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N° 2800

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 décembre 2000.

RAPPORT D'ACTIVITÉ

DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ET A L'ÉGALITÉ DES CHANCES

ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES (1)

ANNÉE 2000

FAIT

en application de l'article 6 septies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958

relative au fonctionnement des assemblées parlementaires

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Martine Lignières-Cassou,

Députée.

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(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Assemblée nationale.

La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Martine Lignières-Cassou, présidente ; Mmes Muguette Jacquaint, Chantal Robin-Rodrigo, Yvette Roudy, Marie-Jo Zimermann, vice-présidentes ; Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. Michel
Herbillon, secrétaires ; M. Pierre Albertini, Mmes Nicole Ameline, Roselyne Bachelot-Narquin, M. Patrick Bloche, Mme Danielle Bousquet, M. Philippe Briand, Mmes Nicole Bricq, Odette Casanova, Nicole Catala, MM. Richard Cazenave, Henry Chabert, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Jean-Pierre Defontaine, Patrick Delnatte, Jean-Claude Etienne, Jacques Floch, Claude Goasguen, Patrick Herr, Mmes Anne-Marie Idrac, Conchita Lacuey, Jacqueline Lazard, Raymonde Le Texier, MM. Patrick Malavieille, Patrice Martin-Lalande, Mmes Hélène Mignon, Catherine Picard, MM. Bernard Roman, André Vallini, Kofi Yamgnane.

INTRODUCTION 5

I - LE THÈME D'ÉTUDE ANNUEL CHOISI PAR LA DÉLÉGATION : IVG ET CONTRACEPTION 7

A. CONTRACEPTION D'URGENCE 7

1. La proposition de loi présentée par Mme Danielle Bousquet 7

2. Les recommandations de la Délégation 8

3. Les améliorations législatives à la proposition de loi 11

B. CONTRACEPTION ET INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE 12

1. Une modernisation indispensable des lois Veil et Neuwirth 12

2. Les recommandations adoptées par la Délégation 14

3. Les améliorations apportées en première lecture 18

II - L'ÉGALITÉ EN POLITIQUE ET L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE 23

A. L'ÉGALITÉ EN POLITIQUE 23

1. Les deux projets de loi sur la parité en politique 23

2. Les recommandations de la Délégation 24

3. Les dispositions législatives adoptées 26

B. L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE 28

1. Une proposition de loi visant à rendre effective l'égalité professionnelle 29

2. Les premières recommandations adoptées par la Délégation 29

3. Les améliorations apportées en première lecture 31

4. Les nouvelles dispositions de la proposition de loi 32

5. Les nouvelles recommandations de la Délégation 33

6. Des recommandations très largement satisfaites 36

III - LES AUTRES THÈMES RETENUS 39

A. LES VOLONTARIATS CIVILS 39

B. LE SPORT 41

C. LA PRESTATION COMPENSATOIRE EN MATIÈRE DE DIVORCE 43

1. Une réforme tendant à mettre fin à des situations qui heurtent l'équité 43

2. Les recommandations adoptées par la Délégation 44

3. Des recommandations satisfaites par la loi 45

D. LA VALIDATION DES ACQUIS PROFESSIONNELS 46

IV. AUDITIONS 49

A. Audition de Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'État aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, le 2 mai 2000 49

B. Audition de Madame Martine Lévy, chargée de mission à la Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'action régionale (DATAR), le 16 mai 2000 61

C. Audition du professeur Bernard Glorion, président du Conseil national de l'Ordre des médecins, le 14 novembre 2000 76

V - LES ACTIVITÉS INTERNATIONALES 89

A. SESSION EXTRAORDINAIRE DE L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES 89

1. Audition de Mme Françoise Gaspard, représentante de la France à la Commission de la condition de la femme de l'ONU, le 28 mars 2000 89

2. Compte rendu de la session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies ("Pékin + 5") présenté par Mme Martine Lignières-Cassou, membre associé à la délégation gouvernementale conduite par Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, le 13 juin 2000 102

B. CONFÉRENCE DE BERLIN 116

1. Compte rendu des travaux 116

2. Déclaration de Berlin 122

ANNEXES 127

MESDAMES, MESSIEURS,

L'année 2000 a été une année exceptionnellement riche pour les droits des femmes.

Un grand nombre de textes législatifs - l'égalité en politique, l'égalité professionnelle, la contraception et l'IVG, notamment - ont été débattus au Parlement et la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, créée par une loi du 12 juillet 1999 et mise en place au mois de novembre 1999, a pris toute sa part dans les actions entreprises pour contribuer à la promotion des droits des femmes.

Ces progrès législatifs ont été obtenus grâce à l'action déterminée du Premier ministre et de l'ensemble de son Gouvernement - hommes et femmes, mais en l'occurrence, il faut le souligner, surtout grâce à l'action positive des femmes, et plus particulièrement celle de Mmes Martine Aubry, Elisabeth Guigou, Ségolène Royal, Dominique Gillot et Nicole Péry.

Il convient également de saluer le très bon accueil et le soutien constant que la Délégation a reçus de la part des commissions permanentes et de leurs présidents et présidentes, qui, chaque fois qu'elle l'a souhaité, l'ont saisi des projets et propositions de loi sur lesquels elle souhaitait prendre position et émettre des recommandations.

La Délégation a donc élaboré et rendu public, sur l'ensemble des textes dont elle a été saisie, des rapports d'information comportant des recommandations destinées à enrichir le débat en commission et en séance publique sur les projets et propositions de loi concernés.

Comme le prévoit la loi du 12 juillet 1999 créant les Délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, ces Délégations doivent établir chaque année un rapport public dressant le bilan de leur activité et comportant, le cas échéant, des propositions d'amélioration de la législation et de la réglementation dans leurs domaines de compétence.

Le présent rapport d'information n'est pas conçu comme le bilan complet de l'activité de la Délégation de l'Assemblée nationale au cours de l'année 2000.

Pour connaître l'ensemble de l'activité de la Délégation dans le domaine législatif sur l'ensemble de cette période, il suffira en effet de se reporter aux différents rapports d'information publiés par la Délégation (1).

Le présent rapport d'information a plus spécifiquement pour objet de montrer quel a été l'impact de l'activité de la Délégation en matière législative. Pour chacun des thèmes qu'elle a approfondi, ce rapport cherche à déterminer si les recommandations de la Délégation ont infléchi les projets ou propositions de loi adoptés en première lecture ou définitivement, selon le cas.

Il comporte également le texte des auditions portant sur des sujets qui n'ont pas fait l'objet de rapports d'information, car même si l'essentiel de ses activités - en raison de l'abondance de l'actualité - a été consacré à l'examen de projets ou de propositions de loi, d'autres sujets ont retenu l'attention de la Délégation, comme le statut des conjoints collaborateurs de travailleurs indépendants et la mise en _uvre du principe d'égalité des chances dans le cadre des interventions structurelles communautaires.

On n'y trouvera pas l'étude annuelle choisie par la Délégation au début de cette année, puisque celle-ci - qui portait sur la santé des femmes, puis qui s'est centrée sur les thèmes de l'IVG et de la contraception - a déjà été publiée dans le cadre du rapport d'information de Mme Danielle Bousquet sur le projet de loi relatif à l'IVG et à la contraception.

Le présent rapport dresse également le bilan de l'activité internationale de la Délégation, notamment sa participation à la session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies (Pékin +5) au mois de juin et à la Conférence des commissions parlementaires de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Union européenne et du Parlement européen, qui s'est tenue à Berlin au mois de novembre.

I - LE THÈME D'ÉTUDE ANNUEL CHOISI PAR LA DÉLÉGATION : IVG ET CONTRACEPTION

La Délégation a été particulièrement active au cours de l'année 2000 pour faire avancer le dossier de l'IVG et de la contraception.

Dès que le problème de la contraception d'urgence s'est posé, suite à la décision du Conseil d'Etat du 30 juin d'interdire la distribution de la pilule du lendemain par les infirmières scolaires, la Délégation a entrepris aussitôt plusieurs auditions et réunions de travail sur ce thème. La proposition de loi présentée par Mme Danielle Bousquet et les membres du groupe socialiste a ainsi pris appui sur les travaux initiés par la Délégation aux droits des femmes.

De la même façon, les nombreuses auditions, réunions de travail et colloque organisés par la Délégation sur le problème de l'IVG et de la contraception ont constitué un remarquable réservoir d'idées qui ont permis à la Délégation de présenter des recommandations d'amélioration du texte et à votre rapporteure, qui a également été désignée comme rapporteure du projet de loi par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, de déposer des amendements dans la ligne de ces recommandations.

Il faut se féliciter que l'ensemble de ces améliorations aient été adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture et souligner encore une fois l'exceptionnelle collaboration qui s'est instaurée entre la Délégation et la commission, avec le soutien actif de son président, M. Jean Le Garrec.

A. CONTRACEPTION D'URGENCE

1. La proposition de loi présentée par Mme Danielle Bousquet

Constatant la grave insuffisance de l'information en matière de contraception, particulièrement auprès des jeunes et dans le souci de mieux prévenir les IVG chez les adolescentes, le Gouvernement a pris depuis l'année dernière un certain nombre d'initiatives fortes :

- le lancement d'une vaste campagne d'information sur la contraception en janvier 2000, la première depuis les années quatre-vingts, sur le thème "La contraception : à vous de choisir la vôtre !" ;

- la décision d'autoriser les infirmières scolaires à délivrer la pilule du lendemain aux adolescentes en difficulté, après l'autorisation de mise sur le marché, puis la vente libre en pharmacie du Norlévo.

La circulaire du 19 décembre 1999 sur l'organisation des soins et des urgences dans les établissements publics d'enseignement a précisé les conditions de délivrance de la contraception d'urgence, en l'occurrence le Norlévo, aux jeunes filles mineures en cas d'urgence et de détresse, et à titre exceptionnel.

L'annulation par le Conseil d'Etat le 30 juin 2000 de ces dispositions, comme contraires à la loi "Neuwirth" du 20 décembre 1967, a contraint le Parlement à légiférer le plus rapidement possible, afin d'autoriser la vente libre des médicaments ayant pour but la contraception d'urgence et en permettre à nouveau, dans les meilleurs délais, la délivrance dans les établissements scolaires.

C'est l'objet de la proposition de loi sur la contraception d'urgence, déposée le 13 septembre 2000 par Mme Danielle Bousquet et plusieurs de ses collègues.

Saisie de la proposition de loi par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, la Délégation a procédé à l'audition en réunions de travail de tous les partenaires de l'Education nationale impliqués dans la distribution de la pilule du lendemain : représentants des syndicats d'infirmières scolaires et des médecins scolaires, du syndicat des directeurs d'établissements, des fédérations de parents d'élèves et premiers concernés, représentants des syndicats lycéens.

Dans un souci d'information des parlementaires, la Délégation a par ailleurs organisé, avec beaucoup de succès, la veille du débat en séance publique, la projection d'un documentaire coproduit par Canal + "Une semaine au planning familial", à partir de témoignages d'adolescentes désemparées face au risque de grossesse, souvent ignorant tout de la contraception, en butte avec leur famille et parfois contraintes de partir à l'étranger.

2. Les recommandations de la Délégation

La Délégation a adopté, le 19 septembre le rapport d'information de Mme Marie-Françoise Clergeau comportant des recommandations qui, pour la plupart sont venues en appui ou ont été relayées par l'action gouvernementale à l'automne 2000, dans le cadre du budget 2001 et par les mesures en faveur de l'éducation à la sexualité.

1. Le vote de la proposition de loi sur la contraception d'urgence devra permettre l'application, dans les meilleurs délais, des dispositions du Protocole national du 6 janvier 2000 sur l'organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements publics locaux d'enseignement qui ont été annulées par une décision du Conseil d'Etat du 30 juin 2000.

2. La première condition d'une mise en _uvre efficace du protocole devra être que la pilule du lendemain soit disponible dans tous les établissements et pour tous les élèves, afin d'éviter les discriminations résultant de leur localisation géographique, de l'éloignement des centres de planification ou d'éducation familiale et des pharmacies.

3. Les établissements devront également veiller au dégagement des fonds nécessaires à l'achat des contraceptifs d'urgence, dépenses au demeurant peu élevées compte tenu de l'usage prudent qui en a été fait par les infirmières scolaires jusqu'à présent.

4. Afin d'assurer l'application du Protocole et la distribution de la contraception d'urgence dans de bonnes conditions, il conviendra de mieux associer les médecins scolaires, comme intervenants à part entière, aux côtés des infirmières et de favoriser un travail en équipe dans les établissements scolaires (médecins, infirmières, assistantes sociales, directeurs d'établissements).

5. Les infirmières étant appelées à jouer un rôle de plus en plus important dans la distribution des contraceptifs d'urgence, le suivi des élèves et l'information sur la contraception, il conviendra impérativement de mieux reconnaître leurs missions en matière de santé scolaire, partie prenante de la santé publique, et d'augmenter leurs effectifs afin de couvrir le maximum d'établissements. Une amélioration de leur formation en matière d'orthogénie, d'information et d'éducation à la sexualité devra être recherchée.

6. Les adresses des centres de planification ou d'éducation familiale les plus proches de l'établissement devront être facilement accessibles aux élèves, par exemple par affichage à l'infirmerie, de même que les coordonnées de l'infirmière attachée à l'établissement, mais non résidente.

7. L'éducation à la sexualité devra être introduite dans les Instituts universitaires de formation des maîtres, en formation initiale ou continue.

8. Prévue en classe de quatrième et de troisième, l'éducation à la sexualité devra être effectivement mise en _uvre et les horaires respectés. Cet enseignement jugé souvent trop théorique ou scientifique dans les lycées, devra s'efforcer de mieux répondre aux attentes des adolescents.

9. De même, la campagne nationale d'information sur la contraception lancée au début de l'année 2000 par Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, et relayée par le ministère de l'Education nationale, dont l'impact a été trop ponctuel, devra être poursuivie en continu dans les établissements scolaires.

10. Les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté des établissements scolaires devront intégrer dans leurs missions comme dans leur bilan annuel, l'information à la sexualité et à la contraception ainsi que l'application de la contraception d'urgence.

11. Ils devront veiller à ce qu'une plus grande synergie soit établie avec les centres de planification ou d'éducation familiale qui participeront ainsi davantage, comme intervenants extérieurs, à l'information à la contraception dans les établissements.

12. Il serait souhaitable d'établir, dès que possible, à partir des éléments recueillis par ces comités, un bilan des effets de l'utilisation de la contraception d'urgence sur la diminution du nombre des interruptions de grossesse chez les adolescentes.

_ La préoccupation de la Délégation aux droits des femmes a été que, rapidement et concrètement, soit assurée la mise en place de la distribution de la pilule du lendemain, notamment en insistant sur les missions et le renforcement nécessaire des effectifs des infirmières scolaires.

Le Gouvernement a consenti un effort important en faveur des personnels médico-sociaux. Ainsi 600 postes d'infirmières ont été créés ces trois dernières années et 150 emplois supplémentaires ont été annoncés dans le budget pour 2001.

Parallèlement, a été prévu un renforcement des effectifs des médecins scolaires - 50 emplois créés pour 2001 - dont la Délégation a souhaité qu'ils soient associés comme intervenants à part entière aux côtés des infirmières dans le nouveau dispositif de distribution de la contraception d'urgence.

Les missions des infirmières scolaires, précisées dans le protocole national sur l'organisation des soins et des urgences dans les E.P.L.E. ont été réaffirmées et complétées dans les mesures provisoires prises en octobre dernier par M. Jack Lang, ministre de l'Education nationale, après un premier bilan positif d'application du protocole. Elles prévoient notamment une meilleure coordination entre les centres de planification et les établissements ainsi qu'une meilleure information des élèves et de leur famille sur les centres et les moyens d'accueil.

_ La Délégation aux droits des femmes a souhaité que soit mise en place, en amont, une véritable politique de prévention qui passe d'abord par la formation des principaux acteurs dans le domaine de la prévention en milieu scolaire : les infirmières, mais aussi les professeurs dans les Instituts de formation des maîtres.

Elle devra s'appuyer ensuite sur une éducation à la sexualité et à la vie, initiée par Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance avec la rédaction de nouveaux programmes pédagogiques et la mise au point à l'intention des professeurs d'une mallette d'éducation à la sexualité et à la vie.

3. Les améliorations législatives à la proposition de loi

L'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi en première lecture le 5 octobre dernier. Le texte a été complété en commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à l'initiative de Mme Hélène Mignon, rapporteure : désormais, les élèves majeures pourront également recourir à l'infirmière scolaire et bénéficier de la contraception d'urgence.

Le Sénat, qui a adopté la proposition de loi le 31 octobre, a apporté, à l'initiative de M. Lucien Neuwirth, rapporteur au nom de la commission des affaires sociales, un certain nombre d'améliorations, reprises ensuite en commission mixte paritaire.

_ Afin que le coût du contraceptif d'urgence ne soit pas un obstacle pour les élèves, dans les établissements scolaires qui ne disposent pas d'une infirmière à temps plein, pour des jeunes filles non scolarisées ou en apprentissage, et pour couvrir la période des vacances scolaires, il est prévu que la délivrance des contraceptifs d'urgence aux mineures s'effectuerait à titre gratuit, dans des conditions prévues par voie réglementaire. Ainsi, l'obtention du Norlévo dans les pharmacies sera gratuite pour les mineures.

_ Les principes qui doivent guider les infirmières dans leur action ainsi que la procédure d'administration du Norlévo aux élèves, ont été précisés dans le texte de loi qui reprend les dispositions figurant déjà dans le protocole. Ces compléments ont répondu au souci de réserver cette procédure aux cas d'urgence et de détresse caractérisée, à titre exceptionnel. Le rôle de l'infirmière est bien défini : elle doit en premier lieu orienter l'élève vers un médecin ou un centre de planification. Ce n'est que si le médecin ou le centre n'est pas accessible, que l'infirmière peut, compte tenu de l'urgence, administrer à l'élève majeure ou mineure une contraception d'urgence.

_ Les parlementaires ont souhaité que soit inscrit dans la loi le nécessaire suivi des élèves à qui sera administré le Norlévo : l'infirmière doit informer a posteriori le médecin scolaire des décisions prises, s'assurer de l'accompagnement psychologique de l'élève et veiller à la mise en place d'un suivi médical.

_ Enfin, et conformément au souhait de la Délégation, dans un délai de deux années, le Gouvernement devra présenter au Parlement un bilan de la délivrance de la contraception d'urgence par les infirmières en milieu scolaire.

L'urgence ayant été déclarée, après une seule lecture par chaque assemblée et accord en commission mixte paritaire, la proposition de loi a été définitivement adoptée le 28 novembre 2000 à l'Assemblée nationale et le 30 novembre au Sénat.

B. CONTRACEPTION ET INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE

1. Une modernisation indispensable des lois Veil et Neuwirth

La situation de l'IVG en France a conduit le Gouvernement à décider de présenter des mesures législatives permettant d'améliorer l'accès à l'IVG d'une part, à la contraception d'autre part ; en effet, plus de 200 000 IVG sont pratiquées annuellement, dont 7 000 concernent des adolescentes et 5 000 femmes hors délai partent à l'étranger.

Comme le souligne l'exposé des motifs du projet de loi relatif à l'IVG et à la contraception déposé le 4 octobre dernier par M. Lionel Jospin et Mme Martine Aubry, les lois Neuwirth et Veil, qui ont été en leur temps des acquisitions fondamentales pour la vie des femmes au quotidien, ne sont plus aujourd'hui, près de trente ans plus tard, totalement adaptées à la réalité sociale et à la réalité médicale de notre pays. Elles nécessitent d'être actualisées et modernisées.

Après un an de concertation, notamment au sein d'un comité de pilotage réunissant médecins, professionnels de santé, associations, et la consultation de professeurs (2) et d'experts, Mme Martine Aubry a proposé un certain nombre de modifications législatives qui portent principalement sur trois points :

_ L'allongement de dix à douze semaines de grossesse du délai légal d'IVG, a été proposé dans un souci d'harmonisation avec les pays européens (la plupart ont retenu ce même délai de douze semaines ou un délai supérieur). Avant de présenter cette modification, Mme Martine Aubry a vérifié que celle-ci ne posait pas véritablement de problème de santé publique.

Ainsi, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation de santé (ANAES), consultée à cet effet par le Gouvernement, dans une première série de recommandations d'experts, a estimé possible sur le plan matériel et en termes de sécurité sanitaire, que le délai d'accès à l'IVG puisse être porté à douze semaines, sous réserve de certaines précautions, notamment d'une formation des professionnels et de moyens adaptés.

_ L'aménagement de l'autorité parentale pour les mineures, afin de tenir compte des difficultés rencontrées par des adolescentes pour obtenir l'autorisation parentale, certaines ne voulant et ne pouvant pas la demander. Comme Mme Martine Aubry l'avait souhaité, le principe de l'autorisation parentale est maintenu. Mais pour venir en aide à ces jeunes filles, après un entretien au cours duquel le médecin se sera efforcé de convaincre la jeune fille de renouer avec ses parents, puis aura enregistré son refus, celle-ci pourra accéder à l'IVG en se faisant accompagner d'un adulte de son choix (un proche ou un responsable du centre de planning familial).

_ La suppression des sanctions pénales liées à la propagande et à la publicité pour l'IVG. Ces sanctions qui pouvaient s'expliquer à une certaine époque, constituent aujourd'hui un risque pour les associations et les centres de planification fournissant aux femmes les informations nécessaires sur les établissements pratiquant l'IVG, ainsi que pour le numéro vert récemment mis en place au niveau régional pour répondre aux appels téléphoniques des femmes en difficulté.

_ Des modifications complémentaires ont été proposées concernant :

- la possibilité de pratiquer l'IVG médicamenteuse en ambulatoire afin de favoriser le recours à l'IVG précoce ;

- la prise en charge financière par l'Etat des IVG pour les mineures désirant garder le secret ;

- une meilleure organisation de la pratique de l'IVG dans les établissements publics, en imposant au chef d'un service hospitalier qui a la charge des interventions d'IVG, considérée comme une mission de service public, de les organiser, tout en maintenant la clause de conscience qui lui permet de ne pas les pratiquer lui-même.

L'ensemble de ces dispositions a pour but de faire progresser les droits spécifiques des femmes, mais prend aussi en compte une approche de santé publique.

_ Pour garantir la mise en _uvre efficace à long terme du projet de loi - une baisse du nombre d'IVG -, le Gouvernement a décidé de renouveler chaque année la campagne d'information en faveur de la contraception qu'il avait lancée en janvier 2000.

Il a également fait porter son effort, à la suite du rapport Nisand, sur une amélioration de l'accès à l'IVG, notamment par un renforcement des moyens financiers et en personnel du service public hospitalier, une meilleure organisation de l'IVG pendant les mois d'été, la possibilité d'offrir aux femmes le choix de la technique d'intervention (en favorisant la pratique médicamenteuse), la mise en place d'une permanence téléphonique dans tous les départements et la prise en compte du thème de la contraception et de l'IVG par les commissions régionales de naissance.

2. Les recommandations adoptées par la Délégation

Fin mai, la Délégation a organisé sur le thème retenu pour son rapport d'activité et dans la perspective du projet de loi un vaste colloque sur "Contraception, IVG : mieux respecter les droits des femmes" autour de deux problématiques, l'accès des femmes à l'IVG en France dans les structures publiques, les mineures devant l'IVG et la contraception.

La Délégation a également procédé à l'audition d'une quarantaine de personnalités lors de quatorze auditions et neuf réunions de travail et elle a désigné Mme Danielle Bousquet, rapporteure d'information sur le projet de loi.

Les témoignages recueillis, tous d'une grande richesse, ont permis à la Délégation de mûrir et d'affiner sa réflexion. Au fil des auditions de professeurs, de praticiens, de représentants d'éminentes institutions comme le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), l'ANAES, l'Académie de médecine ou l'Ordre des médecins, la Délégation s'est trouvée confrontée à plusieurs questions de fond. L'allongement des délais soulevait-il un problème d'éthique ? La crainte d'une dérive "eugénique" était-elle fondée ? Quelles pouvaient être les conséquences pour le praticien et pour la femme des progrès de techniques médicales, comme l'échographie ?

Sur la première question, la plupart des interlocuteurs de la Délégation et notamment le Président du CCNE, ont apporté des réponses très claires et estimé que l'allongement des délais ne posait pas de problème d'éthique, que la discussion de principe sur ce sujet avait été tranchée il y a vingt-cinq ans lors de l'adoption de la loi Veil et que les craintes d'une augmentation du nombre d'avortements pour des malformations bénignes ou pour une question de sexe n'étaient pas fondées. Au demeurant ces inquiétudes étaient attentatoires à la dignité des femmes, "reposant sur une logique de soupçon selon laquelle les femmes ne seraient pas responsables de leurs actes ou utiliseraient à mauvais escient les progrès de la science" comme l'a dit votre rapporteure en séance publique.

Les débats en Délégation se sont peu à peu déplacés vers d'autres problèmes : ainsi, les conséquences d'une surveillance accrue de la grossesse qui bénéficie des progrès considérables du diagnostic prénatal ; la possibilité de déceler à onze comme à douze semaines certaines malformations f_tales, avec cependant une marge d'incertitude ; la responsabilité de plus en plus lourde qui pèse sur les médecins et qui explique leurs inquiétudes face à la décision d'IVG tardive ; dans ce cas, la recherche nécessaire dans la prise de décision de considérations non seulement d'ordre médical, mais aussi d'ordre psychosocial ; le recours lors de la prise de décision au dialogue avec la femme, le couple et à la collégialité dans un souci de partage de la responsabilité.

En conclusion du rapport d'information (n° 2702) de Mme Danielle Bousquet adopté le 14 novembre dernier, la Délégation a proposé les treize recommandations suivantes :

1. La Délégation souligne la nécessité impérieuse d'une large politique d'information à la contraception et d'éducation à la sexualité en direction des jeunes, condition préalable et indispensable à toute perspective d'une diminution sensible des recours à l'IVG.

2. Il serait souhaitable d'améliorer le système du recueil des données sur l'IVG dans les secteurs public et privé pour une meilleure épidémiologie, en raison d'une certaine sous-déclaration des IVG, en particulier dans les établissements privés agréés.

3. Une enquête devrait être diligentée par le ministère de l'emploi et de la solidarité pour une meilleure estimation du nombre de femmes qui, avec la légalisation des nouveaux délais, pourront accéder à l'IVG en France.

4. L'interruption de grossesse médicamenteuse par la Mifégyne présente de nombreux avantages, liés à son utilisation précoce, sans anesthésie, et sans danger pour la santé de la femme. Il conviendrait de rendre plus accessible ce médicament, classé dans la catégorie des substances vénéneuses, dont la distribution et l'administration sont soumises à de sévères restrictions par un arrêté du 10 septembre 1992.

5. Le recours à l'avortement médicamenteux devrait pouvoir s'accompagner d'une pratique ambulatoire sans hospitalisation nécessaire, en structure légère ou même à domicile, la femme restant en contact avec son médecin.

6. Le choix par la femme de la méthode de l'IVG est fondamental, car la méthode la mieux acceptée est la méthode préférée par la femme. Le médecin, dès la première visite, devrait informer la femme des différentes méthodes d'avortement (méthode médicamenteuse ou chirurgicale, avec anesthésie locale ou générale), de leurs avantages et de leurs inconvénients.

7. L'entretien qui a une fonction d'aide et d'écoute de la femme n'est trop souvent qu'une simple formalité ou prend un caractère dissuasif ou culpabilisant. Aussi, sauf pour les mineures, cet entretien préalable ne devrait pas être imposé, mais systématiquement proposé lors de la première visite médicale.

8. Concernant le recours à l'IVG de la mineure désirant garder le secret, il devrait revenir, non pas au médecin, mais à la conseillère conjugale lors de l'entretien préalable, de s'efforcer d'obtenir son consentement pour que les titulaires de l'autorité parentale soient consultés, puis de constater éventuellement que la mineure ne veut pas effectuer cette démarche ou que le consentement n'est pas obtenu.

9. Pour une valorisation à la fois du contenu de l'entretien et du rôle des personnels de santé qui l'assurent, il conviendrait de revoir la situation des conseillères conjugales en leur reconnaissant un véritable statut, un diplôme reconnu par l'Etat, une harmonisation de leurs situations et rémunérations.

10. L'attestation que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme doit être fournie par deux médecins, dont l'un doit être inscrit sur la liste d'experts près la Cour de cassation ou près d'une Cour d'appel. Le recours à une commission ad hoc, pluridisciplinaire, comprenant par exemple un gynécologue-obstétricien et un psychologue permettrait d'aider à la prise de décision médicale, tout en prenant mieux en compte la situation de la femme.

11. Dans un souci de prévention et pour élargir le recours aux méthodes contraceptives - y compris pour les hommes -, la stérilisation à but contraceptif devrait être reconnue par un texte législatif, en entourant cette pratique de toutes les précautions, nécessaires notamment à l'expression d'un consentement libre et éclairé de la personne.

12. En matière pénale, le délit d'entrave à l'interruption légale de grossesse devrait trouver sa place dans le code pénal et pourrait être étendu, en plus des menaces ou actes d'intimidation, aux pressions morales exercées à l'encontre des personnels médicaux et non médicaux et des femmes venant subir une IVG.

13. Afin d'accueillir au mieux les femmes qui seront concernées par un allongement des délais, les efforts budgétaires entrepris dans le cadre du budget 2000 devront être poursuivis. Les femmes devront être reçues dans des unités fonctionnelles leur assurant les meilleures conditions techniques et de sécurité.

Certaines de ces propositions ne sont pas d'ordre législatif, mais mériteraient néanmoins d'être prises en compte dans l'application de la loi.

Ainsi, la Délégation a souhaité que soit assouplie la réglementation concernant la distribution et l'administration de la Mifégyne, médicament encore considéré comme une substance vénéneuse, afin de favoriser l'IVG médicamenteuse précoce.

La Délégation s'est intéressée par ailleurs au rôle des conseillères conjugales qui assurent l'entretien préalable obligatoire, estimant que leurs missions devraient être mieux reconnues à travers la définition d'un statut et la reconnaissance d'un diplôme, une harmonisation de leur situation et de leurs rémunérations.

3. Les améliorations apportées en première lecture

Votre rapporteure, également rapporteure au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur ce texte, a présenté de nombreux amendements reprenant pour l'essentiel la plupart des recommandations de la Délégation. Adoptés par la commission puis par l'Assemblée nationale en première lecture, les 29 et 30 novembre dernier, ils ont permis d'améliorer et de compléter le texte du Gouvernement sur de nombreux points.

_ Une meilleure information de la femme ; un entretien préalable proposé, non imposé.

Lors de la première visite, le médecin devra informer la femme des différentes méthodes de l'interruption volontaire de grossesse et de leurs risques potentiels, afin de lui laisser le choix. Le contenu du dossier-guide remis par le médecin est revu de façon à en faire un outil d'information impartial ; les dispositions dissuasives, comme les possibilités offertes par l'adoption d'un enfant à naître, sont supprimées.

L'entretien préalable perd son caractère obligatoire, sauf pour les mineures. C'est la femme qui devra décider, si elle souhaite avoir un entretien, qui de toute façon lui sera systématiquement proposé. Dans ce cas, le rôle d'écoute de la conseillère conjugale sera d'autant plus important qu'il sera librement accepté. L'accent est mis sur l'importance de la formation en conseil conjugal des professionnels chargés de l'entretien.

_ Les dispositions particulières pour les mineures ; l'aménagement de l'autorisation parentale

La possibilité pour les jeunes filles mineures désirant garder le secret, de se faire accompagner par un adulte de leur choix, par dérogation au principe de l'autorité parentale, est une des principales innovations introduite par le projet de loi. La Délégation a complètement adhéré à cette proposition, en écartant d'autres solutions envisageables, comme le recours au juge des enfants ou l'institution d'une majorité sanitaire. Des précisions ont cependant été apportées par l'Assemblée à l'initiative de la commission, dans la procédure d'IVG concernant ces mineures refusant la démarche du consentement parental.

Conformément au souhait de la Délégation, il est apparu indispensable de maintenir le caractère obligatoire de l'entretien préalable, s'agissant de grandes mineures de dix-sept ans, mais aussi de très jeunes filles, désemparées devant une grossesse non prévue et pour lesquelles la décision d'IVG est particulièrement difficile à prendre.

La consultation obligatoire devra faire l'objet d'une attestation délivrée par le centre de planification familiale.

Si la jeune fille désire garder le secret vis-à-vis des titulaires de l'autorité parentale, lors de cet entretien des conseils lui seront apportés sur le choix de la personne majeure susceptible de l'accompagner dans sa démarche d'IVG.

Le projet de loi précise que le médecin doit s'efforcer d'obtenir de la mineure qu'elle consulte ses parents. Pour plus de souplesse, cette démarche pourra être faite également lors de l'entretien préalable par la conseillère conjugale.

Un long débat s'est engagé sur le problème de la responsabilité. Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité a estimé qu'il ne fallait pas modifier les règles de la responsabilité et que les dispositions prévues n'engageaient la responsabilité du praticien (médecin ou anesthésiste) qu'en cas de faute. En ce qui concerne l'adulte choisi par la mineure, sa responsabilité civile et sa responsabilité pénale ne peuvent être engagées, son rôle n'étant pas de participer à la décision, a précisé la ministre. En tout état de cause, ces questions de responsabilité devront être approfondies entre la première et la deuxième lecture du texte, car des inquiétudes se sont exprimées, comme l'a indiqué M. Jean Le Garrec, président de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales. Ces questions seront également abordées lors des débats sur l'indemnisation de l'aléa thérapeutique dans le cadre du projet de loi sur les droits des malades.

_ La suppression du contingentement pour les hôpitaux privés agréés

La loi de 1975 imposait aux établissements privés agréés un nombre d'IVG ne pouvant excéder le quart de l'ensemble des actes chirurgicaux et obstétricaux, afin d'éviter la création "d'avortoirs". Ce climat de méfiance vis-à-vis du secteur privé est dépassé, ce dernier collaborant avec le service public dans ce domaine ou même le suppléant lorsqu'il est défaillant. Dans la perspective du développement de la pratique ambulatoire et dans le souci d'une meilleure déclaration des IVG dans le secteur privé, cette restriction a été abrogée.

_ Un meilleur encadrement de l'IMG dans l'intérêt des femmes et des médecins

Les dispositions adoptées, qui font intervenir en cas d'IMG, lorsque la poursuite de la grossesse met en péril la santé de la femme ou s'il existe un risque de graves malformations de l'enfant à naître, une commission pluridisciplinaire, correspond à la réflexion menée sur ce sujet par la Délégation. Celle-ci a souhaité en effet écarter l'intervention du médecin inscrit sur une liste d'experts auprès des tribunaux et introduire dans la prise de décision la notion de collégialité et de dialogue avec la femme et le couple.

_ Le transfert des dispositions du code pénal dans le code de la santé publique

S'il a été décidé de maintenir dans le code pénal l'article 223-10 qui porte sur l'interdiction de pratiquer une IVG sans le consentement de l'intéressée - car il s'agit d'une atteinte à l'intégrité de la personne -, en revanche, a été décidé le transfert du code pénal dans le code de la santé publique des articles 223-11 concernant les pratiques illégales de l'IVG et 223-12 sanctionnant toute personne fournissant à une femme les moyens de s'auto-avorter. Le transfert de ces articles du code pénal dans un cadre technique ne "dépénalise" pas les pratiques illégales de l'avortement - le terme a prêté à confusion - qui demeurent passibles de sanctions, comme toute infraction à la loi. L'IVG est simplement replacée dans un contexte médical et sanitaire. Cette disposition revêt une haute valeur symbolique car l'avortement a longtemps été considéré comme un délit, puis comme une dérogation à un délit. Elle tend à reconnaître désormais l'avortement comme un acte médical et un droit pour les femmes.

Parallèlement, le délit d'entrave à l'interruption légale de grossesse suivant le souhait de la Délégation, a été renforcé, pour tenir compte des nouveaux agissements des commandos IVG, et étendu aux pressions morales et psychologiques qui peuvent être exercées sur les personnels travaillant dans les établissements pratiquant des IVG et sur les femmes qui viennent y subir une IVG.

_ Les mesures en faveur de la prévention et de l'information à la contraception

Un amendement de Mme Marie-Thérèse Boisseau, adopté par la commission, concernant l'information et l'éducation à la sexualité dans les écoles, collèges et lycées, a été repris et modifié par le Gouvernement de façon à pouvoir être intégré dans le code de l'éducation.

L'objectif est d'accroître les heures d'information et d'éducation à la sexualité dans les collèges et les lycées, à raison d'au moins trois séances annuelles. Cette disposition répond au souci, unanimement exprimé, d'initier une large politique d'information et de prévention en direction des jeunes, condition préalable et indispensable à toute perspective d'une diminution sensible des recours à l'IVG, comme l'avait exprimé Mme Danielle Bousquet.

_ Pour une légalisation encadrée de la stérilisation à visée contraceptive

La Délégation a longuement réfléchi aux possibilités d'élargir les méthodes contraceptives.

En effet, un certain nombre de femmes supportent mal les méthodes contraceptives classiques ou, en raison d'un choix de couple, ne souhaitent plus avoir d'enfant. La pratique de la stérilisation à visée contraceptive, par ligature des trompes ou des canaux déférents, après expression par la personne intéressée d'une volonté libre et motivée peut apporter une solution et, de plus, permet à l'homme de partager au sein du couple la démarche contraceptive. En tout état de cause, ce choix renvoie à des convictions personnelles qu'il convient de respecter.

Or, les actes de stérilisation - 25 000 à 30 000 par an en France - se pratiquent actuellement dans une grande incertitude juridique, bien que l'article 16-3 du code civil, récemment modifié, stipule "qu'il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne".

Votre Délégation, suivie en cela par la commission, a souhaité que soit défini un cadre légal à la pratique de la stérilisation à but contraceptif féminine ou masculine, en prévoyant une consultation obligatoire et un délai de réflexion, après une information sur les conséquences de l'intervention, notamment son caractère irréversible.

Le Gouvernement a tenu à compléter l'amendement présenté par votre rapporteure au nom de la commission, en faisant préciser que la stérilisation "ne peut être pratiquée que si la personne intéressée a exprimé une volonté libre, motivée et délibérée en considération d'une information claire et complète sur ces conséquences". L'ensemble de ces dispositions ont été adoptées par l'Assemblée.

Dans le but de mieux encadrer la stérilisation des incapables majeurs, un amendement du Gouvernement, reprenant une initiative de la commission, a ensuite été retenu. Cet acte devra être pratiqué dans le respect de l'éthique et des droits fondamentaux de la personne handicapée et entouré de toutes les garanties nécessaires. Sur proposition de Mme Marie-Thérèse Boisseau a été retenue la consultation des parents par le juge des tutelles qui prend la décision.

Il faut souligner le caractère novateur de ces dispositions, acceptées par le Gouvernement, bien que n'entrant pas à proprement parler dans le champ du projet de loi. Comme l'a indiqué Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, il convenait de saisir l'opportunité de légiférer dans de domaine, en comblant un vide juridique préjudiciable aux médecins comme aux patients.

_ Conclusion

Comme l'a souligné votre rapporteure en séance publique, il appartiendra à la Délégation, dont c'est d'ailleurs une des missions, d'assurer un suivi de l'application de la loi sur l'IVG et la contraception.

La Délégation, qui a souhaité au demeurant une meilleure connaissance statistique des IVG, en particulier dans le secteur privé, s'intéressera à l'amélioration concrète de l'accès à l'IVG, à la mise en place et au respect des nouvelles procédures concernant notamment les mineures, au suivi des campagnes grand public sur la contraception, à la mise en _uvre dans les établissements scolaires de la contraception d'urgence et de l'information à la sexualité. La Délégation souhaite qu'on puisse enregistrer dans les prochaines années une baisse sensible du nombre des IVG.

II - L'ÉGALITÉ EN POLITIQUE ET L'ÉGALITÉ PROFES-SIONNELLE

A. L'ÉGALITÉ EN POLITIQUE

Avant dernier pays de l'Europe des Quinze pour le niveau de représentation des femmes dans les chambres basses ou uniques des Parlements nationaux, la France se devait de réagir et de réaliser enfin une des réformes les plus importantes pour la modernisation de la société politique française. Ce fut chose faite au début de l'année 2000, avec la discussion au Parlement, puis l'adoption de deux projets de loi sur l'égalité politique.

1. Les deux projets de loi sur la parité en politique

Suite à l'adoption, le 8 juillet 1999 du projet de loi constitutionnelle dont l'article premier précisait que : "la loi favorise l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives", le Gouvernement a présenté à l'Assemblée nationale deux projets de loi relatifs à l'égalité en matière politique :

- le projet de loi (n° 2012) tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ;

- le projet de loi organique (n° 2013) tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des Iles Wallis-et-Futuna.

Ces deux projets de loi avaient pour objet, pour les élections se déroulant au scrutin de liste, d'instaurer la parité de candidatures, en énonçant le principe que l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe était au plus égal à un pour ces élections, notamment pour :

- les élections européennes,

- les élections sénatoriales à la proportionnelle,

- les élections régionales,

- les élections municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants.

Pour les élections législatives, qui se déroulent au scrutin uninominal, le projet de loi prévoyait une sanction financière lorsque l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe dépasserait 2 % du nombre total de ces candidats. Cette sanction financière était modulée en fonction de l'ampleur de cet écart.

Restaient à l'écart de la réforme, pour des raisons tenant aux spécificités du mode de scrutin et à la difficulté de trouver des pénalisations financières :

- les élections municipales dans les communes de moins de 3 500 habitants,

- les élections cantonales,

- les élections sénatoriales au scrutin majoritaire.

2. Les recommandations de la Délégation

La Délégation aux droits des femmes a été saisie, à sa demande, le 19 novembre 1999, de ces deux projets de loi par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Elle a procédé, au cours des mois de novembre et décembre 1999, à un grand nombre d'auditions, au cours desquelles une dizaine de personnalités - politologues, juristes, sociologues, parlementaires - ont été entendues.

Elle a adopté le 11 janvier 2000 le rapport d'information (n° 2074) de Mme Odette Casanova comportant l'ensemble des recommandations suivantes :

1. Une véritable parité entre les femmes et les hommes dans la vie politique doit se comprendre non pas comme une égalité de candidatures de femmes et d'hommes mais comme une égalité d'élus ;

2. En conséquence, l'application de ce principe doit se traduire, pour toutes les élections au scrutin de liste, par l'obligation de respecter le principe de l'alternance femme/homme sur chaque liste de candidats ;

3. Le principe de l'alternance femme/homme doit donc être imposé dès maintenant aux élections européennes, aux élections régionales et aux élections sénatoriales ayant lieu à la représentation proportionnelle ;

4. La proximité de la date des prochaines élections municipales conduit à admettre, à titre transitoire et pour ces seules élections, que le principe de l'alternance ne soit pas appliqué en 2001, dès lors que serait respectée une parité par tranches de six candidats au plus ;

5. Pour les élections législatives, la parité de candidatures à l'échelle du département doit être organisée ;

6. Les crédits issus des diminutions éventuelles de l'aide publique accordée aux partis politiques, en application de la nouvelle législation, seront affectés à des actions favorisant la parité entre les femmes et les hommes dans la vie politique ;

7. Afin de permettre l'application du principe de parité dans les communes de plus de 2 500 habitants, il est souhaitable de modifier le mode de scrutin des élections municipales dans les communes de 2 500 à 3 500 habitants pour le rendre identique à celui des communes de plus de 3 500 habitants ;

8. Il y a lieu d'envisager, après les prochaines élections municipales, l'élection au suffrage universel des membres des structures intercommunales afin d'assurer également le respect du principe de parité dans ces élections ;

9. Les principes de parité et d'alternance femme/homme doivent être retenus pour les délégués sénatoriaux élus à la représentation proportionnelle ;

10. Le sexe des candidats doit être indiqué lors du dépôt de la déclaration de candidature, non seulement pour les élections au scrutin de liste, comme le prévoit le projet de loi, mais également pour les scrutins majoritaires uninominaux ou plurinominaux ;

11. Un rapport d'évaluation de la nouvelle législation doit être présenté au Parlement en 2002 puis tous les trois ans ; il comprendra également une étude détaillée de l'évolution de la féminisation des élections cantonales, des élections sénatoriales et municipales non concernées par la loi, des organes délibérants des structures intercommunales et des exécutifs locaux.

3. Les dispositions législatives adoptées

_ La Délégation aux droits des femmes, estimant que la véritable parité consistait en une égalité d'élus, et non pas seulement en une égalité de candidatures, s'était donc prononcée pour l'application rapide du principe de l'alternance homme/femme sur les listes de candidats pour l'ensemble des élections au scrutin de liste, ne concédant une parité par tranche de six candidats que pour les élections municipales de 2001, en raison de leur proximité.

La commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, invoquant les contraintes politiques liées à l'existence d'un second tour pour certaines élections (municipales et régionales) a adopté des amendements ne demandant l'alternance homme/femme que pour les élections européennes et sénatoriales à la proportionnelle et prévoyant la parité par tranche de six candidats pour les élections municipales et régionales.

Le Gouvernement a donné un avis favorable à ces amendements qui ont été adoptés par l'Assemblée nationale dès la première lecture du texte. Le Sénat a refusé ces avancées en faveur de l'égalité politique, considérant qu'elles se conciliaient mal avec le principe de liberté de candidature et est revenu au texte initial du Gouvernement. Après l'échec d'une commission mixte paritaire sur le texte, nouvelle lecture dans les deux assemblées, puis lecture définitive par l'Assemblée nationale, le texte de loi définitif a repris les modifications adoptées par l'Assemblée nationale dès la première lecture.

La loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives comporte donc une obligation de l'alternance homme/femme pour les élections européennes et sénatoriales à la proportionnelle (articles 3 et 7) et l'obligation d'une parité de candidatures par groupe entier de six candidats dans l'ordre de présentation de la liste pour les élections municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants et pour les élections régionales (articles 2, 5 et 6).

_ Afin de permettre l'application du principe de parité à un plus grand nombre de communes, et notamment aux communes de 2 500 à 3 500 habitants, la Délégation avait recommandé une modification du mode de scrutin des élections municipales dans ces communes.

La commission des lois constitutionnelles avait également souhaité élargir le champ d'application de la parité et avait adopté un abaissement à 2 000 habitants du seuil électoral, donc une modification du mode de scrutin pour les communes comportant de 2 000 à 3 500 habitants.

Cette disposition, adoptée par le Parlement, a été censurée par le Conseil constitutionnel par une décision en date du 30 mai 2000. L'application de la parité par tranche de six candidats ne sera donc obligatoire aux élections municipales que pour les communes de plus de 3 500 habitants (ce qui représente 3 300 des 36 000 communes, mais 66 % de la population).

_ S'agissant des élections législatives, la Délégation, considérant que la sanction financière prévue par le projet de loi ne serait pas suffisante pour assurer une parité d'élues à ces élections, puisque les partis politiques pourraient toujours cantonner les femmes dans les circonscriptions perdues d'avance, avait proposé une mesure contraignante, celle de la parité de candidatures au niveau du département, dont le principe avait été retenu par M. Jean-Pierre Chevènement dans sa proposition de loi du 24 mars 1994. Cette recommandation n'a pas été retenue.

_ La Délégation demandait également que les crédits issus des diminutions éventuelles de l'aide publique accordée aux partis politiques, donc en cas de sanction financière pour non-respect de la parité, soient affectés à des actions favorisant la parité entre les femmes et les hommes dans la vie politique. Ce souci avait été repris sous forme d'un amendement de la commission des lois précisant que les crédits servant à financer ces actions recevraient une nouvelle affectation dans la loi de finances et qu'un rapport serait présenté chaque année au Parlement sur l'utilisation de ces crédits et sur les actions en faveur de la parité. Cet amendement avait été adopté et cette disposition figurait dans le texte définitif de la loi, mais elle a été censurée pour partie par le Conseil constitutionnel, qui a considéré que ces dispositions constituaient une injonction adressée soit au Gouvernement, soit au Parlement de procéder à l'affectation et à l'utilisation des crédits correspondants.

Ne subsiste plus donc dans la loi du 6 janvier 2000, que l'obligation d'un rapport annuel au Parlement sur les actions entreprises en faveur de la parité politique, et plus particulièrement les campagnes institutionnelles visant à promouvoir la parité et le développement de la citoyenneté (article 15).

_ La Délégation aux droits des femmes avait souhaité qu'il soit fait mention du sexe du candidat lors du dépôt de déclaration de candidature pour l'ensemble des élections, et pas seulement pour les élections au scrutin de liste, comme le prévoyait le projet de loi. Cette disposition a été adoptée et figure dans la loi du 6 janvier 2000 (article 14).

_ La loi du 6 janvier 2000 a prévu également la présentation au Parlement d'un rapport d'évaluation de la nouvelle législation en 2002, puis tous les trois ans, comme le demandait la Délégation, ce qui permettra d'avoir une évaluation détaillée de la féminisation de l'ensemble des élections politiques (article 16).

_ La Délégation n'a pu trouver de solution immédiate permettant d'obtenir la parité dans les organes délibérants des structures intercommunales en raison de la difficulté d'allier représentation politique et représentation des sexes dans les intercommunalités. Elle a estimé qu'une des manières d'assurer l'évolution vers la parité de ces structures d'avenir serait d'envisager, après les prochaines élections municipales, l'élection au suffrage universel des membres des structures intercommunales.

B. L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE

Partant du constat que, quinze ans après l'entrée en vigueur de la "loi Roudy", l'affirmation du principe de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes n'a pas eu tous les effets de réduction des inégalités qu'on aurait pu en attendre, Mme Catherine Génisson, rapporteure de l'Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, a présenté le 2 février 2000 une proposition de loi visant à améliorer les droits du travail et de la fonction publique de manière à favoriser l'émergence d'une véritable égalité professionnelle.

Saisie par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de ce texte, la Délégation a adopté le 29 février 2000 un rapport de M. André Vallini comportant des recommandations dont certaines ont été reprises sous forme d'amendements et adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture.

Lors de l'examen de la proposition de loi en première lecture par le Sénat, le Gouvernement a présenté un amendement relatif à la levée de l'interdiction du travail de nuit des femmes dans l'industrie. La Délégation a donc jugé nécessaire de s'exprimer à nouveau et a confié à Mme Nicole Bricq un rapport d'information sur la proposition de loi. Ce rapport assorti de nouvelles recommandations a été adopté par la Délégation le 14 novembre 2000.

1. Une proposition de loi visant à rendre effective l'égalité professionnelle

La proposition de loi visait à :

- améliorer les indications contenues dans le rapport de situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes dans l'entreprise ;

- créer une obligation spécifique de négocier au niveau de l'entreprise sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

- renforcer l'obligation existante de négocier dans la branche sur l'égalité professionnelle par l'obligation de produire un rapport de situation comparée à ce niveau et par la fixation d'une périodicité à cette négociation.

Elle avait également pour objet de donner une réalité à l'égalité de droits inscrite dans le statut de la fonction publique, en prévoyant la représentation équilibrée des deux sexes au sein des organisations paritaires ainsi que la féminisation des jurys de concours.

2. Les premières recommandations adoptées par la Délégation

Le 29 février 2000, la Délégation a adopté le rapport de M. André Vallini comportant les recommandations suivantes :

1. Il convient tout d'abord de faire émerger les conditions favorables à l'égalité professionnelle dans toutes les politiques publiques ayant trait à la formation initiale et professionnelle ainsi qu'à l'emploi.

2. Au titre d'une approche intégrée de la question de l'égalité professionnelle, il est souhaitable de prolonger le processus engagé par la proposition de loi, par des informations sexuées et chiffrées, obligatoirement requises des entreprises et notamment dans le cadre du bilan social, du plan de formation et de l'analyse des conditions de travail et des risques professionnels.

3. Le rapport déposé tous les deux ans par le Gouvernement sur le Bureau des assemblées parlementaires, en application de l'article 21 de la loi du 11 janvier 1984, qui ne fait que décrire la situation existante, devrait s'accompagner, pour chaque ministère, d'objectifs chiffrés comportant une définition précise des évolutions à mettre en _uvre : corps à féminiser, concours à promouvoir... Dans les ministères où le rapport révélerait des déséquilibres, un plan d'objectifs devrait préciser les pourcentages obligatoires à atteindre. Les plans d'objectifs actualisés par ministère devraient être présentés aux comités techniques paritaires (C.T.P.) tous les ans.

4. Il est nécessaire de mieux faire connaître les carrières du secteur privé comme de la fonction publique aux jeunes filles par des campagnes publiques d'information, notamment en éditant des documents adaptés aux différents niveaux de la scolarité, en adaptant les brochures d'orientation, en sensibilisant les conseillers d'information et d'orientation, en améliorant l'information auprès des étudiants dans les filières universitaires et en promouvant une image des grandes écoles qui en démontre l'accessibilité aux femmes comme aux hommes.

5. Dans la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, il conviendrait de supprimer la disposition qui permet l'organisation de recrutements distincts lorsque l'appartenance à l'un ou l'autre sexe constitue une condition déterminante de l'exercice des fonctions. Ces recrutements distincts ne subsistent en effet plus que dans deux corps de fonctionnaires et des solutions internes aux administrations concernées devraient pouvoir être avancées.

6. La notion de « représentation équilibrée », qui se distingue de la notion plus restrictive de « mixité », devrait être précisée afin de limiter la marge d'appréciation du pouvoir réglementaire dans la définition de la proportion de représentants appartenant à chacun des sexes.

7. Au dernier alinéa de l'article 6bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, il devrait être précisé que la désignation, par l'administration, des membres des jurys et des comités de sélection constitués pour le recrutement et l'avancement des fonctionnaires et de ses représentants au sein des organismes consultés sur les décisions individuelles relatives à la carrière des fonctionnaires et sur les questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des services, doit concourir à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes. L'objectif est d'atteindre la parité au plus tard en 2010.

8. Il conviendrait de prévoir une représentation équilibrée des élus locaux au sein des commissions administratives paritaires et des comités techniques paritaires de la fonction publique territoriale, avec l'objectif d'atteindre la parité au plus tard en 2010.

9. Il conviendrait, dans la fonction publique de l'Etat, de prévoir également une représentation équilibrée des membres désignés par l'administration au sein du conseil supérieur de la fonction publique et des comités d'hygiène et de sécurité, avec l'objectif d'atteindre la parité au plus tard en 2010.

10. La lutte contre le harcèlement sexuel doit faire l'objet d'une réflexion dans les entreprises comme dans la fonction publique : à cet effet, le rapport de situation comparée et les négociations succédant à sa publication, de même que les débats au sein des comités techniques paritaires des administrations, constituent des cadres propices à une meilleure prise en compte de ces questions.

11. Il conviendrait d'établir un cadre juridique précis afin de permettre aux organes représentatifs des personnels de débattre, dans le secteur privé et dans la fonction publique, sur le thème du harcèlement moral ou psychologique dans les rapports de travail.

12. Il est souhaitable que l'inspection du travail qui, en vertu du droit en vigueur, est déjà destinataire des rapports de situation comparée (article L.432-3-1, 3ème alinéa du code du travail) dispose des moyens lui permettant de veiller à la régularité de la présentation et à la crédibilité des informations de ce document obligatoire. Elle devra également recevoir des instructions précises afin de contrôler la mise en _uvre de l'obligation de négociation sur le thème de l'égalité professionnelle dans les entreprises comme au niveau des branches.

13. Il conviendrait, pour l'Etat, d'inciter les organisations syndicales, par diverses mesures, à équilibrer leur représentation, notamment au sein des organismes paritaires des fonctions publiques, avec l'objectif d'atteindre la parité au plus tard en 2010.

3. Les améliorations apportées en première lecture

Conformément au souhait de la Délégation d'obliger les entreprises à fournir des informations chiffrées (deuxième recommandation), l'article premier de la proposition de loi adopté en première lecture précise que le rapport de situation comparée doit comporter des "indicateurs pertinents, reposant notamment sur des éléments chiffrés".

La troisième recommandation de la Délégation est satisfaite par l'article 14 bis (nouveau) de la proposition de loi selon lequel un rapport sera déposé tous les deux ans par le Gouvernement sur le Bureau des assemblées parlementaires portant "sur la situation comparée dans la fonction publique des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes" ... "Il comporte une analyse sur la base d'indicateurs pertinents, définis par décret, reposant notamment sur des éléments chiffrés, permettant d'apprécier la situation respective des femmes et des hommes en matière de recrutement, de formation, d'avancement, de conditions de travail et de rémunération effective. Il dresse notamment le bilan des mesures prises pour garantir, à tous les niveaux de la hiérarchie, le respect du principe d'égalité des sexes dans la fonction publique, présente les objectifs prévus pour les années à venir et les actions qui seront menées à ce titre".

Le souci exprimé par la neuvième recommandation de la Délégation de prévoir une représentation équilibrée des membres désignés par l'administration au sein du Conseil supérieur de la fonction publique et des comités d'hygiène et de sécurité a été également pris en compte (article 15 de la proposition de loi).

L'ensemble de ces dispositions ont été confirmées en deuxième lecture par l'Assemblée nationale.

4. Les nouvelles dispositions de la proposition de loi

Durant la deuxième lecture de la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, ont été abordés deux thèmes nouveaux, sur lesquels, en raison de leur importance, la Délégation a jugé nécessaire de se prononcer.

Le premier thème, l'obligation de parité dans les élections professionnelles, avait été introduit par un amendement sénatorial. Constatant les difficultés d'application d'un tel principe, la Délégation lui a préféré celui de représentation équilibrée rejoignant en cela l'avis du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle. Le principe de représentation équilibrée permet, tout en prenant en compte les spécificités de chaque scrutin professionnel, de favoriser la participation des femmes dans ces différentes instances. Il a d'ailleurs été retenu par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

L'autre sujet, de la plus grande importance pour les femmes, est la levée de l'interdiction du travail de nuit dans l'industrie telle qu'elle figure actuellement dans l'article L.231-1 du code du travail. Cette disposition ayant été jugée, par la Cour de Justice des Communautés européennes, non conforme à la directive du 9 février 1976 relative à la mise en _uvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelle et les conditions de travail, la France - sous la menace du paiement d'une astreinte - doit mettre sa législation en conformité avec le droit européen. Figurant initialement dans le projet de loi de modernisation sociale - texte dont l'inscription à l'ordre du jour du Parlement a été différée - la disposition relative à la levée de l'interdiction du travail de nuit des femmes dans l'industrie a fait l'objet au Sénat d'un amendement gouvernemental à la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle. Cet amendement a été rejeté par la seconde Assemblée, plus pour des raisons de forme que de fond, et le Gouvernement a soumis à l'Assemblée nationale une nouvelle version de cet amendement plus complète et plus précise, que les travaux de l'Assemblée nationale ont encore améliorée.

Pour être compatible avec le droit européen, les nouvelles dispositions devaient soit interdire le travail de nuit pour les hommes et les femmes, soit l'admettre pour tous. L'amendement gouvernemental a choisi la première solution, qui permet par la même occasion de combler un vide juridique patent en introduisant dans le code du travail des mesures protectrices pour 13 millions de travailleurs de nuit (hommes et femmes).

5. Les nouvelles recommandations de la Délégation

Lors de ses travaux, la Délégation a estimé que ce débat est l'occasion de réaffirmer le droit au travail des femmes, l'amendement gouvernemental supprimant une disposition législative datant de 1892, dont les motivations patriarcales étaient évidentes. Il s'agit également de reconnaître la réalité socio-économique du travail de 800 000 femmes. Le travail de nuit ayant des conséquences nocives tant sur la santé des travailleurs que sur leur vie personnelle, la Délégation a affirmé que cette forme de travail ne devait en aucun cas être banalisée et que les salariés de nuit devaient bénéficier d'un cadre légal protecteur très strict. La Délégation a été très attentive à l'examen des dispositions prévues par l'amendement pour la protection des salariées de nuit enceintes. Par ailleurs, dans la mesure où c'est sur les femmes que pèsent majoritairement les contraintes de la vie professionnelle et de la vie familiale - contraintes rendues plus lourdes en cas de travail de nuit -, la Délégation était particulièrement attachée à l'adoption de mesures tendant à favoriser une meilleure conciliation entre la vie professionnelle et personnelle.

La Délégation a adopté le rapport d'information (n° 2703) de Mme Nicole Bricq comportant les recommandations suivantes :

Sur les élections prud'homales et professionnelles

1. Afin de faire progresser la place des femmes dans les conseils de prud'hommes, dans les comités d'entreprise et comme déléguées du personnel, il convient d'affirmer le principe d'une représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidatures aux élections de ces instances.

Sur le travail de nuit

2. Il serait souhaitable d'établir, dans un rapport au Parlement, le bilan de la levée de l'interdiction du travail de nuit dans l'industrie pour les femmes, afin de déterminer dans quelle mesure elle a eu pour conséquence un recours accru au travail de nuit non justifié et/ou si elle a permis la suppression d'un frein à l'embauche des femmes dans certains secteurs. Un parlementaire sera chargé du suivi de l'application de la loi.

3. Le ministère de l'Emploi devrait diligenter une enquête pour établir un chiffrage global du travail de nuit des femmes, par branche, par catégorie socioprofessionnelle et par type d'entreprise.

4. Une étude des données générales épidémiologiques sur l'impact du travail de nuit sur la santé, à court, moyen et long terme, permettrait d'aider à la mise en _uvre de mesures de prévention des conséquences néfastes du travail de nuit.

5. La levée de l'interdiction du travail de nuit des femmes devrait être accompagnée de l'obligation faite aux partenaires sociaux - lors de la discussion des accords de mise en place du travail de nuit - de l'examen préalable et complet de l'ensemble des autres possibilités d'organisation du temps de travail.

6. Pour éviter les risques de recours non justifié au travail de nuit, les accords de branche devraient définir les types d'emplois pour lesquels ce travail est autorisé.

7. Les négociations de mise en place du travail de nuit pourraient être l'occasion de réexaminer les conditions de rémunération et d'accès aux postes de responsabilité ainsi que le droit à la formation, dans le sens d'une plus grande égalité entre les femmes et les hommes.

8. Préalablement à la mise en place du travail de nuit, il y aura lieu de consulter le médecin du travail ainsi que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (ou à défaut les délégués du personnel).

9. Le maximum de salariés travaillant selon les horaires décalés devant bénéficier du statut de salarié de nuit, il conviendrait d'élargir le champ horaire du travail de nuit, par exemple de 21 heures à 6 heures.

10. Face à la fragilité et à la précarité de l'emploi de certaines femmes (temps partiel non choisi, travail intermittent), le cumul des contraintes devrait être évité : ainsi, en cas de travail à temps partiel, le salarié n'effectuant qu'une faible partie de ses horaires de travail en travail de nuit devrait être considéré comme salarié de nuit.

11. Dans un souci de prévention, un suivi médical doit être assuré à l'occasion de visites médicales, dont la fréquence minimale devrait être semestrielle. Le médecin du travail serait chargé d'une mission générale d'information des salariés de nuit, avec la possibilité de distribution d'une notice sur les risques du travail de nuit et les mesures préventives. La formation, en chronobiologie et en pathologie du sommeil, des étudiants en médecine du travail devrait être approfondie.

12. Il conviendrait d'instituer un droit à des pauses régulières, notamment aux heures où la vigilance est moindre, ce qui limiterait les risques d'accidents du travail, à charge pour l'employeur d'aménager des lieux spécialement destinés à cet usage.

13. Le droit des salariés à demander un poste de jour pour raisons de santé pourrait être également accordé pour motifs personnels, avec un délai de préavis. L'affichage systématique et obligatoire de tous les postes vacants et à pourvoir dans l'entreprise pourrait faciliter l'exercice de ce droit.

14. Pour des raisons de santé publique évidentes, la femme enceinte doit pouvoir postuler, sur sa demande, dès la constatation médicale de sa grossesse, à un travail de jour. Si cette demande ne peut être satisfaite, il ne faudrait pas assimiler la suspension du contrat de travail qui en découle à une maladie, la grossesse n'étant pas un état pathologique. Les conditions de versement d'une allocation compensatrice du salaire, conjointement par l'employeur et les caisses d'allocations familiales, devraient être étudiées.

15. Afin de régler le problème de garde des enfants pour les parents travaillant en horaires décalés, il serait nécessaire de mettre en _uvre une politique globale visant à améliorer les modes de garde. Devraient être étudiées les possibilités d'attribution d'une allocation de garde spécifique et la formation des personnes effectuant cette garde, qui bénéficieraient, elles aussi, du statut de travailleur de nuit. Pendant le jour, les structures traditionnelles devraient pouvoir offrir des possibilités d'accueil à temps partiel pour les enfants, afin de permettre aux salariés de se reposer.

16. Dans la mesure où les temps et les conditions de transport alourdissent considérablement la pénibilité du travail de nuit, la prise en compte au moins partielle du temps de trajet dans le temps de travail ainsi que le versement d'une indemnité de transport supplémentaire seraient un réel apport au statut du salarié de nuit.

17. Le droit au changement de poste ne se conçoit pas sans un droit à une formation préalable ; celle-ci sera organisée de façon à permettre aux salariés de mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle.

6. Des recommandations très largement satisfaites

_ Éviter la banalisation du travail de nuit pour les femmes comme pour les hommes

Les cinquième et sixième recommandations visaient cet objectif. Un sous-amendement de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales a introduit dans le code du travail un article L.213-1 nouveau, selon lequel le recours au travail de nuit doit être exceptionnel, devant prendre en compte les impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et être justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale.

_ Assurer une meilleure conciliation de la vie professionnelle et familiale

Cette préoccupation s'exprimait au travers des recommandations 12, 15 et 17 et la Délégation a été satisfaite de constater la convergence de vue avec le Gouvernement, l'amendement présenté à l'Assemblée nationale prévoyant en effet la nécessité de mettre en place, lors des négociations collectives sur le travail de nuit, des mesures de conciliation entre travail de nuit et responsabilités familiales et sociales. Un sous-amendement de la commission a précisé que ces mesures devaient notamment trouver leur application en matière de transports.

La Délégation souhaitait également que le droit au transfert d'un poste de nuit sur un poste de jour soit établi pour des raisons personnelles et non seulement pour des raisons de santé, comme le prévoyait l'amendement gouvernemental. Afin que ce droit puisse s'exercer de manière effective, la Délégation s'était prononcée pour un affichage systématique de tous les postes de jour vacants.

Des sous-amendements répondant à ces préoccupations ont été présentés par la commission et adoptés. C'est ainsi qu'un salarié pourra refuser l'affectation sur un poste de nuit si celui-ci est incompatible avec des obligations familiales sérieuses, et pour les mêmes raisons, un salarié de nuit pourra demander son affectation sur un poste de jour. L'employeur devra porter à la connaissance des salariés la liste des emplois disponibles.

_ Établir un statut protecteur pour le travailleur de nuit

Afin de faire bénéficier le maximum de salariés de ce statut protecteur, la Délégation se prononçait, dans sa neuvième recommandation, en faveur de l'élargissement du champ horaire du travail de nuit de 21 heures à 6 heures (au lieu de la plage 22 heures-5 heures définie par l'amendement gouvernemental), rejoignant les préoccupations de la commission qui a proposé un sous-amendement en ce sens. Cette modification a été adoptée.

De la même façon, a été établie l'obligation de consulter le médecin du travail avant la mise en place du travail de nuit dans une entreprise (recommandation 8) et la nécessité d'assurer un suivi médical régulier des salariés de nuit par des visites médicales semestrielles (recommandation 11).

Enfin, la Délégation avait insisté sur le caractère indispensable des pauses pendant le travail de nuit (recommandation 12). Selon le texte adopté par l'Assemblée nationale, l'accord collectif devra effectivement prévoir l'organisation des temps de pause.

_ Protéger particulièrement la salariée de nuit enceinte

Les femmes enceintes doivent bénéficier d'une protection spécifique. La Délégation a porté son attention sur deux points (recommandation 14) :

- la femme enceinte doit pouvoir décider, seule, de son aptitude à poursuivre un travail de nuit. L'amendement du Gouvernement disposait qu'avant la période de huit semaines précédant la date du congé légal postnatal, la salariée de nuit, pour être affectée à un poste de jour, devait demander l'avis du médecin du travail qui devait constater par écrit l'incompatibilité du poste de nuit avec la grossesse. La rédaction proposée par la commission satisfait la volonté de la Délégation de donner à la femme enceinte la possibilité de déterminer librement son aptitude à poursuivre son travail, dès la constatation médicale de sa grossesse ;

- s'agissant de la garantie de ressources dont bénéficie toute salariée de nuit enceinte à qui un poste de jour ne peut être proposé, la Délégation se félicite particulièrement de l'abandon de la référence à l'accord national interprofessionnel du 10 décembre 1977, annexé à la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle qui avait pour conséquence d'assimiler la femme enceinte à une femme malade.

_ Assurer le suivi de la loi

Dans sa deuxième recommandation, la Délégation préconisait que soit établi, dans un rapport au Parlement, un bilan de la nouvelle législation sur le travail de nuit, ce qui a été introduit par un sous-amendement de la commission, ce rapport devant être remis avant le 30 juin 2002.

III - LES AUTRES THÈMES RETENUS

A. LES VOLONTARIATS CIVILS

Le projet de loi relatif aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national constituait la dernière étape de la mise en _uvre de la loi de programmation militaire 1997-2002 tendant à la professionnalisation des forces armées et à la suspension du service national.

Définissant les modalités d'accomplissement de ces volontariats ainsi que les droits et obligations des volontaires dans les domaines de la défense civile, de la sécurité et de la prévention, de la cohésion sociale et de la solidarité, ainsi que de la coopération internationale et de l'aide humanitaire, ce texte a été adopté en première lecture par le Sénat le 13 octobre 1999.

Saisie de ce texte, le 8 décembre 1999, sur sa demande, par la commission de la défense nationale et des forces armées, la Délégation a adopté le 11 janvier 2000 le rapport d'information (n° 2071) de Mme Nicole Bricq.

Après avoir constaté que, dans leur ensemble, les dispositions du projet de loi respectaient le principe de l'égalité entre les femmes et les hommes, la rapporteure a constaté toutefois que leur application pouvait donner lieu à certaines interrogations.

Dés lors, afin de promouvoir les candidatures féminines aux volontariats civils, de préciser le sort des personnes dont le volontariat est suspendu en raison d'une maladie ou d'une maternité et d'organiser un suivi précis de l'application de la loi, la Délégation a adopté les recommandations suivantes :

1. Une information sur les volontariats civils, détaillée et respectueuse du principe de l'égalité entre les sexes, devra être organisée à l'intention des jeunes gens participant aux appels de préparation à la défense. Par ailleurs, une même information, la plus large possible, devra être organisée à l'intention des femmes, nées avant le premier janvier 1983.

2. Suivant le principe d'universalité rappelé à l'article 1er du projet de loi, toutes les formes de volontariat civil, sans exception, devront être ouvertes aux femmes. Les critères d'admission à chaque forme de volontariat civil devront être définis en conséquence, avec précision, par les ministres compétents. Ces derniers veilleront au respect de l'égal accès des femmes et des hommes à ces volontariats.

3. Les volontaires dont la mission est suspendue pour cause de maladie, de maternité, d'adoption ou d'incapacité temporaire, devront pouvoir à leur demande prolonger le temps de leur volontariat d'une durée égale à celle de leur indisponibilité, sans que la durée totale de leur engagement puisse excéder 24 mois.

4. A l'occasion du débat budgétaire, les ministres concernés adresseront aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu'à leurs Délégations aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes une information annuelle qui détaille les conditions d'exécution de la loi sur les volontariats civils, et qui présente des statistiques comparatives des missions exercées par les femmes et par les hommes.

Ces recommandations ont été immédiatement reprises sous la forme d'amendements déposés conjointement par la Présidente et par la rapporteure de la Délégation.

La recevabilité au titre de l'article 40 des amendements correspondants aux recommandations 1 et 3 faisant l'objet d'un examen préalable, seuls les amendements correspondants aux recommandations 2 et 4 ont été présentés à la commission de la défense qui, lors de la discussion des articles du projet de loi, les a adoptés.

L'Assemblée nationale, au cours de l'examen du texte en première lecture, le 20 janvier 2000, a adopté l'ensemble des amendements précités. Le Sénat n'ayant pas modifié sur ces points le texte transmis par l'Assemblée nationale, la loi du 14 mai 2000 a donc été utilement complétée. Son titre est désormais le suivant : loi relative aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national et à diverses mesures relatives à la réforme du service national.

Comme le souhaitait la Délégation, le principe d'universalité des volontariats civils ainsi que le respect du principe de parité (chaque fois que cela est possible) par le ministre compétent, lors de l'acceptation de candidature, ont été affirmés par la loi du 14 mai 2000 (article 2).

Les dispositions relatives à la suspension de la mission du volontaire civil pour cause de maladie, de maternité, d'adoption ou d'incapacité temporaire ont été précisées aux articles 8 et 9 de la loi.

L'information détaillée souhaitée par la Délégation pour les jeunes Françaises nées avant le 1er janvier 1983 est insérée à l'article 23.

Enfin, l'article 24 prévoit qu'un rapport sur les conditions d'exécution de la loi sera adressé, chaque année, aux commissions intéressées de l'Assemblée nationale et du Sénat et qu'il contiendra des statistiques comparatives des missions exercées par les femmes et les hommes.

Par ailleurs, trois décrets d'application sont venus préciser la loi du 14 mai 2000 :

- le décret n° 2000-1159 du 30 novembre 2000 pris pour l'application des dispositions du code du service national relatives aux volontariats civils (dont les articles 24 et suivants précisent les règles applicables aux congés de maladie, maternité ou d'adoption) ;

- le décret n° 2000-1160 du 30 novembre 2000 fixant les conditions et les domaines dans lesquels l'Etat contribue à la protection sociale des volontaires civils affectés auprès d'associations ;

- le décret n° 2000-1161 du 30 novembre 2000 fixant le régime des congés annuels des volontaires civils (dont l'article premier assimile les congés pour maladie, maternité ou d'adoption comme service effectif ouvrant droit au congé annuel).

B. LE SPORT

La Délégation a été saisie, sur sa demande, par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales du projet de loi modifiant la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.

Ce projet de loi avait pour objectif la rénovation du cadre de fonctionnement des clubs et des fédérations, dans le sens d'une démocratisation plus affirmée et d'une plus large ouverture sur la vie locale.

C'est l'article 5 relatif à la promotion de la parité entre les femmes et les hommes au sein des instances sportives qui a retenu l'attention de la Délégation.

Parmi les trois nouvelles conditions nécessaires pour l'obtention d'un agrément par les groupements sportifs, cet article 5 retenait l'existence de dispositions statutaires garantissant l'égal accès des femmes et des hommes à des instances dirigeantes.

Au cours des navettes successives, cet article n'a subi que des modifications rédactionnelles et figure donc sous cette forme dans le texte définitif de la loi du 22 juin 2000.

Il a été l'occasion pour la Délégation de souligner la nécessité d'ériger une réelle démocratie participative au sein des milieux sportifs et de montrer que la procédure d'agrément des clubs sportifs par l'autorité administrative pouvait servir à la mise en _uvre progressive d'un égal accès des femmes et des hommes aux groupements sportifs.

La Délégation a adopté, le 18 janvier 2000, le rapport de Mme Catherine Picard comportant l'ensemble des recommandations suivantes :

1. Afin de conférer une réelle pertinence à l'objectif de parité, il conviendrait de subordonner expressément l'attribution d'un agrément des clubs sportifs à l'existence de dispositions statutaires favorables à leur démocratisation et donc à l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions dirigeantes et d'encadrement.

2. Des modifications devront être apportées aux conditions relatives à l'agrément des groupements sportifs afin de préciser les justifications que l'autorité administrative pourra être en droit de leur demander pour démontrer qu'ils satisfont aux prescriptions de l'article 8 de la loi du 16 juillet 1984 tel que modifié par l'article 5 du projet de loi.

3. Une date limite devrait être fixée (31 décembre 2000 ou 30 juin 2001) pour imposer aux groupements sportifs existants, et ayant obtenu un agrément, de mettre en conformité leurs statuts avec les nouvelles prescriptions de la loi du 16 juillet 1984 modifiée.

4. Le principe de parité femmes-hommes devra également présider à la composition du Conseil national des activités physiques et sportives dont la mise en place est prévue par l'article 25 du projet de loi en tant qu'instance représentative de l'ensemble des composantes du mouvement sportif.

5. Chaque année à l'occasion du débat sur le projet de loi de finances, le gouvernement devra publier en annexe à ce projet, une série d'indicateurs statistiques permettant d'apprécier l'évolution de la participation des femmes au sein des instances dirigeantes des fédérations, de leurs ligues régionales et départementales et des clubs sportifs qui leur sont affiliés.

6. L'Etat veillera à allouer prioritairement aux fédérations les dotations budgétaires relevant de sa compétence en fonction de l'importance de la pratique sportive féminine et de l'accès des femmes à leurs instances de direction et aux postes d'encadrement.

7. Etant donné l'importance des fonctions sociales et culturelles du sport, il est nécessaire de respecter une juste représentation des femmes et des hommes, tant en ce qui concerne les responsabilités d'encadrement exercées au titre des actions d'animation sportive engagées par l'Etat et les collectivités territoriales, notamment dans les quartiers en difficulté, que les activités et pratiques proposées dans ce cadre. Il s'avère également indispensable au développement des activités physiques et sportives des femmes de mettre en _uvre une politique de proximité et de disponibilité des équipements sportifs, y compris dans le milieu rural.

C. LA PRESTATION COMPENSATOIRE EN MATIÈRE DE DIVORCE

Le fait que la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ait été saisie sur sa demande, par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, de la proposition de loi relative à la prestation compensatoire en matière de divorce, adoptée en première lecture par le Sénat le 25 février 1998 (n°735), ne constitue qu'un "paradoxe apparent".

Car, comme le déclarait Mme Nicole Bricq, intervenant au nom de la Délégation, lors de la discussion générale de ce texte, "une injustice faite aux hommes ne rend pas justice aux femmes".

1. Une réforme tendant à mettre fin à des situations qui heurtent l'équité

La prestation compensatoire instituée par la loi n°75-617 du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce devait mettre fin au contentieux douloureux que généraient les pensions alimentaires versées au conjoint du divorcé.

A cette fin, le législateur lui avait conféré un caractère indemnitaire et forfaitaire, privilégiant son paiement sous forme de capital, et limitant la révision au cas où l'absence de révision entraînerait pour le débiteur des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

Or, les objectifs du législateur ont été infléchis par une pratique consistant à accorder majoritairement une rente temporaire ou viagère dont la révision quasi-impossible a abouti à des situations inéquitables et parfois dramatiques.

Outre la proposition de loi adoptée par le Sénat (n°735), plusieurs propositions de loi ont été déposées à l'Assemblée nationale (n°s156, 579, 1900, 1989, 2098), tendant à mettre un terme à de telles situations.

Dans le même esprit, la Délégation a adopté le 25 janvier 2000, le rapport d'information (n°2109) de Mme Marie-Françoise Clergeau comportant les recommandations suivantes :

2. Les recommandations adoptées par la Délégation

1. Le principe du versement de la prestation compensatoire sous forme de capital doit être réaffirmé et sa mise en _uvre facilitée.

Des modalités de paiement du capital sous forme de versements mensuels ou annuels pour une durée limitée mais suffisamment longue doivent être prévues.

La prestation compensatoire doit être fixée parallèlement à la liquidation du régime matrimonial.

Les règles fiscales applicables à la prestation versée sous forme de capital doivent être reconsidérées afin de favoriser ce mode de versement.

2. Le montant du capital fixé par le juge ne doit pas être révisable. Seules ses modalités de paiement pourraient être modifiées en cas de changement notable et imprévu de la situation du débiteur.

3. A titre exceptionnel, le versement de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère pourrait être admis par une décision spécialement motivée fondée sur des considérations tenant notamment à l'âge, à l'état de santé du créancier, à la durée du mariage, aux besoins et ressources des parties.

La rente viagère serait révisable en cas de changement important et imprévu dans les ressources du débiteur ou les besoins du créancier.

4. Au décès du débiteur de la prestation compensatoire, ses héritiers pourraient engager une action en révision : l'éventuelle pension de réversion versée au créancier du chef du conjoint divorcé prédécédé devant être déduite de la charge du paiement du solde du capital ou de la rente viagère qui leur est transmise.

3. Des recommandations satisfaites par la loi

La loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce satisfait globalement aux recommandations de la Délégation.

1. Ainsi est affirmé le principe selon lequel "la prestation compensatoire prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge" (art. 274 du code civil : art. 4 de la loi du 30 juin 2000).

Des modalités de paiement du capital dans la limite de huit années sous forme de versements mensuels ou annuels sont fixées, le cas échéant, par le juge (art. 275-1, premier alinéa du code civil : art. 6 de la loi du 30 juin 2000).

Le régime fiscal applicable à la prestation versée sous forme de capital est reconsidéré en :

- alignant le régime fiscal des versements en capital échelonnés sur plus d'un an sur celui de la rente. Ces versements sont déductibles du revenu de celui qui les paie et imposables avec les revenus de celui qui les reçoit (art. 156 et 80 quater du code général des impôts : art. 17-I et II de la loi du 30 juin 2000) ;

- accordant une réduction plafonnée d'impôt sur le revenu, lorsque le versement en capital est versé sur une période inférieure à un an (art. 199 octodecies du code général des impôts : art. 18-I de la loi du 30 juin 2000), mais en maintenant l'assujettissement aux droits de mutation à titre gratuit des versements en capital versés sur une telle période lorsqu'ils proviennent de biens propres du débiteur (art. 757 A du code général des impôts : art. 18-II de la loi du 30 juin 2000) ;

- et ne soumettant qu'au droit de partage de 1 % ces versements lorsqu'ils proviennent de biens acquis en indivision pendant le mariage par des époux séparés de biens (art. 757 A du code général des impôts : art. 19 de la loi du 30 juin 2000).

En revanche, la fixation de la prestation compensatoire, parallèlement à la liquidation du régime matrimonial, devrait être examinée ultérieurement, lors de la réforme du divorce.

2. De même a été réaffirmé le caractère forfaitaire de la prestation compensatoire (art. 273 du code civil : art. 3 de la loi du 30 juin 2000).

Seules les modalités de paiement du capital sont révisables, ainsi "le débiteur peut demander la révision de ces modalités de paiement en cas de changement notable de sa situation. A titre exceptionnel, le juge peut alors, par décision spéciale et motivée, autoriser le versement du capital sur une durée totale supérieure à huit ans" (art. 275-1, 2ème alinéa du code civil : art. 6 de la loi du 30 juin 2000).

3. Les recommandations de la Délégation relatives à la fixation de la prestation compensatoire, à titre exceptionnel, sous forme de rente viagère, ont été suivies (art. 276 du code civil : art. 7 de la loi du 30 juin 2000), ainsi que la possibilité de la réviser (art. 276-3 du code civil : art. 10 de la loi du 30 juin 2000).

4. Enfin, l'action en révision des héritiers du débiteur recommandée par la Délégation est également prévue par la loi.

Ainsi, "à la mort de l'époux débiteur, la charge du solde du capital passe à ses héritiers. Les héritiers peuvent demander la révision des modalités de paiement..." (art. 275-1, 3ème alinéa du code civil : art. 6 de la loi du 30 juin 2000). L'action en révision de la rente viagère est ouverte aux héritiers (art. 276-3, dernier alinéa du code civil : art. 10 de la loi du 30 juin 2000).

Par ailleurs, la dernière recommandation de la Délégation est en partie satisfaite, dans la mesure où "... les pensions de réversion éventuellement versées au chef du conjoint décédé sont déduites de plein droit de la rente versée au créancier..." (art. 276-2 du code civil : art. 9 de la loi du 30 juin 2000).

D. LA VALIDATION DES ACQUIS PROFESSIONNELS

La Délégation a été saisie, sur sa demande, le 24 mai 1999, du projet de loi de modernisation sociale par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Les dispositions de ce projet de loi concernant le travail de nuit ayant été intégrées, sous forme d'amendement gouvernemental, à la proposition de loi sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la Délégation a confié à Mme Hélène Mignon un rapport d'information sur les seules dispositions de ce projet concernant la validation des acquis de l'expérience professionnelle. Celle-ci concerne les femmes et les hommes, mais davantage les femmes, en raison de leurs difficultés d'accès à la formation professionnelle.

La Délégation a adopté le 12 décembre 2000 le rapport d'information (n° 2798) de Mme Hélène Mignon comportant les recommandations suivantes :

1. Le droit de toute personne engagée dans la vie active de faire reconnaître son expérience en vue de l'acquisition d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle doit s'accompagner de l'ouverture d'un droit à un congé reconnu dans le code du travail et pris en charge.

2. L'entreprise devra favoriser les actions d'information et de sensibilisation à la nouvelle procédure de validation des acquis de l'expérience professionnelle, notamment par les comités d'entreprises dans le cadre de leurs actions sociales et culturelles. Les candidats à la validation des acquis de l'expérience professionnelle devront bénéficier d'un soutien et d'un accompagnement.

3. Les salariés à temps partiel devront bénéficier, au même titre que les salariés à temps plein, de l'accès à la validation des acquis de l'expérience professionnelle.

4. En cas de validation partielle, le candidat à la validation des acquis de l'expérience doit être prioritaire dans l'accès à la formation.

5. Les ministères valideurs devront s'efforcer de définir les contenus et référentiels des activités sociales ou bénévoles à prendre en compte pour la validation des acquis de l'expérience et les diplômes ou titres correspondants ; une représentation de ces activités dans les instances consultatives chargées de donner un avis à la création des titres et des diplômes à finalité professionnelle par l'Etat devra être organisée.

6. Le décret en Conseil d'Etat précisant la constitution des jurys devra veiller à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans ces jurys, particulièrement lorsque la validation concerne un secteur d'activité où les femmes sont majoritaires.

Le projet de loi de modernisation sociale sera examiné en première lecture par l'Assemblée nationale le 9 janvier 2001.

IV. AUDITIONS

La Délégation a procédé depuis sa création à trente auditions et plusieurs réunions de travail qui ont contribué à façonner sa réflexion sur les problèmes spécifiques aux femmes. La plupart de ces auditions ont été publiées en annexe de rapports d'information sur des projets et propositions de loi. Deux auditions n'ont pu être publiées à ce titre, celle de Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, et celle de Mme Martine Lévy, chargée de mission à la DATAR. Par ailleurs, l'audition du professeur Bernard Glorion n'a pu trouver place dans le rapport d'information de Mme Danielle Bouquet sur l'IVG et la contraception. Elles sont donc reproduites ci-après.

A. AUDITION DE MME MARYLISE LEBRANCHU, SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUX PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES, AU COMMERCE, À L'ARTISANAT ET À LA CONSOMMATION, LE 2 MAI 2000

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Madame la ministre, nous souhaiterions vous entendre sur le problème du statut des conjoints d'artisans et de commerçants. Nous aimerions en particulier savoir si le projet de loi de modernisation sociale comportera des dispositions d'amélioration sur ce point ou si cette question est renvoyée à un ordre du jour ultérieur.

Nous voudrions également connaître l'état de vos réflexions sur ce sujet.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation : Depuis deux ans, il nous est demandé de donner aux professions libérales le même statut que celui des artisans et des commerçants. Jusqu'à présent, les professions libérales ne semblaient pas tellement concernées par le problème des conjoints. Mais, depuis peu, elles ont estimé qu'il fallait s'occuper des quinze mille conjoints - essentiellement des conjointes - se trouvant dans la même situation que ceux des entreprises artisanales et commerciales. En effet, la conjointe assure souvent la gestion du cabinet, accueille la clientèle, répond au téléphone, et exerce en pratique une véritable activité professionnelle.

Mme Marie Jacq, elle-même ancienne conjointe d'artisan, s'était rendu compte, à la suite du décès de son mari, de l'inexistence des droits de la conjointe. Avec de nombreuses associations, elle avait soutenu un projet de loi créant un statut pour les conjoints d'artisans et de commerçants. Les femmes d'agriculteurs avaient par la suite formulé la même demande d'un statut. Les professions libérales ne l'ont pas fait à l'époque.

Aujourd'hui, il serait utile de doter les conjointes de professions libérales d'un tel statut.

Concernant le statut des conjoints d'artisans et de commerçants, il faut cependant souligner que le pas franchi en 1982, certes déterminant, reste parfois de l'ordre du symbole. En effet, même si les femmes font la démarche qui leur permet de devenir des conjointes reconnues par le droit en s'inscrivant en tant que collaborateur au Registre du commerce ou au Répertoire des métiers, elles n'exercent pas toujours les droits qui leur sont reconnus par la loi.

A l'heure actuelle, seulement 25 000 conjoints de travailleurs indépendants, soit moins de 10 % de la population concernée, ont un statut. Sur ces 25 000 personnes, seules 15 000 bénéficient de tous leurs droits. Plusieurs centaines de milliers de personnes travaillent donc sans avoir aucun droit à l'assurance maternité, et surtout à la retraite.

Même si on assiste aujourd'hui à une certaine remise en cause de la pension de réversion, l'amélioration des lois sur le divorce protège un peu celles qui ont travaillé au côté de leur conjoint pendant très longtemps. C'est néanmoins très nettement insuffisant.

A l'inverse, on peut noter qu'il y a un progrès en matière de statut social des conjoints puisqu'un plus grand nombre de conjointes sont aujourd'hui salariées de l'entreprise de leur époux.

La question posée par le choix du statut est difficile et je l'ai rappelé, le 8 mars dernier, lors d'un comité interministériel. Doit-on considérer que la loi est suffisante mais qu'il y a simplement une carence d'information, ou bien doit-on faire évoluer le droit ?

Même si le droit doit évoluer, il appartient aux Chambres consulaires de faire un premier pas dans le domaine de l'information : on pourrait, par exemple, les obliger à informer toute personne qui va s'inscrire au Répertoire des métiers ou au Registre du commerce. On pourrait aussi obliger les Chambres consulaires à fournir des informations de ce type, tous les deux ou trois ans, par exemple. S'agissant de l'information, tout est à faire et, surtout, à bien faire.

J'ai rencontré beaucoup de femmes qui, si elles optent pour un statut, ont l'impression d'enlever quelque chose à leur conjoint, et surtout, sont persuadées que cela va faire "flamber " les cotisations payées. Or ce n'est pas le cas, puisqu'en fait, il y a une possibilité d'opter pour une répartition entre les époux, en particulier en ce qui concerne les droits à une pension de vieillesse.

Il est donc important de rendre obligatoire une information : par exemple, en remettant une brochure à l'entrepreneur lorsqu'il s'inscrit au Répertoire des métiers ou qu'il change de société.

En revanche, je ne suis pas convaincue qu'il faille réécrire l'ensemble de la loi. Il convient d'abord d'appliquer ce qui existe.

Cependant, il y a aujourd'hui une difficulté qui tient au fait que beaucoup de conjointes sont tentées, pour se constituer des droits sociaux, d'opter pour le statut de salarié de l'entreprise. Cela remet en question l'existence même des entreprises unipersonnelles. Or, est-il bon de remettre en question le statut de l'entreprise unipersonnelle à travers un problème qui se pose aux conjointes ?

L'entreprise indépendante est enracinée dans notre culture, même si l'on a été tenté de faire évoluer son statut. Il conviendrait donc de travailler davantage sur le statut de l'EURL, en essayant de régler le problème des conjoints.

Le problème est double. C'est à la fois un problème de statut, et un problème de caution solidaire.

Je rencontre, la semaine prochaine, l'Association française des banques (AFB) et des représentants des banques dites "mutualistes" et je leur poserai à nouveau le problème de la caution solidaire. En effet, lorsque nous avons mis en place la garantie SOFARIS, nous avons exigé que les banques qui recourent à cette garantie, limitent l'engagement financier qu'elles exigent des emprunteurs. Je considère qu'il y a lieu d'aller plus loin et par exemple d'interdire la saisie de la résidence principale des cautions.

Je pense d'ailleurs qu'il faut élargir le débat puisque tous les prêts ne sont pas garantis par la SOFARIS.

La caution solidaire est ainsi demandée de façon quasi systématique, même lorsqu'elle n'est pas nécessaire. Les banques justifient cette pratique par leur volonté d'ouvrir le crédit aux petites entreprises en dépit d'un coût de gestion fort lourd pour des projets très modestes. L'argument selon lequel une banque prendrait un risque majeur mérite d'être discuté.

Si la négociation ne réussit pas, je suis convaincue - et le ministre des finances l'est également -, qu'il faudra avoir recours soit au règlement, soit à la loi. Mais ce serait un constat d'échec. En effet, une telle difficulté opposant deux types d'entreprises privées, les banques d'une part, et les petites entreprises, d'autre part, devrait pouvoir être réglée par la médiation.

Je ne crois pas qu'il faille répondre au problème de la caution solidaire, par le développement de la forme sociétale de l'entreprise exclusivement. En effet, des milliers d'artisans, de commerçants, de petits entrepreneurs, ne transformeront pas leur entreprise en société, même si c'est plus simple aujourd'hui qu'hier. Les inciter à créer des sociétés ayant comme gérants des salariés autonomes ou des couples salariés, n'est donc pas la réponse exclusive.

Cette problématique rejoint celle du statut du conjoint, puisque l'on voit que ce dernier peut être reconnu quand il s'agit d'apporter sa garantie, mais pas lorsqu'il s'agit de ses droits.

Les conjoints collaborateurs ont de nombreuses autres revendications ; il est, par exemple, anormal que l'octroi de l'allocation parentale d'éducation nécessite la radiation des registres consulaires. Une autre de leurs revendications concerne le versement de l'allocation à mi-taux, assortie de la reprise à temps partiel de l'activité, la dernière année.

Alors que des conjointes ont fait reconnaître leur statut, beaucoup d'autres disent merci au chef d'entreprise qui leur permet d'avoir une activité. C'est dommage pour une société qui se veut moderne, et qui, au demeurant, l'est pour beaucoup d'autres sujets.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Nous sommes souvent interpellés sur le problème de la caution solidaire, mais également sur la remise en cause du statut lui-même, en raison de son inadaptation, ou du coût excessif du statut de conjoint associé.

Avez-vous procédé à des évaluations, pour chaque forme de statut, du coût que cela représente pour une petite entreprise ?

Mme Danielle Bousquet : Vos propos confirment ce que disent les femmes d'artisans que nous rencontrons.

En dépit de textes novateurs, il semble que les statuts qui protègent les femmes d'artisans soient très peu utilisés, sans doute pour des raisons de coût, mais également par manque d'information.

Quels sont les moyens à notre disposition pour obliger les Chambres consulaires à remplir effectivement cette mission d'information lors des quelques jours de formation qu'elles mettent en place au moment de l'installation de nouveaux artisans ?

Puisque la loi existe depuis près de vingt ans, et qu'elle n'est pratiquement pas appliquée, peut-on concevoir d'être un peu plus contraignants à l'égard des Chambres consulaires afin d'être certains que l'information soit faite ?

M. Patrick Herr : Vous parliez, Madame la Ministre, d'information vis-à-vis des artisans et des commerçants. Elle peut être faite, bien entendu, par les Chambres consulaires ainsi que par d'autres organismes comme les Chambres des métiers. Mais, ne pourriez-vous pas demander aux Caisses d'assurance maladie et d'assurance vieillesse, de faire également un travail d'information ?

Professionnellement, je suis confronté à ce problème des conjoints d'artisans et de commerçants  qui ne connaissent pas toujours très bien leurs droits ou leurs possibilités. Je pense que ce serait aux Caisses de faire une telle information.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation : Je reste convaincue que l'information doit passer par les Chambres des métiers, pour les artisans, et par les Chambres de commerce et d'industrie, pour les commerçants.

L'information obligatoire au moment de l'inscription me paraît être une bonne solution. Il me semble possible de le négocier avec l'Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM). Je n'ai certes pas les moyens d'imposer une telle mesure ; cependant, on pourrait réserver une part des crédits d'animation économique et l'affecter à l'information sur les différents statuts.

On parle beaucoup de l'accompagnement du créateur d'entreprise. Souvent accompagné pour trouver le fonds de commerce ou pour réaliser l'étude de marché adéquats, celui-ci devrait être également accompagné pour tout ce qui concerne ses droits. Il faudrait demander aux centres de gestion agréés de faire une information plus incitative qu'elle ne l'est. Certes, je comprends que lorsque l'on s'installe, il faille penser à beaucoup de choses et que le problème des assurances n'est véritablement perçu qu'au moment où est adressé le premier appel de cotisations.

Il existe donc un vrai problème de l'accompagnement du créateur d'entreprise. Je regrette d'ailleurs de ne pas avoir inséré, dans la mallette qui est remise au créateur d'entreprise, un document sur le conjoint. Ce problème est moins d'actualité aujourd'hui, parce que beaucoup moins de femmes ou d'hommes dépendent aujourd'hui de l'entreprise. En effet, on devient généralement créateur d'entreprise, alors que le conjoint a déjà un travail. Les problèmes rencontrés par les conjoints sont surtout le fait des femmes âgées de 50 ans ou plus.

Prenons le cas le plus représentatif des situations rencontrées : celui d'un divorce suivi d'une faillite. Le conjoint qui n'était pas divorcé au moment de la signature d'un cautionnement solidaire reste solidaire de son conjoint. Une fois divorcé, alors qu'il n'a droit qu'à une partie de la pension de réversion, il est solidaire de la totalité des dettes engagées avant son divorce.

Quant à l'information, je ne pense pas que ce soit vraiment le rôle des Caisses de sécurité sociale. Mais, il est vrai qu'elles pourraient joindre un papillon, lors du premier appel de cotisations, rappelant qu'il faut se préoccuper du statut du conjoint.

En ce qui concerne les moyens modernes d'information, un projet de cotisations sociales en ligne (le "portail unique") vient d'être créé par des femmes de la Fédération française du bâtiment. Nous allons donc créer un "portail unique" d'informations sur Internet. Ce sont très souvent les femmes qui gèrent l'ensemble de l'entreprise, qui s'occupent de chercher les informations, y compris celles concernant les cotisations des salariés, même si elles ne sont ni associées, ni collaboratrices.

Nous ne connaissons pas le coût induit par cette évolution et il nous faudrait plus d'expertises.

L'obligation d'information au moment de l'inscription au Répertoire des métiers me semble une bonne solution : elle nécessite seulement un décret. Imposer cette obligation aux Chambres consulaires, par le vote d'une disposition législative, aurait un caractère plus solennel.

Nous avions pensé qu'une telle disposition pourrait être introduite dans les prochaines lois de financement de la Sécurité Sociale. Et, à mon sens, si cela se fait par amendement parlementaire, cela aura plus d'impact.

En ce qui concerne les Caisses et les régimes complémentaires, il y a un travail important à faire. En effet, les femmes qui ont acquis des droits sociaux n'ont généralement pas de régime complémentaire. C'est à nous de voir, avec l'ensemble des régimes complémentaires, comment prendre en compte le conjoint.

Chaque fois que l'on ouvre un droit, il faut en effet regarder ceux qui n'y ont pas accès, et se demander jusqu'à quel coût la cotisation est acceptable.

Il y a cependant un vrai problème pour les sociétés unipersonnelles et les EURL car les cotisations ne sont pas assises sur les revenus, mais sur les bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou sur les bénéfices non commerciaux (BNC). Il s'ensuit que pour beaucoup la solution consiste à constituer des sociétés. Est-ce pourtant bien la solution aujourd'hui ?

Pour revenir au problème de la caution solidaire, si, après un dépôt de bilan, il y a une déclaration de faillite dans une société, il y aura quand même solidarité du mari et de la femme qui ont signé ensemble un emprunt. Par conséquent, le fait qu'il y ait une société ne protège toujours pas plus les époux que dans le cas d'une entreprise unipersonnelle. C'est la raison pour laquelle la solution consistant à créer des sociétés n'est pas la bonne réponse.

La solution que je souhaite promouvoir est la protection, dans le cadre du patrimoine familial, de la résidence principale. Je ne suis pas favorable au fait de protéger l'ensemble du patrimoine familial car il peut y avoir des personnes très fortunées qui gèrent mal une entreprise familiale.

En revanche, en dehors des cas de fraude, je souhaite que soit trouvé un consensus qui permette de protéger la résidence principale.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Cela permettrait de résoudre une partie des problèmes de la caution solidaire.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation : En effet. Toutefois, si l'on s'engage sur des emprunts très importants et que l'on possède beaucoup de biens, on peut aussi répondre de sa gestion sur ses biens.

En plus des commerçants et des artisans, sont également concernées les petites sociétés unipersonnelles qui se créent, y compris dans le secteur des produits de haute technologie. Le risque y est admis, puisque l'on construit des pépinières d'entreprises, des sociétés de gestion d'accompagnement, pour passer le taux de survie de 80 à 50 %. Nous savons bien que la création d'entreprise est une activité risquée par nature. Cependant, l'ensemble de la société ne gère ni le risque ni la couverture du créateur - je l'ai dit aux Etats-généraux de la création d'entreprises - et j'espère que l'UNEDIC va proposer une solution pour permettre aux salariés démissionnaires créateurs d'entreprise de retrouver des droits à l'indemnisation au chômage en cas d'échec. Elle ne gère pas non plus la protection de son patrimoine.

Un salarié licencié a au moins la chance, bien que sa situation soit difficile, de garder sa résidence. Quelqu'un qui échoue dans le commerce, l'artisanat ou la petite entreprise, perd non seulement sa source de revenus, mais il peut également perdre sa résidence principale. Une protection minimale doit être possible à trouver, sauf en cas de fraude et de mauvaise gestion, de fait ou de droit.

Mme Danielle Bousquet : Il peut s'avérer qu'un conjoint sans statut, c'est-à-dire sans aucune protection, soit considéré comme associé de fait dans la gestion de l'entreprise, même quand il n'a pas signé de caution solidaire, et qu'il soit assujetti à devoir partager les dettes. Quels moyens peut-on envisager pour protéger cette personne, qui non seulement a travaillé gratuitement, sans aucun droit, mais qui de plus se trouve en situation de devoir partager les dettes ?

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation : Quand on épouse quelqu'un qui assume un risque, quel qu'il soit, il faut commencer par faire une séparation de biens. Mais même dans ce cas, si la conjointe a été vue dans l'entreprise régulièrement, et qu'elle a signé des commandes, elle se trouve gérante de fait.

Il faut donc donner une information complète sur le statut, car certains, dès lors qu'ils ont fait une séparation de biens, se croient totalement protégés.

Mme Danielle Bousquet : Le régime matrimonial ne suffit pas à protéger le conjoint et l'information est donc nécessaire. Les femmes découvrent brutalement, alors qu'elles ont procédé à une séparation de biens, qu'elles peuvent se retrouver dans une situation affreuse et inattendue.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation : Cette situation peut atteindre également certaines femmes salariées, qui continuent à donner un coup de main. Ainsi, une institutrice qui, tous les mercredis après-midi, passait dans l'entreprise de son conjoint pour classer, gérer et renvoyer les bons, a été déclarée associée.

Il faut donc protéger le patrimoine familial en limitant cette protection à la résidence principale. Si cela est réalisé, les situations seront moins graves.

En ce qui concerne les femmes, c'est souvent après un divorce que la situation est la plus scandaleuse. Alors qu'elles ont refait leur vie, qu'elles travaillent à nouveau, elles risquent de se retrouver subitement solidaires d'une faillite de leur ancien conjoint.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de la justice, va proposer de modifier le régime juridique du divorce. Peut-être faudrait-il intégrer, dans le texte en préparation, l'idée qu'à partir du moment où le divorce est prononcé, il n'est possible de faire appel à la responsabilité de la conjointe que si celle-ci a réellement commis une faute dans le passé. Le divorce ne peut en effet pas absoudre de tout, notamment d'une erreur importante. Mais il serait possible de progresser en ce sens.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Pensez-vous que la réponse au problème posé par la caution solidaire, qui est l'interrogation la plus pressante de la part des organisations professionnelles, passe en partie par le fait d'exclure la résidence principale ?

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation : La réponse passe d'abord par l'utilisation du fonds de garantie géré par la BDPME/SOFARIS : soit des cofinancements, faits avec l'aide de ces instruments, soit la garantie SOFARIS pour les très petites entreprises. Il faut que le recours à ce fonds de garantie limite le recours à la caution solidaire. Le banquier doit choisir entre la garantie SOFARIS, le cofinancement BDPME du projet avec de l'argent public, et la caution solidaire.

Une autre réponse doit être trouvée dans l'évolution du régime matrimonial afin de mieux protéger la conjointe.

Il faut ensuite s'engager dans la voie de la protection du patrimoine familial, limité à la protection de la résidence principale.

Enfin, il faut que la femme qui n'est pas présente dans l'entreprise et qui n'est pas associée fasse attention à ce qu'elle signe. Si l'on excluait la résidence principale (dans la limite d'un plafond), il faudrait, au-delà de cette valeur, que la femme ne soit solidaire, en cas de divorce ou de décès, que des dettes qui lui incombent.

Voici un cas parfois plaidé : l'épouse a vu les choses se dégrader, et, en toute connaissance de cause, elle a laissé aller l'entreprise jusqu'à la faillite frauduleuse. Elle peut alors être tenue pour responsable.

En définitive, on parle assez peu de la notion de responsabilité. Peut-être faudrait-il proposer aux assemblées consulaires d'intégrer, dans les modules de formation, une information sur la responsabilité des conjoints.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Dans quel texte - projet de loi de modernisation sociale ou deuxième lecture du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques - inséreriez-vous de nouvelles dispositions ?

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation : Nous n'étions pas prêts pour la première lecture du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques. Il faut proposer un texte simple et lisible pour les conjointes, et très clair vis-à-vis des banques.

Nous avons un autre sujet de réflexion en cours, celui de la protection des consommateurs vis-à-vis des banques. J'en ai parlé mercredi dernier lors d'une question orale. Selon moi, le service bancaire de base, le droit des consommateurs, et la caution solidaire, font partie de notre négociation avec les banques. Le Gouvernement pourrait présenter un amendement au Sénat, que vous pourriez examiner en deuxième lecture à l'Assemblée nationale.

Mme Danielle Bousquet : Je souhaite revenir aux textes existants qui sont bons et contiennent de réelles avancées. Compte tenu de l'évolution de la société, est-il envisageable d'étendre le statut de conjoint associé ou salarié au conjoint vivant en PACS ou en concubinage ?

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation : En ce qui concerne le statut de conjoint collaborateur, il est réservé aux personnes mariées avec le chef d'entreprise.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Le conjoint collaborateur ne peut pas être élu aux élections prud'homales ...

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation : Non, et pas seulement aux élections prud'homales, mais également aux Chambres de commerce et aux Chambres des métiers.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Il me semble qu'il peut y être électeur et éligible.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation : A la Chambre des métiers du Finistère, une femme collaboratrice, qui devait être sur la liste, en a été écartée par le service juridique ; elle avait le droit de vote, mais n'a pas pu figurer sur la liste car une entreprise n'a qu'une voix.

Les conjoints n'apparaissent plus dans les listes des collèges parce que certains secteurs réussissaient, par ce biais, à être majoritaires.

Mme Raymonde Le Texier: Je voudrais revenir sur le problème de l'information. Au regard des situations dramatiques que j'ai eu à connaître dans mes fonctions d'élue, suite à des faillites, je conseille de plus en plus souvent aux jeunes qui montent leur entreprise de ne pas se marier.

Lorsque je vois des spots télévisés ou que je lis des informations du genre : "Soyez actifs, créez votre avenir, créez votre entreprise", rien ne m'agace plus que de constater que l'on ne parle jamais des risques encourus.

En cas de faillite, la situation est effectivement dramatique ; l'idée de préserver la résidence principale est donc intéressante. Mais il faudrait aller au-delà, et modifier les règles applicables aux saisies de rémunérations. Il y a des gens qui travaillent et qui se retrouvent avec 2 800 francs par mois, parce qu'ils sont saisis pendant des années. Ce sont des situations tragiques qui se terminent parfois par un suicide.

Je suis très intéressée par tout ce que vous venez de dire, et par ce que vous avez l'intention d'améliorer au niveau législatif ou réglementaire, mais il faut vraiment insister sur l'information.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation : L'aspect le plus délicat du dossier ne concerne pas les banques. Dans ce cas, nous mettons suffisamment de systèmes de garanties en place, pour qu'au moins, à l'avenir, nous ne retrouvions pas les situations que nous venons de décrire.

Prenons le cas d'une entreprise de bâtiment qui dépose son bilan. Il est possible de négocier sur certaines créances (Urssaf, Organic, etc.), mais il reste de nombreux autres créanciers. N'étant pas prioritaires, et ayant eux-mêmes subi une forte perte pouvant parfois entraîner leur propre dépôt de bilan, ils ont du mal à admettre de ne pas recouvrer leurs créances. Ils vont jusqu'au tribunal pour essayer de récupérer en partie leur dû. Souvent, ils ne l'obtiennent pas, mais c'est un peu à cause d'eux que les autres sont poursuivis.

Autre sujet important à aborder. Les Caisses de sécurité sociale se sentent un peu fautives si certaines personnes ne sont pas poursuivies car cela faisait parfois quatre ou cinq ans qu'elles ne payaient pas. Elles pensent qu'elles auraient dû tout de suite tirer la sonnette d'alarme et faire déposer le bilan.

J'ai vu des gens venir me dire qu'ils avaient fait faillite et qu'ils se retrouvaient avec 100 000 F de dettes vis-à-vis des organismes sociaux. Entre le dépôt de bilan et la clôture de la faillite, ce n'est pas possible. Cela prouve effectivement que les choses doivent se préparer par palier.

Plutôt que de demander aux Caisses de renoncer à la dette et de la faire porter par l'ensemble des cotisants, il conviendrait qu'elles avertissent de cette situation, dès le deuxième incident de paiement. Mais avertir qui ? La CNIL nous empêche d'avoir un correspondant. Il faudrait donc voir avec la CNIL quelle pourrait être la personne que la Caisse serait obligée de prévenir.

Lorsqu'une Caisse constate deux absences de paiement chez quelqu'un qui avait l'habitude de payer, il faudrait instituer une sorte de droit d'alerte. Dans les entreprises plus importantes, il existe plusieurs droits d'alerte. Il n'y en a pas chez les petits commerçants et les artisans.

Mme Raymonde Le Texier : Il y a le problème des pénalités qui s'ajoutent à la dette initiale.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation : Le surendettement, tel qu'il est prévu par la loi contre les exclusions, ne concerne pas les dettes professionnelles. Mais après une faillite ou un dépôt de bilan, la personne peut dans certains cas être éligible à la commission de surendettement ; or, très souvent elle ne le sait pas. On ne l'en informe pas. Il faudrait donc mieux déterminer les pouvoirs des commissions de surendettement face à une dette qui devient personnelle.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Cela ne règle pas la question du destinataire du droit d'alerte.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation : Le droit d'alerte se fait aujourd'hui de façon amiable. Des élus des caisses s'en chargent, mais ils ne peuvent pas voir tout le monde. Cela se fait très bien dans les petits bassins d'emplois.

Mme Danielle Bousquet : Sans compter, effectivement, que ce droit d'alerte peut se faire en direction du chef d'entreprise, et pas forcément en direction du conjoint. Le même problème se repose.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation : C'est ce que nous disent les banques. La banque constate un premier découvert, un second, puis un découvert plus important. Ensuite, elle demande des agios et elle prévient enfin le conjoint. Mais elle ne le prévient que s'il y a cautionnement solidaire. En droit, s'il n'y a ni caution solidaire ni communauté de biens, les banques n'ont pas à prévenir qui que ce soit. C'est le secret bancaire.

Il faudrait travailler cette question sur le droit d'alerte des banques. Je ne suis d'ailleurs pas certaine qu'elles alertent le conjoint solidaire.

Mme Chantal Robin-Rodrigo : Elles ont l'obligation de prévenir le conjoint solidaire par lettre recommandée, à partir de la troisième échéance impayée. Si elles ne le font pas, la caution solidaire tombe d'elle-même.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation : S'il n'y a pas de caution solidaire, mais une garantie SOFARIS, et qu'il y a quand même une communauté de biens, la banque est-elle obligée de prévenir ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo : Non. Elle n'est obligée d'informer que lorsqu'il y a une caution solidaire. Si elle n'envoie pas la lettre recommandée à partir du troisième impayé, elle perd sa caution solidaire.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation : Cela concerne les prêts. Et en ce qui concerne les découverts ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo : C'est la même chose. La banque perd ses droits à la caution solidaire.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation : Quand on en arrive malheureusement à la faillite, la banque saisit la résidence principale qui est un bien commun.

Mme Chantal Robin-Rodrigo : Oui. Mais en cas de chômage, c'est la même chose. Il faudra donc régulariser les choses, mais pas simplement pour les commerçants et les artisans. Lorsque le salarié se retrouve au chômage et que sa maison n'est pas payée, il y a une saisie immobilière. Il se retrouve à la rue de la même façon.

Je sais très bien que les organismes bancaires proposent de plus en plus des assurances-chômage conjointes et couplées avec les prêts immobiliers, mais ce n'est pas une obligation. Ce serait particulièrement injuste de conserver la résidence principale pour les artisans, les commerçants et les professions libérales, si l'on ne le faisait pas pour les salariés.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation : Si, après un dépôt de bilan, la personne ne paye pas les prêts souscrits pour acquérir un bien, elle est à égalité de droits avec les salariés. Le problème concerne non pas le paiement du bien lui-même, mais le bien acquis qui sert à combler les dettes de l'entreprise.

Un autre cas plus difficile est celui du bien familial de la conjointe, qui peut être saisi, alors même que la communauté de biens est réduite aux acquêts, dès lors que la conjointe a signé des documents. La protection accordée aux biens propres disparaît donc. Je suis d'accord avec ce que disait Mme Chantal Robin-Rodrigo à propos des salariés.

Mme Chantal Robin-Rodrigo : La saisie immobilière est particulièrement injuste quand il s'agit de licenciements économiques.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation : Il est vrai que c'est injuste. Mais il n'est pas possible de rendre obligatoire l'assurance chômage, car, en droit de la consommation, cela deviendrait une vente liée. En France, il y a le droit bancaire, d'une part, et le droit de la consommation, d'autre part. Si l'on veut mêler les deux, les problèmes surgissent.

M. Patrick Herr : Le salarié peut aller devant la commission de surendettement.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation : Le professionnel aussi, une fois sa faillite prononcée, si son surendettement ne résulte pas seulement de ses dettes professionnelles. Mais on considère que le salarié n'est pas responsable, tandis que le professionnel l'est.

Il faut bien distinguer la faillite due, par exemple, à la perte d'un client ou à un produit dépassé par un produit étranger importé à bas prix, et la faillite due à une mauvaise gestion ou la faillite frauduleuse. Ce qui est en jeu, c'est la notion de responsabilité a posteriori sur un bien qui ne faisait pas partie du patrimoine professionnel.

Tout le monde admet que l'on puisse perdre son fonds de commerce. Que l'on perde sa résidence secondaire, à la limite, est également acceptable, puisqu'elle a été acquise grâce à l'entreprise. Mais cela est très délicat : pourquoi serait-ce acceptable pour un professionnel et pas pour un salarié ? Il faudrait un filet de protection minimum, qui puisse être dénoncé devant les tribunaux, soit par la banque, soit par n'importe quel créancier estimant qu'il y a eu une faute.

Mme Chantal Robin-Rodrigo : Il faut également faire attention aux droits des petits créanciers.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation : Aujourd'hui, lorsqu'il y a des saisies, ceux qui obtiennent facilement gain de cause sont les créanciers prioritaires et les banques. Mais les petits créanciers, eux, n'obtiennent rien. Ainsi, les professionnels, par exemple, les sous-traitants en cascade - qui représentent un problème que nous voulons régler depuis longtemps - n'obtiennent généralement pas satisfaction. Ce n'est pas le cas des banques, des Caisses de sécurité sociale et de l'Etat. C'est la raison pour laquelle il y a un profond sentiment d'injustice.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Je suis contente de savoir que la question de la caution solidaire fait partie des problèmes que vous avez en chantier.

En revanche, l'extension des statuts aux professions libérales ou la refonte du régime matrimonial, sont des problèmes beaucoup plus lourds qui demanderont plus de temps et de travail.

B. AUDITION DE MADAME MARTINE LÉVY, CHARGÉE DE MISSION À LA DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET À L'ACTION RÉGIONALE (DATAR), LE 16 MAI 2000

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Nous recevons aujourd'hui Madame Martine Lévy, chargée de mission sur la politique régionale de cohésion économique et sociale à la DATAR.

Vous avez précédemment été déléguée régionale à la condition féminine auprès du préfet d'Ile-de-France ; vous avez occupé plusieurs postes au ministère des droits des femmes ; vous avez également fait partie de la délégation française à la conférence de Pékin ; maintenant, vous êtes à la DATAR chargée de la coordination nationale de l'organisation et de l'animation des évaluations des programmes communautaires régionaux.

C'est à ce titre que nous souhaiterions connaître votre point de vue sur la mise en _uvre du principe de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes dans le cadre des interventions structurelles communautaires.

Mme Martine Lévy : Je vous ai apporté quelques éléments de documentation, notamment un document de la DATAR sur les territoires éligibles aux politiques régionales communautaires, ainsi qu'un document de la Commission européenne, sorte de guide pratique sur la manière dont les politiques structurelles doivent prendre en compte l'égalité des chances.

Je voudrais d'abord vous donner deux chiffres qui illustrent l'importance financière de ces politiques structurelles communautaires : les fonds structurels, qui sont le deuxième poste budgétaire de l'Union européenne après la politique agricole, représenteront, pour la France, un apport de 102,7 milliards de francs pour la période 2000/2006 et concerneront 30 % de la population française ; les contrats de plan Etat-régions représentent, eux, un apport de 120 milliards de francs de l'Etat. Les ordres de grandeur de ces deux chiffres sont donc comparables.

Par ailleurs, je voudrais souligner que l'égalité des chances et l'action pour la promotion des femmes a toujours constitué une composante importante de la construction sociale européenne : article 119 du traité instituant la Communauté européenne, directives mises en place à partir de 1975, programmes d'actions engagés à partir du début des années 80, actions de dialogue social transformées en accords conventionnels, directives sur le congé parental, sur la durée du travail, etc., traité d'Amsterdam... Il y a donc, au niveau européen, une prise en compte constante de cette dimension femmes comme élément du volet social de la construction européenne.

Je souhaiterais faire maintenant un rappel historique de la prise en compte concrète de l'égalité des chances par les fonds structurels européens.

Ce principe a été inscrit dès 1988 dans les règlements sur les fonds structurels, mais jusqu'en 1996, on a laissé aux acteurs régionaux et nationaux le soin de le concrétiser par des actions positives. Aussi, mis à part l'initiative communautaire NOW de 1990, il n'y a pas eu de prise en compte véritable du principe d'égalité des chances dans les programmes cofinancés par les fonds européens.

A partir de mars 1996, une nouvelle impulsion a été donnée. Une résolution du Conseil a imposé aux Etats membres de concrétiser la mention jusqu'alors formelle du principe d'égalité des chances, en lui donnant un contenu et un sens sous la forme de l'approche de genre et de l'approche dite intégrée. Il ne s'agissait plus d'engager des actions particulières pour les femmes, mais d'intégrer l'égalité des chances entre les femmes et les hommes dans l'ensemble des programmes. Cela s'est traduit en France par la circulaire du 26 juin 1996, qui a fournit un cadre d'intervention pour les programmes européens, en obligeant à prendre en compte l'égalité des chances -il s'agissait des documents uniques de programmation ou DOCUP de l'objectif 2, c'est-à-dire les programmes qui visaient les zones en reconversion industrielle et sociale, donc les zones plutôt industrielles et urbaines.

Pour les programmes 97/99, cette circulaire a indiqué aux préfets de région la manière dont ils devaient élaborer les programmes et leur précisait la façon dont ils devaient prendre en compte l'égalité des chances. En réalité, elle donnait un cadre d'analyses et de propositions et elle obligeait également à produire un certain nombre de résultats. Mais elle n'a constitué cependant qu'une première étape.

Ces DOCUP 97/99 ont été analysés de manière transversale par la DATAR en 1998 (Etude Euro Méditerranée consultants). Globalement, trois ou quatre régions ont développé des actions et expériences, mais, de façon générale, on a constaté une pauvreté des diagnostics préalables et une faiblesse des actions proposées ; il n'y avait, en général, pas de références explicites au principe d'égalité dans l'action et il y avait une absence de mesures spécifiques dans beaucoup d'entre elles et, de façon générale, un manque de lisibilité des actions lorsqu'elles étaient proposées.

Depuis 1997, tous les séminaires d'information, de formation, de sensibilisation ou d'évaluation organisés par la DATAR incluent l'égalité des chances. On demande des résultats, on met en valeur des exemples positifs. C'est la notion de bonnes pratiques, familière au niveau européen, qui est valorisée, avec l'espoir que les bonnes idées vont faire tâche d'huile. Cette dynamique nationale est soutenue par la dynamique européenne, puisque la Commission organise, elle aussi, une série de séminaires.

Un séminaire très important, celui de Viana de Castello, qui s'est tenu au Portugal à l'automne 1998, a essayé de mobiliser l'ensemble de l'expertise européenne pour répondre à la question : comment doit-on intégrer la prise en compte de l'égalité des chances ? Cette question se pose dans tous les pays européens. Le séminaire de Viana a donc été le premier à mettre en commun les connaissances.

Le délégué général de la DATAR, Jean-Louis Guigou, vous a fait parvenir le rapport issu du séminaire que nous avons organisé en février dernier. Ce document prend acte du fait que les femmes sont une ressource et qu'il faut avancer.

Le message politique essentiel que la DATAR passe à l'ensemble du réseau des secrétaires généraux pour les affaires régionales (SGAR), mais aussi des conseils régionaux qui sont invités à ces réunions dans un souci de partenariat, c'est que le principe de l'égalité des chances peut contribuer à l'efficacité réelle de l'intervention communautaire ; il n'est pas seulement une contrainte, mais un appui pour le développement. C'est une manière de répondre plus intelligemment et plus efficacement aux défis qui se posent en termes d'emploi, de développement, d'aménagement des espaces, etc.

Avec l'Agenda 2000 et les nouvelles dispositions réglementaires du 21 juin 1999, l'égalité des chances devient une condition d'octroi du financement communautaire. La stratégie européenne pour l'emploi, avec son pilier spécifique sur l'égalité des chances et son injonction d'avoir une approche intégrée, constitue un autre levier européen. Même si la première série de plans nationaux ne l'a pas suffisamment prise en compte, on peut espérer des progrès, notamment en France, pour le troisième plan national d'action pour l'emploi.

Ce sont des processus lents. Il faut que, progressivement, l'idée d'égalité se diffuse dans toute une série de comportements et de pratiques. Quand on compare les programmes d'une génération à l'autre, on s'aperçoit que le bilan était décevant pour la génération précédente, aussi bien au niveau régional qu'au niveau national. S'agissant de l'objectif 3, les évaluations montrent très clairement que l'égalité est supposée acquise par une espèce de neutralité ; on sait pourtant que celle-ci conduit à des processus discriminatoires.

Tout cela est décevant, mais, en même temps, ces travaux amènent à une prise de conscience. Aussi, aujourd'hui, on constate moins de décalage entre la manière dont est perçue l'obligation européenne de promouvoir l'égalité des chances et les états d'esprit nationaux.

En comparant les contrats de plan Etat-régions et les programmes communautaires, j'ai été frappée du fait que, pour les contrats de plan comme pour tous les programmes de développement durable, l'égalité des chances en tant que dimension sociale ou d'emploi n'était ciblée dans aucune politique nationale. Cependant, en dépit du fait qu'il n'y a pas de prescription nationale en matière d'égalité des chances, sous la pression communautaire et en raison du travail réalisé sur les DOCUP, un certain nombre d'actions dans différentes régions font explicitement référence, dans ces contrats de plan, à l'égalité des chances.

Si je fais le bilan des projets de DOCUP transmis en avril à Bruxelles, je constate que des progrès substantiels émergent.

Le choix de la DATAR était d'obliger les préfets de région, en liaison avec leurs partenaires à traiter, dans un volet ou dans un rapport spécifique, la question de l'égalité des chances, de façon à améliorer la connaissance, donc à favoriser la prise de conscience et, par voie de conséquence, la volonté d'action. A part trois régions, peu se sont exonérées de cet exercice.

La négociation avec la Commission européenne n'a pas encore commencé. Alors que les contrats de plan sont validés et signés, les DOCUP ne sont encore que des documents en cours d'élaboration. Ils vont donc être modifiés. La Commission va renvoyer ses notes d'observation exposant les points à améliorer ; l'ensemble des partenaires vont en être informés ; il appartiendra alors au partenariat local, aux élus, à tout le monde de se mobiliser pour contribuer à améliorer ces documents.

Cette génération de DOCUP répond systématiquement aux exigences de prise en compte de la situation des femmes et des hommes dans le diagnostic territorial. Dans tous les DOCUP, il y a une prise en compte des situations relatives des hommes et des femmes, notamment dans le domaine de l'emploi, du marché du travail, et un positionnement au regard des enjeux : identification des enjeux pour les femmes par rapport à leur fonction et aussi pour le territoire par rapport à ces questions. C'est un progrès, car c'est une forme d'intégration.

L'objectif d'égalité dans le développement de la stratégie et dans certains axes prioritaires de l'intervention est aussi intégré, ce qui n'était pas le cas à la génération précédente.

Une fois que les améliorations demandées par la Commission européenne auront été apportées à ces documents, il ne fait pas de doute que des actions concrètes seront possibles.

Deux journées d'expertise avaient été organisées avant que les DOCUP ne soient transmis à Bruxelles, où l'on avait listé leurs points faibles, notamment en matière d'égalité des chances. Un nombre relativement conséquent de régions, en deux semaines, ont été capables d'apporter des modifications.

Mme Marie-Thérèse Boisseau : Dans quel délai aurons-nous les documents définitifs ?

Mme Martine Lévy : Normalement, cinq mois après le dépôt, soit en septembre ou octobre. Certains documents sont très bons et quasiment en état d'être approuvés. Pour d'autres, il y a encore un travail relativement conséquent sur différents points, notamment techniques. L'exercice est très lourd.

J'ai réalisé un tableau comparatif des différents DOCUP de l'objectif 2, qui devaient comporter une analyse au niveau du diagnostic et une quantification des différents objectifs. Les deux tiers d'entre eux ont une approche transversale, intéressante et complète.

Je n'ai pas fait ce même exercice pour l'objectif 1. Les statistiques que je donne portent sur les 21 régions métropolitaines et sur l'objectif 2.

Neuf régions sont particulièrement intéressantes, deux le sont en termes de quantification des objectifs d'égalité des chances. Seulement trois régions se sont exonérées du volet spécifique égalité des chances dans leur évaluation ex ante ; elles vont donc devoir compléter leur copie.

L'exercice de quantification des objectifs globaux et opérationnels à atteindre a été un travail difficile à conduire au point de vue technique et encore plus hasardeux politiquement.

Si la quantification des objectifs n'est que minoritairement présente, il y a partout des indicateurs de suivi sexués. L'INSEE met à la disposition des régions l'ensemble des données statistiques disponibles avec mise à jour annuelle, et s'est engagée à améliorer le caractère sexué de ses statistiques selon le territoire et le zonage.

L'égalité des chances entre les hommes et les femmes constitue une priorité politique de la Commission européenne et un accord a été conclu avec elle au niveau national pour lui faire remonter systématiquement les données concernant les ressources, c'est-à-dire les moyens mobilisés pour satisfaire à l'égalité - que ce soit en matière d'emploi, d'articulation vie familiale et vie professionnelle, de création d'entreprise, de formation - ainsi que la part des femmes parmi les créateurs d'entreprise. Au-delà du taux d'emploi et de la réduction du chômage, la donnée que constitue le pourcentage de femmes parmi les chefs d'entreprise concerne en effet le développement structurel à long terme.

Il ne s'agit pas ici de l'objectif 3 du Fonds social européen, donc pas du traitement social, de la lutte contre l'exclusion ou de l'insertion. Dans les périodes précédentes, s'agissant du chômage, on avait beaucoup d'actions d'insertion ; dès que l'on s'occupait des femmes, il s'agissait des cas les plus difficiles. L'approche que je qualifierai de "misérabiliste", même si elle reste nécessaire, était un peu trop exclusive ; aujourd'hui, visiblement, le message selon lequel les femmes sont une ressource de tous les milieux, y compris dans les quartiers urbains, a été repris de manière plus forte.

Le domaine privilégié demeure toujours l'emploi et la formation ; l'égalité professionnelle reste un objectif prioritaire. Mais, au-delà de la création d'entreprises, la moitié des régions soutiennent également la mise en place de services destinés à l'articulation de la vie familiale et de la vie professionnelle.

Voici les points forts de certaines régions.

Pour le DOCUP de la région Poitou-Charentes, c'est l'opérationnalité des objectifs, avec leur inscription concrète dans les mesures. Autrement dit, ce document fixe les objectifs et les traduit de manière concrète par des mesures opérationnelles. C'est fait de manière simple, claire et pratique. C'est un bon exemple.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Cela me paraît en effet un des documents les plus lisibles.

Mme Nicole Bricq : Sa grande vertu est qu'il a des indicateurs de suivi pertinents.

Mme Martine Lévy : Les DOCUP ont tous des indicateurs de suivi, mais celui-ci inclut une quantification des objectifs.

Pour le DOCUP de la région Rhône-Alpes, le point fort, c'est la prise en charge globale de l'objectif d'égalité fondée sur l'expérience "Transfaire", y compris dans le pilotage du programme et la participation partenariale à son élaboration. C'est un mode très participatif d'élaboration sur le terrain à travers un programme existant depuis quatre ou cinq ans.

Le point fort du DOCUP de la région Midi-Pyrénées, c'est la clarté et la précision des moyens concernant les mesures spécifiques identifiées pour permettre l'intégration du principe d'égalité.

Mme Hélène Mignon : Dans le projet de la région Midi-Pyrénées, ce qui m'a paru intéressant, c'est la garde des enfants en milieu rural.

Mme Yvette Benayoun-Nakache : Ce bon résultat nous satisfait.

Mme Martine Lévy : Le point fort du DOCUP de la région Lorraine, c'est sa vision stratégique du développement, en y intégrant les atouts que représente les femmes, et d'avoir fait une certaine quantification.

Le DOCUP de la région Champagne-Ardenne est plutôt bon en termes d'intégration du principe d'égalité dans les mesures ; en revanche, en termes d'objectifs au niveau stratégique, il n'est pas exemplaire.

Le Languedoc-Roussillon a fait des efforts, dans son DOCUP, pour essayer de prendre en compte, dans les différentes mesures, des éléments identifiés dans le diagnostic, qui est plutôt bien étayé, quoiqu'un peu quantitatif. Il y a un effort sensible pour bien transposer ces éléments dans des mesures concrètes.

Le DOCUP de la région Bourgogne est bon dans la quantification des objectifs. Il n'y a pas beaucoup d'objectifs quantifiés, mais c'est fait de manière simple et claire. On voit bien quels résultats ils veulent atteindre.

La région Bretagne est moins avancée que je ne l'espérais. Elle a cependant utilisé les travaux nationaux comme modalités d'appui, en laissant pour le complément de programmation le soin de concrétiser les objectifs. A ce stade, ce n'est pas encore fait, mais il semble qu'il y a eu une concertation suffisante probablement entre la déléguée régionale aux droits des femmes, le SGAR, et la cellule Europe.

Mme Danielle Bousquet : Dans la mesure où nous avons été consultés, nous avons effectivement participé à toute la partie théorique, mais à aucun moment nous n'avons apporté de fiches techniques et opérationnelles. Ce n'était pas notre rôle.

Mme Marie-Thérèse Boisseau : Dans quel cadre avez-vous été consultés ?

Mme Danielle Bousquet : Par le préfet de région.

Mme Marie-Thérèse Boisseau : A quel niveau ?

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : En tant que députée, mais cela ne s'est pas fait dans toutes les régions.

Mme Danielle Bousquet : J'ai répondu sur la partie théorique, mais pas sur les fiches opérationnelles. Je l'ai fait en relation avec la déléguée régionale aux droits des femmes.

Mme Marie-Thérèse Boisseau : C'est une démarche du préfet ?

Mme Danielle Bousquet : J'ai été interrogée par mon préfet de département pour le compte du préfet de région.

Mme Marie-Thérèse Boisseau : J'essaie de comprendre comment sont élaborés les DOCUP.

Mme Martine Lévy : Le document est élaboré sous la responsabilité du préfet, par le SGAR, et la cellule Europe.

Le préfet est comptable du résultat. Le document est remis à la DATAR, qui juge s'il peut ou non être transmis à la Commission européenne. Il y a des exigences de partenariat très différentes selon les régions. En effet, les systèmes d'acteurs sont très hétérogènes, les relations Etat-collectivités, les zonages, les rapports avec les professionnels sont différents. Donc, chaque région est un peu unique dans sa manière d'organiser les partenariats.

Nous avons été frappés par l'élaboration plus participative de ces DOCUP, compte tenu des délais imposés.

Le DOCUP de la région Centre se caractérise par la qualité et la clarté du rapport de synthèse sur la mise en _uvre du principe d'égalité.

Le DOCUP de la région Picardie se caractérise par une bonne utilisation du FEDER. Ils ont considéré que l'égalité des chances en matière d'emploi et de formation devait se faire principalement dans le cadre de l'objectif 3 avec le FSE. Mais, ils ont essayé, dans le cadre de l'objectif 2, d'utiliser le FEDER pour faire toute une série d'aménagements d'équipements.

Avant de terminer mon propos, je souhaiterais indiquer que, s'agissant de l'objectif 3 du FSE, qui concerne l'ensemble des régions et qui complète l'objectif 2, il y a des progrès par rapport aux années 1994. Un axe spécifique est consacré à l'égalité des chances et obtient 4,9 % des crédits. Ce principe est également intégré dans tous les axes prioritaires.

Mme Nicole Bricq : Je vais faire des remarques générales, car je n'ai aucune qualification pour parler de mon expérience régionale. Ma région représente 1/5 de la population française, mais n'est pas éligible -mis à part quelques zones spécifiques- aux fonds structurels de l'objectif 2.

Vous avez rappelé que ces fonds étaient une source de financements importants pour la France : 195 milliards d'euros, soit 1 170 milliards de francs environ, sont consacrés par l'Union européenne à ces fonds structurels, ce qui est presque équivalent au budget de la France (1 800 milliards de francs).

J'ai lu avec intérêt une intervention, que vous aviez faite en 1999, selon laquelle l'approche horizontale nécessitait une grande rigueur et pouvait comporter un risque de dilution. Quelle est aujourd'hui votre appréciation de la situation ?

Vous avez présenté une vision positive de l'élaboration de cette nouvelle génération de DOCUP. Je voudrais vous poser une série de questions concernant la mobilisation de ces importants financements. Je n'ai pas une vision aussi détaillée que la vôtre, mais j'ai examiné quelques grandes régions.

Concernant l'élaboration du diagnostic, vous dites qu'il y a un progrès intéressant dans cette génération de DOCUP. Toutefois, on constate dans ce processus d'élaboration un vrai défaut d'information.

(S'adressant à Mme Marie-Thérèse Boisseau). Vous êtes vice-présidente du Conseil régional...

Mme Marie-Thérèse Boisseau : Et même la première vice-présidente.

Mme Nicole Bricq : Et vous venez, semble-t-il, de découvrir le problème...

Cela prouve que, y compris dans les instances politiques, il y a défaut d'information. Imaginez ce que cela peut être vis-à-vis des femmes qui sont dans les associations ou des femmes qui veulent créer leur entreprise ! Là, il y a un vrai problème de démocratisation du processus d'élaboration.

En France, dans une procédure complexe comme la mise en _uvre des 35 heures, l'aide au conseil, c'est-à-dire la manière d'aider les gens à formuler leur projet, a été efficace. Une aide de ce genre est-elle prévue pour les fonds structurels européens ?

En ce qui concerne les synergies avec les politiques nationales, il apparaît que l'amélioration de la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale est assez absente du premier plan national français pour l'emploi. J'ai consulté sur Internet ce qui se faisait en Ile-de-France. J'ai constaté que, dans certaines villes, ce point était pris en compte, notamment pour les femmes qui ont des horaires difficiles ; c'est le cas en Seine- Saint- Denis et dans les Yvelines. C'est un point positif. En revanche, il n'y a, semble-t-il, rien concernant la liaison entre les filières de formation des filles et l'Education nationale.

Je pense qu'il faudrait faire un certain nombre de recommandations aux Etats membres. Cela suppose une vision économique du problème et pas uniquement une vision sociale, trop souvent admise quand on parle des femmes. Pour d'autres politiques, on utilise le biais de la fiscalité ou de la baisse des charges ; on l'a fait pour les zones franches, ce que Bruxelles a très bien accepté. Cela représente un financement de quelques milliards. Pourquoi n'inciterait-on pas les Etats membres à développer des politiques spécifiques pour les femmes ?

Vous avez parlé des indicateurs de réussite, ce que l'on appelle les mécanismes d'évaluation des actions. Il faut, à un moment donné, faire le bilan de ces actions, car elles représentent beaucoup d'argent. Appartenant à la commission des finances, de l'économie générale et du plan, j'essaie toujours de voir où va l'argent et quelle est son efficacité, car ce sont des deniers publics.

Vous avez parlé de la création d'activités, d'entreprises. Je pense qu'il faut absolument avoir aussi une batterie d'indicateurs économiques et qu'il faut réfléchir à la prise de décision des femmes dans la vie économique. C'est la dernière bastille qui reste à prendre, celle du pouvoir économique.

Mme Martine Lévy : Quelques points de clarification.

Ce ne sont pas les fonds structurels qui vont changer la situation des femmes ; ils ne sont pas ciblés pour changer la situation des femmes, mais pour assurer une plus grande cohésion économique et sociale sur le territoire avec et pour les femmes. L'ensemble de l'action intègre les femmes, ce qui n'est pas la même chose. Il ne s'agit pas de mettre en place une politique et une stratégie pour les femmes.

Ce ne sont pas de grandes politiques nationales, ce sont des programmes portés par des acteurs territoriaux publics et privés. En fait, les acteurs privés participent peu, car on a une espèce d'OPA des secteurs publics - Etat, collectivités locales et autres acteurs parapublics - sur ce type d'intervention. Ce sont des programmes. Il y a une différence entre l'exécution et la mise en _uvre des programmes. Les DOCUP sont des documents stratégiques pour l'essentiel, des documents de programmation. Ce ne sont pas à proprement parler des documents qui vont définir le détail des modalités opérationnelles de chacune des actions.

On demande à un DOCUP d'être l'émanation de ses partenaires, ce qui soulève le problème de partenariat que vous avez indiqué. Suivant les régions, les choses se sont passées de manière différente. Dans certaines régions, vu le travail qui avait déjà été fait de manière concertée pour le contrat de plan, les différents partenaires ont repris les points d'accord sur les grands axes prioritaires. D'autres régions ont saisi la possibilité qui leur était offerte de financer les travaux d'évaluation et de préparation des diagnostics territoriaux pour faire de l'animation territoriale et élargir la participation des acteurs. Toutes ne l'ont pas fait et toutes ne sont pas dans un système qui facilite leur action.

Mme Marie-Thérèse Boisseau : Dans votre esprit, quels sont les différents partenaires régionaux ?

Mme Martine Lévy : Le conseil régional et les départements.

Le conseil régional va coprésider les comités de suivi et les comités de programmation. Le Gouvernement a pris cette décision le 1er septembre dernier. Il y a donc une nouvelle responsabilité partagée.

Les conseils généraux, les maires des grandes villes des zones éligibles aux fonds structurels sont également des partenaires. Tous les acteurs d'une région ne le sont pas nécessairement, puisque les fonds de l'objectif 2 ne concernent que certaines zones. Il appartient au préfet de savoir quelles sont les personnes à consulter.

D'après les observations que j'ai pu faire depuis une dizaine d'années que je suis à la DATAR, l'Ouest de la France est beaucoup plus coopératif que les régions du Sud-Est. Mais, il peut y avoir des exceptions.

Mme Muguette Jacquaint : Vous avez dit qu'il y avait une amélioration depuis 1998 dans la prise en compte par les DOCUP de l'égalité des chances. J'ai été consultée sur le DOCUP de ma région, car je suis responsable aux affaires économiques et à l'urbanisme de ma ville.

On constate des améliorations, mais il en faut d'autres. Il faut également donner des consignes car cela n'a pas fonctionné partout de la même manière.

Mme Martine Lévy : Les consignes sont toutes les mêmes, mais elles ne sont pas traitées de la même manière.

Mme Muguette Jacquaint : Interrogeons-nous pour savoir si partout il y a la même volonté. L'Ile-de-France est une très grosse région, qui n'est concernée par l'objectif 2 que dans quelques zones (Gennevilliers, la Seine-Saint-Denis). Pour bénéficier des fonds structurels dans le cadre de l'objectif 2, nous avons été consultés. Cela ne suffira pas à régler la situation des femmes aujourd'hui, mais c'est un bon outil et un moyen qu'il faut apprendre à utiliser.

Mme Martine Lévy : Ce qui m'a le plus frappé en 1996/1997, au moment des premiers DOCUP de l'objectif 2, c'est la perte très forte de la connaissance régionale. Il a fallu travailler dans un contexte où il n'y avait plus de légitimité politique réelle affirmée au plus haut niveau. On était dans une situation de perte de connaissance, de non-visibilité des situations et de non-légitimité de l'action spécifique. C'est pourquoi, même dans les régions où les partenariats sont insatisfaisants, il y a eu des progrès car l'on essaie d'avoir une approche plus économique, d'avoir un autre regard et de faire autrement du développement durable.

Mme Nicole Bricq : Mais cela nécessite une politique nationale dans certains domaines. Je suis pour la décentralisation et la déconcentration ; il faut cependant un lien entre la politique structurelle européenne et la politique nationale.

Mme Martine Lévy : Cela commence à évoluer.

Mme Nicole Bricq : Ce n'est pas devenu une priorité de la France. Il y a certes des initiatives intéressantes, mais ponctuelles.

Mme Martine Lévy : Il est vrai qu'il est nécessaire que s'exprime une volonté politique forte dans ces domaines.

S'agissant de l'égalité des chances, on constate une méconnaissance technique et la crainte d'une plus grande complexité dans un système déjà fort complexe à mettre en _uvre.

L'ensemble des responsables, qu'ils soient femmes ou hommes, ne sont pas prêts à assumer des charges supplémentaires sur le territoire pour assurer l'égalité entre hommes et femmes. En revanche, ils le feront, s'ils peuvent voir ce que cela leur apporte et en quoi cela facilite l'atteinte des objectifs qui sont les leurs dans le cadre du développement économique. Ainsi, les réponses qu'ils vont offrir aux femmes sur les problèmes d'emploi vont permettre de lever toute une série de difficultés. C'est par ces mécanismes indirects que l'on arrive à donner de bonnes habitudes. C'est très long et difficile. Ce n'est jamais gagné d'avance.

Mme Nicole Bricq : Quand on parle de la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, on retrouve le débat sur l'allocation parentale d'éducation... On sait bien que c'est une trappe à sous-emploi. Il faut donc une politique volontariste dans ce domaine pour faciliter l'emploi des femmes ; tous les autres accompagnements, crèches, etc ... ne sont pas suffisants. Cette conciliation entre vie professionnelle et vie familiale sera difficile tant que l'on continuera à avoir des systèmes dont on sait statistiquement qu'ils pénalisent à un moment donné les femmes pour retrouver un travail. Citons par exemple : la fiscalité, les charges sociales, ce fameux congé parental ou les aides au foyer.

Ces difficultés ne sont pas propres à la France, on les retrouve aussi en Allemagne.

Mme Martine Lévy : C'est déjà important que, sur un territoire régional, il y ait une réflexion, une connaissance des populations du territoire, et pas seulement des grands paramètres. Cela permet de parler non pas de femmes abstraites, mais de femmes différentes, ayant des conditions de vie différentes, dans des lieux divers.

En ce qui concerne le risque de dilution, les SGAR nous ont demandé s'il était suffisant de mentionner simplement les femmes ou l'égalité. On leur a expliqué et on n'aura donc plus ce que l'on a eu en 1997, c'est-à-dire seulement une petite mention concernant les femmes.

Cela ne signifie pas toutefois que ce principe ne sera pas mis en _uvre dans un certain nombre de mesures. En effet, même si le partenariat est insuffisant au moment de l'élaboration du DOCUP, il appartient ensuite aux différents partenaires de se mobiliser pour sa mise en _uvre.

Le document stratégique (le DOCUP) est étudié par Bruxelles qui va l'améliorer et le finaliser. Mais un complément de programmation, dont les partenaires régionaux ont la maîtrise, va être ensuite élaboré.

Il faut, en effet, bien distinguer ces deux documents.

Le DOCUP, c'est un document de programmation et de planification stratégique. C'est le bilan de ce que l'on a fait dans le passé, un diagnostic, une stratégie, des axes prioritaires d'intervention avec une quantification des objectifs, des grands types de mesures et d'actions qui vont être mobilisées pour atteindre ces objectifs, et des tableaux financiers. C'est, en fait, un document de cadrage.

Le complément de programmation, c'est le descriptif détaillé, opérationnel, mesure par mesure, des types d'actions qui vont être financées, des conditions dans lesquelles vont être financés les bénéficiaires potentiels, des publics éligibles ; on y trouve de manière concrète le montant relatif des divers financements, les critères de sélection des opérations, les indicateurs de réalisation et de résultats.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Dans certaines régions françaises, on n'a peut-être pas bien participé à l'élaboration du DOCUP en ce qui concerne l'égalité des chances. En revanche, en insistant auprès des préfets de région ou des présidents de conseils régionaux, il sera possible de se rattraper et de participer à l'élaboration du complément de programmation.

Mme Marie-Thérèse Boisseau : On peut déjà rectifier le tir au niveau du document stratégique.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Vous ne pourrez intervenir au niveau du document stratégique qu'au vu des observations de la Commission européenne.

Mme Martine Lévy : La Commission est en train d'examiner les documents. Les observations de la Commission, qui seront transmises au mois de juin, seront diffusées aux grands partenaires, au conseil régional, aux départements, à tous ceux qui ont fait partie du partenariat lors des précédentes réunions.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Comme vous l'avez très justement rappelé, il y avait coïncidence des calendriers pour la préparation des contrats de plan et des DOCUP. Je pense cependant que les préfets de région et les SGAR pouvaient se donner les moyens d'organiser le partenariat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau : Donc, aujourd'hui, Bruxelles va renvoyer aux régions, c'est-à-dire aux SGAR et aux principaux responsables, des observations sur cette ébauche de documents stratégiques que sont les DOCUP.

Mme Martine Lévy : Si vous êtes élue régionale, il n'y aura pas de problème. En tant que vice-présidente, vous pouvez demander à la secrétaire de votre président de vous transmettre le document. C'est un problème de circulation interne dans votre conseil.

Le complément de programmation est en train d'être élaboré au niveau régional par le préfet et les différents acteurs. Le DOCUP sera approuvé en septembre/octobre. La finalisation du complément de programmation dépend de l'accord de la Commission européenne sur la maquette financière, et sur le contenu du DOCUP. On ne peut pas prévoir des mesures en contradiction avec ce qui est prévu dans les objectifs. Il y a une cohérence à assurer. Le complément de programmation ne peut pas être approuvé par le comité de suivi avant que le DOCUP ne soit approuvé, sinon juridiquement, du moins avant que la Commission ne se soit prononcée favorablement.

Mme Marie-Thérèse Boisseau : Cela me paraît assez logique.

Mme Martine Lévy : Certains ont un esprit plus pratique et commencent par construire les actions que l'on pourrait appeler complément de programmation et, à partir de là, remontent vers la définition des objectifs. Les approches sont très différentes. Certaines régions ont déjà quasiment bouclé leur complément de programmation et d'autres en sont plutôt à des ébauches ; cela dépend de leur fonctionnement.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Certains DOCUP ont déjà dû être revus, car ils manquaient de réflexion stratégique ; ils prévoyaient déjà des mesures et des actions.

Mme Martine Lévy : Ils ressemblaient trop aux DOCUP de l'ancienne génération, dans lesquels la stratégie et les actions étaient mêlées. Aujourd'hui, il y a deux documents. L'intérêt de cette formule est d'obliger à faire une réflexion stratégique plus approfondie. C'était la faiblesse de nos programmes précédents. Désormais, les mesures et le complément de programmation sont de la seule responsabilité des partenaires régionaux ; la Commission n'a plus à se prononcer à chaque fois que l'on modifie quelque chose.

Mme Nicole Bricq : En Aquitaine, par exemple, on trouve, parmi les partenaires, les participants à la Commission Régionale d'Aménagement du Territoire (CRADT). Or, ils ne sont pas forcément concernés.

Mme Martine Lévy : Non, mais ils ont été consultés car ils ont des responsabilités dans le développement et l'aménagement du territoire ; ils sont donc directement concernés, de même que pour les contrats de plan.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Le nombre des programmes d'initiatives communautaires (PIC) a été réduit à quatre. Un programme concerne directement les femmes, c'est le programme EQUAL de lutte contre les discriminations.

Mme Martine Lévy : La communication de la Commission sur les PIC n'est pas publiée. Il y a donc un problème de base juridique.

En effet, pour que l'on puisse élaborer concrètement un programme, il faut un fondement juridique précis. Pour les programmes des objectifs 1, 2 et 3, c'est le règlement du 21 juin 1999. Pour les programmes d'initiative communautaire, c'est une communication de la Commission publiée au Journal Officiel qui est un document prescriptif. Il semble qu'elle sera publiée en juin prochain.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Nous avions bénéficié, dans la génération précédente, du programme NOW, qui permettait d'identifier très clairement des actions spécifiques envers les femmes. Une de nos craintes aujourd'hui, c'est la dilution dans le programme EQUAL.

Mme Martine Lévy : Pas nécessairement. Il y aura certainement un axe égalité des chances hommes/femmes dans le programme EQUAL. La vraie difficulté sera qu'EQUAL concernera des projets de grande taille, liés à des accords et à des partenariats transnationaux. Il y aura certainement des actions en faveur de l'égalité des chances. Quelle sera leur part relative à ce stade ? C'est trop tôt pour le dire.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Le problème de la taille des projets que vous soulevez préoccupe également les grandes associations, qui nous disent qu'il faudra qu'elles aient une assise financière suffisamment solide, et plus solide même qu'auparavant.

Mme Martine Lévy : Ce sera mieux ainsi.

Les fonds structurels sont difficiles à gérer, car les complexités juridiques communautaires se superposent aux complexités nationales. Ces fonds qui proviennent d'argent public ne sont pas fait pour les associations de base. Cela ne leur est possible que si elles ont des supports nationaux qui financent la contrepartie et font des préfinancements. Autrement, c'est très périlleux. Cette réflexion est le fruit de mon expérience de dix années.

Dans l'objectif 3, une mesure d'initiative locale va permettre aux associations, par le biais de subventions globales données à des intermédiaires, de recevoir l'argent plus vite.

Pour les PIC, il y aura des intermédiaires solides auprès desquels les associations ou les initiatives locales pourront émarger.

Il faut être cohérent. On ne peut pas dire que l'on renforce la rigueur de la gestion budgétaire communautaire et la rigueur du suivi de l'exécution financière, et demander aux petites structures qui peinent pour avoir une comptabilité de remplir l'ensemble des exigences imposées aux structures publiques qui ont du mal à y répondre. On évolue vers la mise en place de systèmes dans lesquels des intermédiaires prendront en charge la gestion financière pour le compte de ces associations.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Des structures associatives nationales ?

Mme Martine Lévy : Il faut des structures publiques. Il s'agit d'argent public. La rigueur se renforce, c'est à la fois satisfaisant et normal, mais en même temps cela crée des contraintes. Les réformes que le Gouvernement vient d'adopter pour accélérer les circuits financiers, n'exonèrent d'aucune des contraintes, au contraire elles en ajoutent. Les contrôles, plus informatisés, vont être multipliés par dix pour cette génération de fonds structurels par rapport à la précédente.

Les fonds structurels ne sont pas faits pour un certain nombre de projets qui peuvent être financés plus simplement par les fonds nationaux.

Je sais ce qui va être imposé en termes de contrôle et de gestion financière. Votre préoccupation est satisfaite pleinement. Avec les préfets, il n'y a pas d'inquiétude à avoir. Cela marche. Il faut en tirer les conséquences. Il faut un système d'organisation qui permette un choix intelligent du ciblage des actions.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Je crains que même des associations nationales aient du mal à y accéder.

Mme Nicole Bricq : Je voudrais vous faire passer un message. Je suis profondément européenne. Comme vous le savez, ce n'est pas très facile. L'euroscepticisme est quelque chose de bien répandu. Or, cette politique structurelle communautaire est une politique assez intelligente, qui va dans le sens de l'histoire. Nous sommes des femmes qui nous intéressons à la vie politique, puisque nous sommes parlementaires et que certaines d'entre nous sont élues locales. Comment voulez-vous rendre ces mécanismes populaires et lisibles ?

Vous mettez en _uvre des politiques publiques. Je trouve d'ailleurs intelligent de faire ce que les Anglais appellent du "bottom-up", c'est-à-dire de faire remonter des projets. Ils correspondent à des projets locaux de développement sur un territoire donné. Je suis profondément régionaliste, et cela ne me choque pas du tout.

Voilà l'exemple d'une politique pourtant extrêmement importante, qui plus est onéreuse, et qui est cependant inconnue de certaines des participantes à la réunion !

Mme Martine Lévy : Cela m'étonne parfois.

En tant que déléguée régionale de la DATAR dans la région Poitou-Charente, j'ai constaté qu'il fallait une politique systématique d'information de l'ensemble des élus pour les sensibiliser à ce qu'est l'Europe.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Il faudra être très vigilantes au moment de la publication des observations de Bruxelles.

En résumé, en tant que parlementaires, nous devons :

- regarder ce qui est mis en place dans nos régions, car nous sommes comptables de ce devenir, même sans être conseiller régional,

- faire remonter nos observations dès maintenant ; même si c'est trop tard pour les projets de DOCUP qui ont été transmis à Bruxelles, elles pourront conforter celles qui seront transmises par Bruxelles aux régions et elles seront utiles pour le complément de programmation.

Mme Marie-Thérèse Boisseau : Peut-on avoir connaissance des DOCUP des autres régions ?

Mme Martine Lévy : Je ne peux pas vous les transmettre.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Je peux solliciter officiellement, au nom de la Délégation, un certain nombre de parlementaires, membres de cette Délégation, et leur demander leur avis sur les DOCUP de leurs régions de façon à permettre un échange d'informations.

Mme Marie-Thérèse Boisseau : J'aimerais avoir connaissance des neuf DOCUP les plus intéressants, pour nourrir ma réflexion personnelle et mieux appréhender la démarche.

Mme Muguette Jacquaint : Il existe également à l'Assemblée nationale une Délégation à l'Aménagement du territoire qui pourrait contribuer à l'information sur les politiques structurelles communautaires.

Mme Martine Lévy : Les fonds structurels sont souvent considérés comme des tiroirs-caisses. Il est important que les DOCUP soient de véritables documents stratégiques pour chaque région.

Mme Nicole Bricq : Une meilleure connaissance du mécanisme des interventions structurelles communautaires auraient incité les femmes députées à participer au débat sur la réforme des fonds structurels et à défendre la politique européenne en la matière.

Mme Martine Lignières-Cassou : En conclusion, il y a donc un travail individuel à réaliser dans chaque région et il y a également un travail à mener, peut-être en collaboration avec la nouvelle Délégation à l'Aménagement du territoire, pour assurer la mise en _uvre du principe de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes par l'intermédiaire des fonds structurels.

C. AUDITION DU PROFESSEUR BERNARD GLORION, PRÉSIDENT DU CONSEIL NATIONAL DE L'ORDRE DES MÉDECINS, LE 14 NOVEMBRE 2000

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui le professeur Bernard Glorion, ancien interne des hôpitaux de Paris, professeur des universités, chef du département de chirurgie pédiatrique du CHU de Tours pendant vingt ans et président du Conseil national de l'Ordre des médecins depuis 1993.

Vous venez de publier un livre : "Quelle médecine au XXIème siècle ? Il est temps d'en parler..." qui pose des questions fondamentales concernant la médecine et les médecins de demain. Vous y abordez entre autres, la réforme de l'enseignement médical, les défis technologiques et scientifiques auxquels sont confrontés les médecins, ainsi que les enjeux éthiques, en évoquant plus particulièrement la prise en compte de la fin de vie et du statut de l'embryon.

Notre Délégation vient d'adopter des recommandations sur le thème de l'IVG et de la contraception dans le cadre d'un rapport sur le projet de loi déposé par Mme Martine Aubry. Le débat sur ce texte est fixé aux 29 et 30 novembre prochain. Nous souhaiterions donc connaître votre appréciation sur l'ensemble du projet gouvernemental.

Puis, nous pourrons aborder d'autres questions qui ne sont pas strictement liées au projet gouvernemental, par exemple le problème de la stérilisation.

Professeur Bernard Glorion : Les propos que je vais tenir devant votre Délégation ne s'écarteront certainement pas de ceux tenus par mon collègue, le professeur Claude Sureau. En effet, l'Académie de médecine et le Conseil national de l'Ordre ont pour habitude, sur des problèmes de santé et de médecine, d'échanger leurs points de vue, l'Académie de médecine insistant plus sur les aspects scientifiques et le Conseil national de l'Ordre sur les aspects comportementaux et déontologiques.

Ma première remarque sur le projet de loi qui a été présentée par Mme Martine Aubry et qui a pour objet la prolongation du délai d'IVG sera la suivante. Il est, bien entendu, hors de question de discuter le principe lui-même, car la loi sur l'interruption volontaire de la grossesse, votée en 1975, avait pour objectif d'aller au secours d'un certain nombre de femmes qui se trouvaient en situation difficile ou de détresse.

Malheureusement, non seulement ces situations existent toujours, mais nous nous sommes aperçus qu'en raison de la brièveté du délai et pour d'autres raisons multiples et variées, lorsque certaines femmes se présentaient dans des centres d'orthogénie, elles n'étaient pas acceptées, car elles avaient dépassé le délai légal. Leur seul recours était donc de se rendre dans des pays étrangers voisins.

Il faut donc permettre à ces femmes d'accéder à l'IVG. C'est pourquoi j'insiste sur le fait que le Conseil national de l'Ordre des médecins n'émet aucune objection ou opposition quant à la prolongation du délai.

Le problème qui se pose concerne les problèmes médicaux que cet allongement du délai peut générer. J'ai fait toute ma carrière en qualité de chirurgien pédiatrique et chef d'un département de chirurgie pédiatrique. J'ai donc eu le bonheur d'être en contact avec des enfants qui ne souffraient pas de maladies trop graves, car j'ai été principalement confronté à des problèmes de type orthopédique. Je n'ai donc aucune expérience personnelle de la prise en charge des femmes enceintes, ni de la situation dans laquelle elles se trouvent face à l'IVG, ni des problèmes que peut leur poser une telle intervention.

J'ai eu connaissance du rapport de l'ANAES, demandé par Mme Martine Aubry. Il est certain que lorsque l'on passe d'un délai de dix à douze semaines de grossesse, on se trouve paradoxalement dans une situation très différente, puisque les techniques d'IVG utilisées ne sont pas les mêmes. Nous souhaitons souligner publiquement que les femmes doivent être informées que cette IVG, passée la dixième semaine, va devenir un acte médical différent de celui qui est fait auparavant. Il nécessite un environnement particulier, des conditions matérielles et des moyens, ainsi que du personnel formé.

Cet allongement ne fait pas obstacle à la réalisation de l'acte, mais il convient, dans un esprit de transparence et de franchise, d'informer les femmes des changements que cela suppose. De plus, des moyens doivent être mis à disposition, dans les centres d'IVG, afin que les interventions aient lieu dans les meilleures conditions possibles.

Plus on avance dans la grossesse, plus une IVG risque d'entraîner des complications. Il faut savoir les prévoir et faire en sorte que cet acte ne soit pas générateur de complications. Il est indispensable d'insister sur ce point, car certains considèrent cet allongement de deux semaines comme ayant peu d'importance. Or, selon les accoucheurs et les embryologistes, cette période semble être déterminante dans la croissance.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Nous reviendrons sur ce point dans le cours du débat, car nous avons entendu de nombreux avis divergents de la part d'accoucheurs ou de gynécologues-obstétriciens. La Délégation a d'ailleurs auditionné le professeur Charles Roux, embryologiste, afin de savoir à quel moment se fait le passage de l'embryon au f_tus - il semblerait que ce soit à huit semaines - et si l'on observe des sauts qualitatifs importants entre dix et douze semaines.

En fait, le développement se fait dans un continuum et, au cours des sept mois de grossesse qui restent, on observe en permanence des progrès quantitatifs et qualitatifs. Toutefois, il est difficile d'affirmer, que c'est à huit, dix ou douze semaines qu'un processus se termine et qu'un autre commence. On n'observe pas de saut qualitatif particulier entre dix et douze semaines.

Professeur Bernard Glorion : Je vous ai indiqué que je ne rentrerai pas dans ce débat. Je ne me suis pas placé sur le plan de l'embryologie, mais sur celui de la femme, qui ne doit pas subir le préjudice d'une IVG faite dans des conditions qui ne soient pas bonnes. Mon intervention se situe sur le plan d'une intervention médicale ou chirurgicale. Dès lors qu'il y a dilatation du col et qu'il faut procéder à un curetage, la situation est différente. J'ai gardé de mes années d'internat un mauvais souvenir des curetages dus aux avortements criminels. Chaque garde en pratiquait sept ou huit dans des conditions épouvantables.

Il est certain que la grossesse se situe dans un continuum. L'embryon devient f_tus et grandit très régulièrement. Il n'est donc pas le même à la huitième semaine et à la dixième. Toutefois, l'élément sur lequel je suis catégorique est que la prolongation du délai d'IVG doit s'accompagner d'une vigilance et d'une mise à disposition de moyens qui doivent éviter toute complication.

Si je me réfère à la déontologie médicale, dont je suis le garant, l'IVG, comme tout acte médical, doit être pratiquée dans des conditions très précises, à la fois scientifiques et matérielles. Il ne faut pas prendre de risques inutiles, sinon la femme doit en être informée. Dès lors qu'elle se présente dans les délais prévus par la loi, elle doit être informée des risques encourus. Si certaines informations lui ont laissé entendre que c'est un acte tout à fait simple, il faut l'informer que, dans ces conditions, cet acte n'est peut-être plus aussi simple.

Je tiens à souligner, avec beaucoup de conviction, à l'occasion de ce débat, que l'IVG est une situation d'échec qu'on ne devrait pas, dans notre société, accepter aussi facilement. En effet, on oublie trop la contraception. Pourquoi pratique-t-on encore deux cent mille IVG par an, alors que scientifiquement, socialement et médicalement, on sait que la contraception orale est très performante, qu'elle ne génère pratiquement aucune complication et que ses contre-indications sont limitées ?

A propos de contre-indications contraceptives et puisque vous avez mentionné la stérilisation, je voudrais vous rappeler que nous avons obtenu, avec le professeur Claude Sureau, une modification du texte concernant la stérilisation. Les femmes, qui ne peuvent bénéficier de la contraception orale, peuvent avoir recours à la contraception mécanique, pour un motif médical et non plus thérapeutique. Notre souci, dans la maîtrise de la reproduction, est donc d'utiliser les moyens les plus simples, tout en étant les plus efficaces et les moins invasifs pour les femmes. Or, l'IVG ne fait pas partie de ces moyens simples.

Je voudrais insister - et je le ferai publiquement - sur le fait qu'il est très bien de donner la possibilité aux femmes de pouvoir faire une IVG lors d'une grossesse non désirée dans des conditions dramatiques. Etant père de six enfants, ce sujet m'a toujours intéressé. Je suis de la génération qui a connu la période de pré-contraception. Je suis très attaché à la mise en place d'une maîtrise de la reproduction, mais dans des conditions qui, pour les femmes, soient plus acceptables que l'échec représenté par une IVG. C'est ma perception en tant qu'homme, mais les hommes ne sont pas les mieux placés pour percevoir ce problème propre aux femmes.

La notion de contraception orale doit être introduite très tôt dans l'éducation sanitaire et sexuelle des jeunes filles. Elle doit l'être notamment s'agissant des mineures.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Un des n_uds principaux du débat tourne autour du risque d'eugénisme. Avez-vous une réflexion à nous apporter sur ce sujet ?

Professeur Bernard Glorion : Dans le cadre de ma spécialité, j'ai été amené à accompagner des mères dont les enfants étaient porteurs de malformations congénitales décelées par échographie au cours de la grossesse. On peut aider ces mères à ne pas prendre la décision d'une IVG lorsque sont décelées des anomalies congénitales très importantes, mais curables.

Bien entendu, on pourra toujours me rétorquer que je ne sais pas ce que c'est que d'avoir un enfant mal formé ; néanmoins j'en ai soigné un grand nombre. Interrompre la grossesse, sous prétexte que l'enfant a un doigt surnuméraire ou un pied déformé, mérite réflexion. La chirurgie permet la correction de quantité d'anomalies. Si on va trop loin, il y a alors des risques d'eugénisme.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Vous vous situez bien dans le cadre de l'IMG, dans les cas de malformations du f_tus et de la zone d'incertitude qu'il y a entre l'incurable et le curable ?

Professeur Bernard Glorion : Deux facteurs importants sont à prendre en considération : l'incertitude et l'obligation d'information.

S'agissant de l'incertitude, on a parfois des surprises. On sait que le pourcentage des faux positifs ou des faux négatifs est très important dans l'échographie f_tale, technique qui nécessite une grande habitude. C'est pourquoi j'ai demandé que les échographies f_tales ne soient effectuées que par des spécialistes.

Chaque année, lors du congrès de la société de médecine f_tale, auquel je suis régulièrement invité, ces sujets très importants font l'objet de débats. En effet, annoncer à une mère l'existence d'une malformation qui n'existe pas ne revêt pas le même caractère de gravité que lui annoncer qu'il n'y a pas de malformation alors qu'il y en a une.

S'agissant de l'obligation d'information, c'est une situation très difficile sur laquelle on ne peut légiférer. Par exemple, pour protéger l'enfant mal formé que l'on sait pouvoir traiter, doit-on l'annoncer à la mère qui va immédiatement demander une IVG ? Les médecins, confrontés à cette situation, ont le sentiment que les décisions doivent se prendre au cas par cas, avec un dialogue franc avec les parents et une volonté de les accompagner.

Je me souviens d'enfants ayant des anomalies décelées aux alentours de six mois. Je rencontrais régulièrement la mère, je lui expliquais ce que je ferai à la naissance, comment l'enfant serait appareillé, voire lui montrait un enfant victime d'une anomalie similaire. Cela permet de sauver des enfants désirés et de ne pas prendre le risque d'interrompre une grossesse, sans savoir si la suivante sera assurée.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Selon vous, le diagnostic prénatal n'est donc pas un simple geste technique ?

Professeur Bernard Glorion : Non, c'est un engagement très fort à la fois pour le médecin, la mère et la famille. Encore une fois, autant dans le cas d'un enfant que l'on dépiste comme anencéphale, je n'aurai aucune arrière-pensée, autant un enfant qui a un pied bot peut être opéré. Certains des enfants que j'ai opérés sont devenus des joueurs de football et sont très heureux dans la vie.

Même si parfois des enfants handicapés contestent le fait que leurs parents ont accepté de les faire vivre, ces enfants-là avaient le droit de vivre et de vivre bien. Si l'on suppose que la mère n'ait eu que deux enfants, dont il était le deuxième, qu'on le prie de s'en aller et qu'il n'y ait plus d'autres grossesses par la suite, je considère que c'est grave. Nous sommes là au c_ur du problème.

Il convient de repenser la place du diagnostic anténatal, dont les parents doivent être informés des incertitudes et des insuffisances. Dans ce diagnostic, qui appartient en premier lieu aux parents, le médecin doit néanmoins montrer sa volonté d'éclairer, d'accompagner et d'éviter une prise de décision trop rapide.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Ces réflexions se développent parmi les échographistes.

Professeur Bernard Glorion : Les inquiétudes sont médico-légales en termes de responsabilité. Pour le bien de l'enfant et de la mère, on commence à avoir certaines notions qui permettent de dire ce qui est bon, mais il y a un risque majeur d'erreur par défaut. Cela débouche alors parfois sur des procédures, douloureuses pour les médecins, qui sont accusés de ne pas avoir vu l'anomalie ou informé les parents de celle-ci. Parfois les médecins se sont tus pour le bien de l'enfant et de la mère.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Dans certains cas aussi parce qu'ils ne sont pas compétents.

Professeur Bernard Glorion : C'est pourquoi j'ai insisté sur la compétence et la différence entre l'échographiste généraliste et l'échographiste f_tal. Ces derniers sont souvent des gynécologues ou des pédiatres qui se sont consacrés à l'échographie. Je maintiens - et j'en suis convaincu - qu'il faut être très sévère sur la qualité des échographistes car les renseignements donnés sont très importants pour les mères.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Vous vouliez nous parler des mineures.

Professeur Bernard Glorion : S'agissant de l'IVG, on imagine bien que c'est une situation dramatique pour une mineure de 14 ou 15 ans d'annoncer à ses parents qu'elle est enceinte. Il n'est pas nécessaire d'y ajouter des conflits durs. Le fait que la loi prévoit la possibilité d'avoir recours à un majeur me paraît la sagesse.

Une jeune fille peut se confier à un membre de sa famille, à une amie plus âgée qu'elle ayant peut-être eu une telle expérience. Néanmoins, il est certain qu'elle aura besoin de se confier à quelqu'un et qu'elle ne pourra pas rester seule dans cette aventure. Ce sont surtout les plus jeunes, celles qui ont 13 ou 14 ans, qu'il faut accompagner.

C'est une modalité qu'il faut accepter, car l'annonce d'une grossesse aux parents peut détruire une famille ou, au contraire, resserrer les liens, si les parents ont bien accompagné leur fille.

Il convient de prévoir, dans le dispositif légal, que l'IVG peut avoir lieu si la jeune fille en manifeste le désir et s'en ouvre à une tierce personne. Il existe pour les mineures le délai de réflexion et la consultation préalable. Elle peut se confier à un médecin, mais l'intervention d'une tierce personne, qui soit la caution morale et familiale de la jeune fille, est nécessaire.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Si je ne déforme pas votre propos, vous disiez donc qu'il était hors de question de discuter du principe lui-même de la loi IVG et de l'allongement du délai.

Professeur Bernard Glorion : On ne remet pas la loi en question. L'allongement des délais suscite simplement une réflexion nouvelle d'ordre purement médical, qui est la sécurité de l'acte. Cela est démontré par le rapport de l'ANAES.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Vous citez le deuxième rapport de l'ANAES, que nous n'avons pas encore entre les mains. Le premier rapport, qui traitait de la sécurité de la femme et qui a été publié au mois de février dernier, insistait sur le souci de vigilance auquel vous faisiez référence. Mais l'ANAES doit publier prochainement un deuxième rapport qui constitue plutôt un commentaire de la littérature existante.

Le premier rapport, publié en février 2000, avait été contesté par un certain nombre de médecins, car il stipule que, s'agissant de l'acte lui-même, la pratique n'est pas vraiment différente.

Professeur Bernard Glorion : Une étude a démontré, qu'entre dix et douze semaines, la situation était différente et que le taux de complication pouvait être supérieur. Même mécaniquement, on ne peut pas faire le même geste. Lorsque j'ai mentionné tout à l'heure la dilatation du col, il y a la dilatation ophilique et la dilatation mécanique.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Et la dilatation médicamenteuse.

Professeur Bernard Glorion : Oui, mais on peut également avoir recours à une dilatation mécanique. L'IVG peut se pratiquer par aspiration quand on se situe dans un délai raisonnable, mais pas au-delà. Il faut néanmoins reconnaître que les travaux scientifiques auxquels fait référence l'ANAES ont démontré que ce n'était pas exactement la même chose.

Mme Nicole Catala : Les risques sont accrus.

Professeur Bernard Glorion : C'est exact.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Mais cela reste très marginal. Nous pourrons retrouver les chiffres dans le procès-verbal de l'audition de l'ANAES.

Professeur Bernard Glorion : Les responsables de l'ANAES sont les mieux à même de vous répondre car, pour notre part, nous n'avons pas fait les recherches bibliographiques et les travaux. De plus, l'ANAES a consulté des experts. Pour approfondir la réflexion et se baser sur la technique, il est préférable de s'adresser à ceux qui en ont l'habitude et qui ont fait des travaux sur ce sujet.

J'en tire simplement la conclusion que l'acte n'est pas rigoureusement le même. Reste à savoir si la différence est importante ou non, voire négligeable. Toutefois, en termes de médecine, ce n'est jamais négligeable. Notre devoir est de mettre les femmes à l'abri et de leur signaler, pour l'honnêteté de l'information, que l'acte n'est pas rigoureusement le même.

Mme Nicole Catala : Cet échange de vues m'amène à poser la question de savoir pourquoi la plupart des autres pays européens ont retenu le délai de douze semaines, s'il présente un risque supplémentaire.

Professeur Bernard Glorion : Ce n'est pas une réflexion médicale, mais un problème culturel, car certains pays vont au-delà de quatorze semaines. Il semblerait, pour les raisons que j'ai évoquées au début de cet entretien, qu'environ deux mille femmes ont dû se rendre à l'étranger, d'où la proposition d'allongement du délai. Mais après différentes réflexions et études, nous nous sommes aperçus que la nature de l'intervention n'était plus la même. C'est probablement le cas dans les autres pays. Ils ont certainement tenu le même discours que nous, en mentionnant que la proportion de complications ou d'accidents est faible ; mais il faut avoir l'honnêteté de le dire.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Les Hollandais utilisent la même technique jusqu'à douze semaines de grossesse, mais ensuite effectivement ils la changent. Comme vous le disiez tout à l'heure, vous n'avez pas non plus situé le débat sur le plan de la technique, mais du droit.

Professeur Bernard Glorion : Oui, sur le plan du droit et de l'honnêteté intellectuelle. Avec cet allongement à douze semaines, peut-être la situation restera-t-elle la même, mais il faut faire attention. C'est pourquoi, dans les documents de l'ANAES et les réflexions que nous avons exprimées avec le professeur Claude Sureau, nous incitons les médecins à prendre des précautions.

Nous avons évoqué les installations, mais pas encore l'anesthésie, notamment chez les mineures. C'est pourquoi nous avons considéré que l'acte global d'IVG nécessitant une anesthésie générale chez les mineures devait être soulignée dans la loi, car elle nécessite l'autorisation des parents. Si on admet qu'il n'y a pas d'autorisation parentale pour l'IVG, il conviendra d'admettre qu'il n'y en aura pas non plus pour l'anesthésie. Il semblerait que la dilatation chimique entraîne des douleurs chez la femme et qu'il vaut mieux l'aider en pratiquant sous anesthésie ou analgésie. Ce n'est donc pas le même acte que la simple aspiration.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Vous avez évoqué votre réflexion sur le métier d'échographiste et la place que l'on doit donner au diagnostic anténatal dans le processus de grossesse. Par ailleurs, vous avez indiqué que vous considérez l'IVG comme un échec de la contraception.

Professeur Bernard Glorion : Sans être péjoratif, c'est un échec, car la contraception existe et est efficace.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Je voulais revenir sur ce point, notamment sur l'étude qualitative de l'INSERM qui montre bien que nous avons une offre de contraception peu diversifiée.

Professeur Bernard Glorion : Nous en sommes à la pilule de la troisième génération.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Oui, mais toujours dans le même système, c'est-à-dire une pilule pendant vingt et un jours par mois et cela pendant trente ans. Il n'y a pas eu de progrès qualitatif concernant la contraception depuis le début de sa commercialisation, il y a une trentaine d'années. Sur ce point, avez-vous eu des réflexions ?

Professeur Bernard Glorion : Très honnêtement, non. Vous avez raison de signaler ce point. Les hommes ont peut-être tendance à dire que c'est facile de prendre une pilule. D'ailleurs, certaines personnes prennent des médicaments pendant un très long laps de temps.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Oui, mais la pilule ne concerne pas une maladie.

Professeur Bernard Glorion : Je suis d'accord, mais le mécanisme est le même. Ce que j'entends de votre part, c'est que la recherche est en retard. Pour autant, cela ne condamne pas la simplicité de la contraception orale. La preuve en est que pour les femmes qui l'utilisent bien, c'est tout de même d'une grande simplicité par rapport à l'IVG qui est un acte que l'on peut considérer comme étant limite.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Qu'en est-il de la stérilisation ?

Professeur Bernard Glorion : Nous avons eu, avec l'Académie de médecine, une réflexion commune que nous avons traduite dans les textes, à l'article 16-3 du Code civil. Dans cet article, a été substitué le terme médical à celui de thérapeutique.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Toutefois, lorsque nous en avons débattu avec le professeur Claude Sureau, il est apparu que, dans les faits, la situation n'a pas beaucoup changé. Un médecin a été condamné, il y a quelques mois par le Conseil régional de l'Ordre d'Aquitaine. Malheureusement, celui-ci n'a pas fait appel devant le Conseil national de l'Ordre.

Professeur Bernard Glorion : C'est dommage, car cela aurait donné lieu à une jurisprudence intéressante. Conjointement avec le professeur Claude Sureau, nous avons rédigé un communiqué en insistant sur le fait que la stérilisation pouvait venir au secours d'une contraception orale impossible. Il est préférable d'avoir recours à une stérilisation mécanique qu'à des IVG.

Mais, sur le plan médico-légal, la stérilisation est considérée comme une mutilation. Dès lors qu'il y avait stérilisation, conflit et procès, le médecin pouvait être condamné, sur le plan pénal et disciplinaire, pour avoir effectué une mutilation.

Mme Danielle Bousquet : D'où l'importance de l'encadrer et de légiférer.

Professeur Bernard Glorion : Tout à fait. Avec le professeur Claude Sureau, nous avons réfléchi qu'à côté de la contraception chimique, pourrait être acceptée une contraception mécanique. Nous avons alors estimé qu'une ligature des trompes faite avec le consentement éclairé de la femme...

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Ou une vasectomie.

Professeur Bernard Glorion : Il est exact qu'il ne faut pas oublier la vasectomie qui est un geste beaucoup plus simple, en apparence.

Mme Danielle Bousquet : Vous êtes donc favorable à une législation sur la stérilisation volontaire comme acte de contraception.

Professeur Bernard Glorion : Nous avons publié avec le professeur Claude Sureau un communiqué ayant pour but de faire part de nos réflexions sur ce sujet.

Nous pensons qu'avoir recours, en l'absence de contraception orale, à des IVG n'est pas une situation tolérable. On peut donc envisager une stérilisation si la femme a déjà plusieurs enfants et qu'elle la décide volontairement, conjointement avec son mari. D'autant que la contraception mécanique, chez la femme, a un pourcentage de réversibilité, ce qui n'est pas le cas pour la vasectomie.

Mme Danielle Bousquet : Considérez-vous que le consentement éclairé doit être assujetti au fait qu'une femme a eu des enfants ?

Professeur Bernard Glorion : Il me semble difficile pour une femme, si elle n'a pas d'enfant, d'aller vers une stérilisation mécanique, car elle peut changer d'avis. Dans cette éventualité, les mères et les femmes peuvent être conseillées par leur médecin afin de ne pas prendre une décision trop rapidement. C'est pourquoi il convient également d'avoir un délai de réflexion.

Mme Danielle Bousquet : Pensez-vous que l'on pourrait intituler cela contraception mécanique, étant donné que le mot stérilisation fait peur ?

Professeur Bernard Glorion : Cela a l'avantage de répondre à la contraception orale. Même si le pourcentage de femmes qui ne tolèrent pas physiquement la pilule est faible, il est suffisamment important pour que l'on puisse avoir pensé y substituer autre chose. Or à la contraception orale ou chimique, on oppose la contraception mécanique.

Mme Danielle Bousquet : Je croyais que la contraception mécanique s'appliquait au diaphragme.

Professeur Bernard Glorion : On peut l'appeler contraception chirurgicale, mais c'est un terme un peu violent.

Mme Danielle Bousquet : Le terme de contraception mécanique me semble effectivement moins traumatisant que celui de stérilisation, qui est très connoté, mais j'ai peur qu'il y ait ambiguïté avec le diaphragme.

Professeur Bernard Glorion : Vous avez également le stérilet qui n'est pas un dispositif anodin.

Mme Nicole Catala : Quel est le pourcentage de femmes ayant recours au stérilet ?

Professeur Bernard Glorion : Il est très faible.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Aux environs de 15 %.

Mme Nicole Catala : Pourquoi pas plus ?

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Tout d'abord, le stérilet est tout à fait déconseillé aux primipares et ensuite, il peut provoquer des infections.

Professeur Bernard Glorion : Techniquement, je ne connais pas le sujet. C'est une méthode connue de longue date, mais qui n'est pas d'une grande commodité.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Le taux de "réussite" est aux alentours de 95 %, un peu plus faible que celui de la pilule qui est de 98 %.

Mme Françoise de Panafieu : Un article du docteur Roger Bessis, échographiste, dans le journal Libération du 3 octobre, exposait la différence entre IVG et IMG ; dans un cas, il existe un délai et dans l'autre, il n'y en a pas. Il redoutait ce problème de délai. Il lui semblait qu'en instaurant des délais fixes, on peut aboutir, à la suite d'une échographie, à des avortements au bénéfice du doute. Celui lui pose un vrai problème.

Professeur Bernard Glorion : Oui, parce que lorsque l'on découvre une anomalie, la première question à envisager est de savoir si c'est une anomalie grave incompatible avec la vie, une anomalie de moyenne gravité qui pourra être corrigée presque totalement par la chirurgie ou une anomalie mineure. Il convient déjà de procéder à ce premier tri. Puis fondamentalement, il est nécessaire de déterminer s'il faut ou non le dire à la mère.

Mais l'honnêteté actuelle et la transparence font qu'on ne devrait pas ne pas en informer la mère. Néanmoins, même si on annonce à la mère que c'est une anomalie minime qui pourra être corrigée, elle a pris connaissance que son enfant était mal formé. C'est pourquoi les médecins se posent des questions. Par exemple, si on détecte in utero à six mois qu'un enfant a un pied bot, je suis personnellement serein parce que je sais qu'on pourra le corriger avec très peu de conséquences pour la vie de l'enfant. Mais quand la mère prend sa décision, elle doit être parfaitement informée et accompagnée. Sinon une mère fragile peut refuser d'avoir un enfant anormal.

Mme Danielle Bousquet : D'où l'importance du rôle de l'échographiste, du dialogue qu'il a avec la mère, et de l'engagement qu'il prend, vis-à-vis de cet enfant à naître, de procéder aux réparations.

Professeur Bernard Glorion : Je vais vous faire part de mon expérience. Je faisais partie d'une équipe pluridisciplinaire qui comprenait des accoucheurs, des échographistes, des généticiens, des pédiatres, des chirurgiens et des anesthésistes. Chaque mois, nous débattions autour des films d'échographies et nous nous répartissions le travail pour savoir, en fonction de la gravité, qui allait suivre l'enfant. Pour ma part, j'intervenais lorsqu'il s'agissait d'un cas de malformation des membres. Le spécialiste concerné suivait la mère pendant sa grossesse, discutait avec elle des actions à entreprendre ou des appareillages à envisager. Dès lors que les parents ont été informés aussi clairement que possible du fait que l'on va pouvoir traiter leur enfant, à eux de prendre la décision.

Le médecin ne peut simplement livrer l'information à une mère et lui laisser décider. En effet, l'émotion suscitée par une telle nouvelle fait que la mère peut vouloir interrompre la grossesse.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : C'est pourquoi l'échographie ou le diagnostic anténatal ne peut être considéré comme un simple acte technique, déconnecté du contexte.

Professeur Bernard Glorion : Non. Je reviens à l'article que vous citiez. La prolongation du délai de l'IVG va rendre possible des échographies morphologiques à une période où l'on commence à voir beaucoup de choses. En effet, il est évident qu'à la douzième semaine, on voit beaucoup plus de choses qu'à la dixième.

Toutefois, on omet de spécifier que, sur le nombre d'enfants qui seraient susceptibles, pendant cette période, de faire l'objet d'une échographie, le pourcentage de malformations détectées est infime, soit de 2 à 3 %. Il n'est donc pas justifié de parler d'eugénisme. En effet, du jour au lendemain, on ne va pas s'apercevoir, en effectuant des échographies à la douzième semaine, que tous les enfants sont mal formés.

Mme Françoise de Panafieu : Ce n'était pas le propos de M. Roger Bessis. Au contraire, il considère qu'il est nécessaire d'éviter d'avoir une date butoir. Selon lui, une idée très difficile à supporter par un échographiste, c'est l'avortement préventif en raison de l'échographie.

Professeur Bernard Glorion : Il est en contradiction avec le professeur Israël Nisand.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Le professeur Israël Nisand a semé le trouble lorsqu'il a dit que les deux facteurs joints - l'allongement des délais et le diagnostic prénatal - risquaient de conduire à une dérive eugénique.

Professeur Bernard Glorion : C'est là qu'il a été systématique. Ce n'est pas une dérive eugénique. Il y a, pendant un certain laps de temps supplémentaire, une utilisation du diagnostic anténatal, mais il n'y a rien de nouveau. Comme l'a dit le professeur Claude Sureau, parmi ces enfants qu'on pourrait "voir" dans une échographie à la douzième semaine, on retrouvera la même proportion de malformations que plus tard. Ce n'est pas le fait de faire une échographie qui va créer la malformation. Même si c'est une tentation, il ne faut pas considérer cela comme de l'eugénisme.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Cela pose le rôle et la place de l'échographiste dans le diagnostic anténatal, car on lui attribue un pouvoir quasi divin de vie ou de mort, de dire le normal et l'anormal. Il y a là effectivement un problème de sens. Dans quoi s'inscrit ce diagnostic ? Comment est-il préparé ? Un certain nombre de cliniques organisent très régulièrement des groupes de parents avant l'échographie et le diagnostic, de façon à discuter avec les parents. Aujourd'hui trois échographies sont proposées, mais il n'est jamais dit, en termes de choix, qu'il n'y a aucune obligation de subir les trois.

Il ne faut pas oublier que c'est aussi une profession lucrative, car ces interventions sont bien remboursées par la Sécurité sociale. Les pays qui nous entourent n'ont d'ailleurs pas une prise en charge aussi systématique d'un tel nombre d'échographies pendant la grossesse, sans pour autant avoir davantage d'enfants handicapés que nous.

Mme Françoise de Panafieu : L'échographie est néanmoins un progrès formidable.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Absolument, mais c'est en même temps coûteux.

Professeur Bernard Glorion : C'est un progrès formidable, mais qu'il faut maîtriser. Or, si on faisait des échographies systématiquement à toutes les femmes et enfants, le risque d'eugénisme finirait en effet par être grand.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Quel sens lui donne-t-on et dans quoi l'inscrit-on ?

Professeur Bernard Glorion : De toute façon, nous sommes dans une spirale, nous ne pouvons pas refuser le progrès. Actuellement, nous passons à des échographies de troisième génération en trois dimensions. L'embryon va être traqué de plus en plus tôt et on obtiendra des informations de plus en plus fines. Je suis admiratif car, déjà très tôt, on peut déceler la fente labiale. C'est en effet très fort, mais les risques d'erreur et d'interprétation sont aussi très grands.

Mme Nicole Catala : Le professeur Israël Nisand proposait d'élargir l'IVG à des considérations psychosociales.

Professeur Bernard Glorion : La loi initiale de 1975 avait pour but d'aller au secours des femmes qui rencontraient des difficultés psychosociales. Si je reste fidèle au principe de cette loi, c'est parce que la loi actuelle ne permet pas de régler le problème de ces femmes. Si on règle au cas par cas, il sera alors nécessaire d'avoir une discussion à chaque fois. Qui va alors trancher le débat pour savoir si telle femme mérite ou non qu'on accepte sa demande d'IVG ? Y aura-t-il un niveau de difficultés psychosociales établi au-delà duquel on ne pourra pas bénéficier d'une intervention ?

Dès lors que l'on s'est expliqué sur le fait que les conséquences de cette prolongation du délai d'IVG ne sont pas catastrophiques, je suis d'accord pour que l'on aide ces cinq mille femmes qui ont recours à une IVG en dehors du territoire français, mais aussi qu'on en profite pour promouvoir la contraception.

En effet, malgré l'allongement du délai, il y aura toujours des femmes qui se trouveront dans une situation dramatique, car d'un milieu modeste ou en "galère", et qui laisseront passer le délai. Je serais tenté de répondre au professeur Israël Nisand qu'il faut faire un geste maintenant et aller au secours des quelques femmes qui dépassent le délai des douze ou quatorze semaines. Le problème en médecine est de vouloir toujours s'enfermer dans des normes.

Mme Nicole Catala : Cela répond aussi à une demande des médecins.

Professeur Bernard Glorion : En effet, car s'ils prennent l'initiative de sortir de la loi, ils se font taper sur les doigts.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Il n'empêche qu'ils portent néanmoins, notamment dans le cadre de l'IMG, une responsabilité professionnelle plus grande, car ils sont porteurs de normes sur lesquelles ils ne sont pas forcément très à l'aise. Ils préfèrent prendre ce type de décision, que ce soit le diagnostic ou l'IMG, dans un cadre collégial.

Professeur Bernard Glorion : Une telle décision ne peut être prise par une seule personne, que ce soit le médecin ou la mère. La femme ne peut rester seule dans une telle situation, elle doit être accompagnée.

Lorsque j'étais en activité, il naissait encore des enfants atteints de spina bifida. Maintenant on a recours à l'IVG. A la naissance de l'enfant, on savait que, si on ne l'opérait pas, il allait mourir. C'est le choix difficile que nous soumettions aux parents, qu'il fallait alors aider à prendre une décision. C'est une situation redoutable.

V - LES ACTIVITÉS INTERNATIONALES

Au cours de l'année 2000, la Délégation a participé à deux réunions, l'une internationale, l'autre européenne, consacrées aux femmes.

Votre rapporteure s'est rendue au mois de juin 2000 à la session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies (Pékin + 5), comme membre associé à la délégation gouvernementale conduite par Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Figurent ci-après l'audition, préalable à ce déplacement, de Mme Françoise Gaspard, représentante de la France à la commission de la condition de la femme de l'ONU, ainsi que le compte rendu de cette réunion.

Par ailleurs, Mme Catherine Picard ayant représenté la Délégation à la Conférence annuelle des commissions parlementaires de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Union européenne et du Parlement européen qui s'est tenue à Berlin les 17 et 18 novembre, le compte rendu des travaux ainsi que la déclaration adoptée à l'issue de cette Conférence sont reproduits ci-après.

A. SESSION EXTRAORDINAIRE DE L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS-UNIES

1. Audition de Mme Françoise Gaspard, représentante de la France à la Commission de la condition de la femme de l'ONU, le 28 mars 2000

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Mes chers collègues, nous accueillons ce soir Mme Françoise Gaspard, représentante de la France à la Commission de la condition de la femme de l'Organisation des Nations Unies, accompagnée de Mme Béatrice d'Huart, chargée de mission à la direction des Nations Unies au Quai d'Orsay, et de Mme Caroline Méchin, chargée de mission au secteur international du service des droits des femmes.

Nous souhaitons recueillir des informations sur la préparation de la session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies qui aura lieu à New-York du 4 au 9 juin 2000 ("Pékin + 5") et qui fera le bilan de la IVème conférence mondiale sur les femmes, tenue à Pékin en septembre 1995.

Mme Françoise Gaspard : Je vous présenterai tout d'abord un bref rappel historique de la Commission de la condition de la femme. L'intitulé de cette commission est une traduction maladroite de Commission on the status of women, et, à mon sens, devrait être plutôt celui de "commission sur le statut (ou le droit) des femmes".

En 1947, après la conférence de San Francisco qui a institué l'Organisation des Nations Unies, il a été décidé, sous la pression de mouvements féministes de l'époque, et en particulier de Mme Roosevelt et des ONG de femmes, de créer dans le cadre du Comité économique et social une Commission de la condition de la femme.

Cette Commission est aujourd'hui composée de représentants de 45 Etats, désignés tous les quatre ans au terme d'une élection. La France en a été presque constamment membre depuis 1947. Cette Commission a pour fonction de rédiger des normes internationales en matière d'égalité des femmes et des hommes. Elle a préparé et fait adopter par l'Assemblée générale cinq ou six grands documents internationaux, soumis à la ratification des Etats, en particulier des textes relatifs aux droits politiques des femmes. La dernière convention qui a été adoptée date de 1979 ; elle est fondamentale, puisqu'il s'agit de la convention sur l'élimination des formes de discrimination dont les femmes sont victimes (convention CEDAW).

Cette convention a été ratifiée par la France en 1983 ; elle est devenue un élément de notre droit national depuis sa publication comme loi de la République en 1984. Il m'a d'ailleurs semblé étonnant qu'aucune référence à cette convention n'ait été faite, non seulement, lors des débats sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes, mais également lors de la discussion actuelle du projet de loi sur l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. A partir du moment où un Etat ratifiait cette convention, il s'autorisait en effet à considérer qu'il n'était pas discriminatoire de voter, par exemple, des lois favorisant un égal accès aux mandats électoraux et fonctions électives. J'avais donc pensé, à l'époque, qu'en raison de l'adoption de cette loi de ratification, qui n'avait pas été rejetée par le Conseil constitutionnel, notre droit nous permettait déjà de voter un tel texte.

Madame la présidente, nous sommes très heureuses de l'existence d'une Délégation telle que la vôtre, car elle est une condition nécessaire pour que la question de l'égalité entre les hommes et les femmes soit intégrée dans tous les domaines de la vie publique. Et il est vrai, à ce sujet, que la réunion de "Pékin + 5" est une échéance importante.

En dehors de la rédaction de conventions internationales, la Commission de la condition de la femme a été à l'origine des grandes conférences thématiques de l'ONU sur l'égalité. La première a été celle de Mexico en 1975 ; elle a été suivie de celle de Copenhague en 1980 puis de celle de Nairobi en 1985 et enfin de la conférence de Pékin en 1995.

Cette dernière conférence à eu un écho particulier, dans la mesure où l'on a assisté à une participation massive des ONG : 30 000 ou 40 000 personnes sont ainsi venues assister aux débats concernant les différents aspects des droits des femmes. En outre, à l'issue de cette conférence, ont été adoptées, d'une part, une déclaration politique, et, d'autre part, une plate-forme d'action en douze points stratégiques sur lesquels les États doivent rendre des comptes.

Il est vrai qu'une plate-forme politique n'a pas la même force qu'une convention en termes d'engagements juridiques. Néanmoins, notamment parce qu'elles ont été étroitement associées à cet événement, les ONG surveillent l'application des engagements pris à Pékin par chacun des États membres.

Depuis 1996, la Commission a examiné, par bloc de trois ou quatre, chacun des douze domaines qui avaient été identifiés à Pékin. Des conclusions ont ensuite été adoptées, ce qui a permis d'avancer un peu dans ces différents domaines.

La conférence du mois de juin n'aura pas la même ampleur que les trois précédentes ; il s'agit seulement d'examiner, cinq ans après la conférence de Pékin, l'état d'avancement de l'application de cette plate-forme.

Nous ressentons, depuis l'année dernière, des résistances de la part d'un certain nombre d'États qui, au mieux ne veulent pas aller plus loin que ce qui a été acté à Pékin, et, au pire, souhaitent que l'on recule sur un certain nombre de formulations. Comme vous le savez, l'ONU travaille par consensus ; il suffit donc à quelques Etats d'opposer leur veto pour bloquer l'avancement du processus.

Le document, sur lequel nous avons essentiellement travaillé au cours des trois semaines de réunions à New-York, comporte deux parties. La première, regroupée dans les chapitres 1, 2 et 3, ne semblait pas devoir présenter de difficultés puisque, mis à part l'introduction, il s'agissait d'un bilan et d'un recensement des difficultés d'application de la plate-forme. Et pourtant, nous sommes loin d'arriver à la rédaction du texte de cette première partie.

La deuxième partie du document - le chapitre 4 -, était plus compliquée, puisqu'il s'agissait de déterminer les nouveaux engagements que les Etats pourront prendre pour aller au-delà de ce qui avait été décidé à Pékin, compte tenu notamment du fait qu'en cinq ans la situation a changé. En effet, la mondialisation, les crises économiques, l'évolution des nouvelles technologies et des nouveaux médias, les violences dans les conflits armés appellent de nouveaux engagements des Etats.

La négociation de ce chapitre 4 a donc été particulièrement difficile. Je dirai même qu'elle s'est engagée d'autant plus difficilement que, à l'ONU, en séance plénière, les Etats ne s'expriment pas à titre individuel ; des positions communes sont préparées à l'intérieur de trois grands groupes : l'Union européenne, le groupe des 77 qui regroupe les pays en voie de développement et la Chine, et le groupe du Juscanz qui rassemble des pays aussi divers que la Suisse, le Canada, le Japon ou l'Australie.

Chacun de ces trois groupes se réunit et élabore des amendements au texte. L'Union européenne, qui est actuellement présidée par le Portugal, a joué un rôle très important dans l'avancement des travaux, en proposant des amendements à chacun des paragraphes du texte proposé par la présidente de la Commission et le secrétariat de l'ONU.

En revanche, nous avons pu constater que les pays du groupe des 77 n'étaient pas parvenus à s'entendre ; ils ne voulaient négocier sur aucun des paragraphes. La raison tient au fait que ce groupe est extrêmement hétérogène, en matière de droits de la personne en général et de droits des femmes en particulier. Il réunit en effet des pays tels que l'Afrique du Sud, plus avancée que nous en matière d'égalité formelle et des pays tels que le Soudan, l'Algérie ou le Pakistan.

Cette mésentente pose d'ailleurs le problème global du fonctionnement des Nations Unies et de l'existence de ces trois grands groupes. A un moment donné, la négociation était si difficile à l'intérieur même du groupe des 77 que chaque pays prenait son autonomie et multipliait les déclarations.

Le seul point sur lequel ce groupe s'accorde concerne l'aide au développement. Ces pays nous affirment que s'ils n'ont pas davantage avancé en matière d'égalité entre les femmes et les hommes, c'est parce qu'ils ne sont pas assez aidés sur le plan international ; ils souhaitent donc que l'on inscrive dans le texte des objectifs chiffrés d'aide au développement.

Il s'agit du seul point qui fait l'unité de ces pays. Sur d'autres questions, telles que la référence à la "bonne gouvernance"- la démocratie -, le rôle des femmes au sein de la famille, l'offre par les Etats de services de santé, l'évaluation au niveau international de l'application de la plate-forme de Pékin ou la référence à la diversité des femmes - en raison de leur handicap, de leur statut de réfugiée ou de migrante, ou de leur orientation sexuelle -, il y a un gouffre, et certains mots demeurent tabous.

Nous avons vécu, au cours de ces trois semaines à New-York, un événement assez singulier qui n'a pas de précédent dans l'histoire des Nations Unies : les lieux où se réunissent la Commission et les forums des ONG ont été envahis par plus de 300 personnes -beaucoup de représentants du clergé, beaucoup d'hommes portant des badges bleus ou rouges sur lesquels était inscrit "the family"- qui ont tenté de nous intimider, notamment lorsqu'on abordait des thèmes tels que l'orientation sexuelle ou la contraception. Cet incident a conduit la présidence de l'Union européenne, lors de la dernière séance, a faire une déclaration très vigoureuse sur le problème de la liberté d'expression au sein des Nations Unies.

En outre, la négociation a été rendue difficile par la présence d'un représentant du Saint-Siège - celui-ci a un statut d'observateur et, jusque-là, n'intervenait que sur les questions liées directement à la contraception, aux services de santé, etc. - qui s'est mis à intervenir sur chaque paragraphe, chaque virgule du texte, ce qui a ralenti considérablement les négociations.

Tout cela nous promet pour l'avenir des moments assez difficiles, en particulier pour la préparation des réunions de la Commission qui auront lieu aux mois de mai et de juin.

Mme Nicole Bricq : J'ai l'impression qu'il y a une différence de statut entre la conférence de Pékin et celle de "Pékin+5", cette dernière étant, non pas un très vaste rassemblement, mais une session extraordinaire de l'Assemblée générale de l'ONU. Je voudrais savoir quelles en seront les conséquences, en termes de participation, notamment en ce qui concerne les ONG ? Sans faire de parallèle, il convient de se souvenir des négociations sur l'OMC à Seattle, où nous avons assisté à une explosion de l'intervention des ONG et des pays du tiers-monde.

Ma seconde question concerne davantage le fond de la conférence. A la conférence de Pékin, douze problèmes avaient été identifiés, des engagements chiffrés avaient été pris - ce qui est assez rare pour ce type de conférence - avec des calendriers précis. Un bilan des suites données à cette conférence a-t-il été effectué ?

Mme Françoise Gaspard : En ce qui concerne la participation des Etats et des ONG à la conférence de "Pékin+5", il s'agit d'un des points - avec celui sur la déclaration politique - sur lesquels il y a eu un accord.

Chaque Etat doit déterminer le niveau de sa participation avant le 20 avril. Un tirage au sort aura lieu pour la prise de parole, chaque Etat disposant de sept minutes ; il se fera en fonction du titre de la personne qui conduit la représentation nationale : premiers ministres, ministres puis secrétaires d'état. D'après le tour de table auquel nous avons procédé au sein de l'Union européenne, ce seront les ministres chargés des droits des femmes ou de l'égalité, donc, pour la France, Mme Nicole Péry, qui assureront la représentation pour chaque pays de l'Union européenne.

En ce qui concerne les ONG, leur participation avait posé un problème l'année dernière, l'Algérie et Cuba refusant que cette conférence soit ouverte à de nouvelles ONG créées depuis Pékin. Or, ces ONG ont été créées parce que de nouveaux problèmes sont apparus depuis cette dernière conférence, notamment en matière d'information, de nouveaux médias ou de nouvelles technologies. Ainsi, une ONG a été créée pour la ratification du protocole additionnel à la convention CEDAW, une autre pour la négociation en cours sur la Cour pénale internationale.

La négociation a été rouverte sur cette question à l'initiative de l'Union européenne, et nous avons obtenu que de nouvelles ONG puissent demander leur accréditation jusqu'au 20 avril, délai extrêmement court cependant pour monter un dossier.

Il faut bien comprendre que l'un des handicaps auquel se heurte la représentation des ONG à "Pékin+5", c'est que cette conférence se déroule à New-York, dans un espace réduit, et qu'elle coûte cher. Nous constatons chaque année, à la réunion de la Commission, qu'il est extrêmement difficile de travailler compte tenu des espaces réduits dont disposent les ONG, voire les Etats. Deux représentants seulement des ONG accréditées seront admis à participer à la conférence. Cela ne veut pas dire que la participation ne pourra pas se faire dans la rue comme à Seattle.

Mme Yvette Roudy : Y aura-t-il une conférence intergouvernementale et un forum des ONG, comme à Pékin ?

Mme Françoise Gaspard : Il ne s'agit pas d'une conférence internationale, mais d'une conférence d'étape, cinq ans après Pékin. Un forum est prévu le samedi et le dimanche précédant l'ouverture de la session. Il y a donc une volonté de limiter la participation.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Quel bilan peut-on tirer des engagements de la plate-forme de Pékin et de leur respect ?

Mme Béatrice d'Huart : Comme l'a dit Françoise Gaspard, même sur la première partie du document, qui n'aurait pas dû poser de problème, puisqu'elle établit un constat et présente les acquis et les obstacles concernant les douze points de la plate-forme, la négociation a été extrêmement difficile.

Il existait toujours, en effet, une ambivalence, entre les pays, certains, dont les pays de l'Union européenne, demandant que soit mise en avant la responsabilité des Etats, d'autres comme les pays du groupe des 77 avançant systématiquement le manque de moyens pour expliquer leur carence dans la mise en _uvre de la plate-forme. Nous n'avons donc pu examiner que cinq points sur douze, étant entendu que nous ne sommes pratiquement jamais arrivés à des accords et que la plupart des textes sont en attente. Il s'agit, pour le moment, d'une première lecture et l'on se contente donc de recenser les positions des uns et des autres.

Les cinq thèmes examinés sont les suivants : la pauvreté, l'éducation, la prise de décision, les mécanismes institutionnels et la santé. Sur ce dernier point, le groupe des 77 n'est pas arrivé à un accord interne et la présidente du groupe a dû accorder la liberté de parole aux délégations ; une trentaine de pays sont donc intervenus sur le point très précis des droits en matière de reproduction et de sexualité, les pays d'Amérique latine ayant déjà pris, dans leur conférence régionale préparatoire, une position commune sur la promotion de ces droits.

Il a été frappant de constater que le groupe des 77 n'a pas évoqué tout ce qui leur posait trop de problèmes, et en particulier celui de la violence. Certains thèmes sont toujours très conflictuels. Le groupe des 77, et c'est relativement nouveau, utilise le thème de la migration pour faire appréhender les notions d'exploitation sexuelle et de prostitution - même s'il reprend le terme de prostitution forcée que nous avions réussi à abandonner.

Mme Françoise Gaspard : Nous avions en effet réussi à retirer le mot "forcée" il y a deux ans dans les conclusions agréées, alors que nous avons longtemps été isolés sur cette question au sein de l'Union européenne. Le soutien que nous a apporté la Suède en 1998 a permis de trouver un nouveau consensus au sein de l'Union. Mais ce mot revient en force, et nous devons vérifier chaque jour tous les textes.

Mme Béatrice d'Huart : Je tiens à dire que, sur ce point, nous étions sur la même longueur d'ondes que le Saint-Siège ! Objectivement, nous sommes ravis de pouvoir nouer des alliances avec le Vatican, car, en général, il en a plus souvent avec le Soudan et la Syrie qu'avec nous !

Dans la mesure où nous n'arrivions pas à débloquer la situation sur le bilan, nous sommes passés au chapitre 3 relatif aux nouvelles tendances, c'est-à-dire aux nouveaux faits intervenus depuis 1995. C'est par ce biais que nous avons examiné la question de la migration. Mais nous n'avons pour ainsi dire pas avancé sur ce point.

D'autres questions sont difficiles : en ce qui concerne l'approche de la femme par exemple, le Saint-Siège rejoint la position de certains pays du groupe des 77 pour lesquels la femme n'existe pas hors du contexte de la famille.

Mme Yvette Roudy : En ce qui concerne les viols qui ont eu lieu pendant le conflit du Kosovo et qui sont maintenant reconnus comme une arme de guerre, il convient de savoir qu'on leur reconnaît désormais l'appellation de crimes de guerre et qu'ils sont donc susceptibles d'être poursuivis devant les tribunaux. Il s'agit là d'une amélioration depuis la conférence de Pékin. Sur ce point, le Vatican devrait être à nos côtés.

Mme Béatrice d'Huart : Oui, je pense effectivement que l'on devrait se rejoindre sur ce point. Mais nous ne sommes pas arrivés à ce stade de la discussion.

Mme Françoise Gaspard : La question de la définition des crimes est actuellement en cours d'examen, dans le cadre du statut de la Cour pénale internationale.

Mme Yvette Roudy : Je pensais que le Tribunal pénal international avait déjà accepté de reconnaître que ces viols étaient des crimes de guerre.

Mme Françoise Gaspard : Les collègues que nous avons croisés dans les couloirs à New-York et les e-mails que nous recevons d'un certain nombre d'ONG montrent qu'il y a encore des problèmes en suspens, en ce qui concerne notamment la définition exacte de ces crimes.

Mme Béatrice d'Huart : Nous avons donc examiné un certain nombre de chapitres, sur lesquels nous ne sommes pas arrivés à un consensus. Nous ne parvenons pas à dégager des grandes tendances sur lesquelles nous serions d'accord. En fait, on nous explique constamment que la raison première est le manque d'argent. Par ailleurs, les sujets sont à peu près systématiquement biaisés ; il va donc falloir que l'on parvienne à remettre les choses au clair.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Il vous reste donc trois séances de travail, une en avril, une en mai et la troisième en juin.

Mme Béatrice d'Huart : Non, seul le groupe des 77 travaillera en avril. Car dans la mesure où il n'avance pas dans ses travaux, nous leur laissons très régulièrement, pour leur permettre de discuter, les locaux et les interprètes. En fait, chaque groupe travaille de façon autonome. Au mois d'avril, le groupe des 77 est censé balayer tout le reste du texte et formuler ses propositions.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Le texte final risque-t-il donc d'être en retrait par rapport à celui qui a été élaboré à Pékin ?

Mme Françoise Gaspard : Non, mais il risque de ne pas avancer.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : En termes de rapport de forces, quelle est la position du Canada et des Etats-Unis ?

Mme Caroline Méchin : Ils ont toujours le même comportement. Il est clair que seule l'Union européenne montera vraiment au créneau pour défendre les droits de la femme. Je me suis occupée, avec Françoise Gaspard, de la troisième partie, plus prospective du texte. Or le fameux groupe du Juscanz, celui qui a le plus de moyens, a été dans l'incapacité de proposer des amendements au texte, attendant que les pays de l'Union européenne en présentent pour les reprendre à leur compte.

Les pays les plus radicaux craignent que nous reprenions les conclusions agréées, celles dont nous parlions tout à l'heure, qui sont, sur un certain nombre de points, bien plus avancées que le texte issu de la conférence de Pékin. Ces conclusions traitent, par exemple, de législations en matière de violence et non pas de campagnes d'information, traitent également des législations pénalisant les mutilations sexuelles - apport de la France -, du rôle des hommes, de la contraception, de l'information des adolescentes.

Nous en resterons donc, au pire, au texte élaboré à la conférence de Pékin. Mais on peut alors se demander quel serait l'intérêt de faire une telle évaluation, si nous ne faisons que reprendre le même texte que celui de 1995.

Certains faits nouveaux sont apparus : le comportement des pays latino-américains en matière de santé, par exemple. En effet, en 1995, le Saint-Siège bénéficiait du soutien de tous les pays latino-américains ; ce n'est plus le cas aujourd'hui. Revenir au texte de Pékin serait donc un minimum, mais le groupe de l'Union européenne souhaite aller au-delà.

Mme Yvette Roudy : Comment est assurée la présidence portugaise de l'Union européenne ?

Mme Françoise Gaspard : La délégation est fort bien conduite par un ambassadeur portugais, mais une autre personnalité portugaise, Maria Regina Tavares, a joué un rôle très important, extrêmement brillant et moteur tout au long de la négociation. Le Portugal est un petit pays, mais la façon dont il a présidé les réunions a été tout à fait remarquable.

La France prenant la présidence à partir du 1er juillet, elle n'a donc pas eu à assumer ce rôle difficile de négociation. Cependant, nous avons joué un rôle dynamique. Je voudrais d'ailleurs insister sur un point important concernant le travail que nous avons à mener, et pour lequel, en temps que Délégation, vous pouvez jouer un rôle.

Nous avions relevé, à Vienne, en 1994, comme à Pékin, en 1995, une insatisfaction des ONG francophones devant la prédominance de l'anglais et la difficulté, dans les négociations, pour les non anglophones de suivre les débats : on ne travaille en effet qu'à partir de documents rédigés en anglais et, lors des séances de nuit, il n'y a pas d'interprètes.

A notre initiative, s'est mis en place depuis l'année dernière, à New-York, un réseau très efficace des délégations francophones. En effet, nous avons ressenti, en 1999, la nécessité d'aider certaines délégations francophones pour la négociation d'un texte dans laquelle elles ont joué un rôle important : le protocole facultatif additionnel à la convention CEDAW, c'est-à-dire la convention sur l'élimination des discriminations dont les femmes sont victimes. Ce texte tout à fait fondamental, a été signé par la France dès le 6 octobre dernier. Notre pays doit encore ratifier ce texte, très important pour le respect des droits des femmes, puisqu'il leur permet de faire appel, si elles estiment que leur droit n'a pas été respecté dans leur pays, au comité CEDAW.

Pour la préparation de "Pékin+5", plusieurs réunions de francophones ont été prévues, celle d'Addis-Abeba, et la conférence "Femmes de la francophonie" à Luxembourg, en février dernier, qui a permis d'adopter un texte commun de la francophonie ; c'est très important puisque plus de 50 pays ont le français en partage.

Disposer d'un texte pouvant servir de base aux discussions, aussi bien dans le groupe des 77 que dans le groupe du Juscanz et dans le groupe de l'Union européenne, constitue une sorte d'événement. J'ai tendance à dire aujourd'hui que la francophonie va être sauvée par les femmes, et qu'elle en a bien besoin.

Par ailleurs, au sein de l'Agence de la francophonie va se mettre en place un comité de terminologie pour que nous nous mettions d'accord sur les termes et les traductions de l'ONU. Un terme tel que parity a, en effet, au moins trois traductions différentes dans les textes : parité, égalité et équité.

Lors des réunions de la Commission de la condition de la femme, les rapports des Etats - qui ont tous tendance à dire que tout va bien chez eux - permettent de constater tout de même des changements depuis la conférence de Pékin. Je vous cite quelques exemples : les droits de la personne dans un certain nombre de pays musulmans ; la question de l'excision en Afrique, pour laquelle il y a eu des avancées et des lois importantes ; la participation des femmes au pouvoir - j'ai en effet recensé, sur les soixante pays qui se sont exprimés en mars, une trentaine de pays qui ont pris des mesures telles que quotas, parité, etc -. Nous notons donc des avancées qui ne sont pas négligeables. Le développement du micro-crédit est également fondamental dans l'évolution de la condition des femmes.

Mme Caroline Méchin : S'agissant de la dernière partie du texte en négociation, la notion du contrôle des femmes sur les ressources, qui n'était pas forcément accepté en 1995, l'est aujourd'hui. Il ne suffisait pas que soit inscrit l'accès égal aux ressources, il fallait aussi faire accepter l'idée d'une maîtrise par les femmes de l'utilisation et de la gestion des ressources. Cette notion est une véritable avancée.

Mme Françoise Gaspard : Malheureusement, nous pouvons également noter, parmi les nouveautés, l'augmentation de la pauvreté des femmes et les conséquences du virus du sida, cette maladie étant devenue en Afrique une pandémie féminine.

Mme Béatrice d'Huart : Les Africaines francophones nous disent cependant que le paludisme tue plus dans leur pays que le sida, et cela, sans spécificité sexuelle, bien entendu.

L'exercice que nous sommes en train de faire pour "Pékin+5", ne rend pas exactement compte de la réalité, en raison du fonctionnement interne propre aux Nations Unies qui rend très difficile toute expression commune. Il y a donc, d'un côté la réalité des faits qui se traduit par des avancées, et de l'autre, la difficulté que l'on a à la traduire dans les textes.

Mme Yvette Roudy : Qui va représenter les Etats-Unis ?

Mme Françoise Gaspard : Nous ne le savons pas encore. En principe ce sera une ambassadrice auprès de l'ONU. Quand Hillary Clinton est venue à Pékin -comme Mme Bernadette Chirac, d'ailleurs- elle ne représentait pas son pays : elle était une invitée spéciale du secrétaire général.

Mme Yvette Roudy : A Nairobi, c'était la fille de M. Ronald Reagan.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Comment notre Délégation ou celle du Sénat, peut-elle s'inscrire dans la préparation de "Pékin + 5" et plus tard dans la session des Nations Unies ?

Mme Françoise Gaspard : C'est une question à laquelle il est difficile de répondre.

Mme Yvette Roudy : Ce n'est pas prévu, mais je pense que par le biais européen, nous pourrions plaider notre cause auprès du Gouvernement français, dans la mesure où nous sommes sans cesse saisis de demandes d'harmonisation, de mises en conformité avec telle ou telle directive. Nous sommes donc partie prenante dans le processus de la construction européenne.

Mme Françoise Gaspard : L'administration a établi un rapport "Pékin + 5", il serait peut-être bon que vous en établissiez un aussi.

Mme Caroline Méchin : Nous vous l'avons d'ailleurs envoyé fin novembre.

Mme Yvette Roudy : Il existe donc un rapport du Gouvernement sur lequel nous sommes en droit, en tant que Délégation, de donner un avis. Le Parlement contrôle le Gouvernement. Nous pouvons même rédiger un rapport d'avis.

Mme Caroline Méchin : C'est dans cet esprit que nous vous avions envoyé le rapport.

Mme Françoise Gaspard : Il a été adressé aux Délégations parlementaires et aux ONG afin que l'on puisse inclure dans le rapport définitif les observations des différentes institutions.

Mme Yvette Roudy : En fait, il serait intéressant que notre Délégation suive un peu plus les travaux européens. Il y a là une filière à trouver, une pratique à inventer, car ce n'est que dans le mouvement que l'on pourra exister. Si nous sommes offensives et que nous faisons des propositions, la reconnaissance viendra.

Mme Béatrice d'Huart : Les autorités américaines ont l'intention d'organiser, pendant la session spéciale, un certain nombre d'événements sur lesquels nous n'avons pas encore beaucoup d'informations.

Mme Françoise Gaspard : En effet, une déclaration à ce sujet a été faite le dernier jour, et un document a été distribué.

Mme Yvette Roudy : L'organisation Now qui a un réseau dans de nombreux pays devrait être très active.

Mme Françoise Gaspard : Nous n'avons pas beaucoup vu Now ces derniers temps.

Mme Yvette Roudy : Les femmes de cette organisation se sont en effet divisées à propos de l'affaire Monica Lewinsky : certaines ont défendu le président Clinton en criant à la manipulation politique, tandis que les autres ont considéré qu'il avait eu une attitude scandaleuse.

Mme Françoise Gaspard : Il convient d'analyser l'évolution des ONG. Nous sommes en train d'assister, notamment en raison des nouveaux moyens de communication, à la création de nouvelles ONG, extrêmement sectorielles, extrêmement pointues, professionnelles et internationales. Les ONG nationales, plus généralistes, sont en train de reculer par rapport à des réseaux de femmes juristes ou des réseaux de femmes des médias qui renouvellent profondément le débat, ainsi que le lien entre Etats, institutions internationales et société civile.

Il existe, par exemple, un site sur Internet - en dehors de womenwatch, qui est le site des Nations Unies sur les femmes - qui s'appelle womenaction.org sur lequel vous avez les toutes dernières informations, en trois langues, sur les débats de l'ONU et sur ce qui se passe au niveau international, par exemple les positions des ONG, à Seattle ou ailleurs.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Vous considérez donc qu'il y a un profond bouleversement des mouvements féministes américains.

Mme Françoise Gaspard : Des mouvements féministes internationaux en général. Le site womenaction.org, qui est vraiment bien fait, est le produit de la rencontre, au cours des dernières conférences internationales, de Sénégalaises, d'Ougandaises, de Françaises, d'Américaines et de femmes d'Amérique latine - les Pénélopes. Elles sont arrivées, à douze, à publier pendant nos trois semaines de réunion, tous les jours, une lettre d'information en français, en anglais et en espagnol.

Nous sommes en train de nous battre pour demander que les Françaises qui ont participé à cette opération soient plus aidées au mois de juin, car elles étaient les seules à apporter tous les jours une information complète en français. Il s'agit là de nouveaux réseaux internationaux. Il existe une nette démarcation entre les femmes qui branchent leur e-mail quatre fois par jour -c'est une nouvelle génération, qui n'est pas fonction de l'âge d'ailleurs- et celles qui ne savent pas ce que c'est.

Des tables rondes seront organisées en juin, dans le cadre de "Pékin + 5". L'Union européenne a proposé trois thèmes : premièrement, le développement des nouvelles technologies de l'information et l'égalité hommes/femmes. En effet, les nouvelles technologies peuvent creuser l'écart, mais elles peuvent également, si elles sont bien gérées, aider à le rattraper. En Afrique, il existe dans les villages des expériences de boutiques informatiques. Deuxièmement, les indicateurs de progrès dans la mise en _uvre du programme d'action de Pékin. Troisièmement, l'implication des hommes dans la mise en _uvre de la plate-forme de Pékin.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Quel lien établissez-vous entre la session de New-York et la présidence française de l'Union européenne ? Y aura-t-il une continuité de la dynamique au niveau de l'Union européenne ? Les propositions de la présidence vont-elles s'appuyer sur les travaux de New-York ?

Mme Caroline Méchin : Tout d'abord, il y a une grande fusion entre la présidence portugaise et la présidence française dans les priorités concernant les domaines égalité hommes/femmes, puisque le thème commun est celui de l'articulation : l'articulation des temps, l'articulation de la vie personnelle et de la vie professionnelle.

Ce thème est directement proposé par l'Union européenne dans toutes les négociations au sein des Nations Unies. Par exemple, lorsque nous parlons de la famille et de la femme, nous parlons de l'articulation des temps. Il y a donc un relais entre les présidences sur les thèmes défendus par l'Union européenne au sein des Nations Unies.

Quant au devenir du texte adopté à New-York, lors de la présidence française, il appartiendra à la Commission européenne d'élaborer un texte mettant en _uvre au sein de l'Union les acquis de ce document. Et nous nous inspirerons de ce qui sera adopté à New-York dans les manifestations que nous allons organiser lors de la présidence française, telles la conférence informelle des ministres de l'égalité et le colloque d'experts sur l'égalité professionnelle et les bonnes pratiques en matière d'articulation des temps.

Mme Danièle Bousquet : Le texte que vous êtes en train d'élaborer sera - semble-t-il - un texte a minima. Si c'est ce dernier qui nous sert de référence pour progresser à l'intérieur de l'Europe, je ne sens pas les choses de manière très positive.

Mme Françoise Gaspard : Les positions européennes sont les plus avancées et elles resteront les positions de l'Union européenne, qu'elles soient ou non actées par l'ensemble des Nations Unies.

Je voudrais attirer votre attention sur un point qui m'est très cher. Je voudrais d'abord dire que le travail qui a été réalisé dans la négociation a été fait grâce à des jeunes fonctionnaires dynamiques, très compétentes dans leur domaine, et malheureusement trop rares. Nous avons besoin de former des hommes et des femmes aux questions de l'égalité. Caroline Méchin et Béatrice d'Huart ne resteront pas éternellement à leur poste ; nous devons donc former des personnes aptes à prendre la relève. Or, dans les universités de droit ou à Sciences-Po, les conventions concernant les femmes ne figurent pas dans les enseignements. Dans un livre - français - regroupant toutes les conventions internationales, on a tout simplement oublié la convention CEDAW ! Une Délégation comme la vôtre peut jouer un rôle en faveur de la formation. On m'a demandé, il y a quelques mois, d'établir un projet de formation intégré pour l'ENA sur ces questions, or il dort dans un tiroir. Cette formation est l'un des enjeux des années qui viennent, et par rapport à certains autres pays européens, nous disposons d'un faible nombre de personnes spécialisées dans le domaine de l'égalité.

2. Compte rendu de la session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies ("Pékin + 5") présenté par Mme Martine Lignières-Cassou, membre associé à la délégation gouvernementale conduite par Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, le 13 juin 2000

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Je vais vous présenter un compte rendu de la session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies qui s'est tenue à New-York du 5 au 9 juin.

Ayant quitté New-York avec Mme Dinah Dericke, présidente de la Délégation aux droits des femmes du Sénat, vendredi dans la soirée, alors que les négociations n'étaient pas achevées - elles se sont terminées le samedi matin - je ne dispose aujourd'hui que des dépêches AFP sur la déclaration finale de la conférence.

Cette session extraordinaire de l'O.N.U. était conçue, non pas comme une nouvelle conférence, mais comme une évaluation des acquis, 5 ans après la conférence de Pékin.

La première conférence qui a traité des femmes s'est tenue à Mexico en 1975. Ensuite, il y a eu les conférences de Copenhague, en 1980, de Nairobi, en 1985, et de Pékin, en 1995.

A Pékin, deux textes avaient été adoptés : une déclaration politique, d'une part, et un programme d'actions d'autre part, couvrant 12 domaines prioritaires, que je vous rappelle brièvement : la pauvreté, l'éducation, la santé, les violences, les conflits armés, l'économie, le pouvoir, les mécanismes institutionnels, les droits fondamentaux, les médias, l'environnement et les petites filles.

A New-York, il ne s'agissait pas de renégocier la plate-forme d'actions de Pékin. Deux textes ont été présentés : une déclaration politique, déjà adoptée avant le début de la conférence, et un document d'évaluation des acquis de Pékin, qui a été au centre des débats. Il comprenait 4 chapitres : une introduction, une partie sur les obstacles et réalisations, une partie sur les nouvelles tendances et une dernière partie sur les initiatives complémentaires.

La discussion politique - centrée autour de ce document d'évaluation - réunissait 189 Etats dont la répartition des forces, suivant mon appréciation personnelle, était la suivante :

- en pointe, l'Union européenne - à mon sens, la présidence portugaise a été remarquablement exercée - et certains pays dits du Juscanz tels que les Etats-Unis, le Japon, le Canada. Un certain nombre d'autres pays industrialisés se sont d'ailleurs bien souvent ralliés à la position de l'Union européenne. Donc, une très grande cohérence et une très grande affirmation de l'Union européenne.

- un deuxième groupe, celui des 77, qui rassemble les pays en voie de développement. La présidence en était assurée par le Nigeria. Ces pays, peu favorables aux femmes, rencontrent des problèmes de cohérence interne assez forts.

Ainsi, selon les sujets, le groupe des 77 se partageait en un ou plusieurs blocs. Sur le sujet des droits propres, et notamment des droits sexuels, se retrouvaient le Saint-Siège, la Pologne, le Nicaragua, le Soudan, l'Irak, l'Iran - bien que le discours de celui-ci, à la tribune officielle, ait été extrêmement modéré -, le Pakistan, la Libye, l'Algérie et, sur certains points, l'Egypte.

Sur d'autres sujets, comme par exemple les problèmes de souveraineté des Etats, de reconnaissance des ONG, d'embargo, d'autres pays faisaient bloc, comme Cuba ou la Chine. Nous examinions, en effet, à la fois les droits propres des femmes, mais aussi un contexte qui pouvait les dépasser largement.

La délégation gouvernementale française menée par Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, comprenait trois parlementaires : Mme Dinah Dericke, présidente de la Délégation aux droits des femmes du Sénat, Mme Catherine Génisson, rapporteuse de l'Observatoire de la parité, et moi-même. Mme Yvette Roudy était présente en sa qualité de parlementaire du Conseil de l'Europe, et ne faisait donc pas partie de la délégation gouvernementale française. Mme Marie-Claude Veyssade, ancienne députée européenne, siégeait dans la délégation, au titre des ONG.

Les négociations ont été conduites par Mme Françoise Gaspard, et par un certain nombre de fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du service des droits des femmes que, pour ma part, j'ai trouvé remarquables. Nous les avions trouvées très motivées quand nous les avions reçues précédemment et, sur le terrain, elles ont participé à des nuits de discussions et de négociation.

L'intervention de Mme Nicole Péry devant l'Assemblée générale des Nations Unies, le lundi 5 juin, a porté sur les quatre thèmes suivants :

- l'éducation, mais ce mot n'a pas le même sens pour les uns et pour les autres ;

- la lutte contre les violences, dont la prostitution ; Mme Nicole Péry a réaffirmé la position abolitionniste française ;

- la santé : contraception, avortement, sida ;

- et les droits politiques.

Son intervention a été très appréciée et a même été applaudie en cours de discours, ce qui, semble-t-il, est assez rare.

Je n'ai pas participé à la Conférence de Pékin et je ne peux donc pas établir de comparaison, mais j'ai relevé quelques points forts de cette session extraordinaire.

Le premier concerne la présence des ONG - présence mieux assurée, physiquement, qu'elle ne l'était à Pékin, puisque le siège des ONG était le Church Center, en face du bâtiment des Nations Unies -, leur nombre ainsi que leur participation et leur poids dans la discussion. Il faut noter que la place des ONG pour faire avancer la cause des femmes, tant sur le plan national qu'international, a été réaffirmée dans le texte.

Le deuxième point fort concerne la place de la francophonie. Les pays francophones s'étaient réunis au mois de février à Luxembourg et avaient élaboré une déclaration finale, dont certains points ont été repris dans les négociations, notamment celui concernant le micro-crédit et ceux concernant le développement.

Les francophones, notamment en Afrique noire, souffrent beaucoup de l'hégémonie de la langue anglaise. Or, elles ont réussi à affirmer la place du français à travers deux outils : le premier, par l'intermédiaire d'Internet et du site de l'association française «Les Pénélopes», membre du réseau Human Action, qui donnait, chaque jour, des informations et produisait des émissions en français, et l'autre, au stand de la francophonie, par l'impression quotidienne, d'un « Bulletin des négociations de la Terre », édité en français et en anglais, et faisant le point des négociations.

La francophonie a donc essayé de structurer le débat, fortement soutenue par une demande émanant, notamment, des pays d'Afrique noire.

Nous avons également essayé d'appuyer le débat des parlementaires européens et des différents Parlements nationaux par la tenue de réunions régulières ouvertes à la fois aux représentantes des Parlements nationaux et aux parlementaires européennes. Une conférence réunissant parlementaires nationaux et européens doit d'ailleurs se tenir à la mi-novembre, à Berlin, sur le thème de l'insertion professionnelle des jeunes filles.

Pour quelqu'un comme moi, qui n'avait jamais participé à d'autres réunions internationales, les débats ont été extrêmement difficiles à suivre en raison du caractère très formel des négociations. Mais, en discutant, notamment avec les ONG françaises - nous avons organisé une soirée de travail avec elles -, je me suis rendu compte qu'il y avait deux niveaux distincts :

- le débat onusien qui, bon an mal an, avance, et traduit des rapports de force internes à chaque pays ou des positions politiques ;

- une dynamique interne : quand on met en perspective l'évolution, on s'aperçoit que, depuis 25 ans, depuis la Conférence de Mexico, il y a eu des avancées.

Les ONG citaient, en exemple, le problème de l'excision. A Nairobi, ce sujet était quasiment un tabou, alors qu'aujourd'hui, on évoque, dans une brochure éditée par le ministère des Affaires étrangères, en français et en anglais, parmi un certain nombre d'actions de coopération et de développement, la reconversion des femmes qui pratiquent l'excision.

Les choses avancent donc sur le terrain, même si elles ont du mal à se traduire dans les textes et si les débats restent difficiles.

D'après les dépêches AFP, le texte du document final contient des avancées dans les domaines suivants :

- une protection accrue contre les violences, y compris les violences familiales ;

- un meilleur accès aux soins et aux services de santé ; il y a eu tout un débat sémantique entre services de soins et de santé, le terme "services" englobant à la fois l'information sur la contraception et l'avortement, alors que le terme "soins" a une signification beaucoup plus réduite ; il y a un engagement à ce que les soins de base soient assurés de façon universelle d'ici 2020 ;

- une plus grande éducation pour tous, garçons ou filles, assurée de façon universelle d'ici 2015 ;

- l'implication des hommes dans leur comportement sexuel et leur rôle de père ; c'est peut-être la première fois que la place de l'homme apparaissait à ce niveau ;

- la recommandation faite aux Etats de signer la convention CEDAW sur l'élimination des formes de discrimination dont les femmes sont victimes.

En revanche, sur les droits sexuels -contraception, avortement, homosexualité- il n'y a eu ni avancée, ni recul : on s'en est tenu aux termes de la déclaration de Pékin.

Mme Nicole Péry ayant souhaité rencontrer des représentantes de pays ayant une position clé sur des sujets délicats, nous avons rencontré des responsables de l'Iran, du Maroc, du Gabon, ainsi que Mme Moubarak pour l'Egypte.

Mme Moubarak a abordé l'entretien de cette manière : «Mais pourquoi réouvrir Pékin ?» Dans son esprit, il n'était pas question de recul par rapport à Pékin, ni forcément d'avancée, mais en tout cas pas de recul.

Au cours de ces discussions bilatérales, nous avons parfois eu l'impression d'être sur deux planètes différentes, parce que nos interlocutrices nous disaient, Mme Moubarak, en particulier ou la ministre marocaine, que : «le développement suppose des moyens financiers et techniques que nous n'avons pas». Cette affirmation peut être un prétexte dans certains cas, elle peut aussi être une réalité dans d'autres.

En conclusion, je partage l'opinion des ONG françaises selon laquelle, sur les 25 dernières années, on peut dire qu'il y a une avancée de la place des femmes dans le monde. Ce rendez-vous quinquennal des femmes est donc indispensable, car il permet de faire le point et d'exercer une pression sur les gouvernements. La session extraordinaire de New-York a été précédée par des négociations au cours des deux dernières années. Elle permet une mobilisation qui me paraît indispensable.

Mme Yvette Roudy : Vous avez parfaitement rendu compte d'une réunion qui n'était pourtant pas facile à suivre, car il fallait se renseigner en permanence pour savoir où trouver l'information.

Je donnerai une impression différente, peut-être plus personnelle, de cette session à laquelle j'ai assisté en tant que parlementaire membre du Conseil de l'Europe.

J'ai pris la parole au cours d'une réunion de l'Union inter-parlementaire, organe qui réunit des parlementaires du monde entier.

Il faut essayer de tisser des liens entre toutes les structures qui s'occupent des femmes et que l'on retrouve aux Nations Unies. Notre Délégation n'est qu'un élément d'un dispositif mondial, qui participe de l'effort global visant à faire émerger les femmes, à leur donner une réalité, puisque, avant qu'il n'y ait ces grandes conférences, les femmes étaient invisibles.

Je prendrai un seul exemple, celui de la conférence de Nairobi en 1985 où l'on a pu faire émerger la réalité de l'apport économique des femmes, notamment dans les pays africains ; c'est là qu'on s'est rendu compte qu'existait un travail invisible des femmes, lorsqu'elles cultivent un petit morceau de jardin, qu'elles assurent la corvée de bois, la corvée d'eau, qu'elles arrivent à nourrir les familles et à créer un peu de commerce. Tout cela existait, mais on ne le savait pas. On a donc fait émerger une certaine réalité.

J'ai relu attentivement le discours de Mme Clinton, qui est remarquable d'intelligence politique, où elle n'oublie rien, et où elle parle, fort bien, du soutien qu'il faut apporter à cette création économique des femmes, à ce petit artisanat, surtout dans les pays sous-développés. La reconnaissance de ce qui existe déjà peut leur donner une réalité et c'est un progrès.

Je regrette, pour ma part, que les pays sous-développés aient tous tenu le même discours consistant à dire : commencez par annuler la dette et, après, on pourra faire quelque chose pour les femmes.

A titre personnel, je considère qu'effectivement, nous pouvons parler de l'annulation de la dette, mais il ne faut pas que cela soit un préalable, sinon les femmes sont utilisées comme un moyen de pression et de négociation dans les discussions.

Mais, en même temps, je n'hésite pas dire : peut-être peut-on arriver à trouver des financements, si l'on a des projets.

Il faut donc que nous puissions donner à ces pays une réponse qui ne soit ni trop naïve, ni cynique. Là-dessus, il y a une réflexion à mener.

Il existe un bloc complètement hostile aux femmes ; j'ai relevé le nom de pays qui sont systématiquement contre : il y a naturellement l'Afghanistan, le Pakistan, le Vatican - très actif bien qu'étant seulement observateur -, le Soudan, la Libye, la Chine, l'Iran, la Pologne, Cuba. C'est un bloc uni. Ils sont systématiquement contre les droits des femmes.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Pas forcément sur les mêmes sujets.

Mme Yvette Roudy : Non, mais ils se retrouvent souvent, notamment sur l'I.V.G. et la contraception.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Pas Cuba et la Chine qui se retrouvent sur d'autres thèmes, notamment sur la présence des ONG. Ils ne veulent pas d'un droit de regard de ces organisations.

Mme Yvette Roudy : Enfin, je suis d'accord pour soutenir la francophonie.

Ainsi, à Nairobi, j'avais établi des liens très étroits entre le forum des organisations non gouvernementales et la conférence elle-même, parce que la tendance des Etats est de séparer ces deux manifestations. Les pays hostiles aux organisations non gouvernementales préfèrent travailler sans être gênés par la voix des ONG et donc organiser ces conférences entre eux.

Je conclurai par un regret : on n'a pas parlé suffisamment de la situation des femmes en Afghanistan et au Pakistan. En revanche, il y a eu des discussions très animées sur le thème de l'orientation sexuelle qui est un sujet intéressant et important. Mais, on n'a pas assez parlé du problème afghan, et du fait que les Talibans ont déclaré la guerre aux femmes : elles ne peuvent plus travailler, elles n'ont plus aucun droit, elles peuvent se faire lapider dans la rue, elles deviennent folles, elles se suicident.

Si cette situation était celle des femmes noires en Afrique du Sud, les organisations des droits de l'homme organiseraient de nombreuses manifestations. Mais, alors qu'on est en train de massacrer les femmes afghanes, qu'on les met au ban de la société d'une manière scandaleuse, j'ai trouvé que les organisations non gouvernementales, en parlaient peu. Je m'explique ce silence par le fait que les femmes venant dans ces grandes manifestations sont, pour beaucoup d'entre elles, sous influence des Etats.

Les discours gouvernementaux de la plupart des pays du tiers-monde étaient des discours convenus, écrits de façon à ne pas trop déranger. Les discours les plus dérangeants étaient ceux des représentantes de l'Europe du Nord.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Je voudrais compléter les propos de Mme Yvette Roudy. Lors des discussions, ce que l'on appelle des "panels", a été présenté un rapport de la Banque Mondiale sur la pauvreté montrant l'interactivité des termes d'égalité, de développement et de démocratie. Les pays où les droits des femmes sont les plus avancés sont ceux qui sont les plus développés et les plus démocratiques.

Mme Mary Robinson, qui siège à la Banque Mondiale au titre des droits de l'homme, est intervenue pour dire - cela a fait débat au sein des ONG - qu'il y a une évolution de la politique de la Banque Mondiale qui, ces 20 dernières années, a peut-être montré ses limites. Elle est en train de s'infléchir pour prendre en compte le micro-développement, le micro-crédit, cet aspect de l'économie qui est largement porté par les femmes.

Selon les ONG françaises, le débat Nord-Sud concerne surtout le problème de l'effacement de la dette porté par les Etats du groupe des 77. En revanche, les ONG d'Afrique ou d'autres continents abordent ce débat en termes de mondialisation, allant plus loin que les seuls rapports Nord-Sud.

Je voudrais revenir sur la place grandissante des ONG.

Dans certains pays, notamment dans les pays arabes, certaines ONG sont étatiques. En revanche, là où existe le triptyque ONG/Parlement/Gouvernement, je trouve que la synergie est extrêmement intéressante et féconde.

Nous avons eu avec les ONG françaises un débat portant sur l'après New-York. L'Union européenne ayant été pilote au cours des débats de cette session des Nations Unies, on s'est demandé : que peut faire aujourd'hui l'Union européenne pour diffuser ces acquis ?

L'Europe a une certaine responsabilité, notamment par rapport aux pays du pourtour méditerranéen, et d'Afrique noire. On sent qu'il y a un besoin à la fois de structurer les contacts parlementaires au niveau européen et, en même temps, de nouer des relations beaucoup plus fortes avec les pays du pourtour de la Méditerranée et de l'ensemble de l'Afrique.

Enfin, je vous rejoins parfaitement, Madame Yvette Roudy, quand vous dites : la place de l'Afghanistan ou du Pakistan n'a pas été clairement dénoncée. Cependant, bien que je ne connaisse pas la teneur du discours prononcé par le représentant afghan, je pense que c'était la première fois qu'il était présent à une telle manifestation, et je considère que c'est déjà un point positif.

Lors des rencontres bilatérales de Mme Nicole Péry avec des représentants d'Iran, du Maroc, du Gabon et d'Egypte, la ministre a chaque fois interrogé ses interlocuteurs sur la place des filles dans l'enseignement supérieur et dans les universités. En Iran, au Maroc et en Egypte, les filles représentent plus de la moitié des étudiants, alors que l'éducation et la scolarité de base ne leur sont pas assurées. Il y a donc une poussée très forte des filles dans l'enseignement supérieur. Cependant, une personne qui travaille à l'U.N.E.S.C.O., nous a précisé que le terme d'éducation n'a pas le même sens pour nous que pour eux. Dans certains pays, l'éducation est conçue comme étant strictement technologique, tandis que l'accès à la philosophie ou à la réflexion d'une façon générale, a été supprimée ou existe très faiblement.

Il est cependant intéressant de noter que dans un certain nombre de pays - pays charnières dans ce débat - l'Egypte, le Maroc ou l'Iran, les filles sont à l'université en nombre aussi important que les garçons.

Mme Yvette Roudy : Mais pas pour les mêmes études.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Si, même en Iran, on forme des femmes ingénieurs.

Mme Danielle Bousquet : Compte tenu du fait que, dans les pays que vous citez, l'enseignement supérieur est effectivement l'apanage de classes sociales très favorisées, on imagine bien que certaines familles de la grande bourgeoisie souhaitent que leurs filles aient les mêmes parcours que les garçons. Cela me semble tout à fait cohérent avec le fait que l'enseignement supérieur ne soit pas démocratisé.

Mme Yvette Roudy : Il y a une chose que j'aimerais suggérer. C'était la deuxième fois que je voyais fonctionner l'ONU. Il faut perfectionner cette organisation, l'aider à mieux fonctionner, la rendre beaucoup plus opérationnelle parce qu'elle représente quand même une grande idée, peut-être les prémices d'un gouvernement mondial.

C'est un lieu où les gens se rencontrent, où ils peuvent régler des problèmes, où ils peuvent dépasser certains clivages.

Je pense, à ce propos, qu'il serait utile d'auditionner Bernice Dubois, une personne très active, connaissant très bien les ONG.

M. Michel Herbillon : J'ai entendu avec grand intérêt votre compte rendu, Madame la présidente, et les informations que nous a fournies notre collègue Yvette Roudy. Ceci m'amène à la réflexion et peut-être à la suggestion suivante, sur laquelle je souhaiterais connaître votre point de vue. Nous en avions déjà parlé au moment de la création de la Délégation aux droits des femmes. Ne pensez-vous pas qu'il serait souhaitable que la Délégation s'ouvre, à la fois sur le plan européen et international ? Les modalités seraient, évidemment, à définir plus précisément.

Je prends quelques exemples :

- d'abord, profiter du fait qu'il y a une présidence française de l'Union européenne pendant les six mois à venir pour rencontrer nos homologues des Parlements de l'Union européenne. Ainsi, je trouve qu'il serait utile que nous puissions rencontrer, d'abord les pays qui nous sont proches, puis les autres pays faisant partie de l'Union européenne .

- nous pourrions aussi prendre des initiatives -j'ai été très sensible à vos propos sur la francophonie-, et voir, par exemple, dans quelles mesures nous pourrions être utiles à des pays qui nous sont proches sur le plan historique et qui sont en train d'évoluer sur la question des droits des femmes.

Ainsi, il y a des changements importants au Maroc, pays avec lequel nous avons des liens très anciens de culture, de langue, etc. Le nouveau souverain se trouve confronté au défi de l'éducation et du rôle des femmes dans son pays. Je pense que nous pourrions utilement avoir des contacts avec ce pays et réfléchir à la façon dont notre Délégation pourrait intervenir.

De même, nous avons des liens anciens avec la Jordanie, pays dans lequel un nouveau souverain est confronté au même problème.

Je rejoins là votre propos sur la place de la femme et sur la francophonie.

- enfin, en tant que citoyen et en tant qu'être humain, tout simplement, je suis choqué, ému par la situation des femmes, notamment en Afghanistan, au Liban et au Pakistan. On ne peut pas rester insensible en tant que parlementaire français, membre de cette Délégation, vis-à-vis de cette situation.

C'est notre devoir, notre rôle en tant que parlementaire de cette Délégation d'un pays aussi important que la France, de ne pas laisser ces crimes, parce qu'il faut appeler les choses par leur nom, impunis et se développer, prospérer jour après jour et sous nos yeux.

J'ai vu récemment un reportage à la télévision sur le Pakistan qui m'a soulevé le c_ur. Je voudrais donc qu'ensemble nous puissions réfléchir, peut-être au sein du Bureau de la Délégation, aux initiatives que nous pourrions prendre en tant que Délégation aux droits des femmes.

Voilà les réflexions que je souhaitais présenter. Il est peut-être temps, pour notre Délégation, tout en continuant à suivre nos problèmes franco-français, de s'ouvrir sur le plan européen et international et voir dans quelles mesures nous pourrions avoir une contribution féconde et utile sur ces questions.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente - En premier lieu, il existe neuf délégations ou commissions ou organes similaires au nôtre dans les différents Parlements nationaux de l'Union européenne. Nous nous sommes retrouvés à New-York, ensemble, avec les parlementaires européens. Nous nous sommes promis d'ouvrir ces instances, également aux parlementaires membres du Conseil de l'Europe.

Il existe une réunion annuelle de ces organes des Parlements nationaux et du Parlement européen. La prochaine se tiendra à Berlin à la mi-novembre sur le thème de l'insertion professionnelle des filles.

On peut se poser la question de savoir quelle fonction on donne à cette structure : est-ce d'essayer de faire avancer la législation de chaque pays membre de l'Union européenne, est-ce essayer de faire avancer notre réflexion globale ?

En tous cas, l'Allemagne nous accueille au mois de novembre. J'aimerais que nous puissions préparer cette rencontre, y aller avec un certain nombre de parlementaires qui ont commencé à travailler sur l'insertion professionnelle des jeunes filles, et que nous établissions des objectifs et un calendrier de travail.

En second lieu, on peut s'interroger sur le rôle de l'Union européenne par rapport aux pays méditerranéens et à ceux d'Afrique noire.

Je pense que le thème de notre prochain colloque pourrait porter sur l'Europe du Nord et l'Europe du Sud. Il ne s'agit pas d'être donneur de leçon ; il nous faut partager des expériences et rechercher ce que certains pays peuvent nous apporter, notamment en termes de reconnaissance ou de micro-économie. Les femmes de l'Europe du Nord ont certainement des choses à dire sur la parité en politique.

Mme Yvette Roudy - Au Conseil de l'Europe, la commission que je préside a décidé de faire de la Méditerranée le thème de son prochain colloque. Je vous tiendrait au courant.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente - Lorsque nous avons rencontré la ministre marocaine, je lui ai demandé si, compte tenu du contexte politique du Maroc, une rencontre avec des parlementaires marocains pouvait faire avancer les choses. Elle a répondu positivement.

Il existe un groupe d'amitié France-Maroc dont Madame Odette Trupin est membre. Il faudrait organiser quelque chose avec ce groupe d'amitié.

M. Michel Herbillon - Ce serait une bonne idée. On pourrait avoir là des échanges fructueux.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente -  Le groupe d'amitié s'est rendu récemment au Maroc et a envisagé des contacts, avec moi-même en tant que présidente de la Délégation et avec des femmes marocaines.

On peut également prévoir une rencontre à Paris avec des femmes marocaines, parlementaires ou représentantes d'associations.

L'accord de coopération entre le Maroc et l'Etat français porte sur la formation des différents acteurs intervenant dans le domaine des violences envers les femmes. Pouvons-nous faire davantage, avons-nous une spécificité en tant que parlementaires ou est-ce un travail à mener en commun avec les ONG ?

D'une façon générale, nous avons constaté une forte demande d'informations des gouvernements et des ONG. Parmi les ONG françaises, était présent le C.N.I.D.F. (Centre national d'information des Droits des femmes). Des actions pourraient être menées en commun par le ministère des Affaires étrangères et le service des Droits des femmes.

En revanche, nous n'avons pas évoqué le cas de la Jordanie, ni celui de l'Afghanistan.

Mme Hélène Mignon - En tant que vice-présidente du groupe France-Algérie, j'ai demandé à rencontrer des femmes algériennes. Il n'est pas impossible qu'un voyage soit organisé au mois de juillet.

En tant que présidente du groupe France-Danemark, je dois rencontrer à nouveau l'ambassadeur le 30 juin prochain. Lors d'une première rencontre, je lui avais fait part de notre volonté de nous rendre au Danemark et j'ai proposé que cette rencontre ait lieu au mois de septembre.

M. Michel Herbillon - Ce déplacement aura-t-il lieu en votre qualité de membre de la Délégation aux droits des femmes ou de vice-présidente du groupe d'amitié ?

Mme Hélène Mignon - J'ai fait cette demande au nom du groupe d'amitié, mais j'ai précisé que je serai accompagnée par des collègues de la Délégation aux Droits des Femmes.

J'ajoute que j'ai rencontré il y a un mois environ la ministre de la Famille du Cambodge et qu'elle est très désireuse de nous rencontrer.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente - En ce qui concerne l'Algérie, je précise que la ministre n'a pas pu avoir à New-York de rencontre avec les représentants de ce pays, mais le ministère des Affaires étrangères a travaillé, pendant cette session de l'O.N.U., à un accord de coopération entre la France et l'Algérie sur les femmes, qui devrait être à l'ordre du jour de la visite de M. Bouteflika demain à Paris. Il y a donc des avancées.

Mme Yvette Roudy - Pour comprendre ce qui se passe dans des pays comme le Maroc ou l'Algérie, il faut être conscient que les islamistes exercent des pressions très fortes et que les gouvernements sont obligés de négocier avec eux.

Pour les islamistes algériens, trois points ne sont cependant pas négociables : l'arabisation, l'histoire d'Israël et le code de la famille.

Les chefs d'Etat du Maroc et de l'Algérie n'ont donc pas les coudées franches. Néanmoins, comme les élites de ces pays viennent tous faire des études en France, que les ONG y sont très actives, il n'est pas impossible que les islamistes acceptent de ne pas exercer de veto si l'on choisit comme thème commun de travail avec ces deux pays le thème des femmes. Si on leur parle de parité, il est évident qu'ils bloqueront les discussions. Si on leur parle d'I.V.G. ou de contraception, ils vont peut-être les bloquer. Mais si l'on parle de violence à l'encontre des femmes, c'est peut-être une bonne façon d'amorcer des relations. Ceci étant, les relations une fois amorcées, que pouvons-nous leur proposer ?

Mme Hélène Mignon - Le terme de violence pour les islamistes est porteur.

Mme Yvette Roudy - Oui, il s'agit de la violence à l'encontre des femmes, des femmes battues. J'ai l'impression que les islamistes du Maroc et d'Algérie n'aiment pas cette violence. Je ne parle pas de l'Afghanistan ni du Pakistan où on atteint le sommet de l'horreur

Il faut trouver des contacts. Du côté de l'Algérie, naturellement, il y a Khalida Messaoudi, parlementaire et présidente de son groupe politique au Parlement, lequel participe au Gouvernement ; elle-même aurait pu y entrer. Elle est dans une situation de compromis, mais sur le plan des droits des femmes, elle a une position tout à fait claire. Nous pourrions la recevoir à la Délégation.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente - Au Maroc, il y a deux femmes parlementaires qui ne sont pas des islamistes, mais qui semblent être plutôt des femmes-alibis.

M. Michel Herbillon - Nous devrions rencontrer le groupe d'amitié Maroc-France du Parlement marocain. En effet, la question du statut de la femme se pose au Maroc, notamment en matière de formation et d'éducation des jeunes filles. C'est un vrai défi auquel est confronté le nouveau souverain et, au-delà de ces deux parlementaires femmes, l'ensemble du Parlement marocain.

Les membres de la Délégation aux droits des femmes pourraient se joindre au groupe d'amitié sur cette question.

Sur le thème des violences, je pense qu'il y aura une réaction négative des pays du Maghreb. Il faudrait plutôt parler d'éducation et de formation, et, à l'occasion des échanges sur ces thèmes, poser aussi la question des violences.

On peut aujourd'hui au Maroc parler de beaucoup plus de questions et dans un esprit beaucoup plus ouvert.

Il serait intéressant également de rencontrer certaines élites marocaines, généralement formées en France, tout à fait remarquables, et qui ont une conception de la société de leur pays très différentes de celles d'aujourd'hui.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente - En ce qui concerne l'éducation, thème que nous avons traité à New-York au cours d'entretiens bilatéraux avec la ministre marocaine, il faut noter qu'à l'université, la moitié, des étudiants sont des filles.

La ministre du Maroc a également précisé que la scolarité sera obligatoire, à partir de la rentrée prochaine pour tous, garçons et filles, au niveau du primaire, mais qu'elle ne disposait pas des moyens suffisants pour imposer cette obligation de scolarité.

Mme Yvette Roudy - J'ai demandé à la ministre si le roi et la s_ur du roi la soutenait. La réponse a été positive. Je pense donc qu'il devrait être possible de monter un programme et de demander l'aide de la s_ur du roi pour trouver des subventions.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente - Je constate donc que vous donnez une grande importance à cet axe de travail et qu'il faudrait établir des contacts aussi bien avec les pays de l'Union européenne qu'avec ceux de la Méditerranée.

Mme Marie-Françoise Clergeau - Tous les domaines sont intéressants. Mais, il faut sérier les domaines que nous souhaitons approfondir, sinon nous risquons de ne pas avoir les moyens de nos ambitions.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente - Il serait également intéressant de demander au ministère des Affaires étrangères et au service du droit des femmes quels sont les résultats de New-York et quelles sont les demandes émanant d'un certain nombre de pays.

Mme Yvette Roudy - Il faudrait organiser une réunion avec tous ces fonctionnaires - une bonne quinzaine en tout, si ce n'est plus - qui décident de la position de la France. Nous avons eu de bonnes relations avec elles. Il n'y a pas eu de hiérarchie. Je pense donc qu'il serait intéressant de les rencontrer pour faire le bilan de la conférence de New-York.

M. Michel Herbillon - Je suis sensible à ce que dit ma collègue, Mme Marie-Françoise Clergeau. Il ne faut pas aller dans toutes les directions. En revanche, il serait fort utile et appréciable que notre Délégation, indépendamment de son travail législatif, contribue à faire avancer la condition des femmes dans tel ou tel domaine, dans tel ou tel pays.

C'est pour cette raison que j'ai évoqué des pays qui nous sont proches, comme ceux du Maghreb. Il ne s'agit cependant pas d'organiser simplement des colloques.

Pour vous donner un exemple, je fais partie du groupe d'amitié France-Philippines qui s'est rendu récemment aux Philippines. Nous avons exigé, malgré le souhait tout à fait contraire de l'ambassadeur et du gouvernement philippin, d'aller voir les enfants de la rue. Nous les avons vus et, au retour, nous avons envoyé, chacun le prenant sur sa réserve parlementaire, des crédits à une ONG que nous avions rencontrée sur place. Avec la somme que nous avons envoyée, nous avons permis à cette ONG d'ouvrir une mission supplémentaire et de la faire fonctionner pendant un an pour ces enfants de la rue.

A partir de cet exemple, pour ma part, je souhaiterais que notre Délégation apporte une contribution concrète sur un sujet précis, indépendamment du travail de réflexion conduit par ailleurs. Je suggérerais donc que nous choisissions un sujet concret.

Sur le Maroc, je rejoins ce que disait ma collègue Yvette Roudy. Quand il y a la volonté, on finit par y arriver. Quel est le problème du Maroc sur le plan de l'éducation des jeunes filles et des jeunes garçons ? C'est de créer des écoles dans les villages éloignés. En résumé, le problème est le suivant : comme il n'y a pas assez d'écoles, les gamins de la campagne devraient faire des centaines de kilomètres pour aller à l'école ; alors ils n'y vont pas, ni les garçons, ni les filles.

De la même façon, on ne peut pas continuer à laisser impunis les crimes contre les femmes en Afghanistan. Nous n'avons certes pas beaucoup de pouvoir, mais nous pouvons y réfléchir.

Mme Yvette Roudy - On peut rappeler que les Nations Unies sont intervenues au Kosovo pour arrêter des massacres. C'est exceptionnel et nouveau comme démarche. Il s'agissait d'une pacification dans le bon sens du terme, c'est-à-dire que les militaires sont intervenus pour empêcher les populations de se massacrer.

Ne pourrait-on pas, avec l'aide du Parlement européen et de sa commission des droits des femmes, intervenir auprès des Nations Unies pour faire arrêter le massacre de ces femmes ?

Elles n'ont même pas le droit de travailler, elles se suicident, elles sont massacrées, elles sont lapidées dans la rue sans que personne ne bouge. Et la même situation se développe au Pakistan.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente - Je vous ferai parvenir plusieurs documents dont j'ai eu connaissance à New-York :

- un document du Gouvernement français qui fait le bilan de ce qui s'est passé en France depuis la conférence de Pékin,

- la déclaration finale de la conférence des femmes qui s'est tenue à Luxembourg,

- la brochure du ministère des Affaires étrangères "Promouvoir l'égalité homme/femme », qui recense un grand nombre d'expériences intéressantes.

B. CONFÉRENCE DE BERLIN

1. Compte-rendu des travaux

La Conférence des commissions parlementaires à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes des pays de l'Union européenne et du Parlement européen s'est tenue à Berlin, les 17 et 18 novembre 2000.

Il s'agissait de la quatrième Conférence réunissant les organes spécialisés de ces différents Parlements - après Bruxelles (1997), Lisbonne (1998) et Madrid (1999) -, mais de la première Conférence à laquelle assistait une représentante de la Délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale.

La délégation française était représentée par Mme Catherine Picard, députée et Mme Maryse Bergé-Lavigne, sénatrice, toutes deux membres de la Délégation aux droits des femmes de leur assemblée.

Le thème de travail retenu pour cette Conférence portait sur l'orientation professionnelle des jeunes filles - sujet sur lequel une expertise avait été demandée à trois spécialistes du Jugendinstitut - et plus largement sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, aussi bien dans la fonction publique que dans le secteur privé.

Par ailleurs, la Conférence devait se prononcer sur une modification de son règlement visant à renforcer le réseau des commissions parlementaires européennes en charge des questions d'égalité homme-femme.

*

* *

La réunion a été ouverte le 17 novembre par les exposés liminaires de Mmes Anke Fuchs, vice-présidente du Bundestag et Christel Hanewinckel, présidente de la Commission des affaires familiales, des personnes âgées, des femmes et des jeunes du Bundestag, présidente de la Conférence.

Mme Christine Bergmann, ministre fédérale de la famille, est ensuite intervenue. Elle a souligné l'insuffisance de la reconnaissance du principe d'égalité juridique homme-femme et la nécessité d'insérer la politique d'égalité dans tous les domaines de la politique gouvernementale. Elle a présenté les améliorations récentes de la politique familiale allemande qui vont dans le sens d'une plus grande égalité homme-femme - telles que la loi qui entrera en vigueur au 1er janvier 2001 qui permet de prendre un congé de maternité ou de paternité ou celle sur le temps partiel -.

Trois experts du Jugendinstitut, Mmes Ursula Nissen, Barbara Keddi et Patricia Pfeil ont ensuite présenté une expertise sur le thème de "L'orientation professionnelle des adolescentes et des jeunes femmes - situation empirique et tentatives d'explication théorique-".

Très centrée sur les raisons de l'inadéquation entre la qualité du cursus scolaire des jeunes filles et le choix de leur profession - celles-ci continuant de choisir majoritairement des métiers "féminins" et étant peu portées vers les métiers techniques -, cette étude, très théorique, n'était guère innovante sur les mesures susceptibles de remédier à une telle situation.

Au cours de l'après-midi, au siège de l'entreprise Deutsche Telekom, Mme Maud Pagel, déléguée à l'égalité entre les sexes de cette entreprise, a vanté les initiatives de cette entreprise "modèle" en matière de promotion des femmes : mise en place de 32 déléguées à la condition féminine à temps plein, formation Internet destinée aux femmes, brochure incitant les jeunes filles à se lancer dans les métiers techniques ... L'entreprise constate cependant que le temps partiel et les congés parentaux restent l'apanage exclusif des femmes.

Une table ronde sur le problème plus général de l'égalité entre les sexes dans la fonction publique et le secteur privé a ensuite réuni M. Siegmar Mosdorf, secrétaire d'Etat au ministère de l'économie et de la technologie, Mmes Christel Hanewinckel et Rita Süssmuth, membres du Bundestag, Karin Junker, membre du Parlement européen et Maud Pagel, déléguée de Deutsche Telekom.

Un des thèmes principalement débattu a été celui du caractère incitatif ou contraignant des mesures à prendre pour la promotion des femmes. Mmes Christel Hanewinckel et Rita Süssmuth ont insisté sur la nécessité de mesures législatives, Mme Christel Hanewinckel se prononçant pour une législation laissant aux entreprises pendant trois ans carte blanche pour se conformer aux objectifs de la loi, puis, passé ce délai, les obligeant à s'y conformer.

M. Siegmar Mosdorf a estimé à l'inverse qu'il fallait procéder de manière incitative, par exemple, en attribuant en priorité les marchés publics aux entreprises soucieuses de l'égalité des chances. Il a également évoqué un certain nombre de bonnes pratiques, comme celles des sociétés Deutsche Telekom et Daimler-Chrysler.

Mme Rita Süssmuth a évoqué le "plafond de verre" qui s'oppose à la promotion des femmes et elle a souhaité une modification de la loi sur l'égalité des chances dans le secteur public.

Mme Karin Junker a mis l'accent sur la difficulté que rencontrent les informaticiennes nouvellement formées à trouver un emploi et regretté l'absence de politique cohérente en faveur de la promotion des femmes.

Le débat s'est ensuite déplacé sur le problème de la garde des enfants qui doit être notablement amélioré, notamment dans les Länder de l'Ouest, selon Mme Christel Hannewinckel, qui a souligné que les structures d'accueil des jeunes enfants étaient plus développées à l'Est qu'à l'Ouest.

Un débat s'est ensuite instauré sur les expériences concrètes des différents pays visant à améliorer la situation des femmes.

Les pays scandinaves (Danemark, Norvège, Islande) ont particulièrement évoqué le problème du congé parental, qui peut être pris par le père ou la mère, la déléguée islandaise étant fortement applaudie quant elle a évoqué la nouvelle loi en vigueur dans son pays qui permet un congé de maternité pendant trois mois pour la mère, un congé supplémentaire de trois mois que les parents peuvent se partager, et un congé additionnel de trois mois qui ne peut être pris que par le père (sous peine d'être supprimé) et qui devrait effectivement amener chaque parent à prendre un congé pour s'occuper des enfants.

Mme Catherine Picard a évoqué la nouvelle loi française sur la réduction du temps de travail dont l'objectif est à la fois davantage d'emploi et davantage de temps libéré et qui permettra donc de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. Elle a indiqué que les cadres d'entreprises, et notamment les femmes, étaient favorables à la réduction du temps de travail et estimé qu'il fallait mieux partager le temps partiel, puisqu'à l'heure actuelle 80 % des salariés à temps partiel souhaiteraient reprendre un emploi à temps complet et ne le peuvent pas. Elle a rappelé que l'égalité des chances entre les femmes et les hommes devait s'inscrire dans tous les secteurs de la vie publique et elle a dressé le bilan de la politique de parité menée en France, évoquant la loi sur la parité en matière politique, l'article de la loi sur le sport prévoyant le principe de parité dans les instances sportives dirigeantes, la signature d'une convention entre plusieurs ministères destinée à promouvoir l'égalité des chances dans le système éducatif, l'accent mis sur le développement de statistiques sexuées dans tous les secteurs ainsi que le vote de la loi sur le PACS.

Mme Mag Britt Theorien, présidente de la Commission des droits des femmes du Parlement européen a rappelé les sept objectifs à atteindre dans les cinq années à venir qui ont été déterminés par la Commission européenne (et qui portent notamment sur la représentation accrue des femmes dans le domaine politique, la traite des femmes, les violences, l'égalité des salaires, ...).

*

* *

La Conférence s'est poursuivie le 18 novembre avec l'intervention de Mme Michaele Schreyer, commissaire européenne en charge du budget, sur la politique d'égalité entre les sexes en Europe.

Elle a évoqué le rôle d'avant garde de la Commission européenne en la matière - un quart des commissaires sont des femmes - mais elle a rappelé qu'au niveau européen comme au niveau national, le mouvement vers la parité prendrait beaucoup trop de temps si on le laissait suivre sa pente naturelle.

Parmi les mesures les plus incitatives, pour parvenir à l'égalité des chances, elle a insisté sur les programmes mis en _uvre par l'intermédiaire des fonds structurels. Elle a souligné qu'il appartenait aux commissions parlementaires des Parlements nationaux de s'assurer de la mise en application en faveur des femmes des programmes bénéficiant du financement des fonds structurels et souhaité que les comités nationaux ou régionaux qui élaborent les projets concrets comportent une participation féminine importante.

Elle a observé une amélioration de la situation juridique des pays candidats en matière de lutte contre la discrimination envers les femmes et a souhaité qu'ils ne puissent pas adhérer à l'Union européenne s'ils ne traduisent pas immédiatement - c'est-à-dire sans phase de transition - dans leur droit national les directives européennes sur l'égalité des chances.

Un débat s'est ensuite instauré avec les participantes à la Conférence qui ont notamment soulevé le problème du manque d'information concernant les projets des différents pays européens et sur leur absence d'évaluation. Il faudrait à la fois savoir ce qui existe et ce que "marche". Une meilleure information sur la part des programmes financés par les fonds structurels consacrés à la promotion des femmes et sur les acteurs qui financent ces programmes est donc absolument nécessaire.

Mme Michaele Schreyer a sur ce point évoqué un rapport de Mme Anna Diamantopoulou, commissaire européenne de l'emploi et des affaires sociales, passant en revue les projets des différents pays et leurs meilleures pratiques.

Elle a souligné la nécessité d'un lobbying plus efficace et d'une pression accrue pour obtenir des Etats membres qu'ils s'occupent d'égalité des chances de manière un peu moins décontractée.

*

* *

La Conférence s'est ensuite poursuivie par une discussion sur le texte final de la Conférence, appelé "Déclaration de Berlin" exposant le but et les méthodes de travail du réseau des commissions parlementaires et faisant quelques recommandations sur l'orientation professionnelle des jeunes filles.

Plusieurs problèmes étaient posés à cette Conférence :

- celui de la Présidence de la Conférence l'année prochaine ;

- celui du financement de ces conférences ;

- celui de la création d'un Bureau permanent.

Le règlement intérieur du réseau - qui n'a pas été modifié - à prévu qu'à partir de 2001, la présidence de la Conférence serait assurée par le pays qui exerce la présidence de l'Union européenne au deuxième semestre ou à défaut par celui qui l'exerce au premier semestre.

La Belgique qui assurera la Présidence de l'Union européenne au deuxième trimestre 2001 ne souhaite cependant pas être le pays organisateur de la prochaine Conférence (car elle a déjà organisé la première Conférence en 1997). Il appartiendrait donc à la Suède - si l'on s'en tient au règlement intérieur - d'organiser la Conférence de 2001.

La Suède n'a pas encore fait connaître formellement sa réponse. Bien qu'il soit peu probable qu'elle refuse, certains parlementaires ont évoqué des solutions de remplacement : l'organisation de cette Conférence par le Parlement européen ou par la France.

Le problème du financement des conférences est un point central pour leur survie.

Jusqu'à présent - sauf pour la Conférence de Berlin, qui a été prise en charge par le Parlement allemand, et, pour partie, par Deutsche Telekom - le financement de cette Conférence était assuré par le Quatrième programme d'action de l'Union européenne pour l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Comme ce programme vient à expiration à la fin de l'année 2000, le financement de ces conférences ne pourra donc plus être assuré de cette manière à partir de 2001.

La Présidence allemande a proposé que le financement futur des Conférences prenne appui sur le document de la Commission :"Pour une stratégie-cadre en faveur de l'égalité entre femmes et hommes 2001-2005" qui prévoit parmi les mesures possibles : "le soutien financier à un réseau des commissions parlementaires sur l'égalité des chances entre femmes et hommes dans les pays membres de l'Union européenne et du Parlement européen".

Plusieurs participants - dont les représentants portugais et français - ont estimé qu'il appartenait aux Parlements nationaux d'apporter un soutien technique et financier à ces Conférences, comme ils le font déjà pour les COSAC (Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires).

En tout état de cause, des discussions devront s'ouvrir avec la Commissaire européenne pour savoir si le financement par la Commission européenne peut s'appliquer au réseau lui-même ou seulement à ses projets.

En ce qui concerne la création d'un Bureau permanent qui avait été proposée par la présidence allemande dans la première version du texte de la Déclaration, de nombreuses critiques se sont élevées, notamment parmi les pays scandinaves, qui ont estimé qu'il constituerait un échelon bureaucratique supplémentaire, mais aussi parmi les représentants autrichiens et ceux du Parlement européen.

Une solution de compromis a été adoptée : celle de la création d'un groupe de travail qui examinerait la question de la création d'un secrétariat permanent et déterminerait quel serait sa fonction et son financement.

Un débat a eu lieu sur la composition de ce groupe de travail. La proposition de la Présidence prévoyait un représentant des pays de la Troïka (Espagne-Allemagne-Suède ?), deux représentants du Parlement européen et un représentant de l'Italie, pour assurer une meilleure représentation des pays du Sud.

Le Parlement européen a proposé de se contenter d'un seul représentant, de manière à permettre une plus large participation de pays. Le Portugal a contesté la représentation retenue, la France a proposé sa candidature au groupe de travail, de manière à ce qu'un pays francophone soit représenté. Finalement, il a été décidé de restreindre le groupe de travail à quatre membres - les trois représentants de la Troïka et un membre du Parlement européen -.

Le thème de la prochaine Conférence pour lequel plusieurs pays avaient émis des suggestions - pour le Portugal, la violence et les abus liés à la pauvreté, pour la Belgique, la position des femmes issues de l'immigration sur le marché du travail - sera laissé au libre choix de la prochaine Présidence.

Les quinze objectifs du réseau et les trois recommandations relatives à l'orientation professionnelle des jeunes filles ont été ensuite adoptées, sous la dénomination "Déclaration de Berlin", dont le texte figure ci-après.

2. Déclaration de Berlin

"Dans le cadre de leur Conférence annuelle des 17 et 18 novembre à Berlin, les membres de la Conférence des commissions parlementaires à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes de l'Union européenne et du Parlement européen déclarent ce qui suit :

I. Développement du réseau

Le réseau des commissions parlementaires à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes de l'Union européenne et du Parlement européen a fait ses preuves, au cours des quatre dernières années, dans le cadre du quatrième programme d'action de l'Union européenne. Les travaux du réseau doivent non seulement se poursuivre mais, tout en s'inscrivant dans la stratégie générale de la Communauté (document : Pour une stratégie cadre de la Communauté visant à promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes (2001 -2005) - Proposition de décision du Conseil relative au programme de soutien de la stratégie cadre de la Communauté pour l'égalité entre les femmes et les hommes (2001 - 2005) Com. n° (00) 335 déf. (5RD n° 08638), doivent aussi être intensifiés et institutionnalisés.

En plus des participants actuels, la commission à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes du Conseil de l'Europe sera admise en qualité d'observateur.

II. Objectifs et méthode de travail

1. Objectifs

Les commissions confirment les objectifs définis par le Règlement intérieur du 30 octobre 1998.

Par ailleurs, le réseau constituera un forum pour les commissions à l'égalité entre les femmes et les hommes des Parlements des États membres de l'Union européenne et du Parlement européen ; il sera aussi l'élément moteur pour la réalisation de l'égalité entre les femmes et les hommes au moyen d'une politique d'intégration active et d'actions concrètes.

En outre, le réseau poursuivra plus particulièrement les objectifs suivants :

a) Promouvoir la coopération des commissions parlementaires intéressées de tous les pays membres de l'Union européenne, du Parlement européen et des pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne ;

b) Suivre les programmes des travaux de la Commission et du Conseil et agir sur les décisions politiques ayant une incidence sur la politique d'égalité ;

c) Mettre sur pied des institutions particulières pour la promotion de la femme si cette démarche est décidée à la majorité ;

d) Elaborer des stratégies communes visant à mettre en _uvre une politique d'intégration de l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi que de promotion de la femme, et influer sur les décisions, par exemple sur les conférences intergouvernementales ;

e) Développer la communication et l'échange d'informations entre les commissions parlementaires ;

f) Promouvoir une stratégie commune de communication et d'action ;

g) Discuter de sujets d'intérêt commun et européen ;

h) Suivre de près la politique de l'égalité des chances dans l'Union européenne ;

i) Promouvoir la politique de l'égalité entre les femmes et les hommes dans les Parlements de sorte que la dimension européenne soit intégrée dans la politique des commissions nationales et que le rôle des commissions nationales soit reconnu au niveau européen ;

j) Lancer des recherches quantitatives et qualitatives sur le rôle et les activités des commissions parlementaires chargées des questions d'égalité des chances entre les femmes et les hommes afin d'évaluer sur une base scientifique la mission de ces organes et l'impact de leurs travaux ;

k) Initier des activités dans les divers États membres en vue d'y accélérer la mise en oeuvre effective de l'intégration de l'égalité des chances dans les politiques de chaque État membre ;

l) Évaluer l'application du traité d'Amsterdam dans les États membres, et plus particulièrement de ses articles 2, 3-2, 12, 13, 137-1, 141 touchant la politique d'égalité des chances ;

m) Se prêter assistance mutuelle, surtout dans les pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne, en vue d'intégrer la politique d'égalité entre les femmes et les hommes dans la pratique politique et de promouvoir le principe d'égalité des chances en composant de façon paritaire les organes décisionnels ;

n) Définir et évaluer les critères nécessaires à une mise en _uvre efficace de l'intégration de l'égalité des chances, notamment des normes minima concernant les structures à créer et les exigences de qualification minima applicables aux experts en la matière ;

o) Définir les mesures nécessaires à la prévention des dangers qui surviennent dans le cadre de la double charge que représentent la vie familiale et la vie professionnelle.

2. Méthode de travail

En principe, il y a lieu de maintenir la méthode de travail appliquée jusqu'ici.

Par ailleurs, les membres du réseau se proposent de créer des structures permettant une plus grande continuité du travail du réseau.

Un groupe de travail est institué, qui sera chargé de préciser la nature de ces structures, de décider, par exemple, s'il y a lieu de créer un secrétariat permanent, d'en définir, le cas échéant, les tâches concrètes et les modalités de son financement ; ce groupe de travail est composé comme suit :

- une représentante de la présidence précédente (Espagne) ;

- une représentante de la présidence actuelle (Allemagne) ;

- une représentante de la future présidence ;

- une représentante du Parlement européen.

Le groupe de travail est chargé de présenter une proposition au plus tard à la fin du premier trimestre 2001 et de la soumettre à l'approbation des autres États membres.

III . Demandes formulées

1. Les gouvernements des États membres de l'Union européenne sont invités à concrétiser la stratégie générale mentionnée ci-dessus.

2. En outre, les États membres sont invités à _uvre en faveur de la concrétisation des objectifs convenus dans le cadre de l'Assemblée générale extraordinaire des Nations Unies "Pékin + 5" et plus particulièrement des objectifs suivants :

- représentation accrue des femmes dans les processus décisionnels ;

- participation accrue des femmes dans les domaines de la résolution de conflits et du rétablissement de la paix ;

- mise en _uvre pratique du principe du "salaire égal pour un travail égal" et valorisation des professions féminines ;

- fin de la violence envers les femmes et les enfants ;

- fin de la traite des femmes ;

- participation égale des femmes dans les domaines des nouvelles technologies et de l'information ;

- abaissement de 50 %, d'ici à 2004, de l'écart entre les sexes dans les domaines du marché de l'emploi, du chômage, des salaires et de la ségrégation

3. Se référant aux recommandations de l'avis d'expert "Choix de la profession par les adolescentes et les jeunes femmes", les participants déclarent ce qui suit :

a) Les participants invitent les Parlements et gouvernements de leurs pays à prendre des mesures propres à faciliter l'accès des jeunes femmes à des professions d'avenir, pas seulement dans le domaine technique ;

b) Dans l'esprit de l'intégration de l'égalité des chances, les programmes et mesures ayant pour objet d'assurer aux jeunes filles et aux femmes de meilleures chances pour leur formation et leur profession doivent aller de soi et ne pas être considérés comme des programmes spéciaux destinés à compenser des déficits ;

c) Afin de disposer de fondements solides pour leurs décisions politiques, les pays de l'Union européenne doivent multiplier la recherche sur les motifs guidant les jeunes filles et les jeunes femmes dans le choix de leur profession. Les mesures et programmes types doivent faire l'objet d'une évaluation et être concrétisés à une large échelle."

*

* *

En conclusion, cette Conférence qui réunit des parlementaires des pays de l'Europe des Quinze et du Parlement européen a réalisé :

- une confrontation des points de vue sur des sujets d'intérêt commun, qui a permis de mieux cerner les différentes sensibilités et la diversité des problèmes et de leurs solutions dans chaque Etat membre ;

- un dialogue avec une Commissaire européenne qui a permis l'expression des préoccupations des parlementaires nationaux.

Ces réunions devraient contribuer à aider à faire progresser la compréhension des problèmes des femmes au niveau européen.

ANNEXES

délégation aux droits des femmes

et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

(Loi n  99-585 du 12 juillet 1999)

Groupe Socialiste (16)

MM. Patrick Bloche, Mmes Danielle Bousquet, Nicole Bricq, Odette casanova, Marie-Françoise Clergeau, M. Jacques Floch, Mmes Conchita Lacuey, Jacqueline Lazard, Raymonde Le Texier, Martine Lignières-Cassou, Hélène Mignon, Catherine Picard, M. Bernard Roman, Mme Yvette Roudy, MM. André Vallini, Kofi Yamgnane.

Groupe R.P.R. (9)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, M. Philippe Briand, Mme Nicole Catala, MM. Patrick Delnatte, Richard Cazenave, Henry Chabert, Jean-Claude Etienne, Patrice Martin-Lalande, Mme Marie-Jo Zimmermann.

Groupe U.D.F. (4)

M. Pierre Albertini, Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. Patrick Herr, Mme Anne-Marie Idrac.

Groupe D.L. (3)

Mme Nicole Ameline, MM. Claude Goasguen, Michel Herbillon.

Groupe Communiste (2)

Mme Muguette Jacquaint, M. Patrick Malavieille.

Groupe R.C.V. (2)

M. Jean-Pierre Defontaine, Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Présidente :

Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU

Vice-présidentes :

Mmes Muguette JACQUAINT

Chantal ROBIN-RODRIGO

Yvette ROUDY

Marie-Jo ZIMMERMANN

Secrétaires :

Mme Marie-Thérèse BOISSEAU

M. Michel HERBILLON

LOI no 99-585 du 12 juillet 1999 tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Article unique

Il est inséré, après l'article 6 sexies de l'ordonnance no 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, un article 6 septies ainsi rédigé :

« Art. 6 septies. - I. - Il est constitué, dans chacune des deux assemblées du Parlement, une délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Chacune de ces délégations compte trente-six membres.

« II. - Les membres des délégations sont désignés en leur sein par chacune des deux assemblées de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes parlementaires et équilibrée des hommes et des femmes ainsi que des commissions permanentes.

« La délégation de l'Assemblée nationale est désignée au début de la législature pour la durée de celle-ci.

« La délégation du Sénat est désignée après chaque renouvellement partiel de cette assemblée.

« III. - Sans préjudice des compétences des commissions permanentes ou spéciales ni de celles des délégations pour l'Union européenne, les délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ont pour mission d'informer les assemblées de la politique suivie par le Gouvernement au regard de ses conséquences sur les droits des femmes et sur l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. En ce domaine, elles assurent le suivi de l'application des lois.

« En outre, les délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes peuvent être saisies sur les projets ou propositions de loi par :

« - le Bureau de l'une ou l'autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d'un président de groupe ;

« - une commission permanente ou spéciale, à son initiative ou sur demande de la délégation.

« Enfin, les délégations peuvent être saisies par la délégation pour l'Union européenne sur les textes soumis aux assemblées en application de l'article 88-4 de la Constitution.

« Elles demandent à entendre les ministres. Le Gouvernement leur communique les informations utiles et les documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission.

« IV. - Les délégations établissent, sur les questions dont elles sont saisies, des rapports comportant des recommandations qui sont déposés sur le bureau de l'assemblée dont elles relèvent et transmis aux commissions parlementaires compétentes, ainsi qu'aux délégations pour l'Union européenne. Ces rapports sont rendus publics.

« Elles établissent en outre, chaque année, un rapport public dressant le bilan de leur activité et comportant, le cas échéant, des propositions d'amélioration de la législation et de la réglementation dans leurs domaines de compétence.

« V. - Chaque délégation organise la publicité de ses travaux dans les conditions définies par le règlement de chaque assemblée.

« La délégation de l'Assemblée nationale et celle du Sénat peuvent décider de tenir des réunions conjointes.

« VI. - Les délégations établissent leur règlement intérieur. »

LISTE DES RAPPORTS DE LA DÉLÉGATION

- Rapport d'information de Mme Nicole Bricq (n° 2071) du 11 janvier 2000 sur le projet de loi (n° 1867) adopté par le Sénat, relatif aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national ;

- Rapport d'information de Mme Odette Casanova (n° 2074) du 12 janvier 2000 sur le projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des Iles Wallis-et-Futuna ainsi que sur le projet de loi (n° 2012) tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ;

- Rapport d'information de Mme Catherine Picard (n° 2101) du 19 janvier 2000 sur le projet de loi (n° 1821) modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives ;

- Rapport d'information de Mme Marie-Françoise Clergeau (n° 2109) du 25 janvier 2000 sur la proposition de loi (n° 735), adoptée par le Sénat, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce ;

- Rapport d'information de M. André Vallini (n° 2226) du 1er mars 2000 sur la proposition de loi (n° 2132) de Mme Catherine Génisson et plusieurs de ses collègues, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

- Actes du colloque "Contraception, IVG : mieux respecter les droits des femmes" du 30 mai 2000 - DIAN 45/2000 ;

- Rapport d'information de Mme Marie-Françoise Clergeau (n° 2593) du 25 septembre 2000 sur la proposition de loi (n° 2567) de Mme Danielle Bousquet et plusieurs de ses collègues, sur la contraception d'urgence ;

- Rapport d'information de Mme Danielle Bousquet (n° 2702) du 15 novembre 2000 sur le projet de loi (n° 2605) relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception ;

- Rapport d'information de Mme Nicole Bricq (n° 2703) du 15 novembre 2000 sur la proposition de loi (n° 2604), modifiée par le Sénat, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

- Rapport d'information de Mme Hélène Mignon (n° 2798) du 13 décembre 2000 sur le projet de loi (n° 2415) de modernisation sociale.

2800 - Rapport d'activité de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes : année 2000

() Liste complète en annexe

() Rapport au Directeur général de la santé par le professeur Michèle Uzan sur la prévention et la prise en charge des grossesses des adolescentes, avril 1998. Rapport de du professeur Israël Nisand "L'IVG en France", propositions pour diminuer les difficultés que rencontrent les femmes, réalisé à la demande de Mme Martine Aubry alors ministre de l'emploi et de la solidarité, février 1999.