SOMMAIRE

Les SÉISMES et MOUVEMENTS de TERRAIN :

TOME 1 : CONCLUSIONS du RAPPORTEUR

TITRE I - Les SÉISMES et le RISQUE SISMIQUE

1 - Définition des séismes et connaissance des phénomènes 23
1-1 - La tectonique des plaques 24
1-1-1 - Les zones de divergence 26
1-1-2 - Les failles transformantes 26
1-1-3 - Les zones de subduction 27
1-1-4 - Les zones de collision continentale 27
1-1-5 - Les chaînes intra-continentales, obduction et sutures ophiolitiques 28
1-2 - Les séismes non tectoniques 29
1-2-1 - Les séismes volcaniques 29
1-2-2 - Les séismes provoqués 29
1-2-3 - Les séismes induits 29

1 - Définition des séismes et connaissance des phénomènes

Un séisme se traduit en surface par des vibrations du sol. Il provient de la fracturation des roches en profondeur. Cette fracturation est due à une grande accumulation d'énergie qui se libère, en créant des failles, au moment où le seuil de rupture mécanique des roches est atteint.

En surface, les mouvements brusques du sol peuvent présenter des amplitudes de plusieurs décimètres, de fortes accélérations (parfois supérieures à 1 g) et des durées variant de quelques secondes à quelques minutes.

On peut distinguer trois sortes de phénomènes communément appelés tremblements de terre ou séismes :

- le tremblement d'origine tectonique qui occasionne le plus de dégâts à la surface de la terre et déforme les fonds marins générant des raz de marée ou tsunamis,

- le tremblement d'origine volcanique dû aux mouvements des magmas dans les chambres magmatiques des volcans,

- le tremblement d'origine humaine par remplissage de retenues de barrages, injection ou exploitation de fluides dans le sous-sol, explosions dans les carrières...

Rappelons les grands traits de la structure de la terre :

la croûte, partie la plus superficielle. On y distingue la croûte continentale, épaisse (35 kilomètres en moyenne), constituée de roches sédimentaires et granitiques, et la croûte océanique, mince (7 kilomètres), de nature basaltique ;

le manteau va de la base de la croûte jusqu'à 2 900 kilomètres de profondeur. Il est formé d'une roche entièrement solide, la péridotite, constituée essentiellement d'olivine. On y distingue le manteau supérieur, jusqu'à 700 km (dont les 100 premiers kilomètres sont rigides et le reste plastique), et le manteau inférieur, ou profond, rigide ;

le noyau de 2 900 à 6 370 km de profondeur, constitué de fer et de nickel.

    1-1 - la tectonique des plaques

La tectonique des plaques, sur la base des propriétés mécaniques des matériaux, distingue :

la lithosphère, couche épaisse de 70 km (sous les océans) à 150 km (sous les continents), rigide et cassante, découpée en plaques mobiles. Elle est formée de la croûte et de la partie rigide du manteau supérieur.

l'asthénosphère, sur laquelle se déplace la lithosphère, est au contraire visqueuse et ductile.

Source : Les tremblements de terre, Raoul Madariaga et Guy Perrier, Presses du CNRS (1991)

La dérive des continents, imaginée par Wegener en 1915 fut rejetée par la plupart des chercheurs quelque temps après. Mais les recherches continuèrent et les hypothèses du début des années 1960, émises séparément par H. Hess et par R. Dietz sur le renouvellement des fonds océaniques sont vérifiées par deux chercheurs anglais F. Vine et D. Matthews en 1963. La théorie de la tectonique des plaques a ensuite été développée par trois géophysiciens, l'Américain J. Morgan, le Britannique D. Mac Kenzie et le Français Xavier Le Pichon. Qu'est-ce cette théorie ?

Le dégagement de la chaleur interne du globe, due en grande partie à la radioactivité naturelle des roches profondes, provoque la dérive de surface des roches profondes.

La chaleur interne est évacuée par de grands cycles de convection, très lents. Ces tourbillons brassent tout le manteau terrestre jusqu'à 3 000 km de profondeur, à une vitesse de l'ordre du centimètre par an, soit 10 km en un million d'années.

La croûte terrestre participe : les plaques épaisses d'une centaine de kilomètres sont entraînées par ces flux. Chaque plaque possède un mouvement horizontal propre, ce qui résulte, aux zones de frontières des plaques, en des mouvements relatifs de convergence, de coulissage, ou d'éloignement.

Dans la croûte terrestre, ces mouvements relatifs des plaques sont accommodés par des failles, qui coulissent donc de quelques dizaines de kilomètres par million d'années. Ainsi la plaque de l'océan pacifique coulisse le long de la plaque nord-américaine, activant ainsi la faille de San Andreas, et plus à l'Ouest, s'enfonce sous le Japon. La convergence de l'Afrique et de l'Eurasie, à raison de 2 cm par an, provoque la surrection des Alpes.

Dans la partie supérieure de la croûte, ce mouvement des failles n'est généralement pas continu : les failles restent bloquées pendant de longues périodes de temps (il n'y a pas de fluage permanent comme dans les couches inférieures), tandis que le mouvement régulier des plaques se poursuit de part et d'autre.

La région de la faille bloquée se déforme alors progressivement ; la faille se charge jusqu'à ce qu'elle cède et coulisse brutalement sur toute sa surface : c'est la rupture sismique, qui relâche ainsi les contraintes tectoniques, et rattrape le retard au mouvement des plaques.

Puis la faille, de nouveau bloquée, se recharge, et le cycle sismique recommence. Des petits réajustements des blocs au voisinage de la faille se produisent après la secousse principale, donnant lieu à des séismes de magnitude plus faible, les répliques, dont le nombre et l'énergie vont en décroissant rapidement avec le temps. Un séisme de magnitude 8 peut donner des répliques pendant plus d'un an, dont certaines peuvent provoquer de nouveaux dommages.

Ce cycle sismique conduit à des prédictions à long terme. Si les plaques de part et d'autre de la faille ont un mouvement relatif moyen de 1 cm/an (zone de déformation tectonique rapide), on peut s'attendre à un glissement sismique de 1 mètre tous les siècles (magnitude typique de 6.5 à 7), ou bien de 10 mètres tous les millénaires (magnitude typique de 8.5 à 9).

Le segment de faille dont la dernière rupture est la plus ancienne doit être considéré comme le plus menaçant : c'est une lacune sismique, site potentiel pour un futur séisme.

Reprenons ce que disent Raoul Madariaga et Guy Perrier de l'indéformabilité de la lithosphère et des zones sismiques. La lithosphère est souvent considérée comme rigide et indéformable: la distance entre des villes d'une même plaque, par exemple Paris, Londres et Oslo, reste constante en première approximation. Il n'en est pas de même pour la distance Paris-New York qui augmente puisque les deux villes sont situées sur deux plaques différentes séparées par une zone d'expansion, la dorsale médio-atlantique. Les frontières entre les différentes plaques sont précisément les zones où la lithosphère ne peut plus être considérée comme indéformable : elles sont donc caractérisées par une forte activité sismique ; la localisation précise des tremblements de terre (seuls ceux de magnitude élevée, en général supérieure à 6, doivent être considérés car ils sont les seuls significatifs des mouvements globaux) a donc permis de délimiter ces frontières.

On distingue cinq types principaux de zones sismiques :

      1-1-1 - Les zones de divergence

Le long de ces zones, les plaques s'écartent du fait de l'expansion des fonds océaniques. Sous l'axe des dorsales médio-océaniques, du matériau mantélique partiellement fondu issu de l'asthénosphère est mis en place. Par refroidissement, la lithosphère océanique est créée, la croûte se différenciant en quelques milliers d'années. De telles zones sont caractérisées par un intense volcanisme basaltique, des séismes superficiels (moins de 60 km de profondeur) produits par le processus d'extension et un flux de chaleur élevé.

      1-1-2 - Les failles transformantes

Le long de ces failles, les plaques coulissent les unes par rapport aux autres et il n y a ni création ni destruction de lithosphère. Ces failles sont caractérisées par une sismicité superficielle, le mécanisme des séismes étant un simple coulissage horizontal.

      1-1-3 - Les zones de subduction

Elles sont associées aux fosses océaniques profondes où la lithosphère retourne au sein de l'asthénosphère. Le long de ces frontières, l'une des plaques (la plus lourde) s'enfonce sous l'autre. Elle peut pénétrer dans l'asthénosphère jusqu'à une profondeur de 700 km. Ces zones où les plaques lithosphériques plongent avec un angle voisin de 60° (mais pouvant varier, selon les régions et la profondeur, de 20° à 90° en fonction de la dynamique générale des plaques) sont appelées zones de subduction. Le chevauchement d'une plaque sur l'autre aboutit à la destruction de la plaque chevauchée, de nature océanique, qui s'enfonce dans l'asthénosphère comme un corps rigide relativement froid. Elle est progressivement réchauffée et perd ainsi toute identité.

L'expression en surface de la frontière de plaques sera représentée par un système fosse océanique-arc insulaire si la plaque chevauchante est également de type océanique : on parle alors du type "arc insulaire" ou de collision océan-océan ; on le rencontre sur tout le pourtour occidental de l'océan Pacifique, depuis les îles Aléoutiennes au Nord jusqu'aux îles Kermadec au Sud (certains arcs insulaires peuvent être séparés du continent par des bassins arrière-arc comme dans l'Ouest du Pacifique). On rencontre également des systèmes fosse océanique-chaîne de montagne, dans le cas où la plaque chevauchante est de type continental : on parle alors de "chaîne liminaire" ou de type andin que l'on rencontre en Amérique du Sud au niveau de la cordillère des Andes.

Dans les deux cas, la lithosphère plongeante est caractérisée par une importante sismicité. De plus, un intense volcanisme se développe à la verticale des séismes de profondeur intermédiaire, autour de 200 km. C'est pourquoi on parle souvent de la "ceinture de feu" du Pacifique.

      1-1-4 - Les zones de collision continentale

Contrairement aux cas précédents, lorsque deux plaques continentales entrent en collision, aucune des deux plaques ne peut être subductée. Les limites de plaques sont alors moins nettes et la sismicité, souvent violente mais diffuse, peut recouvrir de larges surfaces. C'est le cas de la zone qui s'étend depuis le bassin méditerranéen jusqu'à la Birmanie, soumise à une déformation intra-continentale.

Il suffit de parcourir l'Europe occidentale ou l'Asie himalayenne pour mesurer l'intensité de ces déformations qui peuvent s'étendre sur plusieurs milliers de kilomètres, qu'elles soient associées aux cycles orogéniques anciens (par exemple hercynien) ou plus récents (alpin). Pour l'étude de ces orogènes (du grec oros, montagne, et genos, génération) il est alors difficile d'appliquer les méthodes quantitatives et prédictives de la tectonique des plaques qui se fonde sur la rigidité de grands panneaux de lithosphère séparés par d'étroites zones de déformations permanentes.

Ainsi, si l'on observe la répartition de la sismicité mondiale, on constate qu'au sein des principaux continents, les séismes sont distribués de façon diffuse. Cela est particulièrement clair en Eurasie où il n'est guère possible de délimiter, comme dans les océans ou à leurs marges, des zones étroites où se produit l'écrasante majorité des séismes.

Pourtant, à l'heure actuelle, de nombreux séismes souvent catastrophiques s'y produisent, témoignant ainsi d'une intense activité tectonique. Estimer à quel point la croûte et la lithosphère continentales sont déformables, comment elles se déforment et dans quelles conditions, figurent sans doute parmi les questions les plus fondamentales en sciences de la Terre actuellement.

      1-1-5 - Les chaînes intra-continentales, obduction et sutures ophiolitiques

Certaines chaînes sismiquement actives se forment en dehors des limites de plaques, à l'intérieur d'un continent, lorsque la plaque continentale a été mise sous contrainte à la suite d'une collision : on parle alors de chaîne intra-continentale. La déformation se greffe sur des zones de faiblesse, sur un bassin sédimentaire comme dans le cas du Haut-Atlas marocain ou sur d'anciennes failles décrochantes comme en Afghanistan dans la région de Chaman.

D'autre part, il arrive parfois que la croûte océanique ne s'enfonce pas sous le continent mais vienne le chevaucher sur une centaine de kilomètres comme en Oman ou en Nouvelle-Calédonie. Ce phénomène est connu sous le nom d'obduction. La croûte continentale ne pouvant s'enfoncer très profondément du fait de sa légèreté, il en résulte une déformation importante. Le type de chaîne ainsi formée est caractérisé par de grands chevauchements.

Elle permet par ailleurs un échantillonnage complet, à terre, des assemblages de roches qui constituent la croûte océanique. En effet une caractéristique de la quasi-totalité des chaînes de collision est la présence en leur sein d'une association de roches appelées ophiolites ou ensembles ophiolitiques, anciens fonds océaniques (depuis les sédiments profonds et les basaltes jusqu'aux péridotites du manteau) échoués sur les continents. Les ophiolites témoignent de la présence d'un ancien océan et sont les indices de l'existence d'anciennes zones de subduction aujourd'hui intégrées aux continents. Elles marquent la ligne de suture entre des continents entrés en collision sous l'effet de l'expansion océanique. Les chaînes de montagnes apparaissent donc comme des témoins importants pour comprendre la genèse et la mort des océans.

    1-2 - les séismes non tectoniques

Si les séismes tectoniques sont les plus nombreux, il existe cependant d'autres types de séismes naturels et artificiels.

      1-2-1 - les séismes volcaniques

Ce sont les séismes naturels non tectoniques les plus fréquents. Ils se produisent en même temps qu'une activité volcanique avec ou non éruption, sans que pour cela les deux phénomènes soient liés. Ces séismes volcano-tectoniques, situés dans la croûte, peuvent être générés à des intervalles de temps réguliers et rapprochés, produisant des vibrations quasi continues : on les appelle alors trémors.

      1-2-2 - les séismes provoqués

Ce sont les séismes dus aux explosions. Ces explosions sont de nature très différentes et vont des tirs de mines et de carrières aux explosions nucléaires. On peut les distinguer facilement des autres séismes puisque pour ces séismes provoqués on enregistre une magnitude des ondes de volume variant de 6 à 6.3 alors que la magnitude des ondes de surface est voisine de 4.5.

      1-2-3 - les séismes induits

D'autres séismes sont dus à l'activité de l'homme. Mise en eau de certains lacs-réservoirs de barrages, site d'exploitation de gaz naturel, exploitations minières ont été à l'origine de séismes induits, même dans des régions ayant une activité sismique modérée.

Les premières observations concernant les barrages remontent à 1935 où la mise en eau du lac Mead provoqua des petits séismes fréquents de magnitude inférieure à 5 dans les régions du Nevada et de l'Arizona. Le cas le plus connu de séisme induit en France par une mise en eau est celui qui s'est produit le 25 avril 1963 au barrage de Monteynard, dont la magnitude était de 4.9. La cause en est vraisemblablement l'infiltration d'eau dans les microfractures des roches, ce qui entraîne une diminution de la résistance des roches à la rupture sous la pression d'eau supplémentaire.

Ce phénomène peut se produire de même dans le cas d'injection d'eaux polluées (injections et pompages réguliers) dans des puits profonds, les Américains de l'U.S. Geological Survey l'ayant expérimenté en 1969 dans le Colorado.

Les séismes induits sont également observés au voisinage d'exploitations minières, avec l'effondrement de certaines cavités ou "coups de toit". C'est le cas notamment dans les Bouches-du-Rhône avec une sismicité faible mais qui inquiète la population à Gardanne.

Des séismes induits sont également observés près des zones de prélèvements d'hydrocarbures. Le gisement de Lacq, dans les Pyrénées Atlantiques, est particulièrement observé, l'extraction du gaz naturel provoquant des nombreux séismes de faible magnitude (inférieure à 4).

Enfin, rappelons pour mémoire que les cosmonautes américains, entre 1969 et 1972, avaient installé cinq stations sismologiques sur la Lune. Si l'activité sismique lunaire (Passive Seismic Experiment) a pu être observée, il n'a pu y avoir de véritables enseignements pour l'activité sismique terrestre.


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