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18/11/2003 - Réception dans l'Hémicycle de Monsieur Thabo MBEKI, Président de la République d'Afrique du Sud

Monsieur le Président de la République d'Afrique du Sud,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et messieurs,

Dans quelques mois, en avril 2004, la République d'Afrique du Sud célèbrera le 10ème anniversaire de l'établissement de la démocratie à la suite des premières élections libres de son histoire : les années terribles de l'apartheid prenaient fin, une remarquable page d'histoire s'ouvrait, celle d'un peuple enfin réuni, décidant tout entier de prendre son destin en main et de construire une nouvelle nation, une nation fondée sur l'esprit de tolérance et de réconciliation, où chacun, en ses qualités d'homme comme de citoyen, serait désormais chez lui sans distinction de race, de religion ou de croyance.

Nous savons, Monsieur le Président, l'engagement militant qui vous conduisit, dès l'âge de 14 ans, à suivre la voie de Govan Mbeki, votre père et l'un des chefs historiques de l'ANC, qui consacra sa vie à la lutte contre l'apartheid au prix d'un long emprisonnement. Nous savons la part décisive que vous avez prise, au sein de l'ANC, au succès des négociations qui ont conduit à la révolution pacifique de 1994 et nous savons aussi combien l'ouverture de la société sud-africaine et la modernisation économique doivent à la conviction et à la foi qui vous ont toujours animé, en qualité de vice-Président d'abord, puis à la magistrature suprême.

C'est donc pour les députés français un honneur et une joie d'accueillir avec vous l'un des artisans essentiels de cette transition exemplaire. Votre visite donne aux députés français l'occasion de vous dire tout le prix que nous attachons aux relations de plus en plus étroites qui nous lient à votre pays.

Cette proximité s'est très vite établie : nous nous rappelons qu'après l'abrogation des lois ségrégationnistes et la libération des dirigeants de l'ANC en 1990, votre prédécesseur, M. Nelson Mandela, faisait en France l'un de ses premiers déplacements à l'étranger, et que le président François Mitterrand était, en 1994, le premier chef d'Etat étranger reçu à Pretoria.

Ayant appris à se connaître et à s'apprécier, nos deux pays n'ont eu de cesse d'approfondir des relations qu'illustrent des déplacements officiels de plus en plus nombreux, et notamment la visite, encore dans nos mémoires, que le Président de la République, M. Jacques Chirac, fit à votre pays en juin 1998.

C'est que la France et l'Afrique du Sud partagent l'essentiel : une certaine idée de l'homme, façonnée par l'idéal des Droits de l'Homme et du Citoyen, une certaine vision du monde et des relations entre les Nations, fondée sur le multilatéralisme, le droit international, la responsabilité collective, faisant aux Nations Unies une place centrale dans l'ordre international.

Animées des mêmes principes, la France et l'Afrique du Sud sont ainsi devenues des partenaires essentiels d'un dialogue indispensable sur les grands problèmes d'aujourd'hui.

Sur la crise irakienne, le conflit au Moyen-orient, la lutte contre le terrorisme et la prolifération, les moyens d'assurer un développement équitable, durable et partagé, nos positions sont très proches voire identiques.

Nous partageons la même conviction que seule la progression vers une gouvernance mondiale permettra de faire face aux menaces qui pèsent sur la planète, menaces dont le Sommet de Johannesbourg, organisé sous votre autorité, a accéléré la prise de conscience.

Cette vision d'un monde multipolaire, équilibré et pacifique, nous souhaitons la mettre au service de l'Afrique, qui doit y trouver toute sa place.

La France, vous le savez, aime l'Afrique, continent magnifique riche de ses multiples civilisations et de ses valeurs séculaires de solidarité et de sagesse.

Elle entend développer aujourd'hui avec elle une relation renouvelée où l'assistance cède la place à un système de partenariat, fondé sur l'égalité et la responsabilité.

L'Afrique du Sud a, dans ce contexte, un rôle essentiel à jouer, conforme à l'impulsion décisive qu'elle a su donner au lancement du NEPAD, ce nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique qui vise à donner aux Africains les moyens de définir eux-mêmes leur développement. La France ne ménagera pas son appui à ce projet et à la vision qu'il porte, celle de la "renaissance africaine", dont l'Afrique du Sud et vous-même, Monsieur le Président, êtes un élément moteur. La France entend s'en faire l'avocat auprès de la communauté internationale et en premier lieu auprès des pays les plus industrialisés, ainsi que vous avez pu le constater lors du Sommet du G 8 à Evian. Elle entend aussi prendre sa part de l'effort international en accroissant substantiellement son aide publique au développement, notamment en faveur de l'Afrique. Et elle entend mobiliser à cette fin ses entreprises, dont la présence dans votre pays s'est déjà considérablement étendue.

Monsieur le Président,

Chacun peut constater ce qu'en dix ans votre pays a déjà apporté au continent africain : son dynamisme économique, sa capacité à construire une vraie démocratie, riche de sa diversité, respectueuse des droits de l'homme et du principe d'égalité, son engagement en faveur de la paix et de la stabilité dans une région tumultueuse.

Cet engagement, vous l'avez démontré, lorsque l'Afrique du Sud présidait l'Union africaine, en donnant une forte impulsion au projet de création d'une capacité africaine de maintien de la paix. Vous l'avez également démontré par les efforts de médiation que vous avez déployés et déployez encore aujourd'hui pour dénouer les crises du continent, auxquels la France donne son plein appui. Comment ne pas se féliciter de la coopération que nous avons pu nouer avec votre pays en ces circonstances, dont notre engagement commun en Ituri constitue l'exemple le plus emblématique ?

Je voudrais évoquer, enfin, la capacité inépuisable de création qui anime la culture sud-africaine, riche de ses multiples racines. Votre pays offre au monde de très grands artistes dans tous les domaines de la création, du théâtre à la danse, à la musique, à la littérature, à la peinture, à la photographie. Nombre d'entre eux avaient, aux temps de l'oppression, mis leurs talents au service de la liberté et de la démocratie, au prix de l'exil et de deuils personnels. Ils ont aidé la société sud-africaine à surmonter ses anciens antagonismes, ils mettent leur dynamisme à construire l'avenir, ils participent de la richesse et de la diversité du monde, et cela est sans prix. Nous n'en sommes que plus heureux de voir la France et l'Afrique du Sud côte à côte dans le combat en faveur de la diversité culturelle dans le monde.

Monsieur le Président,

A un moment décisif de son histoire, votre pays a su choisir la voie de la sagesse et, avec la Commission pour la vérité et la réconciliation, faire œuvre de mémoire et de pardon, gages d'espoir et d'avenir.

Dix ans d'accomplissements remarquables, votre volonté de relever les défis que sont le recul de la pauvreté, le redressement des inégalités, l'accès de chacun à une vie meilleure, la lutte contre la pandémie du SIDA, apportent autant de démentis aux prophètes de l'afro-pessimisme. Nulle fatalité obscure ne voue l'Afrique au désordre et au déclin; c'est ce que l'Afrique du Sud, la Nation Arc-en-ciel, nous dit aujourd'hui.

Tout concourt ainsi, Monsieur le Président, à faire de la France et de l'Afrique du Sud deux partenaires incontournables l'un pour l'autre, en Afrique et sur la scène internationale. C'est donc avec le plus grand intérêt que nous allons vous entendre.

La parole est à Monsieur Thabo Mbeki, Président de la République d'Afrique du Sud