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27/01/2004 - Réception dans l'hémicycle de M. HU Jintao, Président de la République populaire de Chine

Monsieur le Président de la République populaire de Chine,
Messieurs les Ministres,
Chers collègues,
Mesdames et Messieurs,

Le 27 janvier 1964, la République française et la République populaire de Chine annonçaient leur décision d'établir des relations diplomatiques, un chargé d'affaires arrivait seize jours après à Pékin et le premier Ambassadeur de France, M. Lucien Paye, prenait ses fonctions trois mois plus tard, le 27 avril 1964.

La visite d'Etat que vous effectuez en ce jour anniversaire à l'invitation du Président de la République française, souligne, il en était besoin, Monsieur le Président, la portée historique de cette décision : premier grand pays occidental à reconnaître la République populaire de Chine, la France ouvrait une voie qu'allaient emprunter, à leur tour, des pays de plus en plus nombreux ; voie qui conduirait l'Organisation des Nations Unies à reconnaître au gouvernement de la République populaire de Chine, en 1971, la représentation de la Chine aux Nations Unies et au Conseil de Sécurité. La France s'enorgueillit d'avoir, par ce geste, contribué au retour sur la scène internationale d'un immense pays que la raison et l'évidence commandaient de ne pas ignorer plus longtemps, comme l'avait compris le Général de Gaulle.

La raison politique, l'évidence diplomatique s'appuyaient également sur une authentique fascination pour la plus ancienne culture vivante, fascination qui se manifesta en Europe dès l'Antiquité ; fascination qui saisit particulièrement les grands esprits français, Montaigne, Montesquieu ou Voltaire, qui conduisit les Jésuites à la Cour du grand Empereur Kang Xi, contemporain de Louis XIV ; qui fera de la France du vingtième siècle l'un des plus grands centres d'études chinoises hors de votre pays. Nous n'oublions pas non plus que la France, la France de la Révolution de 1789 et de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, accueillit entre les deux Guerres mondiales quelques uns des futurs fondateurs de la Chine nouvelle, le Président Deng Xiaoping, le Premier Ministre Zhou Enlai ou le Maréchal Chen Yi.

En recevant aujourd'hui à travers vous un "Etat plus vieux que l'Histoire", ainsi que le disait le Général de Gaulle, c'est aussi, c'est surtout la Chine de la réforme et de l'ouverture sur le monde que l'Assemblée nationale accueille, une nation engagée dans une entreprise de transformations économiques et sociales dont l'Histoire offre bien peu d'exemples.

Dès 1977 en effet, le président Deng Xiaoping fixait de nouvelles orientations à la politique de la République populaire de Chine, lui ouvrait toutes grandes les portes de la modernité, mobilisant le génie de son peuple vers un seul but : restaurer la Chine dans sa puissance et dans son prestige. Entreprise hardie qui permit, non sans difficultés ni tumulte, un formidable décollage économique et ramena la Chine au premier rang de la scène du monde.

La France a voulu accompagner cette Chine moderne, entreprenante et dynamique au long de ce processus dont elle a perçu très tôt le caractère irréversible. Nos deux pays signèrent ainsi, le 16 mai 1997, à l'occasion de la visite d'Etat que le Président de la République française fit alors à Pékin, une déclaration conjointe instituant un partenariat global, socle d'une coopération renouvelée dans les domaines politiques, économiques et culturels.

Toutes deux membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies et également soucieuses de l'équilibre et de la stabilité du monde, la France et la Chine avaient en effet bien des raisons de se rapprocher en faveur d'objectifs communs: le développement d'un monde multipolaire donnant à chaque nation la place qui lui revient, le respect de la diversité culturelle, l'aide au développement, la protection de l'environnement, le soutien au commerce multilatéral, la lutte contre la criminalité, les échanges culturels, économiques et commerciaux bilatéraux, et tant d'autres encore.

Dans le même temps, la France prenait note avec satisfaction de la disponibilité de la Chine à établir un dialogue institutionnel régulier avec l'Union européenne sur les questions relatives aux droits de l'homme et à l'Etat de droit.

C'est dans le cadre permis par ce dialogue que la Chine a décidé de signer les deux Pactes fondamentaux des Nations Unies, le pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels, ratifié par votre pays en 2001 et, oserais-je dire, surtout, le pacte sur les droits civils et politiques dont la signature en 1998 a ouvert la voie à sa ratification future. Les députés français, sans aucun doute, apprécieraient particulièrement son adoption définitive. Ils se félicitent donc de la création d'un groupe de travail pour ratifier ce pacte dans les meilleurs délais.

Dans cette perspective, l'Assemblée nationale populaire chinoise a pour les quatre années à venir, nous le savons, un programme de travail législatif très significatif. Et la France, afin d'accompagner la progression d'un Etat de droit appelé à se former à la rencontre entre traditions nationales et principes universels, développe avec vous une coopération juridique et administrative prometteuse. En grand essor, elle est orientée, en fonction de vos attentes, vers la formation et les réformes institutionnelles. La France a ainsi accueilli plusieurs centaines de fonctionnaires chinois, de même qu'elle accueille, dans ses écoles et universités, des étudiants chinois de plus en plus nombreux au point qu'ils constituent aujourd'hui la troisième communauté étudiante étrangère en France.

Nos entreprises et nos concitoyens ne sont pas en reste puisque près de mille entreprises et près de dix mille Français ont pris aujourd'hui le chemin de la Chine, contribuant dans des domaines de plus en plus divers à l'expansion nécessaire de nos relations.

Quarante ans après, le chemin parcouru est important qui rapproche deux Etats mais aussi deux nations, deux sociétés, les femmes et les hommes qui les constituent et qu'anime le désir de mieux se connaître et de mieux se comprendre. L'Année de la Chine en France, ouverte le 6 octobre dernier et l'Année de la France en Chine qui la suivra donneront l'occasion à nos deux peuples de se présenter l'un à l'autre dans ce que l'Histoire leur a légué, mais aussi dans les manifestations les plus contemporaines de leur créativité.

Monsieur le président,

Alors que des fêtes désormais familières aux Français célébraient il y a quelques jours l'entrée dans une nouvelle année chinoise, vous avez, en acceptant de vous exprimer dans l'hémicycle, donné aux députés l'occasion de manifester l'attachement qu'ils portent à la Nation et au peuple chinois.

Cet attachement, il ne veut pas être seulement celui que guide la conscience de nos intérêts géopolitiques. Mais il veut être également celui du coeur.

Au nom de tous les députés, je veux à cet égard exprimer le grand espoir qui est le nôtre de voir la Chine réussir sa rénovation politique, au rythme qu'elle aura choisi, aussi brillamment qu'elle accomplit sa modernisation économique.

C'est le vœu que je forme, Monsieur le Président, en vous accueillant dans ce haut lieu de la Démocratie française et des valeurs de la République qu'est l'Assemblée nationale.

La parole est à Monsieur le Président de la République populaire de Chine.