et Messieurs les parlementaires, chers collègues,

Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

Laissez-moi vous dire combien je suis heureux de vous accueillir ce soir à l'Assemblée nationale, pour la remise du Prix du livre pour la jeunesse qu'elle décerne désormais chaque année.

Ensemble, nous allons récompenser les auteurs des deux ouvrages distingués par le jury : Auschwitz, de Monsieur Pascal Croci, et Á l'ombre de l'olivier, recueil de comptines arabes et berbères, réunies par Mesdames Magdeleine Lerasle et Hafida Favret, illustrées par Madame Nathalie Novi, et mises en musique par Monsieur Paul Mindy.

L'ambition de ce prix est simple : sensibiliser au moyen du livre les enfants et les adolescents aux réalités politiques, économiques, sociales ou culturelles de notre temps, et les rendre attentifs aux réponses apportées par les valeurs de la démocratie. Sa vocation, belle, généreuse, est d'enseigner à tous les jeunes citoyens, à travers l'évocation écrite de faits historiques ou contemporains, les grands principes de notre République.

Car si on défend souvent, et à juste titre, les mérites du sport pour apprendre aux enfants les vertus de la citoyenneté, il importe que cet apprentissage ne cesse de se faire par le livre, par les pages qu'on tourne et les histoires qu'on raconte.

C'est pourquoi, Président de l'Assemblée nationale, je suis particulièrement heureux de récompenser ce soir les lauréats d'un prix auquel je suis très attaché.

C'est également la raison pour laquelle j'ai voulu que des auteurs, des éditeurs, des libraires, des représentants de bibliothèques et des journalistes soient présents à cette manifestation : pour que le Prix de l'Assemblée du livre pour la jeunesse soit aujourd'hui mieux connu et mieux reconnu.

J'ai aussi souhaité que Madame Claire Brisset, Défenseure des enfants, soit à nos côtés à l'occasion de cette remise de prix. Elle a eu l'amitié d'accepter mon invitation et d'accorder à cette édition 2001 son bienveillant parrainage. Je l'en remercie vivement. Madame Brisset mène une action importante, décisive, indispensable au service de la défense des droits des enfants et des adolescents.

Ensemble, nous allons donc récompenser les auteurs de deux livres : Auschwitz et Á l'ombre de l'olivier.

Ce sont deux livres très différents ; mais deux livres d'exception. Des livres d'ailleurs tellement exceptionnels, que le jury n'a pas hésité à quelque peu bousculer les principes du prix, censé rendre hommage à une oeuvre de fiction et à une oeuvre documentaire, pour distinguer deux ouvrages qui, selon ses membres, empruntent à la fois à l'une et à l'autre de ces catégories. L'essentiel demeure que le prix de l'Assemblée nationale conserve son excellence, ce dont on est convaincu à la lecture de ces deux livres.

J'ai parlé de deux livres d'exception. J'ai aussi parlé de deux livres très différents. Et il est vrai que le contraste est saisissant entre l'atmosphère violente et difficile d'Auschwitz, et l'ambiance plus colorée, plus gaie et plus tendre d'Á l'ombre de l'olivier.

Mais la différence est aussi bien sûr ailleurs, dans les univers historiques et culturels auxquels ces deux ouvrages font référence : d'un côté, le drame de la Shoah, vécu à travers les yeux de Kazik et Cessia, et le destin tragique de leur fille Ann ; et de l'autre, le patrimoine oral du Maghreb récité, illustré et mis en musique à travers vingt-sept comptines (puisque deux, je crois, sont d'origine française).

Mais cette différence est à mes yeux une richesse ; et c'est l'honneur du Prix de l'Assemblée nationale d'avoir instauré un dialogue entre ces deux cultures, en distinguant des livres aussi forts et aussi contrastés.

Les tragiques événements du 11 septembre dernier aux Etats-Unis, la guerre en Afghanistan, comme les drames que vit actuellement le Proche-Orient donnent bien sûr à la décision du jury une lumière particulière. Il ne s'agit ni de complaisance, ni de démagogie, mais le rappel d'une valeur chère à cette maison et dont on ne salue pas assez l'exceptionnelle modernité. Je veux parler de l'idée de laïcité.

Quelques pages avant la fin du récit de Pascal Croci, après avoir miraculeusement survécu à la mort dans une chambre à gaz, face au drame insoutenable, Ann, adolescente rebelle, finit par s'écrier : « Ne pourrait-on pas se haïr en paix ? »

Je veux lui répondre non. Fermement et définitivement, non. Car la haine engendre immanquablement la guerre ; car la paix faite de haines réfrénées n'est pas une paix. La compréhension et l'acceptation de nos différences sont la seule issue ; le respect de l'autre, notre seul recours.

C'est la raison pour laquelle la laïcité, fille de la République et de la démocratie, est une valeur à mes yeux si précieuse. Elle n'est pas cette neutralité un peu compassée à laquelle on la réduit parfois. Elle est au contraire un idéal de tolérance et de liberté, qui doit permettre d'exprimer sa différence (qu'elle soit culturelle, philosophique ou religieuse) dans le respect des convictions et des pratiques de chacun. La laïcité n'est pas indifférence ; elle est le respect de la différence, par la découverte et la connaissance de l'autre.

L'école républicaine a depuis longtemps la responsabilité de défendre, de promouvoir mais aussi d'enseigner cette laïcité, dont le Prix de l'Assemblée nationale est cette année l'un des plus beaux symboles.

C'est pourquoi j'ai souhaité accueillir ce soir les élèves des classes de CM2 des écoles primaires de la rue des Lilas et de la rue de Romainville, dans le XIXème arrondissement de Paris, ainsi que des représentants du lycée Jean Macé de Vitry-sur-Seine, pour qu'ils posent leurs questions aux lauréats de ce prix. Je remercie les enseignants qui les accompagnent, Madame Guyon, Monsieur Lorquet et Monsieur Desabres, pour le travail qu'ils ont effectué en classe avec leurs élèves.

Et je veux enfin m'adresser à ces enfants et à ces adolescents. Dans quelques instants, nous allons vous laisser la parole. Ne vous laissez pas impressionner par le décor somptueux de ces lieux prestigieux. N'ayez aucune crainte, ni aucune hésitation.

Posez-nous vos questions : aux auteurs, sur leurs livres ; à Madame Michèle Kahn, sur le choix du jury ; à Madame Claire Brisset, sur son rôle de Défenseure des enfants ; ou à moi, sur le rôle de l'Assemblée nationale et le fonctionnement de la démocratie...

Vous êtes les citoyens de demain, et nous sommes tous réunis ici ce soir pour vous apporter les réponses que vous attendez... Et que nous vous devons.

Je vous remercie.