SOMMAIRE

Les SÉISMES et MOUVEMENTS de TERRAIN :

TOME 1 : CONCLUSIONS du RAPPORTEUR

TITRE I - Les SÉISMES et le RISQUE SISMIQUE

6 - La formation et l'information, ou comment être crédible sur un risque aussi aléatoire ? 177
6-1 - Formation : cursus en génie parasismique 177
6-2 - Information : 179
6-2-1 - Sensibilisation des enseignants et des enfants 182
6-2-2 - Information grand public 202
6-3 - Formation et information : le rôle des CARIP, l'exemple PEGAS à Wickerschwihr et le plan PLATON à Lambesc 209
6-3-1 - La Cellule d'Analyse des Risques et de l'Information Préventive de Martinique 209
6-3-2 - Le plan PEGAS à Wickerschwihr 214
6-3-3 - Le plan PLATON à Lambesc 215

6 - LA FORMATION ET L'INFORMATION, OU COMMENT ÊTRE CRÉDIBLE SUR UN RISQUE AUSSI ALÉATOIRE ?

C'est en effet bien le problème de la crédibilité qui se pose ici. Il y a une quasi-certitude que le territoire national subira en un quelconque endroit, dans un temps indéterminé, un séisme de magnitude supérieure à 7 sur l'échelle de Richter et d'intensité X. Comment se préparer à cette catastrophe ? Comment motiver des habitants qui n'ont jamais vécu de tremblements de terre et n'en vivront certainement jamais ? Cela étant, il est impossible de faire l'impasse sur cette possible catastrophe et il faut pour cela s'y préparer sereinement.

    6-1 - formation : cursus en génie parasismique

Les tremblements de terre sont une menace permanente pour les vies humaines, pour le parc immobilier, ainsi que pour l'économie de nombreuses régions. Plus de 90 % de décès qu'ils occasionnent sont dus à l'effondrement de constructions. La seule prévention efficace contre ce fléau est donc la construction parasismique des bâtiments neufs et le confortement préventif du bâti existant.

L'architecte peut avoir dans ce domaine une action déterminante. Les études postsismiques montrent que les dommages graves aux bâtiments sont en grande partie directement imputables à des erreurs et négligences commises par les concepteurs de projet. En zone épicentrale, parmi les bâtiments semblables calculés conformément aux règles parasismiques, seuls ceux dont la conception architecturale est correcte au plan parasismique échappent à des dommages importants ou à la destruction sous action sismique violente. En effet, les bâtiments sont réglementairement calculés pour une intensité sismique inférieure à celle des grands tremblements de terre survenus dans le passé, comme ceux de Nice (intensité X), de Lambesc en Provence (intensité IX) ou de Bâle (intensité X), la probabilité qu'une construction se trouve durant son existence à proximité de l'épicentre d'un tel séisme étant très faible.

Ainsi, des ouvrages construit suivant des normes parasismiques anciennes se sont effondrés, pour ne citer que les événements les plus récents, à Kobe en 1995, à Los Angeles en 1994, en Turquie en 1992, à San Francisco en 1989 et en Arménie en 1988. En revanche, on a observé que des bâtiments correctement conçus aux niveaux de l'avant-projet et du projet d'exécution ont résisté aux séismes les plus violents.

Une formation adéquate des concepteurs de projet, actuellement absente du programme d'enseignement de la plupart des écoles d'architecture françaises, apparaît par conséquent comme indispensable.

A la connaissance de votre Rapporteur, seule l'École d'Architecture de Marseille-Luminy propose, dans le cadre d'un troisième cycle, un certificat d'études approfondies en architecture parasismique dont le responsable scientifique de la formation est Milan Zacek. Originalité de cette formation, elle s'adresse à des architectes mais aussi à des ingénieurs. Mais si cette formation est mondialement appréciée, cela est dû à la très grande qualité des enseignants, on ne peut que regretter que bien peu d'architectes et de futurs architectes français se sentent concernés.

L'École d'Architecture et du Paysage de Bordeaux a mené une étude en 1991, à la demande de la DRM, sur l'historique et la théorisation du risque et les réponses apportées par l'architecture et le paysage. Cette étude, dirigée par Alain Billard, remise en son temps, portant essentiellement sur le risque inondation, n'est toujours pas publiée et ceci est fort dommageable quant à la crédibilité de travaux ainsi commandés et à l'usage réel qui devait en être fait. Dans le cadre de la 3ème année d'un programme TEMPUS, avec la Belgique (École de La Cambre) et la Bulgarie (Institut de Sofia), 21 étudiants se sont formés sur les risques en 1994-1995. Un projet avec l'Université de Lusiada à Porto et l'Institut d'architecture de Liverpool, lié à la problématique des ports sur l'Atlantique et donc des risques du littoral, est à l'état embryonnaire actuellement. Mais d'ores et déjà, existent des cours sur l'ensemble des risques, cours sanctionnés par un certificat par semestre en 2ème, 3ème et 4ème année. Un 3ème cycle "Aménagement et Architecture au regard des risques environnementaux", sur deux semestres, est également mis en place.

Victor Davidovici, sa modestie dut-elle en souffrir, que l'on peut considérer comme l'un des pères du génie parasismique en France, avait fait établir un état de l'enseignement et de la recherche en génie parasismique et dynamique des structures de génie civil, dans les établissements publics et parapublics. Cet état a été publié en mai 1991 et n'a guère évolué depuis.

Le bilan était le suivant : 37 équipes pédagogiques dispensent l'enseignement du génie parasismique et de la dynamique des structures ; 25 centres de recherche travaillent dans ces domaines. Mais cet enseignement est assez disparate et Victor Davidovici considère que la recherche n'est pas au niveau du potentiel disponible.

Au plan de l'enseignement supérieur, il n'existe pas de cursus bien individualisé en matière de génie parasismique, même si plusieurs écoles et universités proposent des modules ou certificats spécialisés (Ecoles centrales de Lyon et Paris, Ecole des Ponts et Chaussées, Ecole des Mines, Ecole nationale supérieure de géologie de Nancy, Institut des sciences et techniques de Grenoble, etc.). Les enseignements universitaires restent plutôt orientés vers la physique du Globe (sismologie fondamentale) et n'intègrent encore que très peu, des éléments de sismologie de l'ingénieur.

C'était pourtant une recommandation véhémente du rapport de 1982 de l'Académie des Sciences. Un effort important reste donc à engager pour créer des enseignements de troisième cycle spécialisés, des cycles de fin d'étude d'écoles d'ingénieurs et des formations plus techniques (DUT, maîtrises, mastères, etc.).

Le Président de l'AFPS M. Alain Pecker, qui est aussi professeur à l'Ecole des Ponts et Chaussées, souhaitait mettre en place un master en génie parasismique, la direction de l'Ecole a refusé. L'Ecole Centrale de Lyon a également un projet, nécessitant au moins 4 mois de stage, ce n'est toujours qu'un projet.

Le génie parasismique en fait est une science qui dérange les habitudes dans de nombreux cas ; les superbes études réalisées dans nombre d'écoles d'architecture ne peuvent donner lieu à une réalisation correcte. Et plutôt que de revoir le contenu des formations en y impliquant le génie parasismique, on l'ignore totalement, tant de la part d'un certain nombre d'enseignants que des élèves dont l'enthousiasme s'évanouit avec l'avancée dans le programme.

Il serait donc souhaitable, si l'on veut que se développe une culture parasismique plus particulièrement ou même du risque en général, de prévoir cet enseignement de manière obligatoire dans un certain nombre d'établissements, tant pour les architectes que pour les ingénieurs.

    6-2 - information :

L'article 21 de la loi 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs mentionne que : "les citoyens ont un droit à l'information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis dans certaines zones du territoire et sur les mesures de sauvegarde qui les concernent".

Le décret 90-918 du 11 octobre 1990 relatif à l'exercice du droit d'information demande que les communes, où il existe un risque majeur, établissent un dossier d'information répondant aux mesures de sauvegarde face à ce risque et le mettent à la disposition de la population, à la Mairie.



Un certain nombre de préfectures ont établi des dossiers synthétiques sur l'ensemble des risques majeurs, naturels et technologiques ou d'autres plus particuliers sur un risque.

Le dossier de la Préfecture du Vaucluse pour Avignon est un dossier synthétique de 20 pages concernant les inondations, les chutes de neige et les grands froids, les séismes (reproduction ci-après), les feux de forêts, la rupture de grands barrages, les accidents de transport de matières dangereuses, les risques liés à l'activité d'installations classées, les installations nucléaires.

Un dossier de 6 pages de la Préfecture des Bouches-du-Rhône concerne le risque sismique pour la commune de Lambesc.

      6-2-1 - sensibilisation des enseignants et des enfants

Le port de la ceinture de sécurité en automobile a été généralisé en France à partir du moment où les enfants ont été sensibilisés à ce problème. Il est très important que la sensibilisation aux dangers des risques naturels passe par l'école.

En Californie, Mme Helen R. DuBois-Smith, du "Federal Emergency Management Agency" (FEMA), m'exposait les deux formations pour enfants :

        - à l'école élémentaire, avec une information que les enfants répercutent ensuite chez eux,

        - dans le secondaire où ils se transforment en "détective" des séismes, tout en apprenant à fixer le réservoir d'eau chaude, à installer des flexibles.

De très nombreuses brochures, des affiches sont réalisées dans tous les pays à forte sismicité, le plus souvent sous forme de bandes dessinées.

En France, il y a bien sûr des efforts qui sont faits en ce sens. Le Centre national de documentation pédagogique avec l'aide de spécialistes du ministère de l'environnement (DRM notamment) et du secrétariat général de la défense nationale a produit une mallette pédagogique, très exhaustive, très pédagogique mais trop peu connue, trop peu exploitée. Pourquoi ? Cette mallette (en fait elle comprend une vingtaine de livrets de 50 pages en moyenne, 150 diapositives, une cassette audiovisuelle de 14 minutes) est diffusée par le CRDP de Dijon, où l'accueil est parfois difficile, souvenir de mon expérience quand j'ai voulu me la procurer. De plus cet outil coûte cher, voire très cher pour le budget de nos écoles.



Il faut donc en améliorer sa diffusion, en la rendant accessible à tous, tant par le prix que par l'aléa examiné.

Le document sur le risque "avalanche" n'a pas le même intérêt pour la Martinique que pour l'Isère, inversement le document sur le risque "cyclone" sera plus demandé dans les DOM qu'en métropole.

Des exemples sporadiques de formation aux risques se développent. Ainsi, à Lambesc, un samedi de formation a réuni 23 enseignants volontaires à cette sensibilisation. Mais à part cet exemple, et vraisemblablement une équipe qui travaille sur le sujet dans l'académie de Bordeaux et une autre dans celle de Toulouse, combien d'enseignants en France métropolitaine se sentent-ils concernés ? Cette formation "Risques majeurs et Environnement" a été proposée dans les stages MAFPEN, 7 000 journées/stagiaire étaient prévues pour l'année scolaire 1993-1994. Cet effort ne pourrait-il être développé et inclus dès la formation professionnelle des futurs enseignants ?

Pourtant une circulaire 91-324 du 10 décembre 1991 du ministère de l'Éducation nationale prévoit une formation des professeurs des lycées et collèges. Indépendamment de la mallette qui est considérée comme l'une des deux actions à mener, des équipes de formateurs au risque majeur et à l'environnement devraient être mises en place dans chaque académie (il y en aurait, à la rentrée scolaire 1994, 31 équipes constituées, soit 250 formateurs).

Lors de ma mission en Martinique, l'un des deux départements les plus exposés de France, j'ai rencontré des gens très compétents et qui déploient d'énormes efforts pour mener à bien un projet pédagogique sur la sensibilisation aux risques naturels. A noter cependant la volonté des autorités, rectorat et inspection académique, de confier à deux fonctionnaires (un professeur de lycée détaché à cet effet et une conseillère pédagogique) la tâche de mener cette formation.

M. Max Deleray, professeur de lycée est le responsable de la sensibilisation aux risques pour l'enseignement secondaire. Il a constitué des équipes mixtes de formateurs (enseignants formés, professionnels de la protection civile et spécialistes des risques naturels et technologiques) et pour chaque établissement secondaire il cherche à mettre en place un "Groupe sécurité aux risques majeurs" de 15 à 20 stagiaires, avec une cellule de crise composée de 6 à 8 membres. Après un exercice de simulation d'un séisme au collège Petit Manoir du Lamentin le 26 octobre 1992 lors de l'Université d'été sur les risques naturels majeurs, l'action s'est poursuivie par l'élaboration du plan d'organisation des Secours dans un Etablissement Scolaire face à un Accident Majeur (Plan SESAM) ayant un support vidéo de présentation et la réalisation de documents simples, par établissement, des recommandations en cas de séismes (document de 8 pages à l'usage du personnel de l'établissement du collège des Terres Sainville, document de 4 pages à l'usage des élèves, document de 4 pages à l'usage des parents d'élèves).

















Mme Claudine Jean-Théodore, conseillère pédagogique, responsable de la sensibilisation aux risques pour l'enseignement primaire (écoles primaires et maternelles) mène une action similaire, mais rencontre des difficultés supplémentaires liées à la taille des établissements (petites unités de 4/5 personnes) et à une population d'enfants moins autonomes.

L'Université Antilles-Guyane, à Fort-de-France, travaille sur les décalages entre gestion du risque prévu et la réalité, sous la direction de M. Robert d'Ercole. Les plaquettes qui ont été réalisées depuis juin 1994 ne sont toujours pas disponibles à ce jour, un dysfonctionnement dans une administration bloquant le processus.

Le Département de Géographie de l'Université travaillant en collaboration avec l'Amérique Latine, l'exemple développé par la Colombie du programme formation "risques naturels" pour les enseignants est particulièrement observé. Un module de ce type dans la formation des maîtres des Antilles françaises est fortement réclamé.

Cette préoccupation de la formation des enseignants existe aussi en métropole. Quelques opérations comme la production d'une cassette vidéo réalisée par le "Centre méditerranéen de l'Environnement" vont dans le bon sens. Mais très vite se pose le problème du financement que l'on n'évoque que pour mémoire ici.

      6-2-2 - information grand public

A San Francisco, Mme Helen R. DuBois-Smith, du FEMA, insistait sur le financement annuel de quelques programmes d'information et de préparation : brochures diffusées dans les communautés qui ont subi ou qui risquent de subir une catastrophe, mise à disposition (prêts) de livres, vidéos, pour tous. Son collègue M. Joseph D. Dominguez insistait sur l'énorme effort à accomplir puisque l'on dénombre une centaine de langues parlées à Los Angeles : le FEMA est allé dans chaque communauté pour expliquer, signaler les centres d'urgence, répondre aux besoins.

Le FEMA s'assure de la formation de tous les personnels, qu'ils soient fédéraux ou d'Etat et deux fois par an, organise une démonstration de leur opérationnalité. Il est indispensable de montrer que l'on est prêt à faire face.

Mme Lynn Murphy, de l'Agence du Gouverneur, dirige un centre de documentation où l'on peut trouver :

        - en prêt, des vidéos de sensibilisation, des CD-Rom,

        - en libre disposition, beaucoup de documents écrits, brochures, affiches, ...

Il existe auprès du Gouverneur de Californie un bureau de crises. L'une des antennes se trouve donc à San Francisco et sa finalité est d'aider à se préparer aux tremblements de terre soit au travers de structures, soit en informant la population en diffusant par exemple un journal. Le personnel -25 employés payés par le programme- travaillent en collaboration avec les Universités californiennes. La plupart sont des spécialistes et passent du rôle éducatif en temps calme à celui d'actif en cas de crise pour une remise en état la plus rapide possible. L'encadrement doit être compétent pour toutes interventions liées à un séisme.

De même au Japon, M. Tomomitsu Fujii, Directeur du "Earthquake Disaster Counter Measures Division, Disaster Prevention Bureau" au "National Land Agency", dispose d'un budget très important pour la diffusion des conseils et la réalisation de cassettes vidéo qui seront prêtées aux municipalités les demandant.

En France, le code des communes confie au maire le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents, les fléaux calamiteux et les pollutions de toutes natures ainsi que de pourvoir d'urgence à toutes mesures d'assistance et de secours et s'il y a lieu de provoquer l'intervention de l'administration supérieure.

L'Institut de Prévention et de Gestion des Risques urbains (IPGR) a été créé en juin 1991 à Marseille, essentiellement à l'initiative de l'association des ingénieurs des villes de France, et sa vocation est orientée vers la cyndinique appliquée à la ville. Réunissant de nombreuses compétences autour de son directeur Claude Collin, l'IPGR s'est constitué en groupes de travail, dont un consacré à la communication.

Le responsable de ce groupe, M. Gilbert Bellès, par ailleurs directeur du service environnement de la ville d'Avignon, a exposé lors de la journée de sensibilisation des élus locaux que l'Office avait organisée le jeudi 8 décembre 1994 à Salon-de-Provence, les premières réalisations concrètes qui ont pu être menées à la suite de ces réflexions.

Une grande interrogation se faisait jour : pourquoi parler des risques, ne va-t-on pas affoler la population ? Un sondage auprès de 1 000 personnes a été réalisé en Avignon, les résultats ont été très favorables à l'information sur les risques. M. Claude Collin estime que la ville est le seul lieu où on

peut faire quelque chose : "Parler du risque, ça paie, c'est être





responsable". Mais pour que les politiques s'investissent, il faut que les techniciens soient capables d'expliquer et mettent en place une stratégie de communication à long terme, qui passe nécessairement par les jeunes, la population scolaire étant la plus facile à toucher. La formation dans les écoles aux gestes élémentaires de survie, la réalisation d'un "plan de mise à l'abri" dans les écoles semblent des priorités.

Aussi, après les plaquettes multirisques établies par les préfectures, les communes ont adapté ces documents en les personnalisant : personnes responsables, fréquence des radios devant diffuser des messages en cas de sinistres, ... Dès 1992, la ville d'Avignon dans l'opération "Avignon ville pilote" proposait un dossier spécial d'information du Maire, sur les risques naturels et technologiques intitulé : les cahiers du risque majeur, "Ensemble et avertis, on est plus fort".

La ville de Valence, dans une brochure de format quasiment identique de 28 pages, passe en revue les différents risques encourus par sa population.

L'Université de Guadeloupe est disponible pour organiser des colloques à la demande et se propose, avec l'aide de la Région, de former aux métiers liés au risque. Une estimation du Professeur Jérémie est de 300 emplois à créer en Guadeloupe rien que pour couvrir l'aléa sismique.

M. Lucien Parize, Président de la Commission Education du Conseil général, est inquiet de la charge très lourde que représentent les solutions à trouver pour certains collèges, dont un audit a commencé. Il déplore que lors du recensement par la mission Schléret des travaux urgents à réaliser, les DOM-TOM n'aient pas été associés à l'enquête.

    6-3 - formation et information : le rôle des CARIP, l'exemple PEGAS à Wickerschwihr et le plan PLATON à Lambesc

      6-3-1 - La Cellule d'Analyse des Risques et de l'Information Préventive de Martinique

Née avant l'instauration des CARIP sous forme de Cellule d'Information Préventive suite au cyclone Hugo, et à l'initiative de Mme Marie-Henriette Chabrerie, Chef du Service Interministériel de Défense et de Protection Civile, votre Rapporteur peut témoigner du sérieux et du travail en profondeur accompli en Martinique. Le comité de pilotage de la CARIP m'a exposé son action et présenté les premières réalisations pratiques. En mars 1991 donc, un groupe de réflexion "Information et Communication en matière de risques majeurs" a été constitué. En août 1991, la Martinique était département pilote pour cette réflexion et en novembre 1991 naissait la CIP.

La CARIP actuelle dont vous trouverez la composition du comité de pilotage en annexe, a réalisé un film de 13 minutes pour un coût de 78 000 francs. Cette vidéo a été projetée sur grand écran sur diverses plages et sur le campus universitaire. Ces actions ponctuelles pourraient être développées si le projet présenté par "Médecins du Monde" aboutit. Il s'agit de disposer d'un support mobile type "bibliobus", ce qui permettrait d'aller vers la population car la vigilance et l'information doivent être permanents. Ce projet est de l'ordre de 70 000 francs, entre l'achat du véhicule et son équipement, mais ne tient pas compte dans ce montant de la mise à disposition du personnel qui pourrait être des jeunes volontaires.

Mon collègue Anicet Turinay, qui siège dans la CARIP au titre de Président de l'Association des Maires, faisait remarquer le particularisme des constructions aux Antilles et la nécessité d'une adaptation des normes parasismiques. La Direction Départementale de l'Equipement a édité une brochure "Kaye Regdelart" reprenant les conseils les plus simples mais indispensables de construction des maisons pour résister aux deux aléas les plus vraisemblables : ouragans et tremblements de terre. Il y aurait ensuite le contrôle des normes de construction, de l'exécution. Assurément il n'y a pas les moyens appropriés pour effectuer les contrôles, voire la volonté de le faire, ou simplement de respecter le POS.

Sur ce non-respect des règles évoqué précédemment, la CARIP est assez impuissante, la politique du "coup de main" étant profondément enracinée dans les moeurs locales, mais elle souhaite par des actions telles celle évoquée plus haut y remédier petit à petit.

Le docteur Ortole soulevait deux points très importants : une préparation insuffisante du personnel médical à ce genre de catastrophe et l'arrivée tardive des renforts, un délai de 14 heures pour venir de métropole semblant être nécessaire.

L'idée de développer l'aide régionale repose sur 3 observations :

- il y a un manque de réserve d'oxygène en cas d'accident,

- il serait difficile de localiser des dépôts de matériel,

- il y a un manque important de moyens héliportés.

Il y a une solidarité entre les îles, faudrait-il cependant que l'autorisation d'intervention immédiate dans l'île voisine soit donnée.

Il est très peu vraisemblable que les deux îles soient touchées en même temps. Cependant on ne peut en privilégier aucune des deux, le risque étant similaire. Le problème du relief est réel, M. Mompelat ne voit guère que la réalisation de plans communaux de première urgence pour y remédier.

Les effets de site et notamment au centre de Fort-de-France peuvent jouer énormément, la présence de mangrove fait craindre une liquéfaction importante. M. Jean-Marc Mompelat pense que la technique peut cependant y répondre. Si les règles PS 69 sont dépassées, les règles PS 92 seront-elles suffisantes ?



Le docteur Ortole rappelait qu'après le séisme principal, il y avait les répliques. Un établissement ayant apparemment résisté à la forte secousse sera-t-il utilisable après les répliques ? Pour cela, ne faudrait-il pas, comme le suggère la DDE, prévoir un surclassement des bâtiments vitaux ?

Une bonne information passe aussi par un spécialiste. M. Max Deleray propose que dans chaque administration, un ou des fonctionnaires aient une décharge pour faire de la prévention, de la formation.

La CARIP regroupe en fait, en dehors du comité de pilotage, toutes les associations déclarées de la Région. Les associations que j'ai pu auditionner m'ont paru très responsables dans la démarche informative de ce risque. M. Paul-Henri Chartol, Vice-Président de l'Association pour la Sauvegarde du Patrimoine de la Martinique, s'est dit très satisfait des points suivants :

        - réglementation très claire : la Martinique est en zone 3, rouge

        - organisation des plans : PER

        - volonté de faire de la Martinique un lieu pilote

et inquiet car :

        - 1 seul PER sur 34 a été approuvé,

        - des études ne sont pas publiées car risquant d'effrayer.

Toujours d'après M. Chartol, l'Etat ne prend pas suffisamment ses responsabilités. Il transfère trop aux communes, alors qu'il faudrait un financement étatique des émissions d'informations. Ces émissions devraient figurer dans un cahier des charges du service public, les radio et télé privées devraient signer une convention pour la prévention des risques.

D'autres considérations qui vont de l'intégration domestique du risque, de l'affichage de consignes dans toutes maisons, à la révision des normes parasismiques basées sur une maximalisation et non sur des moyennes, en passant par la fin du laxisme fondamental en matière de construction, faire de l'étude des risques naturels à l'école une matière d'examen et le développement des recherches en matière de prévision -y compris VAN- ont ensuite été développées et reprises par la plupart des associations présentes.

M. Georges Negouai, Président de la Commission Aménagement du Territoire au Conseil Régional, est aussi Président de l'Association CORDEM. A ce titre, il estime nécessaire que l'aspect "séisme" soit prévu dans le Schéma d'Aménagement Régional (SAR) en discussion depuis plusieurs mois. Un audit amènerait à revoir toutes les constructions publiques, mais le problème des constructions privées resterait entier.

Les POS sont trop souvent remis en cause, la politique du clientélisme doit cesser. Pour cela, il souhaite des dispositions réglementaires et législatives pour aider les maires, notamment dans la procédure de la délivrance des permis de construire.

Beaucoup de lycées sont très anciens, seuls les deux derniers construits répondent aux normes. Le dossier est très épineux, car pour tous les autres établissements, il faut envisager un confortement dans un premier temps.

M. Pierre Davidas, Secrétaire de l'APPELS, regrette que nombre de propositions de son association soient réfutées sur le seul critère du catastrophisme. Il craint beaucoup pour les constructions nouvelles en zone liquéfiable, en s'appuyant sur l'exemple de l'extension des bâtiments de l'aéroport, où malgré une descente à 40 mètres de profondeur de piliers pour trouver une assise fixe et sans qu'un tremblement de terre n'ait été ressenti dans la région, le bâtiment s'est affaissé. La piste est sur la mangrove, elle ne demanderait qu'à disparaître en cas de séisme, privant l'île de tout secours par gros porteur.

      6-3-2 - le plan PEGAS à Wickerschwihr

Le plan d'entraide générale et d'assistance aux secours ("PEGAS") concerne la commune de Wickerschwihr, à 5 km de Colmar dans le Haut Rhin, classée en zone sismique Ib suivant le zonage de 1986.

Le maire, Bernard Sacquépée, pour répondre à une certaine inquiétude ressentie dans le village, a pris l'initiative de réaliser ce plan avec un groupe de travail, animé par Bruno Royet du CETE de l'Est.

Ce plan, prévu pour répondre aux besoins lors d'un séisme d'intensité VIII ou IX, concerne les 504 habitants et les 136 habitations de la commune et a été adopté en 1990. Il repose sur l'idée qu'en cas de séisme majeur, et donc par définition assez étendu, la commune serait isolée et ne pourrait recevoir de secours avant plusieurs heures, la gestion des priorités l'excluant vraisemblablement.

Ce plan a nécessité la participation de tous les habitants et leur collaboration. Chacune des 15 tâches à accomplir en cas de catastrophe est répertoriée, fait l'objet de fiche, désigne les acteurs. Ce travail gigantesque demande une mise à jour à chaque nouvel arrivant, et repose sur une population stable et coopérative.

S'il a le mérite d'exister, ce plan n'est pas généralisable en l'état dans d'autres communes, où rigueur et sens civique ne sont peut-être pas compris de manière identique.

      6-3-3 - le plan PLATON à Lambesc

Le souvenir du 11 juin 1909 est encore très vivace à Lambesc. Aussi la commune avait-elle devancé la loi en plusieurs occasions. Citons les principales actions réalisées :

        - dès 1979, la construction du collège Jean-Guéhenno prévoit des appuis parasismiques ;

        - le PER approuvé par arrêté préfectoral en date du 30 juin 1988 est exécutoire le 5 octobre 1988 ;

        - actions de formations de tous les acteurs locaux qui participent à la construction ;

        - actions de communication : réunions publiques, affiches, animation du milieu scolaire.

La commune de Lambesc a été retenue avec la ville d'Avignon comme ville pilote en matière d'information du public sur les risques majeurs en 1992. L'établissement du Plan Lambescain d'Action relative aux Tremblements de terre et Orientations Nécessaires (PLATON) a alors commencé, suivant un programme approuvé par le Conseil municipal. Avant toute intervention extérieure en cas de séisme -là aussi, la proximité de villes comme Aix-en-Provence ou Salon ne font pas de Lambesc une priorité absolue de l'intervention des secours-, la commune veut pouvoir répondre aux premières urgences et contribuer à une valorisation des secours extérieurs par une meilleure connaissance du site et du comportement de ses habitants.

On est loin de la préparation à la Japonaise où la population participe à des exercices, sans qu'une réelle efficacité soit démontrée. Ce 1er septembre, "le jour de la catastrophe" ressemble, ainsi que le raconte Peter Hadfield dans "Tokyo séisme", plus à un jour de fête de village, à un jour de commémoration (Grand Séisme de Kanto) qu'à un réel exercice.

Kobe en a été une illustration, malgré le grand calme (ou la résignation) de ses habitants. Devant un tel cataclysme, seuls des professionnels peuvent réagir correctement et efficacement.

A part les quelques gestes essentiels cités dans les brochures, il est vain de vouloir enseigner, tout au moins dans un pays à sismicité faible tel le nôtre, une méthode de secours. Le professionnalisme des sauveteurs sera le garant du bon déroulement des secours.

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