N° 2516
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
ONZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 juin 2000.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à la création d'une commission d'enquête relative aux expérimentations nucléaires réalisées au centre d'études du commissariat à l'énergie atomique de Vaujours-Courtry ainsi que sur les mesures propres à réduire les risques pour les habitants et l'environnement.

(Renvoyée à la commission de la production et des échanges, à défaut de constitution
d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
présentée
par MM. André ASCHIERI, Noël MAMÈRE, Mme Marie-Hélène AUBERT, MM. Yves COCHET et Jean-Michel MARCHAND,
Députés.

Energie et carburants.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Des expérimentations nucléaires commandées sous la IVRépublique et poursuivies sous la Ve République ont été effectuées dans le plus grand secret entre 1955 et 1960 au centre d'études du commissariat à l'énergie atomique de Vaujours-Courtry.
Dans ce fort construit après la guerre de 1870, des spécialistes, procédant à des tirs de simulation, ont mis au point la partie explosive de la première bombe atomique française, " gerboise bleue ", qui explosera en 1962 à Reggane dans le Sahara algérien.
Le Gouvernement a décidé de fermer le site militaire de Vaujours en 1997. L'Office pour la protection contre les rayonnements ionisants (OPRI), chargé d'effectuer des contrôles, concluait en 1998 que le niveau minimum d'assainissement de la radioactivité résiduelle fixé par la direction générale de la santé était conforme pour accueillir des activités industrielles.
Or, à la veille de la mise en vente du site, les résultats de cette enquête sont très préoccupants pour les populations. Le préfet de Seine-Saint-Denis a même imposé des servitudes tendant à interdire la construction d'écoles, de logements ou de centres aérés.
La prise de conscience du danger potentiel d'une exposition excessive aux rayonnements ionisants a conduit des autorités scientifiques indépendantes comme la commission internationale de protection radiologique (CJPR), créée en 1928, à fixer des normes réglementaires pour les limites de doses. En France, les normes légales de radioprotection qui s'inspirent des normes européennes donnent une limite de 1 millisivert par an. Or, la dose reçue à Vaujours s'élève aujourd'hui à 1,6 millisivert par an.
Les expositions à des doses plus ou moins élevées de rayonnements ionisants peuvent avoir des effets à long terme sous la forme de cancers et leucémies. Des experts médicaux ont justement constaté que les populations autours du centre présentent des affections de la thyroïde (caractéristiques d'une irradiation) plus importantes qu'ailleurs.
Il est possible que cela provienne des explosions effectuées à l'air libre entraînant la projection de particules d'uranium radioactives à l'extérieur du fort.
Il semble que l'impartialité qui doit normalement entourer toute enquête de ce type - du moins la séparation de l'évaluation et de la gestion du risque - n'a pas été respectée, au regard de la composition de la commission d'enquête.
Au-delà d'une contre-expertise, une étude épidémiologique visant à déceler tout risque pour la santé publique doit être mise en place et devra définir sur un plan géographique les populations concernées. Parallèlement, une étude d'impact sur l'environnement du site et des villes environnantes devra être réalisée, la nouvelle législation l'impose.
Pendant plus de cinquante ans, cultivant le secret défense, les autorités ont délibérément caché les risques que comportent de telles expériences ; le secret étant malheureusement l'écran que l'on oppose aux citoyens et à son légitime désir d'information sur des sujets aussi lourds que le nucléaire.
C'est pourquoi nous demandons que soient ouvertes les archives du commissariat à l'énergie atomique et du ministère de la Défense sur ce sujet afin d'informer les populations.
Le principe de précaution tend à s'imposer en Europe dans les domaines de l'environnement et de la santé. Prévention et précaution sont les deux facettes de la prudence qui s'impose dans toutes les situations susceptibles de créer des dommages, particulièrement dans des domaines qui, comme le nucléaire militaire ou civil, engage les générations futures pour des milliers d'années.
L'application du principe de précaution requiert des dispositifs à la fois fiables et transparents. L'impartialité des enquêtes est donc doublement nécessaire.
Enfin, il paraît souhaitable que Vaujours et les villes environnantes soient inscrites sur la liste nationale des sites pollués.
Une commission d'enquête permettra de mettre en lumière les conditions dans lesquelles ont été prises, sans mesures de protection, les décisions d'expérimentations. Elle établira également les risques éventuels de contamination et les effets de ceux-ci sur la santé, permettant ainsi à l'Etat de prendre les mesures qui s'imposent.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d'adopter la proposition suivante.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d'enquête parlementaire de vingt-cinq membres relative aux conséquences des expérimentations nucléaires réalisées au centre d'études du commissariat à l'énergie atomique de Vaujours-Courtry ainsi que sur les mesures propres à réduire les risques pour les habitants et l'environnement.
2516 - Proposition de résolution relative aux expérimentations nucléaires réalisées au centre d'études du commissariat à l'énergie atomique de Vaujours-Courtry (commission de la production)


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