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07/11/2006 - Présentation à la presse du livre Mémoires de la France

Mesdames,

Messieurs,

Je suis heureux de vous accueillir ici à l'occasion de la parution d'un livre. Des livres, certes, il en paraît beaucoup. Chaque rentrée littéraire est marquée par les habituelles polémiques de la saison des prix... Mais cette année, il s'est produit un événement peu banal dans l'édition : la France a publié ses Mémoires !

Dans un pays comme le nôtre, où chacun accorde une noblesse particulière à l'écrit, tous les grands événements ont été consignés par les meilleurs témoins. Quand les députés aux Etats généraux défient le pouvoir royal, quand ils se constituent en Assemblée nationale et décident de ne pas se séparer avant d'avoir donné une constitution à la France, ces députés ne se contentent pas de prononcer le serment du Jeu de paume : ils le rédigent, ils le signent, et ce véritable acte de naissance de la démocratie parlementaire est, aujourd'hui encore, précieusement conservé par l'Assemblée nationale.

De même, le compte rendu du procès de Louis XVI, le manuscrit de La Marseillaise, le projet de constitution annoté par Robespierre, la lettre d'abdication de Napoléon sont quelques-uns des trésors dont L'Assemblée a la garde. Ces documents extraordinaires, il faut en prendre le plus grand soin, mais cela ne signifie pas les enfermer pour toujours dans des coffres-forts inaccessibles. Au contraire : nos concitoyens ont envie de les voir, de les déchiffrer, ils veulent remonter aux sources, car ils savent que notre démocratie ne s'est pas édifiée toute seule, mais qu'elle résulte d'un long et difficile combat, dont ils aiment à revivre les temps forts.

Il y a un an, une exposition montrait pour la première fois ces documents exceptionnels au public. Le succès fut au rendez-vous, avec plus de soixante mille visiteurs en six semaines. Dès lors, publier un beau livre sur ces trésors devenait presque un devoir. Il fallait que chacun, en librairie, en bibliothèque, puisse voir et revoir ces témoignages de nos grandes heures, de la Révolution française jusqu'aux grands événements de la Cinquième République, comme le départ du général de Gaulle ou l'abolition de la peine de mort. Sophie de Sivry et Jean-Baptiste Bourrat, pour les éditions de L'Iconoclaste, ont relevé le défi et je les en remercie.

Pour écrire ce livre, une équipe de vingt-sept auteurs s'est constituée, sous la direction d'Emmanuel de Waresquiel, que je suis heureux de saluer. Bertrand Poirot-Delpech et René Rémond, de l'Académie française, Jean Lacouture, Jean-Noël Jeanneney, Jean-Pierre Azéma, Michel Winock, Jean-Pierre Rioux et beaucoup d'autres, journalistes, écrivains, historiens, ont uni leurs efforts pour rassembler, en deux cents pages magnifiquement illustrées, deux cents ans d'histoire républicaine.

Le Palais Bourbon fait partie de ces grands édifices nationaux qu'André Malraux appelait si joliment « maisons des siècles ». A chaque pas qu'on y fait, sur chaque mur, sur les rayons de notre Bibliothèque, dans les collections des archives, l'histoire est présente et elle nous interpelle. Il était important de réunir ces Mémoires, qui ne sont pas seulement les Mémoires du Palais Bourbon, mais bien, par leur portée, les Mémoires de la France.

Madame la présidente, l'année dernière déjà, votre prédécesseur Louis Gallois était à mes côtés pour inaugurer l'exposition qui inspira ce livre puisque la SNCF s'était associée à cette exposition. Le rail, le train, ont une place toute particulière dans l'histoire parlementaire de notre pays. Dès l'origine, sous la monarchie de Juillet, l'équipement ferroviaire de la France, le tracé des lignes, le statut des compagnies ont donné lieu à des débats nourris dans l'hémicycle. C'est aussi le train qui a facilité la tâche des députés, dans leur mouvement pendulaire de la circonscription au Palais Bourbon, puis du Palais Bourbon à la circonscription... Combien de discours écrits, appris, dans un compartiment de chemin de fer ? Combien d'amendements peaufinés à la lumière d'un wagon-lit ? Virgile Barel, élu pour la première fois député de Nice en 1936 et qui sera le doyen de l'Assemblée en 1973, raconte dans ses souvenirs qu'avec ses collègues communistes du Midi, par mesure d'économie, il ne réservait qu'une seule couchette, utilisée à tour de rôle : ceux qui ne dormaient pas discutaient, essayaient leurs formules, convenaient d'une tactique... Et dans ce train de nuit lancé à toute vapeur dans la vallée du Rhône, la séance du lendemain avait déjà commencé.

Je sais que, comme moi, vous êtes sensible à ces témoignages du passé. Quelles que soient nos responsabilités au temps présent, nous ne les exercerions pas complètement si nous négligions d'entretenir et surtout de valoriser le patrimoine constitué par nos grands anciens. Depuis le début de la législature, ce livre est déjà le dixième à paraître sous l'égide de l'Assemblée nationale. Nous avons publié une anthologie des Grands discours parlementaires de la République. Nous préparons encore une Histoire du Parlement, ainsi qu'un recueil des plus belles professions de foi électorales qui amusera et étonnera le public.

Or, dans cette dizaine d'ouvrages, je suis frappé de constater qu'il n'y a pas de redites, pas de répétitions, tant notre histoire est riche de scènes et d'hommes hors du commun.

Dans la bibliothèque idéale du citoyen, ces Mémoires de la France occuperont une place à part : ce livre plein de surprises n'est pas seulement un beau cadeau à faire absolument pour les fêtes, c'est aussi un ouvrage de références, auquel on se reportera souvent.

Ce livre, je l'ai voulu, je l'ai attendu. Ce livre, j'ai souhaité que chaque député en possède un exemplaire. Ce livre, je le vois, depuis quelques jours, placé en évidence dans les vitrines des librairies. Et ce livre, pour tout vous dire, j'en suis fier.