Accueil > Archives de la XIe législature > Discours de M. Raymond Forni, Président de l'Assemblée nationale

Nomination de M. Raymond Forni au grade de Grand Officier dans l'Ordre de la Pléiade
à l'Hôtel de Lassay le mardi 29 janvier 2002

Discours de M. Raymond Forni,

Président de l'Assemblée nationale

Monsieur le Président,

Mesdames et messieurs les parlementaires,

Mesdames et messieurs, chers amis,

C'est à l'aide de deux des plus beaux mots de la langue française que je veux exprimer mes sentiments à l'égard de cette nomination au grade de Grand Officier dans l'Ordre de la Pléiade.

« Honneur », bien sûr. Mais aussi « bonheur ». Beaucoup de bonheur.

Comment d'abord ne pas être honoré par une aussi prestigieuse distinction ? Depuis trente-cinq ans, l'Association Internationale des Parlementaires de Langue Française (AIPLF), devenue aujourd'hui l'Assemblée Parlementaire de la Francophonie, oeuvre en faveur du rayonnement de la langue française, mais surtout travaille au dialogue entre les cultures et au progrès de la démocratie. Nous tous, parlementaires, savons combien la vie démocratique a besoin d'échanges, de débats et de discussions. Nos Assemblées sont des lieux de parole, où doivent régner la liberté d'expression et le respect des opinions. La langue que nous avons en partage devient alors la plus précieuse des ressources, et la promouvoir, le plus beau des combats.

Monsieur Charbonneau, je rends aujourd'hui un hommage appuyé à l'action de l'association que vous présidez. Je vous remercie pour cette décoration qui, je dois le reconnaître, suscite en moi un très grand sentiment de fierté.

Mais j'ai aussi évoqué devant vous un grand bonheur. Comme beaucoup le savent, je ne suis pas né Français. J'ai acquis cette nationalité à l'âge de dix-sept ans. J'ai grandi dans les environs de Belfort, un département qui m'est cher, mais dans une maison où résonnaient les accents chantants et les rythmes mélodieux de l'Italie, dont ma famille est originaire.

La langue française occupe pour moi une place très particulière, car elle fut longtemps le lien intime, privilégié et presque charnel avec le pays qui m'avait accueilli. Avec ce pays qui est aujourd'hui le mien. Elle fut le symbole de mon intégration, le signe de mon attachement à la République. C'est donc non sans une certaine émotion que je reçois cette distinction.

Nous partageons une même conviction : la francophonie, espace d'échange et de dialogue, ne se réduit pas à un univers de mots. Nous ne sommes pas seulement réunis par une même langue : ce sont avant tout des valeurs et des principes humanistes qui composent l'héritage et le ciment de notre communauté. La République française a porté haut cet idéal. Elle continue de le faire aujourd'hui avec coeur et détermination.

Mais le temps, l'histoire, les rebonds et le tumulte de la vie, lui ont donné des partenaires précieux et efficaces. Nombre d'entre eux sont aujourd'hui réunis au sein de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie. Je veux remercier chacun de ses représentants. Ensemble, nous sommes engagés dans la défense d'un patrimoine commun qui demeure, au-delà des mots, le symbole des principes de liberté, d'égalité et de fraternité qui fondent la démocratie.

Ce patrimoine est-il en danger ? A l'heure de la mondialisation, on parle beaucoup du risque d'uniformisation linguistique ou de domination culturelle. Nous ne devons pas le sous-estimer. Face à de tels dangers, je garde néanmoins confiance, car la richesse et le dynamisme culturels de nos pays sont les meilleures réponses ; et l'amour de la langue française, notre plus grande force. Nous devons continuer à relever le défi du pluralisme et de la diversité, qui ont toujours été source d'inspiration et de progrès pour l'humanité.

Je ne peux conclure ces quelques mots de remerciement sans évoquer la figure de l'un des plus fervents et des plus talentueux avocats de la francophonie. Le 20 décembre dernier, Léopold Sédar Senghor nous a quittés. Avec M. Charles Josselin, Ministre de la Coopération, j'ai eu l'honneur de représenter la France à la cérémonie de ses obsèques. L'émotion était vive, la tristesse réelle, de voir disparaître un homme d'Etat courageux, visionnaire et un poète de grand talent. Je veux aujourd'hui à nouveau rendre hommage à cet exceptionnel ambassadeur de la francophonie sur le continent africain. Je suis sûr qu'en cet instant il est présent par la pensée et la poésie dans l'esprit de chacun d'entre nous.

Je vous remercie.