Accueil > Archives de la XIIe législature > Discours de M. Jean-Louis Debré, Président de l'Assemblée nationale

13/01/2004 - Voeux à la presse

Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de vous présenter ce matin mes voeux les plus chaleureux pour 2004. Je souhaite que l'année qui débute soit pour chacune et chacun d'entre vous un très bon millésime. Je souhaite également qu'elle permette à la presse française de remplir sa mission d'information dans les meilleures conditions possibles.

Car la démocratie a besoin d'une presse vivante, curieuse de l'évolution de la société, attentive aux mouvements politiques qui traversent notre pays. A cet égard, je ne doute pas que l'année qui vient sera pour vous source d'étude, d'analyse et de réflexion.

Il s'agira en effet d'une année électorale puisque pas moins de quatre élections, cantonales, régionales, européennes et sénatoriales, donneront une indication de l'état d'esprit des français et conditionneront à l'évidence la deuxième partie du quinquennat.

Le suffrage universel vaut en effet tous les sondages.... Même si nous ne devons pas nous méprendre sur la portée réelle des scrutins de mars. Il est d'abord question de porter une appréciation sur le bilan des majorités régionales et départementales.

Pour autant, il est clair que ces élections seront aussi l'occasion pour certains de formuler une appréciation sur l'action réformatrice du Gouvernement. La majorité pourra ainsi se prévaloir notamment de la politique mise en œuvre pour restaurer l'autorité de l'Etat et assurer la sauvegarde de notre système de retraite. Et solliciter de nos compatriotes qu'ils lui donnent les moyens politiques de poursuivre la tâche entreprise au service du pays. L'essentiel, au-delà du résultat dans telle ou telle région, est que ces scrutins ne donnent pas un coup d'arrêt à la politique de modernisation de la France que nous avons engagée et qui est à l'évidence loin d'être achevée.

Mesdames et Messieurs,

Dans ce contexte spécifique où l'actualité sera davantage électorale que parlementaire, l'Assemblée nationale ne restera pas inerte.

· Il nous faudra d'abord faire en sorte que l'ordre du jour soit adapté aux préoccupations du moment. Allons à l'essentiel en traitant des sujets sur lesquels nous sommes attendus et sur lesquels nous nous sommes engagés.

Je me réjouis dans cette perspective que le projet de loi sur la laïcité vienne en discussion avant l'interruption de nos travaux. Puissent la qualité des débats et le ton employé être à la hauteur des échanges auxquels la mission préparatoire a donné lieu. L'Assemblée nationale démontrerait alors son caractère irremplaçable et les députés pourraient rentrer dans leur circonscription avec la fierté d'accomplir un travail utile et identifiable.

A condition, bien sûr, que le débat soit largement ouvert et qu'à l'instar de celui sur les retraites, les parlementaires puissent s'exprimer librement, sereinement, en conscience.

· Il nous faudra ensuite veiller à ce que les priorités fixées par le Président de la République trouvent leur traduction législative dans l'esprit qu'il a souhaité lors de ses vœux au Parlement. La hiérarchisation des textes, la simplicité de l'écriture, le respect des domaines dévolus par la Constitution à la Loi et au Règlement, le soin apporté à l'application des lois autant qu'à la production des normes sont, à cet égard, des exigences sur lesquels je serai particulièrement sourcilleux. J'ai déjà eu l'occasion de le dire : attention à l'inflation législative ! Le recueil des lois est passé de 380 pages en 1964, à 560 pages en 1978, à 1020 en 1989, à 1300 pages 10 ans plus tard et 1600 pages en 2002. Ces chiffres montrent à l'évidence qu'il y a une dérive. Elle ne date pas d'aujourd'hui naturellement. Mais il est temps de commencer à l'enrayer.

· Si j'insiste, c'est que la réussite de l'action gouvernementale est à ce prix. Je souhaite ainsi que les futures lois de mobilisation sur l'emploi, d'orientation sur l'école, se bornent à poser des principes fondateurs, à l'image de toutes les grandes lois. Quant aux lois sur la décentralisation, l'objectif de simplification des structures et de clarification des compétences devrait, selon moi, en guider le sens, sauf à les considérer comme des monuments exclusivement destinés aux spécialistes.

Pour ce qui nous concerne, nous avons souhaité que la présentation de la loi soit plus claire et plus lisible en procédant à une refonte importante du compte rendu des débats publiés au Journal officiel.

· Il nous faudra aussi poursuivre sur notre lancée, s'agissant du renforcement du rôle de contrôle du Parlement. Vous avez pu noter que la réforme du Règlement intérieur sur la répartition des pouvoirs au sein des commissions de contrôle n'était pas vaine. Et qu'elle avait été mise en application sans délai, quelle que soit la nature du sujet concerné. Ainsi, la commission d'enquête sur la canicule est menée conjointement par un Président socialiste et par un Rapporteur UMP. La mission d'information sur l'accompagnement de la fin de vie est administrée dans un esprit de consensus. La mission d'information sur la laïcité a été abordée dans un esprit non partisan, dénué de tout sectarisme. Seule, la mission d'information sur les 35 heures n'a pu s'établir, en dépit de mes efforts, sur des bases similaires. Je le regrette. Mais je ne me lasserai pas de plaider pour que majorité et opposition s'associent, dès lors qu'il est question de contrôler l'exécutif et son administration.

Nous en donnerons de nouvelles preuves dès le début de cette année. Deux missions d'information sont en voie de création sur deux sujets à propos desquels nos concitoyens attendent des explications et réclament la transparence : la sécurité dans le transport aérien, suite à l'accident de Charm el Cheikh ; l'affaire Executive Life.

Par ailleurs, une modification du Règlement intérieur permettant au Rapporteur d'un projet de loi de poursuivre sa mission six mois au moins au-delà du vote du texte, afin d'en vérifier l'application par l'administration, et de faire toutes observations utiles, sera votée en février. J'ai en effet pris l'initiative d'une proposition de résolution à cet effet.

Afin de faire face à l'évolution de ses missions et notamment à l'accroissement des tâches de contrôle, nous avons entrepris une réflexion sur l'adaptation des structures de l'administration de l'Assemblée nationale. Un audit a été établi et sur ses bases, j'ai lancé une réforme des services qui devra permettre de dynamiser l'institution.

· Mieux légiférer, mieux contrôler, mais aussi mieux s'informer, telle est notre feuille de route pour 2004. Depuis une dizaine d'années maintenant, l'Assemblée nationale cherche à s'ouvrir sur l'extérieur, et d'abord sur l'Europe dont la construction est pour nous un défi permanent. Nous n'existerons pas contre l'Europe, mais l'Europe n'existera pas sans les Parlements nationaux. Alors, sans attendre une Constitution, nous avons pris les devants avec les moyens qui sont les nôtres. Séances de questions consacrées aux thèmes européens, invitation de Monsieur Giscard d'Estaing dans l'hémicyle, coopération renforcée avec le Bundestag, rencontre avec les Présidents d'Assemblée des pays adhérents, voilà ce que nous avons fait récemment. Pour 2004, j'ai invité le Président de la Commission européenne à venir participer à une séance de questions avec les députés, spécialement adaptée à la circonstance. Je tiens à ce qu'elle soit l'occasion d'un échange, d'un débat interactif et non une suite de longs monologues.

· Au-delà de l'Europe, il y a le monde dans lequel la France n'a pas renoncé à jouer un rôle de premier plan. Nos relations avec la Chine sont ainsi appelées à connaître un nouvel essor, quarante ans après la reconnaissance par la France de la République populaire. Le Président chinois, Hu Jintao, viendra fin janvier en visite d'Etat dans notre pays. Il s'exprimera dans l'hémicycle. C'est une initiative que je n'ai pas prise seul, mais qui recueille l'assentiment de tous les groupes politiques représentés et du Bureau de l'Assemblée nationale. Ainsi manifesterons-nous l'attachement de la Représentation nationale au peuple et à la nation chinoise.

Voilà, Mesdames et Messieurs, en quelques mots le programme qui nous attend.

Je n'aurai garde d'oublier qu'en toile de fond de ce programme, nous avons une fonction à remplir. Une fonction qui dépasse le cadre de nos occupations quotidiennes. Une fonction qui, oserais-je dire, ne saurait se résumer à mettre de l'huile dans la machinerie gouvernementale. Cette fonction, elle est plus que jamais d'actualité, elle consiste à assumer pleinement notre rôle d'Institution de la République.

Faire vivre les valeurs républicaines, c'est aussi cela le mandat que nous avons reçu du peuple en mai 2002. Il y a eu en 2003 la belle exposition des Mariannes. Chaque année désormais, le 14 juillet, les colonnes du Palais Bourbon illustreront notre attachement, sous des formes variées, à la République, à ses fées comme à ses hussards.....

En 2004, je veux que diverses manifestations viennent montrer le lien entre l'Assemblée nationale et la France telle qu'elle s'est construite. L'exposition sur le bicentenaire du Code civil, la commémoration du bicentenaire de George Sand viendront, dans cette perspective, montrer que notre Assemblée représente bien la France dans sa tradition démocratique. Loin de se transformer en producteurs de spectacles, l'Assemblée restera ainsi fidèle à sa vocation d'origine.

Et puisque nous en sommes là, j'ai souscrit avec enthousiasme à l'idée que m'a soumise le dessinateur Calvi d'organiser ici une exposition sur la caricature politique. Parce que, là encore, c'est une manière de renouer avec les grandes heures du Parlement et de faire savoir, sur un mode humoristique, ce qu'est l'Assemblée nationale. Nous avons travaillé le projet, réuni six grands caricaturistes que je remercie d'avoir accepté de participer à cette initiative. Nous leur avons demandé de venir ici, sans contrainte, croquer librement la vie du Parlement.

Je vous invite à venir en avant première regarder le fruit de leur imagination et de leur talent.