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04/02/2003 - « Dictionnaire critique de la République »

C'est un très grand plaisir pour moi d'accueillir, à l'Assemblée nationale, les deux architectes de ce véritable « monument » consacré à l'histoire de notre République, Vincent Duclert et Christophe Prochasson, entourés de tous ceux qui ont apporté leurs pierres sous forme d'articles et de contributions à l'élaboration du « Dictionnaire critique de la République » dont nous célébrons, aujourd'hui, la parution.

Était-il possible de trouver un lieu plus éminemment symbolique de notre République que l'Assemblée où siègent depuis la fin du XVIIIe siècle les représentants du peuple et qui est dans la conscience politique des Français l'institution la plus étroitement associée à l'idée républicaine ?

Et était-il possible que l'Assemblée nationale ne s'associe pas à la joie de tous ceux -concepteurs, auteurs, éditeur, collaborateurs- qui ont contribué à la parution de cet ouvrage consacré à la République, à ses symboles, à ses représentations, à ses lieux et à ses grandes figures dans l'esprit initié, il y a quelques années, par Pierre Nora et ses Lieux de mémoire ?

Non, bien sûr, mais il est encore une autre raison à cette réunion amicale : c'est l'importance que j'attache à ce que l'Assemblée nationale, qui dispose d'archives exceptionnelles et d'une vaste documentation, s'ouvre aux auteurs, aux chercheurs, aux historiens pour contribuer à la construction toujours inachevée de notre mémoire collective sans laquelle il nous serait impossible d'inventer notre avenir.

Le succès déjà remporté dans les librairies par ce Dictionnaire montre l'intérêt que portent nos concitoyens non seulement à l'Histoire mais surtout à la genèse de l'idée républicaine, à l'émergence des valeurs de la République et à la façon dont elles ont, au travers de cinq régimes différents, façonné nos institutions.

A beaucoup de Français, notamment les plus jeunes, votre ouvrage a le grand mérite de rappeler le difficile combat pour l'affirmation de la République au long de notre Histoire et le lien indissoluble qui l'attache à notre liberté.

Face aux menaces extérieures, ce sont les soldats de l'An II, Gambetta, Clemenceau, le Général de Gaulle et la Résistance qui se sont dressés.

Face aux périls intérieurs incarnés par le Général Boulanger, les ligues fascistes, Vichy, les généraux putschistes et l'OAS, c'est toujours la République qui a sauvé notre pays de l'abîme.

La stabilité institutionnelle que nous connaissons depuis 1958, l'essor économique et industriel de la France et la paix garantie depuis 1945 par la réconciliation franco-allemande et par la construction européenne ont pu nous laisser penser que l'essentiel était acquis et que rien ne menaçait plus notre pacte républicain. Le séisme du 21 avril dernier est venu nous rappeler que l'histoire ne s'est pas arrêtée. De nouveaux défis sont lancés à notre République : l'intégration de populations venues d'horizons culturels et religieux très différents des nôtres, l'adaptation de notre système éducatif à sa démocratisation, la réforme de notre protection sociale rendue indispensable par les évolutions démographiques et les progrès de la médecine, l'approfondissement de la démocratie locale dans le respect des prérogatives et de l'autorité de l'État.

La lecture du « Dictionnaire critique de la République » est une invitation à revenir aux sources vives de la République et des principes qui la fondent pour renouveler sans cesse, aujourd'hui, notre discours et notre action et les adapter aux difficultés particulières et aux aspirations de notre temps.

Je remercie donc très chaleureusement les auteurs si divers qui ont su peindre, chacun avec sa personnalité propre, les mille et une facettes de l'idée républicaine dont cet ouvrage collectif restitue en même temps si bien la cohérence historique.

Et pour terminer mon propos, je voudrais rappeler les mots du Général de Gaulle prononcés lorsqu'il fonda la Ve République « c'est en un temps où il lui fallait se réformer ou se briser que notre peuple, pour la première fois, recourut à la République ». Il me semble que depuis lors, c'est toujours la République qui a uni et fédéré les hommes et les femmes d'horizons divers qui ont passionnément aimé et fidèlement servi notre pays.