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02/12/2004 - Ouverture des cinquièmes rencontres parlementaires sur la société de l'information et de l'Internet

Messieurs les Co-Présidents du groupe d'étude de l'Assemblée nationale sur Internet,
Mes chers Collègues
Mesdames, Messieurs,

Vous allez dans quelques instants entamer les travaux de vos cinquièmes rencontres parlementaires sur la société de l'information et l'internet.

Je remercie plus particulièrement mes collègues, Patrick Bloche, Patrice Martin-Lalande et André Santini, co-présidents du groupe d'études de l'Assemblée nationale sur l'internet, les technologies de l'information et le commerce électronique. Je les remercie d'abord pour le travail d'expertise qu'ils fournissent avec beaucoup de talent tout au long de l'année ; leurs jugements et leurs compétences éclairent utilement la représentation nationale.

Je les remercie enfin d'être à l'initiative de ces rencontres parlementaires de très haut niveau sur des questions complexes et ô combien d'actualité.

J'en veux une nouvelle fois pour preuve les thèmes retenus cette année pour vos trois tables rondes ainsi que la qualité des nombreuses personnalités que vous avez choisi d'auditionner.

Les disparités territoriales restent hélas criantes : Le Président de la Communauté d'agglomération d'Evreux en est témoin. Au 15 juin 2004 près de 20.000 communes, soit plus de deux fois plus qu'à la fin de 2002, avaient totalement ou partiellement accès à des connections permanentes à Internet, qui touchaient 50 millions de Français, soit 83% de la population. Il reste que l'on est loin des 36.000 communes de France. Le récent conseil interministériel d'aménagement du territoire du 14 septembre 2004 a souligné ces disparités territoriales qu'il nous faut résorber, il a surtout décidé la mise en œuvre de mesures concrètes afin de développer les nouvelles technologies alternatives à l'ADSL pour mieux répondre aux besoins des zones rurales.

A quand le haut débit pour tous ? C'est le sujet de votre première session de travail de ce matin qui pose la question de l'aménagement numérique du territoire. Il s'agit de définir des partenariats clairs entre l'Etat, les collectivités locales et le secteur privé. Il s'agit aussi de définir le rôle de l'opérateur historique et de tracer les nouvelles perspectives pour les structures alternatives au haut débit.

Les lois pour l'économie numérique à l'épreuve du terrain . C'est le sujet de votre deuxième session de cet après-midi qui vous permettra d'aborder les avancées incontestables du commerce numérique, aussi bien en France qu'à l'étranger. Il nous faudra :

- dresser un premier bilan de la libéralisation des télécommunications,

- réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour aboutir à une concurrence plus équitable,

- évaluer enfin la régulation des contenus et mesurer les conséquences sur les offres de services des opérateurs et l'organisation des réseaux de service

Le Parlement a adopté définitivement le 21 juin 2004 le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique. Il s'agit de la première étape, sur le plan législatif, du programme "RESO 2007" présenté par le gouvernement pour favoriser, inciter, développer la société de l'information. Vous connaissez mieux que moi le détail de cette nouvelle loi qui instaure des règles du jeu clairement définies pour les prestataires de services et qui met en œuvre, me semble-t-il, une protection plus efficace pour les utilisateurs d'internet. Nous avons là les deux règles essentielles pour :

1 - renforcer la confiance dans le commerce électronique et la lutte contre les publicités indésirables

2 - conforter la liberté de la communication publique en ligne dans notre pays

3 - mieux sécuriser les échanges et amplifier les moyens de lutte contre la cybercriminalité

Le commerce électronique augmente de plus de 25% par an. Au-delà du formidable gisement d'emplois, c'est donc à un véritable défi que nous sommes confrontés. Je suis donc d'autant plus impatient d'entendre votre avis sur cette loi qui vise à renforcer le dynamisme actuel de l'économie numérique dans notre pays.

Il serait totalement vain de prétendre réfléchir sur internet en se limitant au seul bilan de la France. Ce serait même paradoxal avec l'esprit d'internet qui est une formidable ouverture sur le monde, avec toutes les richesses potentielles mais aussi avec de nouveaux dangers.

C'est donc tout naturellement que votre troisième et dernière table ronde de cet après-midi s'ouvre à l'international :

Allons-nous vers une politique numérique européenne ? Il me semble qu'elle est hautement souhaitable. Une régulation européenne est-elle possible ? Comment l'Europe peut-elle mettre en œuvre une politique volontariste qui participe au développement d'une industrie européenne du logiciel et qui conforte la compétitivité et l'attractivité des entreprises françaises ? Le chantier à l'échelle européenne est donc vaste, lui aussi.

J'augure déjà qu'il y aura parmi vous d'éminents spécialistes, et je m'en félicite, qui ne manqueront pas de suggérer de nouvelles adaptations législatives. C'est l'une des raisons d'être, l'une des richesses de vos rencontres parlementaires que d'accompagner notre réflexion commune sur les nouvelles technologies.

Je suis frappé par l'étendue de vos travaux qui vont durer toute la journée et permettez donc au Président de l'Assemblée de vous encourager dans vos futurs échanges qui ne manqueront pas d'être fructueux.

Nous avons désormais plus de 5 millions de nos concitoyens abonnés au haut débit. Il y a seulement deux ans ils n'étaient que 500.000. Longtemps montrée du doigt comme le « mauvais élève » européen, la France a aujourd'hui dépassé l'Allemagne et le Royaume-Uni en termes de taux de pénétration du haut débit. Des tendances se renversent mais déjà de nouveaux écarts se creusent ailleurs.

La nouvelle loi pour la confiance dans l'économie numérique que j'évoquais tout à l'heure permet désormais aux collectivités territoriales de devenir des opérateurs de télécommunications. Les technologies « alternatives à l'ADSL » permettent aujourd'hui déjà de dépasser le stade de l'expérimentation. En parallèle, l'offre de services sur les réseaux à haut débit s'est considérablement enrichie, avec notamment l'arrivée de la télévision et de la téléphonie sur internet.

Mais le tableau est loin d'être satisfaisant, nous le savons, d'où les multiples actions des pouvoirs publics pour réduire la « fracture numérique ». J'utilise ce terme de fracture, car c'est devenu une expression consacrée, tout en étant d'avis que le terme est très mal choisi. A mon goût, ce mot de fracture a quelque chose de trop brutal, cela tient de l'accident qui risque de laisser des séquelles... mais tant mieux si la métaphore nous permet de prendre conscience des dimensions géographiques et sociales d'internet car internet doit, par définition, profiter à tous.

Offrir le haut débit dans toutes les communes de France à un prix raisonnable d'ici 2007 doit être notre objectif commun ! c'est l'objectif que nous a fixé le Président de la République et le gouvernement avec le plan "RESO 2007"

Mes chers amis,

Ne soyons pas trop égoïstes et regardons aussi ce qui se passe ailleurs par delà les mers et les océans. Internet est un formidable outil d'éducation et d'apprentissage de la diversité et de la préservation culturelle et linguistique. Internet permet le transfert de compétences. Il crée de nouveaux échanges. Il est source, de ce fait même, de nouvelles richesses qu'il nous faut impérativement mieux partager.

Mieux partager en France, en résorbant définitivement la fracture numérique, je viens de le dire.

Mais aussi mieux partager la richesse et le savoir sur tout le reste de la planète, car les décalages entre pays riches et pays pauvres nous entraînent vers un monde plus instable et plus dangereux. Je salue à cette occasion la récente signature, le 17 novembre 2004, d'un accord de coopération entre l'UNESCO et la société Microsoft. L'organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture (UNESCO) et le numéro un mondial des logiciels vont travailler ensemble pour réduire la fracture numérique entre pays développés et pays en développement.

Et j'approuve totalement les propos de M. Koïchura Matsura, directeur général de l'UNESCO, quand il déclare à propos de cet accord de partenariat  "nous avons plus de chance d'accélérer le développement social et économique si nous travaillons ensemble."

Au delà de la simple communication, nous revenons ainsi au cœur de vos diverses réflexions : mettre les nouvelles technologies de l'information au service du développement socio-économique maîtrisé.

Voilà une terre encore largement en friche. A nous d'en exploiter pleinement tout le potentiel pour créer davantage de richesses et surtout mieux lutter contre l'injustice.

Je vous remercie.