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le 7 décembre 1998

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N° 1239

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 décembre 1998.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 1183), de M. Jean-Jacques GUILLET et Mme Bernadette ISAAC-SIBILLE sur la proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de coopération scientifique et technique entre la Communauté européenne et l'Etat d'Israël (COM [98] 457 final/n° E 1147) ,

PAR Mme BERNADETTE ISAAC-SIBILLE,

Députée

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Politiques communautaires

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, M. René Rouquet, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, MM. Yves Dauge, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Jacques Desallangre, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Jean Espilondo, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Claude Lefort, François Léotard, Pierre Lequiller, François Loncle, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Jean Rigal, Mme Yvette Roudy, MM.  Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, MM. Michel Terrot, Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Aloyse Warhouver.

Mesdames, Messieurs,

En application de l'article 88-4 de la Constitution, M. Jean-Jacques Guillet et votre Rapporteur ont déposé une proposition de résolution sur un acte communautaire en instance d'adoption par le Conseil des ministres de la Communauté : l'accord de coopération scientifique et technique entre la Communauté européenne et Israël.

En application de l'article 151-2 du Règlement de l'Assemblée nationale, le Président du groupe UDF, M. Philippe Douste-Blazy, a demandé à la Commission des Affaires étrangères d'examiner cette proposition.

La Commission des Affaires étrangères peut rejeter, amender ou adopter sans modification le texte de cette proposition. En cas d'adoption, ce texte sera définitif à moins que son inscription à l'ordre du jour ne soit demandée par le Gouvernement, le président d'un groupe, le président d'une commission permanente ou le président de la Délégation pour l'Union européenne.

La Commission des Affaires étrangères a eu l'occasion d'examiner récemment l'état du processus de paix après la signature du mémorandum de Wye River et l'état des relations entre l'Union européenne et Israël.

Le 4 novembre dernier, notre Commission a en effet examiné le rapport d'information de M. Henri Bertholet 11) relatif à une mission en Israël et dans les Territoires autonomes qui s'était déroulée du 13 au 18 septembre 1998 et à laquelle participait, outre Mme Monique Collange, les deux auteurs de la présente proposition de résolution.

Depuis, le mémorandum de Wye River a tenu une partie de ses promesses. Son entrée en vigueur a été suivie d'effets : un premier redéploiement a été réalisé et l'aéroport de Gaza a été ouvert. En quelques semaines, le processus de paix a davantage progressé qu'au cours des deux dernières années.

Cependant, l'Union européenne n'a toujours pas un rôle politique à la hauteur de sa contribution concrète. Elle est le premier bailleur de fonds aux Territoires palestiniens et a conclu des accords tant avec les Palestiniens qu'avec les Israéliens. L'Union européenne ne peut se satisfaire de ce rôle de figurant dans lequel on voudrait parfois la confiner. Elle a sa propre vision du devenir du Proche-Orient et peut jouer un rôle dans le développement économique des Territoires.

Telles sont les considérations qui ont présidé au dépôt de cette proposition dont votre Rapporteur examinera les points successifs.

*

*       *

Le point 1 salue la signature du mémorandum de Wye River.

La signature du mémorandum de Wye River n'a sans doute pas la même portée que la signature des accords d'Oslo, mais elle constitue une incontestable avancée.

Sa portée symbolique est forte. En effet, c'est la première fois qu'un chef de gouvernement issu du Likoud accepte que l'armée et l'administration israélienne évacuent une partie de la Cisjordanie. D'autre part, les mesures concrètes de ce mémorandum devraient permettre de remettre le processus de paix sur ses rails.

Pour ces raisons, cet événement mérite d'être salué par l'Assemblée nationale en mentionnant le Président Yasser Arafat et le Premier ministre Benyamin Netanyahou qui ont fait preuve d'un grand courage politique.

Toutefois, votre Rapporteur vous propose d'amender ce point afin de prendre en compte l'entrée en vigueur du mémorandum, intervenue le 18 novembre 1998, grâce à l'approbation de la Knesset.

Les points 2 et 3 de la proposition sont relatifs à l'application de deux accords intérimaires entre l'Union européenne et Israël et entre l'Union européenne et l'OLP.

Le premier accord est entré en vigueur le 1er janvier 1996 afin de mettre en vigueur par anticipation les dispositions commerciales de l'accord d'association entre l'Union et Israël. Cet accord permet aux produits répondant à certaines règles d'origine d'accéder au marché européen en franchise de droits et de quotas ou à des conditions préférentielles.

Le deuxième accord, qui contient des dispositions similaires, a été signé le 24 février 1997 entre l'Union et l'OLP et prévoit la création d'une zone de libre-échange industriel entre l'Union et les Territoires autonomes, ainsi qu'une libéralisation des échanges des produits agricoles. Les Palestiniens n'ayant pour le moment aucun accès direct sur l'extérieur, toutes leurs importations et exportations doivent transiter par les douanes israéliennes. Le Protocole de Paris signé entre Israël et l'Autorité palestinienne précise à cet effet que les Palestiniens ont le droit d'exporter sans restriction sur la base de certificats d'origine émis par l'Autorité palestinienne et que leurs produits doivent recevoir à leur passage en douane un traitement équivalent à celui réservé aux produits israéliens.

L'application de ces accords n'est pas satisfaisante en raison des conceptions d'Israël s'agissant de son territoire douanier. Israël considère en effet que son territoire douanier englobe les territoires occupés - y compris les Territoires autonomes. Il estime en conséquence que les produits provenant des Territoires autonomes, de Jérusalem Est et des implantations sont des produits originaires d'Israël. Pour la même raison, Israël estime que l'accord entre l'Union et l'OLP est sans objet. Par conséquent, les produits originaires des Territoires autonomes ne peuvent être exportés sous certificat de l'Autorité palestinienne.

De 1975 jusqu'à 1998, la Commission européenne a fermé les yeux sur les exportations par Israël de produits en provenance des territoires occupés. Depuis 1998, elle a entrepris des démarches auprès des autorités israéliennes, démarches qui ont été soutenues par le Conseil.

Sans doute, le commerce entre les Territoires et l'Union est encore marginal. Les Palestiniens effectuent 80% de leurs échanges avec Israël. Du fait de leur enclavement et des mesures de contrôle imposées par Israël, les Territoires constituent une sorte de marché captif. Mais, la mise en application du mémorandum de Wye River, en desserrant les nombreuses contraintes qui pèsent sur le commerce palestinien, devrait permettre d'augmenter le volume de ces échanges.

Sans doute aussi peut-on anticiper que la question des règles d'origine trouvera dans le futur une solution classique : celle du cumul régional des règles d'origine qui est généralement appliquée lorsque deux économies sont associées, sur un pied d'égalité, à une zone douanière tierce. Mais, au préalable, il convient qu'Israël respecte les accords conclus par l'Union européenne. L'Union européenne ne peut accepter que l'application d'un accord conclu avec un tiers soit entravé par Israël, ni l'interprétation faite par Israël à propos de l'accord intérimaire qui le lie avec l'Union.

La mise en oeuvre du mémorandum de Wye River n'a eu, pour le moment, aucune retombée positive sur ce contentieux. Par ailleurs, ce dossier pèse sur les perspectives de ratification de l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël.

Le point 4 est relatif au renouvellement de l'accord de coopération scientifique et technique entre l'Union européenne et Israël.

Un premier accord a été signé le 25 mars 1996 afin d'associer les chercheurs israéliens à tous les programmes spécifiques non nucléaires du IVème programme cadre de recherche et de développement technologique de la Communauté européenne et, réciproquement, les chercheurs européens aux programmes israéliens. Cet accord est entré en vigueur le 6 août 1996 et vient à expiration le 31 décembre 1998.

Le potentiel de recherche israélien n'est plus à démontrer. Il justifie largement qu'Israël se voit reconnaître un statut unique pour un pays tiers.

Cet accord est mutuellement profitable. Israël en demande le renouvellement bien que sa participation au budget communautaire (100 millions d'écus) excède largement ce qu'il a pu récupérer (40 millions d'écus).

Par conséquent, des négociations en vue du renouvellement de cet accord ont été ouvertes sur la base d'un mandat défini par le Conseil le 18 mai 1998. Ces négociations ont abouti à un projet d'accord paraphé le 19 juin 1998.

Ce projet reprend les dispositions de l'accord précédent tout en confortant la participation des experts israéliens aux différents comités du programme de recherche. Par ailleurs, la contribution d'Israël a été réduite de 1,09% à 1,08% du budget communautaire prévu pour le programme 1998-2002. Sur un budget de 14,8 milliards d'euros, la participation israélienne s'élèvera à 160,2 millions d'euros.

Cependant, à l'initiative de la France, le Conseil a assorti le mandat de négociation d'une condition politique :

"Au moment de la conclusion du présent accord, le Conseil tiendra notamment compte des progrès enregistrés dans le cadre du processus de paix au Proche-Orient. Il se référera à cet égard aux conclusions adoptées par le Conseil "Affaires générales" du 23 février 1998".

Pour le moment, à l'exception de l'Allemagne et de l'Italie, aucun Etat membre n'a considéré que cette condition politique était remplie.

La mise en oeuvre du mémorandum de Wye River a-t-elle d'ores et déjà atteint un stade qui permette de penser que le processus de paix est sauvé ?

Au lendemain de l'adoption du mémorandum, les atermoiements du Premier ministre israélien ont fait douter de sa volonté de respecter ses engagements. Depuis, ce scepticisme s'est estompé mais des étapes importantes doivent encore être franchies et l'expansion des colonies suscite l'inquiétude.

Les mesures prévues dès l'entrée en vigueur de l'accord ont été mises en oeuvre. Le comité sur le troisième redéploiement a commencé ses travaux tout comme les différents comités intérimaires avec un premier résultat concret : l'ouverture de l'aéroport de Gaza. Les négociations sur le statut permanent ont été lancées par Ariel Sharon et Abou Mazen.

La mise en oeuvre du plan de sécurité s'est traduite par de nombreuses arrestations dans les rangs du Hamas. Le Président Arafat a pris un décret prohibant les armes illégales et ordonnant leur collecte. Le comité israélo-palestinien contre l'incitation à la violence a commencé ses travaux ainsi que le comité tripartite dont font partie les Américains. Yasser Arafat a également pris un décret contre l'incitation à la violence. Le Comité exécutif de l'OLP a entériné les modifications de la charte de l'OLP demandées par Israël qui seront, le moment venu, adoptées par l'ensemble de la direction palestinienne en présence du Président américain.

De son côté, Israël a procédé à la première phase du redéploiement convenu : 7,1 % des territoires palestiniens sont passés de zone B en zone A et 2 % de C en B. Ce transfert a été effectué dans la région de Djenine. Les Palestiniens contrôlent désormais environ 10 % de la Cisjordanie, contre 3 % précédemment. Par ailleurs, Israël a libéré 250 prisonniers.

Les premières dispositions du mémorandum sont donc convenablement appliquées. Cependant les mesures prises contre le Hamas et l'omniprésence de la CIA inquiètent la population palestinienne et le gouvernement israélien a annoncé sa volonté de poursuivre sa politique de colonisation.

Il paraît raisonnable en conséquence, d'attendre que de nouvelles étapes soient franchies.

En particulier, le désenclavement économique des Territoires autonomes n'est pas encore acquis. L'ouverture de l'aéroport de Gaza devrait permettre l'exportation des produits palestiniens. Mais d'autres mesures doivent suivre : la création d'un passage sûr entre la bande de Gaza et la Cisjordanie, l'ouverture de la zone industrielle de Karni, la levée des contraintes de toutes sortes sur les exportations.

D'autre part, la politique israélienne à propos des implantations suscite une légitime inquiétude. Certes, le mémorandum de Wye River n'interdit pas explicitement la poursuite de la colonisation. Il se borne à préciser : "Conscientes de la nécessité de créer une atmosphère propice pour ces négociations, les deux parties s'engagent à ne pas prendre de mesures qui changeraient la situation en Cisjordanie ou à Gaza, comme le prévoit l'accord intérimaire". Mais cette formulation, même vague, devrait conduire Israël à la plus grande retenue.

Or, depuis l'entrée en vigueur du mémorandum, des colons ont pris des initiatives, dangereuses pour la paix, consistant à intensifier la colonisation sauvage en Cisjordanie.

Le gouvernement israélien a réagi de manière très ambiguë. Il a déclaré qu'aucune colonie nouvelle n'avait été autorisée mais l'armée israélienne s'est abstenue d'intervenir et certaines déclarations d'Ariel Sharon ont encouragé les colons.

Par ailleurs, le gouvernement israélien poursuit sa politique de subventions en faveur des implantations existantes et de la construction de "routes de contournement" reliant les colonies.

Ces considérations justifient le point 4 de la présente résolution avec une modification purement rédactionnelle.

CONCLUSION

Le Rapporteur a conclu à l'adoption de la proposition de résolution.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné cette proposition de résolution, au cours de sa réunion du mercredi 2 décembre 1998.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Henri Bertholet a considéré que la proposition de résolution s'inscrivait dans l'esprit des conclusions de la mission d'information qu'il avait présidée en septembre dernier. Israël est très attaché au renouvellement de l'accord de coopération scientifique et technique que le Conseil européen a subordonné à la reprise du processus de paix. La résolution manifestera amicalement la volonté de l'Assemblée nationale qu'Israël prenne en considération le sens des accords conclus avec la Communauté.

Après avoir adopté les modifications proposées par le Rapporteur et suivant ses conclusions, la Commission des Affaires étrangères a adopté la proposition de résolution (n° 1183).

La Commission vous demande donc d'adopter la présente proposition de résolution.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Proposition de résolution sur la proposition de décision du Conseil

concernant la conclusion de l'accord de coopération scientifique et technique entre la Communauté européenne et l'Etat d'Israël

L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de coopération scientifique et technique entre la Communauté et l'Etat d'Israël (COM [98] 457 final du 17 juillet 1998/n° E 1147).

Considérant que le développement des relations entre la Communauté et Israël doit contribuer à favoriser le succès des initiatives entreprises pour un règlement de paix juste, global et durable au Proche-Orient ;

Considérant que la signature du mémorandum de Wye River, le 23 octobre 1998, constitue une incontestable chance pour la paix ;

1. Salue la signature par le Président Yasser Arafat et le Premier ministre Benyamin Netanyahou du mémorandum de Wye River, et sa ratification par la Knesset

2. Invite la Commission européenne à poursuivre ses efforts en vue d'une application juste et rigoureuse des dispositions de l'accord intérimaire entre la Communauté européenne et l'Etat d'Israël relatif au commerce et aux mesures d'accompagnement, signé le 22 décembre 1995 ;

3. Invite la Commission européenne à poursuivre ses efforts en vue de la mise en oeuvre effective de l'accord intérimaire entre la Communauté européenne et l'OLP, signé le 24 février 1997 ;

4. Demande au Gouvernement, lors de la conclusion de l'accord de coopération scientifique et technique entre la Communauté européenne et l'Etat d'Israël, de prendre en compte l'application du calendrier annexé à l'accord de Wye River.

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N° 1239. - Rapport de Mme Bernadette Isaac-Sibille (au nom de la commission des affaires étrangères) sur la proposition de résolution de M. Jean-Jacques GUILLET et Mme Bernadette ISAAC-SIBILLE (n° 1183), sur la proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord de coopération scientifique et technique entre la Communauté européenne et l'Etat d'Israël (COM(98) 457 final/n° E 1147).

1 1) Rapport d'information n° 1160