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11/03/2004 - Inauguration de l'exposition "200 ans de code civil, des lois qui nous rassemblent"

Monsieur le Premier Président de la Cour de cassation,

Monsieur le Président du Conseil constitutionnel,

Mesdames et Messieurs les députés,

Mesdames et Messieurs les Présidents,

Monsieur le Président de l'Ordre des Avocats à la Cour de cassation et au Conseil d'État,

Messieurs les Bâtonniers,

Mesdames et Messieurs,

Dans l'univers de plus en plus complexe et technique que nous connaissons, la connaissance du droit et la culture juridique revêtent une importance de plus en plus grande. C'est donc avec le plus vif intérêt que j'ai accueilli la proposition de Guy Canivet, Premier Président de la Cour de Cassation, d'organiser à l'Assemblée nationale une exposition commémorant le bicentenaire du Code civil.

L'idée était d'associer universitaires, magistrats, spécialistes de la conservation du patrimoine et de la muséographie et conservateurs des archives de l'Assemblée nationale, détenteurs de la mémoire législative de notre pays, pour proposer au public le plus large une exposition attrayante retraçant la genèse, la rédaction, les réformes du Code civil depuis 1804.

Ce projet a représenté plusieurs mois de travail conjoint du Comité d'organisation pour la célébration du bicentenaire du Code civil, des services de la Cour de Cassation et des services de l'Assemblée nationale.

Je suis donc particulièrement heureux d'inaugurer cette exposition qui est à mes yeux le fruit d'une coopération extrêmement efficace de l'autorité judiciaire et du pouvoir législatif. Je voudrais tout particulièrement remercier le Doyen Jean-Louis Halpérin qui a présidé avec beaucoup d'énergie le Comité d'organisation de cette exposition et Madame Andrée Chauleur qui en est le Commissaire, fonction dans laquelle elle a déployé sa passion et sa connaissance de notre patrimoine. Je voudrais également saluer Madame Catherine Brouard-Gallet, chargée de mission auprès du Premier Président de la Cour de Cassation, dont la collaboration a été particulièrement précieuse.

Tous ceux qui ont contribué à la tenue de cette exposition ont, je crois, partagé l'enthousiasme de faire comprendre à ses futurs visiteurs la portée exacte de cet événement mentionné souvent de façon très allusive par les livres d'Histoire qu'est la rédaction du Code civil.

La conception de cette exposition, dont la scénographie a été imaginée avec beaucoup de talent par François Aulas et David Mousset, permet de comprendre l'énergie qu'il a fallu pour mener à bien une entreprise qui trouve ses racines dans la rédaction des grands codes de l'Antiquité et qui a scellé notre unité nationale en rassemblant l'ensemble des règles relatives aux relations interpersonnelles dans un ensemble organisé, applicable à l'ensemble du territoire et accessible à tous. Elle redonne leur juste place dans notre mémoire à ces juristes d'exception qui ont entouré Bonaparte et dont l'œuvre est immense en même temps que trop souvent méconnue : Bigot de Préameneu, Maleville, Portalis et Tronchet. Leurs noms ne sont pas attachés à des batailles, à des complots politiques, à des révolutions... Ils n'en sont pas moins les auteurs de notre constitution civile dont les principes demeurent depuis 1804 même si leurs modalités d'application ont pu varier dans le temps. Je souhaite que cette exposition donne au public le goût de l'Histoire de notre droit qui depuis deux cents ans a vu s'inscrire dans notre Code civil les principes auxquels nous sommes le plus profondément attachés : l'égalité, la liberté individuelle, la laïcité.

Cette exposition sera également pour ses visiteurs une très belle occasion de mieux connaître le travail du législateur. Célébrer deux cents ans de Code civil c'est également faire mémoire des grandes réformes qui ont permis d'affirmer l'égalité de l'homme et de la femme dans le mariage, l'égalité des enfants légitimes et des enfants naturels, l'intégrité du corps humain ou encore de réformer dans le sens d'une plus grande justice, les modes d'acquisition de la nationalité française ou le régime des successions. L'exposition fait mémoire de quelques grandes heures du Parlement, mettant en valeur le lien entre nos débats, parfois passionnés, toujours guidés par la recherche de l'intérêt général, et la vie quotidienne des Français.

Cette exposition sera également le moment de mesurer l'influence du Code civil et du modèle juridique, je dirais même du modèle de civilisation, qu'il incarne dans le monde. Plus que la force militaire ou la puissance économique, le Code civil a été l'instrument d'un rayonnement international de la France, de l'affirmation de valeurs auxquelles de nombreux autres pays ont reconnu une portée universelle. Le Code civil, ce sont "des lois qui nous rassemblent" et qui nous réunissent même au-delà de nos frontières. J'ai souhaité à plusieurs reprises que la célébration du bicentenaire du Code civil soit l'occasion d'une réflexion sur l'avenir de notre modèle juridique et sur la nécessaire préservation de ses spécificités dans un monde de plus en plus ouvert, c'est heureux, mais aussi trop souvent uniformisateur.

Dans ce contexte, j'espère que le public trouvera dans cette exposition une incitation à mieux connaître et comprendre l'histoire de notre droit, à se ressourcer dans les principes affirmés depuis deux cents ans dans un Code qui, au-delà des vicissitudes politiques et sociologiques qu'a connues notre pays, continue comme le prévoyait le tribun Sedillez "à rapprocher les citoyens les uns des autres".