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le 18 mai 1998

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N° 907

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 mai 1998.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN(1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 498) M. Georges Sarre et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur les causes et les responsabilités dans les pertes enregistrées par le GAN SC et ses filiales entre 1992 et 1996,

PAR M. DOMINIQUE BAERT,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Banques et établissements financiers.

La commission des finances, de l'économie générale et du plan est composée de : MM. Augustin Bonrepaux, président ; Didier Migaud, rapporteur général ; Jean-Pierre Brard, Arthur Dehaine, Yves Tavernier, vice-présidents ; Pierre Bourguignon, Jean-Jacques Jegou, Michel Suchod, secrétaires ; MM.  Maurice Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, François d'Aubert, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, François Baroin, Alain Barrau, Jacques Barrot, Christian Bergelin, Jean-Michel Boucheron, Michel Bouvard, Mme Nicole Bricq, MM. Christian Cabal, Jérôme Cahuzac, Thierry Carcenac, Gilles Carrez, Henry Chabert, Didier Chouat, Alain Claeys, Yves Cochet, Charles de Courson, Christian Cuvilliez, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Yves Deniaud, Michel Destot, Patrick Devedjian, Laurent Dominati, Philippe Douste-Blazy, Raymond Douyère, Tony Dreyfus, Jean-Louis Dumont, Daniel Feurtet, Pierre Forgues, Gérard Fuchs, Gilbert Gantier, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Edmond Hervé, Jacques Heuclin, Jean-Louis Idiart, Michel Inchauspé, Jean-Pierre Kucheida, Marc Laffineur, Jean-Marie Le Guen, Guy Lengagne, François Loos, Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, MM. Pierre Méhaignerie, Louis Mexandeau, Gilbert Mitterrand, Alain Rodet, Nicolas Sarkozy, Gérard Saumade, Philippe Séguin, Jean-Pierre Soisson, Jean Tardito, Georges Tron, Philippe Vasseur, Jean Vila.

INTRODUCTION 5

I.- L'EXISTENCE D'UNE INFORMATION JUDICIAIRE RÉDUIT CONSIDÉRABLEMENT LE CHAMP D'INVESTIGATION D'UNE ÉVENTUELLE COMMISSION D'ENQUÊTE 7

II.- LES NOMBREUX TRAVAUX MENÉS SUR LE GAN PERMETTENT DÉJÀ DE DISPOSER D'UNE ANALYSE ASSEZ PRÉCISE DES ÉVÉNEMENTS 9

A.- UNE STRATÉGIE ERRONÉE 9

B.- UN PROCESSUS DE DÉGRADATION FINANCIÈRE EN VOIE D'ACHÈVEMENT 10

III.- DES RESPONSABILITÉS ET DES SANCTIONS QUI DOIVENT ÊTRE PRÉCISÉES MAIS QUI NE RELÈVENT PAS D'UNE COMMISSION
D'ENQUÊTE
17

EXAMEN EN COMMISSION 21

ANNEXE : FICHE SIGNALÉTIQUE 1996 27

Mesdames, Messieurs,

La proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur le GAN a été déposée, au moment où le Parlement débattait d'un article du projet de loi de finances rectificative pour 1997 établissant les modalités du soutien de l'État au GAN. Lors de cet examen, de nombreux parlementaires ont souligné l'ampleur des pertes de cette entreprise entre 1992 et 1996 et l'insuffisance manifeste des différents dispositifs de contrôle.

Les auteurs de la proposition de résolution reprennent ces observations et précisent que, comme pour le Crédit lyonnais, l'évaluation des pertes du GAN a régulièrement augmenté depuis 1994, pour s'établir, en 1997, à un montant légèrement inférieur à 40 milliards de francs pour les exercices 1992 à 1996. Ils s'étonnent de cette progression, se demandent si elle est définitivement arrêtée et relèvent que l'effort de l'État s'est corrélativement accru dans la même période.

De fait, lorsqu'à la mi-1994, les pertes de sa filiale, l'Union industrielle de crédit (UIC), ont commencé à atteindre des montants considérables, le GAN a mis en place un premier plan de redressement financé sur ses ressources propres et reposant notamment sur le cantonnement des actifs immobiliers les plus compromis.

Dès 1995, l'aide de l'État est apparue indispensable, compte tenu de la dégradation de la situation financière du groupe. Une première augmentation de capital de la holding de tête du groupe, GAN Société centrale (SC), de 2,86 milliards de francs par apport par l'État de titres d'Elf-Aquitaine et du CIC, a donc été consentie, avec l'accord de la Commission de Bruxelles.

Après constatation du caractère encore insuffisant de cet effort, l'État a annoncé, en février 1997, un nouveau plan de restructuration reposant plus massivement sur son soutien. Cette nouvelle aide de l'État, à laquelle la Commission européenne a donné son aval le 30 juillet 1997, se décomposait alors de la manière suivante :

· une dotation en capital d'un montant de 11 milliards de francs, afin de reconstituer les fonds propres de l'UIC et de donner aux sociétés d'assurance une structure financière conforme à la réglementation, répartie en 7,1 milliards de francs pour l'UIC et 3,9 milliards de francs pour les sociétés d'assurance ;

· l'engagement de l'État de prendre en charge, pour un montant estimé à 9 milliards de francs, les pertes que constatera le GAN à l'occasion de la mise en _uvre des garanties accordées sur les prêts consentis à la société de cantonnement Baticrédit mise en place en 1994.

La recapitalisation du GAN a été effectuée le 7 octobre 1997. L'État y a souscrit pour un montant de 9,174 milliards de francs en liquidités, les actionnaires minoritaires assurant le reliquat.

L'engagement de l'État relatif à la garantie accordée par le GAN SC a été approuvé par le Parlement lors du vote de l'article 40 de la loi de finances rectificative pour 1997.

A l'initiative de la commission des Finances de l'Assemblée nationale qui a fortement critiqué l'imprécision du dispositif initialement proposé par le Gouvernement, ce texte a plafonné cet engagement, pour des raisons comptables, à un montant de 10,9 milliards de francs correspondant à la totalité des prêts consentis par GAN SC à la société de cantonnement, même si le risque effectif est estimé à un montant de l'ordre de 9 milliards de francs. Il a aussi établi un mécanisme régulier d'information du Parlement sur le déroulement et l'exécution de cet engagement.

En déposant cette proposition de résolution, M. Georges Sarre et ses collègues poursuivent donc deux objectifs expressément définis : il s'agit de " cerner au plus juste les pertes dont la collectivité devra assurer la charge " et de " déterminer les responsabilités de ceux, responsables du GAN SC, de ses filiales ou des organismes de tutelle ou de contrôle, qui n'ont pas su, pas pu ou pas voulu prévenir ces errements. "

Traditionnellement, l'examen d'une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête se décompose en deux phases.

Il s'agit d'abord de vérifier la recevabilité de cette requête au regard des textes qui régissent les commissions d'enquête et, ensuite, de proposer une analyse sur l'opportunité d'une telle initiative.

I.- L'EXISTENCE D'UNE INFORMATION JUDICIAIRE RÉDUIT CONSIDÉRABLEMENT LE CHAMP D'INVESTIGATION
D'UNE ÉVENTUELLE COMMISSION D'ENQUÊTE

L'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, et les articles 140 et suivants du Règlement de l'Assemblée nationale, posent deux conditions à la recevabilité des propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête : d'une part, le contrôle doit porter sur des faits déterminés ou sur la gestion d'un service public ou d'une entreprise nationale ; d'autre part, les faits ayant motivé le dépôt de la proposition de résolution ne doivent pas faire l'objet de poursuites judiciaires.

La première condition est manifestement satisfaite.

En effet, si la notion d'entreprise nationale n'a aucun contenu juridique précis, l'application de l'article 140 du Règlement de l'Assemblée nationale a conduit à considérer comme entreprises nationales les entreprises dans lesquelles une personne publique possédait au moins 50 % du capital, ce qui recouvre précisément le cas du GAN SC, puisque l'État en détient, à ce jour, directement 82 % et qu'il y fut en permanence l'actionnaire majoritaire à plus de 50 % entre 1992 et 1996.

En revanche, la seconde condition, qui se justifie à la fois par le respect de la séparation des pouvoirs et par un souci d'efficacité, n'est pas pleinement remplie puisque Mme le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a adressé, le 30 décembre 1997, au Président de l'Assemblée nationale la lettre suivante :

" Par lettre en date du 4 décembre 1997, vous avez bien voulu me faire part du dépôt par M. Georges Sarre d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur "les causes et les responsabilités dans les pertes enregistrées par le GAN SC et ses filiales entre 1992 et 1996".

J'ai l'honneur de vous faire connaître qu'une information judiciaire est actuellement en cours à Paris sur la gestion du groupe UIC-SOFAL, filiale du GAN.

Je ne puis dès lors que vous laisser le soin d'apprécier si cette procédure n'est pas de nature à faire obstacle à la création d'une telle commission d'enquête parlementaire. "

En application de la jurisprudence constante de l'Assemblée en la matière, dès lors que les faits faisant l'objet de poursuites judiciaires ne recouvrent pas totalement l'objet de la commission d'enquête, l'existence de telles poursuites a pour seul effet d'exclure les faits en cause du champ d'investigation de la commission, sans en empêcher la création.

En l'occurrence, l'ouverture d'une information judiciaire contre X pour " présentation de bilans non sincères et diffusion de fausses informations aux marchés " par l'UIC-SOFAL, filiale immobilière de GAN SC, constitue une sérieuse entrave à la création d'une commission d'enquête puisque celle-ci devra se désintéresser des agissements de cette filiale, en tout cas de l'origine et de l'évaluation progressive de ses pertes, alors même qu'elles représentent les trois quarts de l'ensemble des pertes consolidées du GAN SC de 1992 à 1996 (environ 30 milliards de francs sur un total légèrement inférieur à 40 milliards de francs selon le communiqué du ministère de l'Économie et des Finances en date du 1er décembre 1997).

Il y a là, sur le simple plan de la recevabilité, une raison suffisante de refuser la création d'une telle commission d'enquête qui devrait, dans un exercice d'équilibrisme impossible, se contenter d'examiner l'accessoire et non le principal.

II.- LES NOMBREUX TRAVAUX MENÉS SUR LE GAN
PERMETTENT DÉJÀ DE DISPOSER
D'UNE ANALYSE ASSEZ PRÉCISE DES ÉVÉNEMENTS

Au-delà des difficultés liées à la recevabilité de cette proposition, le sentiment qui prévaut est que la création d'une telle commission d'enquête serait bien tardive au regard des faits en cause et de leur déroulement depuis 1992.

En raison des travaux menés par différentes instances, direction du Trésor, cabinets d'audit privés, Commission européenne, notamment lors de l'examen des différents plans de redressement du GAN, ou par la Cour des comptes dans le cadre de son activité de contrôle a posteriori de la gestion des entreprises publiques, l'apport d'une commission d'enquête parlementaire serait vraisemblablement des plus restreints.

En revanche, l'inévitable retour du GAN et de son passé douloureux sur la scène médiatique et politique, que ne manquerait pas de susciter une telle initiative, ne pourrait que porter préjudice à l'entreprise actuelle et à son personnel alors même qu'ils ont subi les conséquences des plans de redressement et qu'ils se trouvent pleinement engagés dans un processus de privatisation qui devrait trouver son terme très prochainement.

A.- UNE STRATÉGIE ERRONÉE

L'analyse des causes des pertes du GAN est maintenant solidement établie. On y retrouve hélas les caractéristiques de quelques autres sinistres bancaires et financiers récents. Tant dans l'immobilier que dans l'assurance, le GAN a mené une action de diversification et une politique agressive de conquête de parts de marché sans l'accompagner d'un dispositif de contrôle interne fiable, ce qui l'a conduit à assumer des risques de qualité très médiocre, à subir de plein fouet le retournement de la conjoncture immobilière et les aléas inhérents aux métiers de l'assurance. S'agissant plus précisément du cas de l'UIC, cette fuite en avant a atteint des proportions importantes sans que les différents contrôles externes (Direction du Trésor, Commission bancaire, commissaires aux comptes) ne détectent ou ne mettent fin aux carences pourtant manifestes du management en place, notamment en matière d'appréciation des risques.

Entre 1989 et le début de 1993, le GAN a accru par étapes successives son contrôle sur l'UIC, établissement bancaire spécialisé dans le financement des professionnels de l'immobilier et dans le crédit d'équipement aux cafés-hôtels-restaurants. Dans le même temps cette banque se lançait sur une trajectoire de développement extrêmement rapide puisque ses encours sont passés de 15 milliards de francs en 1987 à 50,6 milliards de francs en 1993, dont 82 % dans l'immobilier. Aujourd'hui, à la lumière des travaux récents de la Cour des comptes, on estime à un peu moins de 30 milliards de francs les pertes accumulées par l'UIC sur les exercices 1992 à 1996. Il s'agit d'un sinistre élevé de l'immobilier français sur un marché pourtant durement éprouvé.

Dans la même logique, l'activité d'assurance du GAN s'est traduite par une politique de dumping en assurance dommage symbolisée par le " tarif bleu " orienté en principe vers les bons conducteurs et qui a permis au GAN de conquérir en quelques années 250.000 nouveaux clients. Cette politique aboutira à une perte de 4 milliards de francs entre 1992 et 1995 pour l'ensemble des activités dommage. Si l'on ajoute à ce montant les 30 milliards de francs de pertes de l'UIC et les 4,2 milliards de francs de pertes sur les actifs immobiliers détenus directement par les compagnies d'assurance du groupe, on obtient un total de pertes de l'ordre de 38,2 milliards de francs pour les exercices 1992 à 1996.

B.- UN PROCESSUS DE DÉGRADATION FINANCIÈRE EN VOIE D'ACHÈVEMENT

Depuis les premières alertes de la fin de 1993 sur les difficultés de l'UIC, ce montant s'est fortement dégradé au terme d'un processus observé ailleurs et dont les mécanismes commencent à être bien identifiés.

Cette détérioration a empêché l'exécution des deux premiers plans de redressement qui reposaient largement sur la propre substance du GAN et sur une structure de cantonnement assurant l'étanchéité du risque immobilier par rapport au GAN car dépourvue de tout lien capitalistique avec le groupe d'assurance. Au fil des différents audits menés en 1996, il est apparu que le montant croissant des provisions nécessaires à la couverture des risques progressivement identifiés obligerait l'État à intervenir massivement, en raison du risque systémique que la liquidation de l'UIC aurait représenté pour la place de Paris.

Dans la note envoyée à la Commission européenne au titre de l'examen des aides d'État par le ministère de l'Économie et des Finances en avril-mai 1997, ce risque est évalué ainsi :

" La mise en liquidation de l'UIC rendait immédiatement exigible l'ensemble du passif obligataire ou provenant d'institutions financières, et surtout l'exposait à des pénalités d'exigibilité anticipée pouvant atteindre 10 % du capital (coût estimé à 1,35 milliard de francs). L'accélération du processus d'appropriation des actifs pour faire face à cette dette se traduisait par de très importantes dépréciations, estimées à 4,2 milliards de francs. Au total, le surcoût de la liquidation par rapport au scénario retenu par l'État était donc de 5,5 milliards de francs, à ajouter aux 6,5 milliards de francs d'insuffisance d'actif, soit un total de pertes de 12 milliards de francs.

Par ailleurs, dès l'ouverture de la procédure par la Commission bancaire, les créanciers ne pouvaient, compte tenu de l'importance du passif net, éviter de provisionner intégralement leurs créances sur l'UIC. Ceci valait également pour les créanciers disposant de garanties, dans la mesure où l'exercice de ces garanties était au mieux différé de plusieurs années, à la suite de la clôture des différents contentieux que n'aurait pas manqué de provoquer une telle liquidation.

Ces évolutions conduisent, à ce stade du déroulement du scénario, à la défaillance du GAN et à celle du CIC :

· le GAN devait en effet assumer dans ses comptes la totalité de la perte de l'UIC, portée dans cette hypothèse à 12 milliards de francs. Ceci, ajouté aux pertes de la défaisance (sans prise en compte d'une cession liquidative des actifs de cette dernière), conduisait à une perte de l'ordre de 18 milliards de francs qui plaçait le GAN en situation nette fortement négative et conduisait à la mise en redressement judiciaire du groupe. Compte tenu de l'incapacité du GAN à faire face aux besoins de fonds propres de ses filiales d'assurance, ceci conduisait également à des sanctions de la part de la Commission de contrôle des assurances, débouchant sur un transfert d'office des portefeuilles de contrats, voire sur un retrait d'agrément et une mise en liquidation. Dans ce dernier cas, les assurés voyaient leurs couvertures directement mises en cause : la loi prévoit notamment que, dans ce cas, les contrats d'assurance dommages cessent de produire leurs effets quarante jours après le retrait d'agrément ;

· du fait de la défaillance du GAN, le CIC devait provisionner l'intégralité de sa créance sur le groupe GAN, qui s'élève à 12,5 milliards de francs. Par ailleurs, le CIC pouvait être considéré par les autres créanciers de l'UIC et par les tribunaux comme ayant accordé un soutien abusif à cette société. Dans ces conditions le CIC n'avait quasiment plus de fonds propres, ne respectait plus le ratio européen de solvabilité, et en l'absence d'intervention du GAN (faute de moyens) ou de l'État (par hypothèse), sa radiation de la liste des établissements de crédit et sa liquidation devenaient des hypothèses crédibles. Cette liquidation entraînait, compte tenu de l'importance des dépôts de clientèle (plus de 287 milliards de francs au 31 décembre 1996) et des lignes de refinancement interbancaire (193 milliards de francs), une grave onde de choc sur le marché financier français.

Il convient enfin de souligner que la description de ce scénario ne prend pas en compte un mouvement de défiance inévitable sur le marché monétaire à l'égard du CIC et de l'UIC, suivi du dénouement anticipé des positions prises par le CIC sur les différents marchés. "

De plus, la liquidation de l'UIC-SOFAL aurait gravement perturbé l'équilibre des secteurs économiques dans lesquels cet établissement était particulièrement engagé comme celui des cafés-hôtels-restaurants ou celui de la communication.

Quant aux causes du réexamen progressif du montant des provisions à passer, il est intéressant de confronter les explications données à la Commission européenne par le Gouvernement de l'époque, à l'analyse que celle-ci a menée avant d'autoriser ce plan en juillet 1997.

Dans la note déjà citée, le ministère de l'Économie et des Finances explique les raisons de la détérioration de la situation financière du GAN comme suit :

Les perspectives de résultat semestriel, connues en octobre 1996, font apparaître un dérapage des résultats, essentiellement de l'UIC. Compte tenu des interrogations que suscite au même moment l'examen de l'adéquation du provisionnement de la défaisance Baticrédit, l'État subordonne l'approbation des comptes semestriels à la réalisation d'un audit approfondi.

Le besoin de provisionnement est estimé en février 1997 par le GAN, sur la base des conclusions de cet audit, à 7,9 milliards de francs sur l'UIC et 5,9 milliards de francs sur la défaisance.

Les montants en cause sont sans commune mesure avec les aléas évoqués dans le cadre des expertises et des audits réalisés en 1994-1995 ou avec l'évolution du marché immobilier depuis cette date. Ils placent immédiatement le groupe en situation de fonds propres négative et rendent caduc le plan de redressement du printemps 1995 approuvé par la Commission européenne le 18 septembre 1996.

Celui-ci était en effet fondé sur trois éléments : le nettoyage de l'UIC et des défaisances ; la prise en charge des pertes susceptibles d'apparaître à cette occasion par les fonds propres et les bénéfices de l'activité d'assurance ; enfin, la cession majoritaire du CIC dans la perspective de la privatisation de l'assurance. La disparition des fonds propres du groupe GAN, provoquée par les pertes constatées à l'issue des audits, ont contraint l'État à intervenir massivement, les différentes entités du groupe GAN étant dans l'impossibilité de poursuivre leur exploitation compte tenu de l'importance des pertes et de leur diffusion dans le groupe.

La brutalité de l'ajustement s'explique de trois façons distinctes :

1.- Une sous estimation des pertes latentes fin 1994

Les pertes réelles au 31 décembre 1994 se révèlent a posteriori avoir été très largement sous-estimées par les auditeurs externes. Les principaux facteurs explicatifs sont les suivants :

- les dossiers de gestion sur lesquels s'étaient appuyés les auditeurs en 1994 se sont révélés a posteriori avoir été particulièrement lacunaires, conduisant à mésestimer l'incidence des procédures judiciaires et des conciliations ou l'importance des engagements hors bilan : les risques implicitement liés aux créances n'étaient donc pas correctement pris en compte ;

- début 1995, les anticipations de l'évolution des marchés, notamment immobiliers, sous-estimaient l'attitude de plus en plus sélective des investisseurs qui s'est révélée particulièrement pénalisante pour les actifs de qualité médiocre obtenus à la suite de procédures de recouvrement forcé des créances. Cette erreur d'analyse s'est révélée plus profonde encore dans le cas du marché du financement des fonds de commerce (hôtellerie notamment), secteur dans lequel l'UIC était également lourdement engagée ;

- enfin, la méthode utilisée pour déclasser les créances en créances douteuses, bien que conforme à la réglementation (méthode Bafi), conduisait à ne pas analyser les encours ne faisant pas l'objet d'impayés.

Ce n'est que très progressivement, et en particulier à partir de la fin du premier semestre 1996, que l'expérience acquise au fur et à mesure du traitement des créances dossier par dossier conduit le management de l'UIC à s'interroger sur les estimations disponibles de la réalité des pertes.

2.- La revue des créances effectuée par l'UIC à l'occasion de l'arrêté des comptes semestriels met en évidence la dégradation très significative de la situation financière et de la solvabilité de débiteurs importants.

Cette évolution se confond pour certains secteurs avec une tendance plus structurelle. Il en est ainsi en particulier des " cafés-hôtels-restaurants ", conduisant l'auditeur à changer de méthode d'évaluation (valorisation des fonds de commerce autour de 0,5 à 0,8 fois le chiffre d'affaires, contre un à deux fois en 1994).

3.- L'appréciation des risques fait enfin l'objet d'un changement d'optique prenant en compte la perspective d'une sortie plus rapide du risque et d'une appréhension de la totalité des coûts sous-jacents.

Les actifs sont désormais estimés sur la base de valeurs de commercialisation tenant compte des rendements exigés par les acteurs de marché. De la même façon, les coûts de portage futurs ainsi que l'ensemble des honoraires, des frais administratifs, de commercialisation et de liquidation sont pris en compte. "

Sans méconnaître ces différents paramètres d'ordre technique, la Commission relève dans sa décision en date du 30 juillet 1997 d'autres éléments plus politiques qui soulignent plus nettement les carences du Gouvernement français de l'époque. Elle écrit en effet ceci :

Les autorités françaises ont expliqué l'échec du plan par les audits engagés en 1996 sur les actifs immobiliers, qui ont révélé une situation financière beaucoup plus grave que celle qui découlait des expertises antérieures. Toutefois, la Commission est d'avis que les raisons de cet échec doivent également être recherchées dans le fait que les métiers de base du GAN, et notamment l'assurance, ont donné des résultats moins bons que prévu, qui, par conséquent, n'ont pas permis au GAN de compenser les pertes et les coûts de portage de l'immobilier. En outre, la suspension de la privatisation du CIC a certainement précipité l'échec du premier plan de restructuration, privant le GAN des ressources liquides nécessaires à sa restructuration.

La privatisation du CIC avait en effet été décidée en 1996 afin de renforcer le plan élaboré en 1995 et jugé ambitieux par la banque d'affaires Morgan Stanley, puisqu'il ne permettrait pas de résoudre le problème des financements intragroupes. La suspension de la privatisation du CIC, qui constitue un non respect d'une décision de la Commission européenne, est d'autant plus grave qu'elle n'a pas été décidée sur la base de raisons techniques indérogeables mais selon les autorités françaises en raison d'oppositions d'ordre politique, alors qu'une offre ferme avait été déjà déposée et déclarée recevable par la Commission de privatisation française.

L'échec du premier plan de redressement ne venant pas d'éléments externes, mais notamment de la dévaluation des actifs immobiliers, de résultats moins favorables que prévu des métiers de base du groupe GAN ainsi que de l'échec de la privatisation du CIC, il est fondé de penser que l'analyse des raisons des faiblesses du groupe GAN n'a pas été suffisamment approfondie ni menée à temps ".

Chacun a en mémoire le triste épisode de la privatisation ratée du CIC à l'automne 1996, parce que conduite à la hussarde sans concertation, ainsi que la regrettable polémique qui l'a suivie entre le ministre de l'Économie et des Finances de l'époque et les dirigeants du GAN. Cela ne fait que souligner par contraste le caractère déterminé et jusqu'à présent couronné de succès de l'action qui est menée depuis moins d'un an sur ce dossier par le nouveau Gouvernement.

Celui-ci a ainsi rempli les engagements que d'autres avaient pris vis-à-vis du GAN en versant la dotation en capital de 9,174 milliards de francs le 9 octobre 1997, obtenu l'approbation du Parlement pour la garantie accordée à GAN SC sur les emprunts de la société de cantonnement, et mené à bien les privatisations de l'UIC et de l'UIS cédées au consortium Goldman Sachs/Whitehall Fund et General Electric Capital Corporation, et du CIC au Crédit mutuel - dans l'attente de celle de GAN SA qui se déroule en ce moment même.

Compte tenu des différentes étapes qui ont marqué le redressement difficile du GAN, il est permis de se demander si l'estimation des pertes est aujourd'hui définitivement arrêtée ou bien si d'autres mauvaises surprises ne sont pas encore à craindre.

Il semble bien que l'on soit heureusement au terme du processus.

Différents rapports d'audit, publics et privés, ont d'ores et déjà été conduits. Des rapports de la Cour des Comptes sont en voie d'achèvement. Les uns et les autres permettent ainsi de penser que le montant définitif des pertes ne dépassera pas 40 milliards de francs.

S'agissant de l'effort de l'État, le montant final de son engagement pris en loi de finances rectificative a été estimé à 9 milliards de francs et plafonné à 10,8 milliards de francs. Si un aléa existe, il ne porterait plus à ce jour que sur la durée des intérêts liés aux prêts consentis par GAN SC à la structure de cantonnement et non plus sur le montant en capital puisque les actifs cantonnés ont été presqu'intégralement cédés. En 1997, les cessions ont porté sur un montant de 3,7 milliards de francs, à des prix confirmant la pertinence des estimations retenues pour la détermination du niveau de la garantie de l'État. A ce jour, les actifs résiduels à céder représentent une valeur nette de l'ordre de 50 millions de francs.

Quant à la charge des intérêts, qui peut théoriquement courir jusqu'à l'échéance des prêts, c'est-à-dire le 31 décembre 2008, il est raisonnable de penser que l'on pourra la minorer en procédant à un débouclage très anticipé une fois la privatisation de GAN SA acquise et les comptes de GAN SC soldés.

On pourra à ce moment là procéder à une évaluation nette du coût pour l'État du plan de restructuration du GAN en faisant porter d'un côté les aides consenties depuis 1995 (2,86 milliards de francs de titres en 1995 + 9,174 milliards de francs de liquidités en 1997 + 9 milliards de francs d'engagement) et de l'autre, la part de l'État (82 %) dans le reliquat des fonds propres de GAN SC, une fois toutes les cessions réalisées et les garanties accordées à l'occasion de ces cessions exercées.

Il convient de signaler que le bilan patrimonial pour l'État apparaîtra en définitive peut-être moins désastreux que l'on pouvait le craindre il y a encore un an. Ceci dépend toutefois largement du succès de la privatisation de GAN SA en cours de réalisation (cinq candidats ont eu accès à la salle d'information, le dépôt des offres est fixé au 14 mai 1998 et la désignation de l'acquéreur devrait intervenir avant le 19 juin 1998) sur lequel l'éventuelle création d'une commission d'enquête pourrait ne pas être sans incidence. Les acquéreurs potentiels ont mené leurs propres réflexions et appréciations financières ; elles seules, hors de toute autre instance, ont à déterminer les termes de l'offre formulée par les candidats.

III.- DES RESPONSABILITÉS ET DES SANCTIONS
QUI DOIVENT ÊTRE PRÉCISÉES
MAIS QUI NE RELÈVENT PAS D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

S'agissant enfin des responsabilités, il est vrai qu'il subsiste quelques zones d'ombre et que, une fois encore, les sanctions tardent à venir au point de conforter cet exaspérant sentiment d'impunité affiché par de trop nombreux dirigeants bancaires et financiers.

Une information judiciaire a été ouverte le 23 mai 1997 sur les comptes de l'UIC pour présentation de bilans non sincères. On doit se féliciter qu'à la demande du ministre de l'Économie et des Finances, le groupe GAN (Société centrale, GAN SA, UIC et SOFAL) se soit constitué partie civile en décembre 1997 sur ce contentieux, témoignant ainsi de sa volonté de collaborer activement avec la justice. Le groupe a lui-même diligenté des travaux d'experts qui devraient permettre d'accélérer la procédure.

Mais pour l'instant, les sanctions font défaut. Il n'a par exemple même pas été possible de revoir les substantielles indemnités de départ accordées aux dirigeants responsables de la quasi faillite du GAN, du fait de leurs solides assises juridiques. C'est en tout cas ce que le Président du GAN, M. Didier Pfeiffer, a répondu au ministre de l'Économie et des Finances, par courrier en date du 21 janvier 1998, en ces termes : " Quelle que soit l'appréciation que l'on peut porter sur les engagements contractuels pris à l'origine et les indemnités transactionnelles en cause au regard des considérations d'opportunité, la régularité juridique de tels arrangements apparaît difficilement contestable et il n'existe pas à ce jour de voie de droit ouverte à l'entreprise pour les remettre en cause avec une chance suffisante de succès. "

Si la rédaction des contrats de travail de ces dirigeants ne permet pas d'envisager une action contentieuse sur ce point, on peut toutefois se demander s'il ne serait pas possible d'engager leur responsabilité pécuniaire pour mauvaise gestion comme le permet l'article L.313-7-1 du code des juridictions financières. Cet article, voté par le Parlement à l'initiative de notre collègue M. Charles de Courson lors de la discussion de la loi n° 95-1251 du 29 novembre 1995 relative à l'action de l'État dans le plan de redressement du Crédit Lyonnais et du Comptoir des Entrepreneurs, prévoit en effet la possibilité d'une amende d'un montant maximal d'un an de traitement brut à l'encontre des dirigeants d'entreprise publique qui auraient causé un préjudice grave aux organismes dont ils avaient la charge, ce qui est manifestement le cas du groupe du GAN et de sa filiale de l'UIC.

La procédure prévue par le code des juridictions financières est la saisine de la Cour de discipline budgétaire et financière, qui relève de plusieurs autorités de l'État (article L. 314-1 du code des juridictions financières), dont le ministre chargé des Finances.

En tout état de cause, la création d'une commission d'enquête ne permettrait pas de porter remède à cette absence de sanction. En vertu du principe de la séparation des pouvoirs, qui interdit au pouvoir législatif de mener une instruction de type judiciaire en vue de sanctions civiles ou pénales, une commission d'enquête ne dispose pas des moyens, notamment coercitifs, qui permettent à un juge d'instruction ou à la brigade financière de la police judiciaire de réunir des éléments de preuve et de reconstituer le déroulement précis des actes et des comportements.

Quant aux contrôles externes, le sinistre du GAN n'apporte guère, hélas, d'éléments nouveaux. La Direction du Trésor, la Commission bancaire, les commissaires aux comptes, et, dans le cas d'espèce, la Commission de contrôle des assurances, ont tardé à prendre l'exacte mesure des dégâts, à réagir et à contester ouvertement le management en place. Ne peuvent pas non plus être niés les atermoiements et les échecs des pouvoirs politiques : le gouvernement du printemps 1994 qui a mis en place une structure de cantonnement immatriculée en toute discrétion à Jersey, reposant sur la fiction du redressement du GAN par ses propres moyens, afin d'éviter d'avoir à affronter les observations du Parlement français et de la Commission de Bruxelles au moment même où le scandale du Crédit Lyonnais prenait une ampleur nouvelle, comme le gouvernement de l'automne 1996 responsable de l'échec retentissant de la privatisation du CIC. Ni l'un ni l'autre, d'évidence, n'ont donné les impulsions décisives au bon moment.

Là encore, la création d'une commission d'enquête ne permettrait guère d'apporter une contribution novatrice. Le nombre des sinistres bancaires et financiers a permis de se faire une idée assez précise des fausses pudeurs et des vraies solidarités sur la place de Paris, même si, dans l'absolu, notre place financière bénéficie d'une image de bon niveau de sûreté. Notre pays n'aurait rien à gagner à faire de nouveau défiler ce cortège, parfois bien triste, devant une commission d'enquête.

En revanche, il appartient à l'Assemblée nationale d'être particulièrement attentive aux leçons qui ont été tirées de ces scandales à répétition, et de vérifier si les remèdes préconisés sont effectivement appliqués et si d'autres réformes peuvent être envisagées.

La volonté affichée par la Commission bancaire de modifier ses méthodes de travail et de diversifier son recrutement, à la suite, notamment, du rapport, distribué le 2 juillet 1996, de la mission d'information sur le contrôle des banques et la protection des déposants, présidée par notre collègue, M. Philippe Auberger, ou bien encore la réforme de la Direction du Trésor, qui a permis de séparer complètement l'exercice de ses compétences de régulation de ses prérogatives d'actionnaire, en sont deux exemples.

C'est à ce devoir de vigilance et de réforme que doivent s'attacher l'Assemblée nationale et, notamment, sa commission des Finances, plutôt qu'à la création d'une commission d'enquête, qui, pour toutes les raisons développées, ne paraît pas adaptée aux interrogations et aux enseignements résultant de la crise traversée par le GAN.

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EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du jeudi 14 mai 1998, la commission des Finances a examiné, sur le rapport de M. Dominique Baert, la proposition de résolution (n° 498) présentée par M. Georges Sarre et plusieurs de ses collèges visant à la création d'une commission d'enquête sur les causes et les responsabilités dans les pertes enregistrées par le GAN SC et ses filiales entre 1992 et 1996.

Après avoir décrit le processus de dégradation de la situation financière du GAN et évoqué l'accroissement corrélatif de l'engagement de l'État entre 1995 et 1997, M. Dominique Baert, rapporteur, a procédé à l'examen de la recevabilité de la proposition de résolution. Il a fait part de l'ouverture d'une information judiciaire sur les comptes de l'UIC Sofal qui exclurait du champ d'investigation d'une éventuelle commission d'enquête l'analyse des causes et des évaluations comptables des pertes de cette filiale bancaire spécialisée dans l'immobilier, pourtant responsable des trois-quarts des pertes consolidées du GAN, puisque l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires interdisait aux commissions d'enquête d'examiner des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires.

M. Dominique Baert a estimé cet obstacle suffisant au rejet de la proposition de résolution. Il a cependant ajouté que les différents travaux d'audits publics et privés menés sur le GAN, comme les travaux de la Cour des Comptes au titre du contrôle de gestion des entreprises publiques, ne permettraient pas à une éventuelle commission d'enquête d'apporter des éléments nouveaux et il a souligné le caractère tardif d'une telle initiative et le risque qu'elle représenterait pour la réussite de la privatisation en cours de GAN SA.

Le Rapporteur a toutefois assorti son avis négatif de trois propositions destinées à accroître l'information et le contrôle de la commission des Finances sur le dossier du GAN. Il a ainsi proposé l'audition du magistrat de la Cour des comptes ayant procédé au contrôle de gestion de l'UIC Sofal, dont les travaux étaient en voie d'achèvement, ainsi que celle du ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, une fois la privatisation de GAN SA réalisée, afin de disposer d'un bilan précis du coût pour l'État des difficultés du GAN, dès lors que l'ensemble des cessions auront été réalisées et les comptes de la holding de tête, GAN-Société centrale, soldés.

Enfin, après avoir évoqué le caractère encore insuffisant de la définition des responsabilités et des sanctions ainsi que ses interrogations relatives aux indemnités de départ accordées aux dirigeants du GAN en poste au moment du sinistre financier, il a souhaité que la commission des Finances demande au ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière afin que celle-ci puisse engager la responsabilité pécuniaire de ces dirigeants comme le permettait l'article L. 313-7-1 du code des juridictions financières, adopté à l'initiative de M. Charles de Courson lors de la discussion de la loi n° 95-1251 du 29 novembre 1995, relative à l'action de l'État dans le plan de redressement du Crédit lyonnais et du Comptoir des Entrepreneurs.

M. Philippe Auberger a reconnu qu'on pouvait s'interroger sur l'opportunité de la création d'une commission d'enquête compte tenu du fait que le processus de privatisation du GAN était enclenché. Il a toutefois souligné que le problème de responsabilité individuelle posé par cette affaire demeurait dans la mesure où les textes n'étaient pas suffisamment précis et ne permettaient pas d'interdire le versement d'une indemnité de départ en cas de résiliation du contrat d'un dirigeant d'une entreprise publique. Il a jugé cet état du droit particulièrement critiquable lorsqu'il s'agissait de fonctionnaires en position de disponibilité qui disposaient d'une garantie de réintégration dans la fonction publique. Il a indiqué que, pour ces motifs, et pour éviter, notamment, toute interprétation tirée de la personnalité de certains dirigeants mis en cause, le groupe RPR voterait pour la création de la commission d'enquête.

M. Charles de Courson a tout d'abord fait part de son accord sur le principe d'une audition des magistrats de la Cour des comptes, chargés du contrôle du GAN, en précisant que ces magistrats exprimeraient, à cette occasion, l'avis collégial et définitif de la Cour et non une analyse personnelle. En second lieu, il a rappelé que la rémunération des dirigeants d'entreprises publiques avait toujours été déterminée par une lettre conjointe du ministre du Budget et du ministre de tutelle et non par le conseil d'administration, en violation de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, et que le législateur n'était jamais intervenu pour mettre fin à une telle situation. Enfin, il a proposé que le Président de la commission des Finances demande au Président de l'Assemblée nationale de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière par l'organe du ministère public, comme l'y autorise l'article L.314-1 du code des juridictions financières au même titre que les ministres. Sur le fond, M. Charles de Courson a rappelé que les chiffres des pertes publiés dans la presse, y compris les intérêts intercalaires, (plus de 100 milliards de francs pour le Crédit Lyonnais et 40 milliards de francs peut-être pour le GAN) pouvaient donner le sentiment d'une irresponsabilité illimitée dans les entreprises publiques et que voter contre la création de la commission d'enquête n'était donc pas possible. Il a estimé que l'enquête judiciaire en cours n'empêchait pas de chercher à établir les causes des pertes constatées, à condition que la commission d'enquête qui serait constituée ne se limite pas à effectuer des auditions mais privilégie les contrôles sur pièces et sur place, seuls instruments pour une action efficace. Il a indiqué, en conclusion, que le groupe UDF voterait en faveur de la constitution de la commission d'enquête.

M. Didier Migaud, Rapporteur général, a approuvé les suggestions faites par le Rapporteur, en insistant sur la nécessité de déterminer clairement les conditions de rémunération et de versement des indemnités de départ des dirigeants d'entreprises publiques et en mettant l'accent sur l'exercice par les rapporteurs spéciaux de la commission des Finances de leurs pouvoirs de vérification sur pièces et sur place. Tout en comprenant le sentiment de révolte qui s'est emparé du public, il a fait valoir que la création d'une telle commission d'enquête ne constituait très probablement pas une réponse adéquate à l'attente de l'opinion. Il a en effet rappelé qu'il était nécessaire, au nom de l'intérêt général, que la privatisation du GAN ait lieu dans les meilleures conditions et a déclaré que l'expérience de la commission d'enquête sur le Crédit lyonnais, dont les membres étaient peu nombreux et assidus, lui avait permis de constater le décalage entre les conclusions auxquelles la commission était parvenue et la réalité. Il a ajouté qu'en l'espèce se posait de surcroît un problème de délai et que des actions judiciaires étaient en cours. Au regard de ces éléments, tout en souhaitant que des sanctions soient effectivement prises, il s'est prononcé, conformément aux conclusions du Rapporteur, contre la constitution de la commission d'enquête.

M. Daniel Feurtet, après avoir reconnu les limites que comportait en l'espèce la procédure de la commission d'enquête, a estimé que les interrogations suscitées par les pratiques financières constatées justifiaient à la fois sa création et la mise en _uvre des recommandations du Rapporteur.

Répondant aux intervenants, M. Dominique Baert, rapporteur, a estimé que M. Philippe Auberger ne pouvait sans contradiction s'interroger sur l'opportunité juridique et économique de la commission d'enquête et en préconiser la création. Il a admis que les conditions de rémunération des dirigeants d'une entreprise publique devaient être déterminées par son conseil d'administration, qui devait pouvoir refuser de verser une indemnité de départ. Il a souligné qu'il partageait le souci de vérité exprimé par les intervenants précédents et qu'il avait précisément demandé pour ce motif au ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie d'adresser à la commission des Finances un bilan patrimonial destiné à fournir le coût final des pertes du GAN. Rappelant que trois importantes sociétés du groupe (l'UIC, l'UIS et le CIC) avaient déjà fait l'objet d'une cession sur le marché, il a estimé que la création de la commission d'enquête aurait été plus justifiée si elle avait été plus précoce, dans la mesure où elle porte sur une période ouverte en 1992.

M. Philippe Auberger a rappelé que les responsabilités dans la situation du GAN n'avaient pas encore été clairement dégagées. Il a notamment fait valoir que le ministre ne lui avait jamais exposé les raisons pour lesquelles la structure de cantonnement du GAN avait été immatriculée à Jersey. Il a indiqué que ces observations pouvaient justifier la création d'une commission d'enquête.

M. Charles de Courson a estimé que les doutes exprimés sur le recours aux commissions d'enquête mettaient moins en cause le principe de leur création que leurs méthodes de travail. Il a précisé que le seul recours à des auditions ne permettait pas un contrôle approfondi, et qu'une commission d'enquête ne pouvait travailler efficacement que si elle était assistée dans sa tâche par des cabinets d'audit qui interviendraient selon des directives précises. Il a ensuite proposé que la commission des Finances mandate son Président pour que ce dernier demande au Président de l'Assemblée nationale de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière, en application de l'article L.314-1 du code des juridictions financières.

M. Dominique Baert a indiqué qu'il était d'autant plus d'accord avec le principe d'un approfondissement des contrôles effectués par les rapporteurs spéciaux, qu'il avait lui-même fait usage de ses pouvoirs de contrôle sur pièces en tant que rapporteur spécial pour les comptes spéciaux du trésor et les entreprises publiques. Il a ensuite expliqué que l'immatriculation de la structure de cantonnement du GAN à Jersey n'avait pas été choisie pour des raisons fiscales, mais pour des raisons juridiques, dans la mesure où la mise en place d'une structure garantissant une étanchéité totale entre le GAN et les actifs cantonnés, devenue nécessaire au printemps 1994, supposait nécessairement, en l'état du droit français, la création d'un établissement public, doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière. Il a ajouté que le gouvernement de l'époque avait estimé cette solution inopportune pour le GAN, parce qu'elle impliquait le vote d'une loi, au moment même où le scandale du Crédit lyonnais éclatait et où l'Assemblée nationale créait une commission d'enquête. Il a donc confirmé que des raisons de discrétion et de confidentialité avaient conduit la direction du Trésor et le GAN à proposer la création du trustee de droit anglo-saxon immatriculé à Jersey.

Au terme de ce débat, le Président Augustin Bonrepaux a rappelé que la Commission était seulement amenée à se prononcer sur la proposition de résolution tendant à la constitution d'une commission d'enquête. Evoquant les propositions faites par le Rapporteur, il a estimé qu'il n'était pas souhaitable, en tout état de cause, de se prononcer sur une éventuelle demande de saisine de la Cour de discipline budgétaire et financière auprès du Président de l'Assemblée nationale, avant que la commission des finances n'ait procédé à l'audition de la Cour des comptes sur le rapport particulier consacré par celle-ci aux comptes de l'UIC, et n'ait eu une connaissance complète, par le ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, de la situation patrimoniale et financière du GAN depuis 1992. Il a précisé qu'il n'avait aucune opposition de principe à cette démarche, mais qu'elle ne pouvait être effectuée qu'en toute connaissance de cause et à un moment opportun.

La commission des Finances a ensuite rejeté la proposition de résolution.

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FICHE SIGNALÉTIQUE 1996

ANNEXE

CHIFFRE D'AFFAIRES

· Assurances : 53,5 milliards de francs - 5ème assureur français
(estimation 1996)

· PNB Groupe CIC 1996 : 17 milliards de francs - 5ème banque AFB

RÉSULTATS PART DU GROUPE

1993 : 414 millions de francs

1994 : - 5.342 millions de francs

1995 : - 1.786 millions de francs

1996 - PROVISIONS À PASSER SUR L'IMMOBILIER : 14 MILLIARDS DE FRANCS

EFFECTIFS

· Assurance France : .9.600 personnes dont :

- 5.150 administratifs

- 2.450 producteurs salariés

- 2.000 mandataires

.1.429 agences

· Assurance étranger : .4.100 personnes

· Groupe CIC : .21.350 personnes

.10 banques régionales

.1.366 agences en France

· Groupe UIC : .560 personnes (300 en 1998)

LE GROUPE GAN C'EST AUSSI

· GAN Assurances : 3 millions d'assurés

· CIC : 2 millions de clients bancaires dont 364.000 entreprises

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Source : Ministère de l'Économie et des Finances

Présentation du plan de restructuration - février 1997.

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N° 907.- Rapport de M. Dominique Baert (au nom de la commission des finances) sur la proposition de résolution (n° 498) M. Georges Sarre et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur les causes et les responsabilités dans les pertes enregistrées par le GAN SC et ses filiales entre 1992 et 1996.