N° 3641

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

L'impact éventuel de la consommation des drogues
sur la santé mentale de leurs consommateurs

Première partie - chapitres III & IV

CHAPITRE III : LES AUTRES DROGUES À EFFET PERTURBATEUR : LE LSD, LES CHAMPIGNONS HALLUCINOGÈNES (MESCALINE, PSILOCIBINE ET LES SOLVANTS) 55

Section I : Le LSD et les champignons hallucinogènes 55

Section II - Les solvants 57

CHAPITRE IV : LES DROGUES À EFFET STIMULANTS : LA COCAÏNE, LE CRACK, LES AMPHÉTAMINES, L'ECSTASY... ET LES PRODUITS DES RAVES PARTIES 59

Section I : Les caractéristiques communes aux différents produits 59

Section II - La cocaïne et le crack 60

A) Les effets immédiats de la cocaïne et du crack 62

B) L'analyse du Rapporteur 63

1) Les dangers traditionnels 63

2) Les nouveaux dangers : l'effet désinhibiteur 64

Section III - Amphétaminiques et psychostimulants 66

A) Le constat 66

B) Les effets de ces produits 67

Section IV - L'ecstasy 68

A) Le bilan dressé par l'Observatoire français des toxicomanies 68

B) L'expertise collective publiée par l'INSERM en juin 1998 69

C) L'analyse du Rapporteur : des dangers graves 70

Section V : Les drogues de synthèse utilisées dans les raves parties 71

A) Les difficultés d'identification des produits 71

B) La kétamine 72

C) Le gamma OH,GHB 74

D) Le protoxyde d'azote 74

Conclusion : 75

 

 

Retour au sommaire et à l'introduction du rapport
Suite du rapport

 

 

Chapitre I

graphique
II :
Les autres drogues à effet perturbateur :
le LSD, les champignons hallucinogènes (mescaline, psilocibine et
les solvants)

La difficulté du sujet justifiait qu'un chapitre soit intégralement consacré au cannabis mais d'autres drogues ont pour principal effet de venir perturber le jugement. Il s'agit essentiellement, des colles, solvants et champignons hallucinogènes.

Section I :
Le LSD et les champignons hallucinogènes

Les champignons hallucinogènes constituent une famille de plantes comportant de nombreuses variétés dont la plus commune est le psilocybe.

Le LSD est le vingt-cinquième dérivé diéthylamide de l'acide lysergique, produit par un champignon l'ergot de seigle, synthétisé pour la première fois en 1938, ses propriétés hallucinogènes ont été découvertes en 1943.

Ces produits induisent des hallucinations très importantes. Pour le LSD (appelé aussi acide), on parle de voyages et plus précisément de bons et mauvais voyages. En pratique le consommateur ne contrôle pas la qualité du voyage ou des hallucinations. En cas de mauvais voyage, il reste parfois « scotché ». Ce terme veut dire qu'il reste des séquelles hallucinatoires.

Le LSD est un hallucinogène particulièrement puissant puisque l'ingestion de quelques dixièmes de grammes peut provoquer des hallucinations durant dix heures.

Le risque de ces produits est donc l'apparition de maladies mentales définitives, à caractère hallucinatoire. Ce sont donc des troubles à vie qui se compliquent toujours de dépressions un peu délirantes et se terminent très souvent par des suicides.

Là encore, comme pour le cannabis, il existe 2 écoles, celle qui pense que la maladie psychotique (délirante) existait avant de façon discrète, et celle qui pense que le produit a engendré de toute pièce la maladie. La violence de l'atteinte mentale est sans commune mesure avec la perception erronée de la réalité qu'engendre le cannabis. Le L.S.D. déclenche des hallucinations sans prise (parfois jusqu'à sept ans après la dernière prise).

Les cliniciens consultés par votre Rapporteur lui ont affirmé avoir été récemment et de plus en plus confrontés au développement des champignons hallucinogènes et du LSD dont le prix a diminué récemment passant de 1000F en 1990 à 30 à 60 francs aujourd'hui.

Pour certains ils sont peut-être très sains car ce sont des produits naturels. Or, ils génèrent de vrais phénomènes hallucinatoires. Les services d'urgences constatent la vulnérabilité à la psychose et le fait que certains utilisateurs décompensent.

Ces produits qui sont également très répandus dans les DOM-TOM sont loin d'être anodins.

Section II - Les solvants

Pour l'Académie Nationale de médecine les produits volatils et solvants présentent les effets suivants: PRODUITS VOLATILS : SOLVANTS (« Colles» au toluène, trichloréthylène, etc...), ETHER :

« 1 - Indications fournies par l'odeur et l'environnement

« 2 - Vertiges, instabilité, nystagmus

« 3 - Ebriété, ivresse, confusion mentale,

« 4 - Action sédative, hypnotique et coma

« 5 - Phénomènes psychotiques : spécialement hallucinations visuelles

« 6 - Dépendance : parfois très contraignante (éther)

« 7- Complications : lésions cérébrales, rénales, hépathiques, pulmonaires ou sanguines. »

Les solvants sont utilisés en « sniff », par des pré-adolescents le plus souvent, car ils sont faciles d'accès et peu coûteux. Or, il existe un consensus pour considérer que, même à petites doses, ces derniers peuvent provoquer des dégâts sérieux sur le cerveau.

Les consommations les plus graves surviennent lorsque l'enfant se met un sac plastique sur la tête pour mieux « apprécier » le produit. Les concentrations au niveau du cerveau sont majeures et il peut y avoir mort neuronale. La conséquence en est que des enfants seront intellectuellement et définitivement déficitaires, le risque d'épilepsie séquellaire est très fréquent.

Nous constatons également l'existence de beaucoup de violence chez les enfants et adolescents « spiromanes » (consommateurs de ces produits). Nous retrouvons là le problème évoqué au chapitre suivant de la violence induite par la drogue.

Il ne faut jamais oublier que la pénalisation de l'usage des stupéfiants résulte d'abord des nécessités de protection de l'ordre public. Or, les solvants posent un problème particulier car le consommateur utilise des produits dont le commerce et le transport sont licites. Il est donc indispensable que les pouvoirs publics fassent un important effort d'information sur ces drogues dont l'importance de l'usage est difficile à évaluer mais les dangers élevés.

Chapitre IV :
Les drogues à effet stimulants :
La cocaïne, le crack, les amphétamines, l'ecstasy... et les produits des raves parties

De l'avis général des personnalités auditionnées par votre Rapporteur ces produits, qui agissent tous aux mêmes endroits sur les neurones, sont ceux qui ont connu le plus fort développement ces dernières années.

Ils ont des effets très voisins étant différenciés essentiellement, par leur rapidité d'action et leur intensité. Leur effet sur la santé mentale est réel, cela n'est guère contesté.

A la différence du cannabis, il existe un consensus médical et scientifique sur les effets redoutables de drogues telles que la cocaïne ou l'ecstasy. Il n'y a débat que sur l'ampleur des désordres générés par ces drogues. Les incertitudes demeurent encore nombreuses pour ce qui concerne leurs effets à long terme, non leur caractère intrinsèquement dangereux.

Section I :
Les caractéristiques communes aux différents produits

Ces produits, qui ont les mêmes inconvénients que ceux évoqués pour les opiacés (cf. chap. V ), sont des anti-douleurs et des excitants. Ils stimulent le cerveau. C'est cet effet d'excitation couplé avec l'effet anti-douleur qui engendrent les accidents de « sur-régime » chez les sportifs qui en usent ou dans les « rave parties ».

Leur caractère dangereux pour l'organisme n'est guère contesté : en 2000, la cocaïne a été à l'origine, selon les services de police, de 11 des 120 décès par surdose enregistrés dans notre pays. En outre, on a relevé la présence de cocaïne dans 5 décès provoqués par l'héroïne.

Au niveau des vaisseaux artériels, ils provoquent des vasoconstrictions, ce qui favorise les thromboses et les ruptures vasculaires par augmentation de la pression artérielle. Ces produits pris régulièrement ont l'inconvénient de rendre mégalomane. Leur arrêt engendre des états dépressifs très graves, pouvant durer 6 mois et plus, et des effets potentiellement suicidogènes.

Section II - La cocaine et le crack

L'usage de la cocaïne demeure limité, en 2000, seul 1,4 % des Français âgés de 18 à 75 ans l'ont déjà expérimenté1.

La cocaïne est un psychostimulant extrait de la feuille de coca qui rend hyper actif et peut amplifier les réactions, le crack est très voisin chimiquement, il se fume et entraîne une dépendance très puissante.

La cocaine empêche la recapture de la dopamine au niveau des synapses. Ce faisant, elle augmente la présence et donc l'effet de la dopamine dans les synapses au niveau du cerveau des émotions (système limbique).

Cet afflux de dopamine dans la partie du cerveau - centre des émotions - va avoir pour conséquence un effet euphorisant très important. Le mécanisme de recapture, bloqué par la cocaïne se développera alors pour tenter d'y faire face.

En cas d'arrêt de consommation après un usage important et prolongé, le mécanisme optimisé de recapture va fonctionner et abaisser les taux de dopamine en dessous du seuil habituel ce qui explique que le sevrage de cocaïne conduise non à des symptômes physiques mais à une dépression où à une forte anxiété.

graphique

L'observatoire français des toxicomanies note qu'« à l'exception d'une courte période, aux alentours de la Première Guerre mondiale, la consommation en France de cocaïne est demeurée modérée et n'a jamais été considérée comme un problème majeur. L'augmentation, depuis 1996 environ, de l'usage de cocaïne, représente une rupture dans l'histoire de ce produit. Au cours des soixante dernières années, la cocaïne a toujours été largement devancée par les opiacés : opium et morphine, morphine et héroïne, puis héroïne uniquement.

« A l'instar de l'année précédente, l'image du crack en 2000 demeure mauvaise alors que celle de la cocaïne reste globalement positive. Chez les nouveaux consommateurs, la cocaïne est plutôt perçue comme un produit valorisant du fait de son association au dynamisme, au luxe, à la réussite sociale et aux performances physiques, intellectuelles et sexuelles. En outre, elle est considérée comme un produit n'entraînant pas de dépendance et dont l'usage implique, un risque de niveau faible ou tout du moins acceptable.  2

« En revanche, chez les consommateurs plus expérimentés, cette perception est beaucoup plus nuancée. En effet, la cocaïne est aussi perçue à la lumière de ses possibles effets indésirables sur le psychisme comme les épisodes psychotiques de type paranoïde ou les manifestations involontaires d'agressivité; des difficultés de gestion et de maîtrise que l'usage implique; du risque de passage d'une consommation récréative à une consommation abusive et enfin du coût élevé de sa consommation.

« Dans l'espace urbain, comparé à 1999, la disponibilité de la cocaïne est en augmentation et ce dans l'ensemble des sites TREND. On note une tendance générale à une légère amélioration de la qualité de la cocaïne dans la majorité des sites. En revanche, il semblerait que la qualité de la cocaïne vendue dans la rue se dégrade du fait des coupages inhérents à cette forme de distribution. »

A) Les effets immédiats de la cocaïne et du crack

Votre Rapporteur va d'abord s'appuyer sur le constat dressé par l'Académie de médecine qui en 1997 décrivait les sept effets suivants :

1.

- Effet anesthésique local : nasal ou buccal.

 

2.

- Actions psychostimulantes avec euphorie ; Voir Amphétaminiques : 1-2-3.

 

3.

- Syndrome sympathique :

- accélération cardiaque,

- élévation tensionnelle,

- dilatation pupillaire,

- sueurs ou frissons,

- nausées ou vomissement.

 

4.

- Troubles mentaux caractérisés :

- hallucinations visuelles (« électriques ») ou tactiles (bêtes sous la peau)

Surtout chroniques : delirium ou persécution

Au sevrage : dépression et tentatives de suicide, classique delirium, acocaïnique.

 

5.

- Induction d'une véritable dépendance : tolérance, augmentation des prises avec troubles du sevrage.

 

6.

- Complications vasculaires : locales (perforations nasales), et

surtout générales : hypertension et artérites ; infarctus cardiaques et cérébraux.

7.

- Effets secondaires de fatigue, d'asthénie, de troubles du sommeil et de dépression.

Source : Bull. Acad. Natle. Med.. 1988, 772. n° 7, 927-933, séance du 11 octobre 1988

B) L'analyse du Rapporteur

Si le cannabis est perçu comme une drogue « douce » par les consommateurs, de même que l'alcool, l'ecstasy est perçue comme se situant à la limite entre drogues dures et douces, mais la cocaïne est plutôt perçue comme une drogue dure. Or, du fait de la chute des prix (environ 500 francs le gramme contre mille il y a quelques années 3) beaucoup de ces drogues circulent et lorsque la prise de cocaïne est associée à des mélanges, nous arrivons à des tableaux très dangereux.

1) Les dangers traditionnels

La dépendance à la cocaïne est très rapide car il s'agit d'une des drogues les plus addictives. On estime que 10 % des personnes ayant une consommation récréatives deviendront des consommateurs abusifs ou dépendants.4

Beaucoup de gens jeunes, soumis à une forte pression professionnelle en consomment car ils doivent être performants en permanence. Ils prennent ce produit comme dopant et connaissent un passage à vide en cas d'arrêt. Il existe des milieux où cette consommation est fréquente. Or, le contrôle de sa propre consommation est beaucoup plus difficile pour la cocaïne que pour l'alcool.

La polyconsommation est systématique chez les cocaïnomanes ce qui complique sérieusement le diagnostic et explique que la difficulté d'isoler les effets de ce seul produit soit réelle pour les scientifiques.

Cette réserve de méthodologie étant faite, la cocaïne est probablement à l'origine de petits accidents vasculaires cérébraux ainsi que d'accidents cardiaques  car elle augmente le risque de survenue de caillots sanguins par la diminution du calibre des vaisseaux (vasoconstriction).

La cocaïne peut être responsable de la dégénérescence des terminaisons nerveuses dopaminergiques avec dans des cas probablement peu fréquents des signes semblables à ceux de la maladie de Parkinson.

Mais, la destruction à long terme des cellules neuronales par la cocaïne est prouvée sur le singe.

Si les bouffées délirantes sont relativement fréquentes, de rares psychoses sont prouvées sans pour autant être toujours irréversibles. Le véritable danger de ces produits réside dans des dépressions parfois très importantes qui suivent la prise de ce produit et le risque de suicide qu'il peut impliquer.

2) Les nouveaux dangers : l'effet désinhibiteur

La cocaïne produit des effets secondaires comme la violence, le crack est plutôt utilisé chez les grands toxicomanes.

L'utilisation de drogue pour se donner du courage devient relativement fréquente ; elle est utilisée comme un dopant par les agresseurs;

L'auto-administration de cette drogue n'est pas faite pour se donner du plaisir mais pour nuire. Cet aspect de la drogue est relativement nouveau et peu étudié.

La possibilité de suicide par intervention des autres ou de dégâts importants existe et mériterait d'être étudiée en liaison avec la justice et les services de police.

La prédisposition à la psychose de drogués n'arrange pas les choses et constitue un élément à prendre en compte pour appréhender ces phénomènes.

Les cliniciens consultés par votre Rapporteur considèrent que la cocaïne est sortie de son milieu initial plutôt aisé, ce qui expliquerait que cet usage à des fins délictueuses soit devenu plus fréquent.

Comparaison des prévalences des troubles psychiatriques parmi des toxicomanes dépendants des opiacés, de la cocaïne et en population générale (d'après Rounsaville [10-13])

graphique

Source : Groupement de recherche psychotropes, politique et société (octobre-décembre 1999)

Section III - Amphétaminiques et psychostimulants

Les amphétamines sont des stimulants du système nerveux central qu'elles maintiennent en alerte, d'où leur utilisation par des professions désireuses d'améliorer leurs performances. Le rôle de ces produits est plus destiné à se faire plaisir qu'à guérir un mal être.

A) Le constat

Le rapport Trend de l'Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies note que « la consommation des amphétamines existe en France depuis au moins le début des années 1940. Très discrète au commencement, elle prend de l'ampleur au cours des années 1960 sans toutefois atteindre le niveau de certains pays de l'Union européenne (Suède, Grande-Bretagne).

« Jusqu'à la fin de la première moitié de la décennie 90, l'approvisionnement en amphétamines provenait essentiellement des détournements pratiqués au sein du secteur médical, notamment de médicaments en forme de comprimés tels que l'Orténal et le Dinintel. Au cours de la seconde moitié de la même décennie, une forme importée d'amphétamine en poudre a fait son apparition sur le marché. Il s'agirait d'une réponse à la demande croissante de l'espace festif techno.

« Jusqu'au retrait, fin 1999, de tout médicament à base d'amphétamine, les deux formes se partageaient le marché. la forme comprimé médicalement prescrite était essentiellement disponible dans l'espace urbain tandis que la forme poudre l'était surtout dans l'espace festif techno. Depuis le retrait des formes prescrites, c'est la forme poudre qui domine le marché.

« Au cours de l'année 2000, une forme d'amphétamine non connue jusqu'alors est apparue en France : le ya ba 5 fréquemment utilisé en Asie du Sud-Est. La présence de ce produit en France a été confirmée par des petites saisies policières réalisées dans la région Ile-de-France.

« Dans l'espace festif techno, le speed est un terme générique qui désigne toutes sortes d'amphétamines en forme de poudre ou de pâte. Il existe du speed blanc, du speed jaune, du speed rose (sensé être mélangé avec du MDMA), du speed base en pâte (souvent vendue comme de l'amphétamine pure) ».

B) Les effets de ces produits

Pour l'Académie nationale de médecine les effets de ces produits peuvent être synthétisés de la façon suivante :

1.- Antagonistes du sommeil et de la fatigue. Possibilité d'hallucinations après veille forcée.

2.- Stimulants intellectuels, de la mémoire, de l'expression verbale et aussi excitation de l'agressivité, troubles du caractère et colères.

3.- Action rapide mais rapidement épuisée (tachyphylaxie) avec escalade des doses.

4. - Effets sympathomimétiques vasculaires : vasoconstriction, spasmes, hypertension artérielle, artérites.

5. - Effets anti-orectiques (coupe-faim) et amaigrissant : utilisation des anorexigènes à doses abusives comme toxicomanie.

6. - Troubles mentaux caractérisés (surtout en chronique) :

Effet parano (idées délirantes de persécution ou de référence: avec possibilité d'hallucinations).

7. - Effets secondaires d'asthénie ou de dépression. Le risque le plus important est celui de la polyconsommation

L'Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies a engagé des études pour préciser la consommation de ces produits dont les effets à terme peuvent être redoutables comme cela a pu être illustré par les accidents graves survenus à des sportifs.

Section IV - L'ecstasy

L'ecstasy qui est une drogue dont on parle beaucoup ne représente pourtant qu'une faible proportion de consommateurs, de l'ordre de 5% d'expérimentateurs6.

La Mdma (abréviation de : méthylènedioxyméthamphétamine) a été synthétisée pour la première fois en 1912 dans le cadre d'une recherche de produits coupe-faim. Ce produit s'apparente à la fois aux psychostimulants et aux hallucinogènes du type LSD.

Elle entraîne des augmentations immédiates et importantes de sérotonine dans la synapse, mais aussi de dopamine suivies d'un épuisement des stocks de neuromédiateurs. L'ecstasy, ou plus vraisemblablement un ou plusieurs de ses métabolites agirait à la fois en bloquant le système de recapture de la sérotonine et de la dopamine et en détruisant les neurones par des réactions d'oxydation. Des chercheurs auditionnés par votre Rapporteur lui ont indiqué que certaines expériences donnent à penser qu'au bout de quelques années elles entraînent une baisse de trente pour cent du nombre des neurones 7.

La Mdma est entactogène, elle a des propriétés intermédiaires entre hallucinogènes et stimulants, elle favorise et modifie les relations avec les autres et maintient en éveil.

A) Le bilan dressé par l'Observatoire français des toxicomanies

« Analyser les évolutions de la perception de l'ecstasy entre 1999 et 2000 n'est pas une tâche aisée. Les propos des observateurs portent, en effet, tantôt sur la qualité du produit tantôt sur les conséquences de son usage pour la santé. Aussi, faute de pouvoir trancher dans un sens ou dans l'autre, les deux types d'arguments positifs ou négatifs relatifs à cette substance seront-ils exposés.

« Les arguments qui plaident en faveur d'une perception positive de l'image sont les suivants :

· « Le développement de la consommation de produits considérés comme « hard » tels que la kétamine et l'héroïne fait apparaître l'ecstasy comme un produit « soft » ;

· « le statut de produit facile à maîtriser et à gérer du fait de la diffusion et l'intégration par les usagers réguliers de mesures de réduction des dommages telles que l'espacement des prises et la diminution de la quantité consommée ;

· « la perception d'une amélioration de la qualité des échantillons notamment en termes de taux de pureté, lequel reviendrait à son niveau d'autrefois.

« Toutefois, d'autres arguments vont plutôt dans le sens d'une dégradation de l'image de l'ecstasy :

· « la qualité aléatoire des échantillons vendus ;

· « le développement de consommations abusives chez des consommateurs novices entraînant des effets secondaires, communément admis par les consommateurs eux-mêmes, notamment l'état dépressif ».

B) L'expertise collective publiée par l'INSERM en juin 1998

L'ecstasy peut entraîner une mort subite mais pose surtout un problème lors de la dépression de la semaine qui suit la prise de drogue. Les jeunes perçoivent cet aspect car, ils le voient et sont sensibles à l'association avec les médicaments qui implique des « voyages » qu'ils ne contrôlent pas, de ce fait ils n'ont plus la même image de l'ecstasy.

L'INSERM, dans son expertise collective, a ciblé trois principaux dangers :

- La survenue possible bien qu'exceptionnelle dès la première prise ou après plusieurs bien supportées, d'un syndrome associant le plus souvent une hyperthermie, pouvant conduire au décès malgré un traitement médical approprié.

- L'apparition de complications psychiatriques plus ou moins longtemps après la prise de l'ecstasy, dont il est difficile de dire aujourd'hui si elles sont induites ou révélées par la consommation d'ecstasy.

- La mise en évidence de lésions neurologiques irréversibles chez les primates, pour des doses de MDMA voisines de celles habituellement consommées et pouvant rester longtemps infra-cliniques.

Ces propriétés font de la MDMA un produit toxique indépendamment de tout abus. Les experts concluent à la nécessité d'une information rigoureuse sur cette toxicité.

De fait pour votre Rapporter si le débat scientifique sur les effets à long terme de l'ecstasy n'est pas réglé, en particulier sur le développement de maladies neurodégénératives de type Alzheimer, car la consommation de masse est trop récente, cette drogue est objectivement un poison susceptible de nuire gravement à la santé mentale et il existe un véritable consensus scientifique sur ce point.

C) L'analyse du Rapporteur : des dangers graves

Votre Rapporteur admet que la lecture des publications scientifiques sur l'ecstasy l'a convaincu des graves dangers de ce produit pour la santé physique et mentale des individus : si l'ecstasy est le produit donnant le plus de plaisir par rapport à sa toxicité il est également l'un des plus inquiétant car il provoque des morts8 et des troubles psychiques ; elle a longtemps était considérée comme un produit « tranquille » car sous forme de pilule mais elle est utilisée avec beaucoup de mélanges et la température corporelle du consommateur peut monter à 40 degrés.

Le problème essentiel est que la consommation régulière de ce produit entraîne une dépression et des troubles cognitifs dont on ne sait pas s'ils sont réversibles. Certains chercheurs considèrent que les destructions massives de neurones pourraient conduire à des maladies dégénératives telles que les maladies de Parkinson ou d'Alzeimer.

Cette hypothèse reste toutefois à démontrer puisqu'il n'existe qu'une seule étude d'un chercheur américain le Professeur Ricaurte qui montre des altérations dégénératives du système sérotoninergique à long terme chez l'homme.9

En outre l'ecstasy, n'est pas utilisée toute seule, et ces mélanges entraînent fréquemment des altérations intellectuelles qui perdurent : l'ecstasy présente un danger intellectuel à travers l'état de panique, la dépression et un vécu persécutif, qui dure longtemps après la prise et renvoi à la vulnérabilité individuelle.

Il faut noter l'existence d'une contre-indication entre l'ecstasy et les contraceptifs oraux qui peut se traduire par un risque accru d'hépatites.

Section V :
Les drogues de synthèse utilisées dans les raves parties 

Votre Rapporteur est très inquiet devant le développement des drogues de synthèse. Il existe un goût pour le jeu qui génère des comportements nouveaux avec des produits potentiellement dangereux.

A) Les difficultés d'identification des produits

Il faut regarder et analyser les produits qui rentrent en France et améliorer la connaissance sur ces derniers.

Ce problème est en partie réglé dans le cadre de l'OFDT avec le projet SINTES10 qui a pour objet d'analyser les drogues d'expertise des produits.

L'idée d'acheter des drogues sur un marché clandestin pose un réel problème éthique puisque de l'argent public sert à acheter des produits illicites et contribue à alimenter le trafic. Cette action est probablement inévitable, elle n'est pas sans risque pour les responsables qui en ont la charge. Ce problème mériterait que le Parlement se penche sur cette question afin d'encadrer ces achats et de donner une plus grande sécurité juridique à cette action d'achat de drogues à des fins d'analyse et dans des perspectives de santé publique.

Par contre votre Rapporteur est beaucoup plus réservé sur la pratique du « testing » dans les raves parties. Si l'idée de départ était d'éviter les produits contrefaits, donc un objectif de santé public, il pose néanmoins un réel problème éthique puisqu'il revient en quelque sorte à labelliser des produits illicites et n'enlève rien aux dangers intrinsèques de ces produits tels que nous venons de les décrire.

Il est vrai que les collecteurs de produits agissent dans une optique de prévention des risques mais, les raves impliquent des enjeux financiers lourds et l'attitude des organisateurs de rave est pour le moins ambiguë ; le commerce de produits qui menacent la santé est au moins implicitement toléré par ces derniers ce qui conduit à s'interroger sur la mise en _uvre de la loi pénale à leur égard.

Votre Rapporteur se demande si, lors des raves parties les essais de pilules ne conduisaient pas certains consommateurs à penser qu'il s'agissait de produits propres. Or, les décès par surdose d'ecstasy existent et ces actions peuvent donner un sentiment de fausse sécurité au consommateur car le « testing » permet de connaître la composition des produits mais pas nécessairement tous leurs effets, en particulier les effets secondaires, qui peuvent être extrêmement dangereux.

Ces réserves de déontologie étant faites, quelques enseignements intéressants peuvent être tirés du projet SINTES :

La première surprise est que l'on a découvert peu de produits nouveaux mais que les pouvoirs publics ne pensaient pas que les médicaments jouaient un rôle aussi important.

Cette situation conduit à formuler l'hypothèse de l'existence d'effets secondaires de produits qui ressemblent à l'ecstasy mais dont on ne connaît pas la provenance.

Les producteurs d'ecstasy sont de bons pharmacologues bénéficiant d'une infrastructure importante.

Lors des derniers échantillons prélevés on ne trouve presque plus que de l'ecstasy mais, votre Rapporteur est inquiet devant la montée des concentrations qui deviennent de plus en plus élevées avec parfois des lots à 170 milligrammes quand le risque de décès débute à partir de 150 milligrammes.

Ces études ont un intérêt mais les analyses scientifiques doivent aller au-de là. La difficulté majeure réside dans le fait que nous ne disposons que de quelques études limitées sur le plan biologique or les fonctions cognitives sont très dures à mettre en évidence.

Comme l'a souligné le Professeur Roques devant votre Rapporteur, il serait nécessaire d'aller au-delà en rassemblant dans deux sites les études des problèmes oxydation car ce n'est pas le produit qui est actif mais la métabolisation (cf II ème partie chapitre II).

B) La kétamine

Selon l'OFDT « la consommation de kétamine est apparue au sein de l'espace festif techno autour de 1997. Elle circule depuis sous les appellations suivantes : la « Golden » considérée comme très forte, la « K 16 », la « Hobby one », l'« Anglaise » et la « vétérinaire ».

« L'année 1999 avait vu une amélioration sensible de l'image de la kétamine, due au fait que les usagers avaient appris à en apprivoiser les effets et les modalités de consommation, ce qui avait contribué à l'augmentation du nombre des expérimentateurs ainsi qu'à l'élargissement de sa diffusion. Au cours de l'année 2000, cette tendance ne semble pas confirmée. Les observateurs rapportent, au contraire, une détérioration de l'image de la kétamine, laquelle tiendrait à deux facteurs :

· « Le premier est relatif à l'évolution du mouvement des free parties, berceau de la diffusion de la kétamine. Dans la région parisienne, celui-ci se subdivise en deux courants regroupant organisateurs de fêtes et adeptes : pour ou contre la kétamine. Le courant pour regrouperait les personnes les plus radicales, rebelles et marginales. A cette population s'ajoutent les usagers les plus problématiques d'héroïne et de speed. courant contre est composé essentiellement de personnes socialement intégrées, sans revendications identitaires prononcées autres que l'attachement à la culture et à la musique techno. Ils sont pour la plupart consommateurs d'ecstasy, de LSD, de cocaïne, de cannabis, etc., et beaucoup moins d'autres produits.

« · Le second est relatif à la rapidité de la diffusion de la kétamine et à l'augmentation du nombre des expérimentateurs et des consommateurs qui ont contribué à rendre palpables et visibles les effets secondaires négatifs habituellement observés chez les consommateurs (accoutumance, perte d'équilibre, chutes, blessures, coma, etc.).

« Comme l'année dernière, la kétamine est consommée comme produit principal pour ses effets hallucinogènes propres, lesquels, en fonction du dosage, peuvent aller d'une légère modification de l'état de conscience à des hallucinations très fortes voire au K-hole (pré-coma). Comme produit de régulation, l'anesthésiant est en général utilisé avec de l'ecstasy, afin de renforcer la composante hallucinogène et les sensations de flottement, avec le LSD, pour prolonger les effets de ce dernier, et enfin avec de la cocaïne .

Dans l'ensemble, la diffusion de la kétamine semble en régression en 2000. Ce recul semble plus prononcé dans le nord de la France que dans le sud. En revanche, dans les teknivals et les free parties, la kétamine gagnerait de nouveaux consommateurs par rapport à l'année précédente.

Il a été indiqué à votre Rapporteur que l'observatoire français des drogues et toxicomanies a engagé deux études: L'une sur la kétamine et l'autre sur le GBH ( ou ecstasy liquide employée particulièrement par les body builders). Les résultats de ces études permettront de faire le point sur cette question car, nous manquons aujourd'hui de données sur les effets de ces drogues.

C) Le gamma OH,GHB

Le GHB présente une image contrastée car ce produit est présenté par les médias comme la drogue du viol.

La diffusion de ce produit semble relativement rare et ses effets sont d'abord relaxants et sédatifs.

Il est souvent associé à l'ecstasy ou à la cocaïne.

D) Le protoxyde d'azote

Le protoxyde d'azote (ou gaz hilarant) est une substance légale utilisée à la fois en médecine, dans l'industrie alimentaire et dans des préparations culinaires domestiques. Il est disponible sur le marché dans deux conditionnements :

· les capsules de recharge alimentaire (utilisées pour la crème Chantilly),

· les bouteilles « bonbons » à usage médical ou industriel.

Au cours de l'année 2000, l'image du protoxyde d'azote est mitigée, avec une tendance à la dégradation :

· d'un côté, compte tenu de son statut légal, de la brièveté de ses effets, du peu d'accidents observés et de l'aspect folklorique, presque enfantin de sa consommation (ballons de baudruches), il est perçu par beaucoup de consommateurs comme étant inoffensif et anodin,

· d'un autre côté, depuis l'élargissement de sa diffusion au cours de l'année 1999, trois éléments sont venus écorner cette image positive outre les deux mentionnées plus haut :

- nombreux sont ceux qui considèrent la consommation de gaz hilarant comme étant une forme de « défonce perso », « vulgaire », en déphasage avec l'ambiance qui doit prévaloir dans les fêtes techno ;

- Il existe des soupçons relatifs aux effets néfastes à long terme sur le cerveau et des effets nocifs immédiats avérés (malaises, pertes de conscience, perte d'équilibre et chutes survenues chez des consommateurs abusifs) ;

- le mode d'administration par inhalation qui l'assimile aux solvants lui donne le statut d'un produit bas de gamme.

L'usage du protoxyde d'azote est apparu, il y a plusieurs années, dans l'espace festif techno. L'année 1999 a vu sa diffusion s'élargir pour atteindre son apogée au cours du premier semestre de l'année 2000. Le gaz hilarant était alors rapporté comme étant particulièrement disponible dans les free parties et les teknivals ainsi que dans les soirées trance. Deux facteurs ont convergé pour aboutir, au cours du second semestre de la même année, à une moindre diffusion ainsi qu'à une contraction de sa disponibilité :

· le premier est relatif à l'action des établissements sanitaires (hôpitaux et cliniques) qui, grâce à une meilleure surveillance des lieux de stockage, ont rendu moins aisé la subtilisation des bonbonnes industrielles stockées en leur sein,

· le second est lié à l'action des organisateurs de manifestations techno qui voient de plus en plus d'un mauvais _il le développement de la consommation de ce produit qui risque de ternir l'image du fait du stock considérable de déchets générés (ballons et capsules de recharges). Les vendeurs de ce produit sont ainsi accusés de prêter plus d'attention aux gains considérables prodigués par la vente qu'à la propreté des lieux de la fête.

Au cours de l'année 2000, la progression de la diffusion du protoxyde d'azote semble se ralentir du fait essentiellement de l'action hostile des organisateurs des événements festifs techno et du fait d'une image qui n'est plus aussi intacte qu'elle l'était il y a quelques années encore.

Les développements récents de la consommation des hallucinogènes en France sont en lien étroit avec le développement du mouvement festif techno, lequel reste pour le moment le principal point d'ancrage de leur diffusion.

Conclusion :

La consommation des drogues psychostimulantes est en progression constante. La cocaïne a fait une percée inquiétante en Europe ces dernières années et les drogues agissant par des mécanismes similaires, amphétamines et dérivés, en particulier l'ecstasy ou MDMA, sont couramment consommés dans toute l'Europe après leur entrée initiale en Grande Bretagne.

Il ne fait aucun doute que cette attirance vers les produits psychostimulants pose à terme un problème grave de santé publique. On ne peut pas sous prétexte d'une image positive de certaines drogues dans des milieux privilégiés passer sous silence le très grand danger de ces drogues , en particulier de l'ecstasy et de la cocaïne pour la santé mentale.

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N° 3641.- Rapport de M. Christian Cabal sur l'impact éventuel de la consommation des drogues sur la santé mentale de leurs consommateurs (Office d'évalation des choix scientifiques).

1 OFDT - Indicateur de tendances 2002

2 OFDT - rapport 2000

3 OFDT, tendances récentes, juin 2001

4 Pr. Bernard Roques, Rapport au Ministre de la santé

5 le Yaba est souvent présenté comme la drogue qui rend fou

6 0,8% des usagers à problème selon l'observatoire des drogues et toxicomanies

7 réf. Bibliographiques G Ricaurte, lancet

8 Deux décès en 1999 et un en 2000 selon les services publics

9 Pr.Ricaurte, Lancet 1998

10 SINTES : Système d'Identification nationale des toxiques et des substances