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Inauguration de la sculpture de TIM, « Daumier créant Ratapoil »
à l'Hôtel de Lassay le mercredi 23 janvier 2002

Discours de M. Raymond FORNI,

Président de l'Assemblée nationale

Madame la Ministre,

Monsieur l'ambassadeur,

Messieurs les Questeurs,

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Madame la Présidente,

Mesdames et Messieurs, chers amis,

Madame,

Permettez-moi, tout d'abord, de vous souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale où j'ai grand plaisir à vous accueillir, à l'occasion de l'inauguration de la sculpture de Tim, « Daumier créant Ratapoil ». Le moment qui nous rassemble aujourd'hui est, à bien des égards, empreint de joie et de fierté, mais aussi teinté de tristesse et d'une forte émotion, pour tous ceux qui ont été douloureusement frappés par la disparition de Louis Mitelberg, qui nous a quittés le 7 janvier dernier.

En cet instant, mes pensées vont à son épouse, la peintre Zuka, à ses fils Roland et François, que je suis heureux de saluer, et qui se sont étroitement associés à la préparation de la manifestation d'aujourd'hui. Je les remercie chaleureusement de leur collaboration active.

Tim aurait aimé, n'en doutons pas, le geste d'amitié et l'hommage que nous lui rendons ensemble ce soir ; mais il n'aurait pas voulu que nous en fassions une cérémonie nostalgique. Car cultiver le souvenir de cet immense artiste, c'est garder en nos coeurs et nos mémoires son oeuvre éternellement vivante. C'est la faire mieux connaître, exister, rayonner, dans ce lieu symbolique qu'il aimait tant.

Je crois ne pas trahir le sentiment de sa famille et de ses amis en affirmant que nous réalisons ainsi l'un des voeux les plus chers de Tim. Je salue l'initiative conjointe de Noëlle Lenoir et Christian Sautter, qui ont proposé que l'Assemblée nationale accueille le « Daumier » de Tim. Ce choix est aussi, à mes yeux, la plus belle illustration de l'engagement de notre institution en faveur de l'art et de la culture. Parce qu'il n'est de grande nation que celle qui sait honorer ses artistes et faire vivre leurs oeuvres, l'Assemblée nationale a, de longue date, voulu placer son action sous le signe de la création, en menant une politique ambitieuse d'acquisition d'oeuvres contemporaines et en organisant souvent des expositions temporaires en ses murs.

Je suis donc particulièrement heureux et fier de voir le patrimoine de notre Assemblée s'enrichir de la superbe sculpture de Tim, réalisée avec le précieux concours du fondeur Clémenti. Elle sera exposée dès demain dans la rotonde du Palais-Bourbon, un lieu de rencontre emblématique, un passage stratégique menant à l'escalier des tribunes de la presse, que Tim empruntait si souvent pour accéder à l'Hémicycle, où il croquait députés et ministres avec ferveur et passion. C'était là sa fidélité à cette maison de la loi et à ses grands principes, mais aussi sa manière de représenter la vie parlementaire.

L'exposition de cette oeuvre au coeur du Palais-Bourbon n'aurait pas été possible sans la ténacité de Noëlle Lenoir, fondatrice et présidente de l'Association des Amis d'Honoré Daumier, et la détermination de son Bureau, qui ont décidé de faire don de cette pièce originale à notre Assemblée. Que tous ses membres soient remerciés pour leur générosité. A travers eux, je veux saluer tous ceux qui s'engagent bénévolement dans le tissu associatif pour promouvoir l'art et la culture ; ces bienfaiteurs de l'ombre, qui font vivre le souvenir de nos grands artistes et entrer les jeunes créateurs dans la lumière.

La sculpture réalisée par Louis Miltelberg montre Honoré Daumier dans l'exercice de son art, tout autant celui du dessinateur que du sculpteur, quand l'argile ou le bronze deviennent le prolongement naturel du papier et du crayon. En mettant en scène la figure de « Ratapoil », symbole de l'injustice et de l'oppression du peuple sous le régime de Louis-Napoléon Bonaparte, Tim rend le plus bel hommage à celui qu'il considérait comme son maître.

Héritier spirituel, il épousa les valeurs et les combats d'un Daumier pourfendeur des atteintes aux libertés publiques et défenseur des idéaux républicains. Fervent disciple, il partageait avec lui la souplesse du graphisme, le sens des proportions, la précision du trait, qui donnent au dessin la mobilité même de la vie. On retrouve dans le « Ratapoil » de Tim cet élan de la création, où l'artiste apparaît, comme dans un miroir, dans l'oeuvre qui surgit.

Hommage au talent de Daumier, la sculpture de Tim est aussi, à mes yeux, un magnifique tribut à l'art de la caricature. Du Charivari à l'Express, tous deux ont contribué à donner à ce genre ses lettres de noblesse et à l'imposer comme une nouvelle forme d'expression, entre l'art et le journalisme. Mariant la dérision et la satire, la tendresse et l'indignation, ils firent de la caricature de presse un élément essentiel du débat d'idées, symbolisant la liberté d'opinion, le droit de critique et l'indépendance d'esprit. Surtout, dans l'exagération ou le trait forcé, ils donnèrent à voir et à penser la vérité de leur époque, dont les illustrations sont la plus éloquente et la plus réaliste des chroniques.

L'exposition de l'oeuvre de Tim consacre le talent de deux grands caricaturistes, qui furent les témoins éclairés et les acteurs engagés de l'histoire de leur siècle. L'un et l'autre illustrent le courage et l'audace des créateurs qui mettent leur génie et leur art au service de l'idéal républicain. Il était donc naturel que Daumier et Tim entrent à l'Assemblée nationale, pour prolonger leur dialogue et perpétuer leur engagement.