- -

Rapport sur l'aval du cycle nucléaire
Par M. Christian Bataille et Robert Galley
Députés
Tome II : Les coûts de production de l’électricité

CHAPITRE II (FIN DE LA PARTIE I°

I. La convergence des competitivites selon les etudes recentes de la Digec, de l’AEN-OCDE et d’EDF

C. Les évaluations d’EDF 111

C. Les évaluations d’EDF

A la demande des Rapporteurs, EDF s’est livré début 1999 à un calcul des coûts complets de production du kWh relatifs à des nouvelles installations mises en service industriel en 2005 et correspondant aux filières nucléaire, charbon et gaz.

Les deux principales originalités de ces calculs sont d’une part de porter sur des centrales plus avancées que dans l’étude Digec et d’autre part de proposer une évaluation pour deux régimes d’utilisation, la base et la semi-base.

· Des hypothèses économiques et techniques discutées

EDF a considéré nécessaire, en l’absence d’instructions des pouvoirs publics et d’une révision des taux par le Commissariat Général du Plan, d’utiliser un taux d’actualisation de 8 %.

On verra dans la suite que ce taux de 8% n’a pas, aujourd’hui, de justification économique claire.

Il s’agit en effet d’un taux niveau hybride entre le taux à long terme sur le marché des capitaux et un taux normatif de rentabilité interne des entreprises arbitrant entre des projets d’investissement.

Néanmoins, il constitue le cadre actuel des raisonnements d’EDF et fonde les évaluations ci-dessous.

Les calculs présentés par EDF correspondent d’une part à la durée de vie économique des équipements, soit 30 ans pour le nucléaire et le charbon et 25 ans pour le gaz et d’autre part à différentes hypothèses relatives aux prix des combustibles fossiles.

Le tableau suivant précise les conditions techniques prises comme hypothèses par EDF.

Tableau : Données techniques et financières adoptées par EDF pour le calcul du kWh produit par de nouvelles installations

 

EPR fin APD1

série de 10 tranches

Charbon

Cycle combiné à gaz nouveau

puissance électrique nette

1495 MWe

780 MWe

750 MWe

rendement net sur PCI  

45 %

58 % (52 % PCS)

disponibilité

90 %

90 %

92 %

durée de vie économique (amortissement économique)

30 ans

30 ans

25 ans

coût d’investissement

11 350 F / kW PCN

8 350 F / kW PCN

3 200 F / kW PCN

charges d’exploitation et de maintenance

296 F / kW

239 F / kW /an + 1,6 cF / kW

80 F / kW / an + 1 cF / kWh

a) le nucléaire

EDF fait sien les coûts prévus pour l’EPR tel qu’il a été défini par l’avant-projet détaillé (EPR-ADP) et par l’EPR « optimisé » tel qu’il est désormais précisé après l’étude d’optimisation dont l’objectif essentiel a été de parvenir à un coût inférieur.

EDF estime que l’EPR « tout en offrant un référentiel de sûreté renforcé, présente un meilleure compétitivité que le N4 : son coût de construction est supérieur à celui du N4 mais ses options permettent d’escompter une disponibilité améliorée et un coût du combustible plus faible ».

Le coût d’investissement – 11 350 F / kW PCN – correspond à un palier d’un dizaine de tranches. « La réalisation d’une série permet notamment d’amortir les coûts de développement du palier et de bénéficier d’effets de série industriels. Une tranche ‘isolée’ conduirait à des coûts de production largement plus élevés ».

S’agissant de la version optimisée de l’EPR, EDF remarque que « la réduction de coûts engrangée lors de la phase d’optimisation du projet résulte à la fois d’une démarche d’optimisation des coûts unitaires et de l’augmentation de la puissance du réacteur ».

Plusieurs remarques doivent être faites sur la signification des hypothèses prises. En premier lieu la disponibilité, facteur essentiel pour la compétitivité, est prise égale à 90 %, ce qui est une nette amélioration par rapport aux performances actuelles.

La démarche de qualité totale en vigueur à EDF a progressivement fait passer le taux moyen de disponibilité des centrales d'EDF à 82,6 % en 1997. EDF s’assigne comme objectif 83 % en l’an 20002.

Le taux de 90 % correspond aux meilleurs taux observés à l’étranger. Le retour d’expérience sur les réacteurs actuellement en fonctionnement montrent qu’un taux de 90 % est plus facile à obtenir avec des réacteurs à eau bouillante qu’avec les réacteurs à eau pressurisée.

La durée de vie économique ne coïncide pas avec la durée d’amortissement fiscale. Il s’agit de la période pendant laquelle la centrale est opérationnelle. Cette durée de vie économique de 30 ans ne paraît pas avantager l’évaluation EPR. Elle est à mettre en parallèle avec la durée de vie de l’installation physique estimée à 60 ans pour l’EPR optimisé et aux 40 ans considérés comme un objectif à la portée du parc actuel.

b) charbon

L’installation considérée pour une mise en service industriel en 2005 possède une puissance de 780 MWe et correspond à la technologie du charbon pulvérisé avec régime ultra super critique et traitement des fumées en aval.

Les coûts d’investissement sont donnés pour un ensemble de deux centrales thermiques localisées en bord de rivière.

Les hypothèses d’évolution du coût du combustible sont les plus favorables. C’est le scénario Digec 1997 « bas » avec un coût de 40 US dollars par tonne CIF et un scénario médian qui sont retenus – le scénario Digec 1997 « haut » correspond à un coût de 50 US dollars par tonne CIF.

c) cycle combiné au gaz

Les hypothèses techniques relatives au cycle combiné au gaz semblent assez optimistes concernant à la fois le rendement et les coûts.

Le rendement de 58 % sur PCI semble en tout état de cause supérieur aux hypothèses de l’étude Digec 1997. Les chiffres actuels sont en effet de 52 %, avec un gain probable d’un à deux pour cents.

Par ailleurs, le coût d’investissement de 3 200 F / kW paraît largement en dessous des coûts Digec (4 367 F / kW) et des coûts (4 100 F / kW) indiqués comme réalistes par les représentants de Vivendi3.

Enfin, les coûts du combustible correspondent aux hypothèses les plus favorables de l’étude Digec 1997. Le scénario « bas » se traduit par une stabilité du prix du gaz sur le long terme, au niveau de 2,7 US dollars / Mbtu. Le scénario « médian » correspond à une hausse jusqu’à 3,3 US dollars / Mbtu en 2005 puis à une stabilité au delà4.

· Le nucléaire EPR optimisé et le gaz au même niveau pour de nouvelles installations

Avec les hypothèses décrites plus haut, les résultats d’EDF sont que le nucléaire EPR optimisé et le cycle combiné à gaz sont au même niveau pour des mises en service en 2005 et un fonctionnement en base, ainsi que le montre le tableau et les figures suivantes.

Tableau : Estimations par EDF des coûts du kWh pour de nouvelles installations en service industriel en 2005

2005

nucléaire

charbon

cycle combiné à gaz

cF 1999 / kWh

EPR fin APD

EPR optimisé

combustible bas

combustible médian

combustible bas

combustible médian

production en base

20

18

24

25

16,5

20,5

production sur 4000 h

-

-

37

38

23

27

Les bornes du coût du kWh nucléaire correspondent non pas, comme dans l’étude Digec 1997, au palier N4 amélioré (MSI 2005). Elles correspondent à l’EPR dans sa version initiale et à l’EPR optimisé dans le sens d’une réduction de ses coûts.

Figure : Estimations 1999 par EDF du coût du kWh pour des équipements nouveaux fonctionnant en base5 en 2005

Dans le cas du fonctionnement en semi-base, le nucléaire est disqualifié d’office, compte tenu de l’importance des coûts d’investissement qu’il faut répartir sur un nombre de kWh le plus important possible.

Le kWh charbon est lui-même peu adapté à la semi base (+ 50 % en plus par rapport au coût en base). Ce résultat n’est pas favorable à un renouvellement du parc charbonnier par des installations de la même filière.

Au demeurant, l’on constate, comme prévu, que le coût du kWh produit avec un cycle combiné à gaz pour la semi-base est 20 % plus cher que le coût du kWh produit en base. Ce surcoût étant plus faible que pour les autres filières, la position du gaz est renforcée par sa polyvalence.

Figure : Estimations d’EDF du coût du kWh pour des équipements nouveaux fonctionnant en base6 en 2005

· des structures de coût très différentes

En raison des incertitudes sur un grand nombre de paramètres – durée de vie économique, coût d’investissement, disponibilité, coût du combustible –, la Digec avait fait réaliser en 1997 (voir plus haut) des analyses de sensibilité.

L’étude EDF 1999 ne propose pas de telles analyses. Toutefois, l’étude de la structure des coûts livre des enseignements intéressants. On trouvera figure suivante, une présentation des structures – au demeurant très différentes – des coûts des trois filières les plus importantes pour le fonctionnement en base.

Figure : scénario de référence (prix du combustible : charbon : 11,55 cF / kWh ; gaz :14,9 cF / kWh)

La répartition des coûts entre les différents postes – investissement, exploitation et combustible – est à la base de tous les raisonnements que font les investisseurs potentiels.

Le retour sur investissement est beaucoup plus rapide avec le cycle combiné au gaz qu’avec le nucléaire. Le fait que l’investissement puisse être amorti rapidement tend à réduire l’inconvénient d’un prix de la ressource incertain sur longue période, même si celui-ci représente 72 % du coût total.

A l’inverse, le coût du capital représente, avec 62 % du total, un inconvénient majeur du nucléaire. Ce n’est pas que les capitaux à long terme ne soient pas abondants en 1999. C’est plutôt que le retour sur investissement doit être rapide, pour les investisseurs privés mais aussi pour les entreprises publiques dont l’horizon s’est rapproché du fait de la déréglementation des marchés.

Cliquer ici pour accéder à la partie II du chapitre II:
Les difficultés méthodologiques de la comparaison des filières de production de l'électricité.

Cliquer ici pour retourner au sommaire général:

1 APD : avant projet détaillé

2 Enerpresse n° 7221, 15/12/98.

3 Audition des représentants de Vivendi, jeudi 14 janvier 1999.

4 Le scénario « haut » Digec 1997 pour le gaz correspond à une hausse jusqu’à 3,9 US dollars / Mbtu en 2010 puis à une stabilité au-delà.

5 Audition des représentants d’EDF 7 janvier 1999.

6 Audition des représentants d’EDF 7 janvier 1999.



© Assemblée nationale