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09/03/2005 - Réception en l'honneur de Madame Shirin EBADI, prix Nobel de la paix 2003

Madame,

C'est un honneur et un grand plaisir de vous accueillir aujourd'hui à l'Assemblée nationale et de vous souhaiter la bienvenue au nom des députés français.

Alors qu'était célébrée hier la Journée internationale des femmes, vous recevoir ici, en ce lieu symbolique de la démocratie française, c'est rendre hommage à une femme distinguée par le prix Nobel de la paix en octobre 2003 ; c'est rendre hommage à l'infatigable animatrice du Centre de défense des droits de l'homme ; c'est rendre hommage à un engagement sans faille en faveur de la défense des valeurs démocratiques, des droits et des libertés. Engagement qui vous valut d'être arrêtée en l'an 2000, mais plébiscitée par vos compatriotes à votre retour d'Oslo.

S'il n'est donc pas besoin de vous présenter, je rappellerai néanmoins quelques étapes d'un parcours en tous points exceptionnel. C'est dès la fin des années 60 que vous montrez le chemin en devenant la première femme juge de votre pays, puis présidente de la Cour de justice de Téhéran en 1975.

En 1979, vous voilà privée de vos fonctions par les nouvelles autorités au nom de principes religieux qui, par une ruse dont l'histoire est fréquente, justifieront bien des années plus tard l'annulation de cette décision.

Vous refusez malgré tout d'abandonner vos activités et en 1992, surmontant de multiples obstacles, vous parvenez à ouvrir votre propre cabinet d'avocat. Vous prenez dès lors en charge de nombreuses affaires qui ont pour dénominateur commun la défense des droits, des libertés et de l'égalité, notamment ceux des plus vulnérables, les femmes et les enfants. Vous prenez aussi le temps d'animer de nombreux séminaires et conférences sur les droits de l'homme, dans votre pays comme à l'étranger. Vous publiez des ouvrages juridiques. Vous vous engagez dans l'action associative en prenant part à la fondation en 1995 de l'Association de soutien aux droits des enfants, puis en 2001 du Centre de défense des droits de l'homme. Vous militez enfin pour des réformes législatives, afin de faire reculer les restrictions des droits ou d'améliorer la protection de l'enfance.

Car tel est le fil conducteur de vos actions : agir dans le cadre de l'État de droit, refuser la violence comme base de l'action politique, contribuer à faire changer le droit partout où il restreint les libertés et maintient les inégalités.

En 2002, vous vous engagez ainsi en faveur d'une loi interdisant toutes les formes de violence contre les femmes. L'écho de ce combat dépasse votre propre pays, tant il est vrai qu'il n'a pas de frontière, qu'il est universel.

Certes, à l'aune des normes appliquées ailleurs, les progrès accomplis en Iran, grâce à l'engagement de tant de femmes anonymes ou célèbres, peuvent paraître modestes. Ils n'en ont pas moins été perçus comme des avancées considérables, fruit d'une longue patience et d'efforts redoublés. Ils ne doivent pas faire oublier que le chemin est encore long à parcourir, qu'il faut une force de conviction peu commune pour ne pas s'en laisser détourner.

Mais vous avez une conviction forte, une conviction majeure qui interpelle notre conscience française : la conviction que l'islam n'est pas, selon vos propres paroles, « contre la liberté des êtres humains et de la femme », la conviction que l'islam et la modernité sont compatibles. Ce message, il est aussi celui de la République française confrontée au grand défi de l'organisation de l'Islam sur notre sol.

Votre exemple montre combien les femmes sont des forces de changement et de modernité. Il nous rappelle que partout où elles sont opprimées, c'est la société toute entière qui souffre.

Voilà bien des raisons pour lesquelles nous vous écouterons avec une très grande attention.

Au lendemain de la Journée de la Femme, soyez donc chaleureusement remerciée d'avoir accepté de vous adresser aux députés français et de répondre aux questions qu'ils voudront vous poser.