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le 9 mars 1999

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N° 1417

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 mars 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 1326) de M. PHILIPPE VASSEUR visant à créer une commission d'enquête sur les conditions de cumul des missions de conception et de maîtrise d'_uvre par les architectes des bâtiments de France,

PAR M. Jean-Paul BRET,

Député.

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Architecture.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Patrick Bloche, Alain Bocquet, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial, Yves Bur, Vincent Burroni, Alain Calmat, Pierre Carassus, Roland Carraz, Mmes Véronique Carrion-Bastok, Odette Casanova, MM. Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Germain Gengenwin, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M.  Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Maurice Janetti, Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Michel Lefait, Maurice Leroy, Patrick Leroy, Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mmes Gilberte Marin-Moskovitz, Jacqueline Mathieu-Obadia, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Pierre Morange, Hervé Morin, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, José Rossi, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Bernard Schreiner, Patrick Sève, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann.

SOMMAIRE

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Pages

PRÉSENTATION GÉNÉRALE 5

TRAVAUX DE LA COMMISSION 15

PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Le 12 janvier 1999, M. Philippe Vasseur a déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale une proposition de résolution (n° 1326) visant à créer une commission d'enquête sur les conditions dans lesquelles les architectes des bâtiments de France peuvent être autorisés à effectuer au titre du cumul des missions de conception et de maîtrise d'_uvre.

Selon l'auteur de la proposition de résolution, la création d'une commission d'enquête est justifiée par l'opacité dont souffre actuellement l'exercice, à titre individuel et sous forme libérale, de missions de conception et de maîtrise d'_uvre par les architectes des bâtiments de France, agents de l'Etat de catégorie A remplissant par ailleurs des missions régaliennes.

Dans le souci d'assurer la transparence et la rigueur dans les affaires publiques, M. Philippe Vasseur souhaite plus précisément qu'une commission d'enquête permette de :

« - savoir comment un élu ou un citoyen peut avoir la certitude que l'architecte des bâtiments de France a officiellement obtenu l'autorisation préalable de percevoir des honoraires à titre libéral ;

- savoir comment un élu ou un citoyen peut prendre connaissance du rapport sur la base duquel le ministre de tutelle a accordé une dérogation pour cumul dans l'aire géographique de la compétence du fonctionnaire ;

- connaître les sanctions administratives et les poursuites judiciaires dont les architectes des bâtiments de France sont passibles en cas d'« oubli » de cette demande d'autorisation ;

- savoir comment un élu ou un citoyen peut prendre connaissance de la déclaration annuelle que l'architecte des bâtiments de France doit obligatoirement adresser à son ministre de tutelle, mentionnant le montant net des rémunérations qu'il a reçues au titre de ses activités libérales. »

I. - La recevabilité de cette proposition de résolution doit s'apprécier au regard des dispositions conjointes de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale.

La première condition de recevabilité est relative à la définition précise, soit des faits qui donnent lieu à enquête, soit des services publics ou des entreprises nationales dont la commission doit examiner la gestion. Puisque la proposition de résolution vise à étudier les conditions dans lesquelles les architectes des bâtiments de France sont autorisés à exercer des missions de conception et de maîtrise d'_uvre à titre privé et donc à cumuler des honoraires privés et un traitement de fonctionnaire, cette condition est remplie.

La seconde condition, plus substantielle, concerne la mise en _uvre du principe de séparation des pouvoirs législatif et judiciaire et interdit à l'Assemblée nationale d'enquêter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Par lettre en date du 11 février 1999, le Garde des Sceaux a fait connaître au président de l'Assemblée nationale que « les faits exposés dans la présente proposition de résolution ne font pas l'objet de poursuites judiciaires ».

Il est donc possible de considérer cette proposition de résolution comme parfaitement recevable.

II. - L'opportunité de créer une commission d'enquête sur les conditions dans lesquelles les architectes des bâtiments de France sont autorisés à exercer, à titre libéral, des activités de maîtrise d'_uvre, et donc à cumuler une rémunération perçue à ce titre avec celle reçue pour leurs activités régaliennes mérite toutefois d'être examinée plus longuement.

A.- Un cadre réglementaire clair et précis

· Le corps des architectes des Bâtiments de France, fonctionnaires de catégorie A, est régi par le décret n° 84-145 du 27 février 1984 modifié. Recrutés par concours, ces fonctionnaires possèdent le titre d'architecte ou sont titulaires du diplôme d'Etat d'architecte.

L'article 2 du décret donne une définition précise de leurs missions et fonctions :

« Les architectes des Bâtiments de France veillent à l'application des législations sur l'architecture, l'urbanisme, les sites, les monuments historiques et leurs abords. Les intéressés apportent leur concours aux architectes en chef des monuments historiques dans la surveillance de l'état des immeubles classés ou inscrits sur l'inventaire supplémentaire, situés dans leur circonscription. Ils déterminent et dirigent, après accord des propriétaires ou des affectataires, les travaux d'entretien et de réparations ordinaires à exécuter sur les immeubles classés parmi les monuments historiques lorsque la maîtrise d'ouvrage est assurée par les services relevant du ministère chargé de la culture ou que les propriétaires ou affectataires reçoivent une aide financière de l'Etat au titre de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques. Ils sont chargés des travaux d'entretien et de réparations ordinaires dans les palais nationaux et les bâtiments affectés au ministère de la culture. Ils sont conservateurs des monuments historiques appartenant, dans leur circonscription, à l'Etat et affectés au ministère de la culture sous réserve des exceptions fixées par le ministre chargé de la culture. »

Cent quatre-vingts architectes des Bâtiments de France sont actuellement en exercice (soit de un à trois postes par département) et ont en charge 40 000 monuments classés ou inscrits et une centaine de secteurs sauvegardés, soit une moyenne annuelle de 400 000 dossiers à examiner. Ils remplissent un rôle d'expertise technique essentiel en matière de préservation du patrimoine monumental, architectural et urbain.

· L'article 14 de la loi du n° 77-2 du 3 janvier 1977 relative à l'architecture prévoit explicitement que les architectes fonctionnaires ou salariés de l'Etat peuvent être autorisés à exercer, indépendamment de leur activité régalienne et sans que puisse être mise en cause leur indépendance d'agents publics, des missions de conception et de maîtrise d'_uvre pour le compte d'autres collectivités publiques ou au profit de personnes privées. Ce système, qui déroge clairement au principe fondamental de l'interdiction de cumuler un emploi public et un emploi privé, est destiné à pallier les défaillances du secteur privé local en matière de maîtrise d'_uvre spécialisée dans la restauration du patrimoine.

Le décret du 27 février 1984 précité précise que les architectes des bâtiments de France ne peuvent pas exécuter de telles missions « sauf autorisation du ministre donnée dans les conditions prévues » par le décret n° 81-420 du 27 avril 1981 relatif au cumul des missions de conception et de maîtrise d'_uvre par certaines catégories d'architectes fonctionnaires ou salariés de l'Etat ou des collectivités locales. Il s'agit donc clairement d'un régime dérogatoire et les dispositions contenues dans le décret du 27 avril 1981, complétées par la circulaire d'application n° 81-47 du 13 mai 1981, définissent les conditions d'autorisation et les limites du cumul d'activités.

Tout architecte des bâtiments de France souhaitant effectuer une mission à titre libéral doit recevoir l'autorisation écrite de son autorité hiérarchique. Les demandes d'autorisation sont transmises au préfet par le chef du service départemental de l'architecture et du patrimoine (SDAP) qui les adresse, assorties d'un avis motivé, au ministre chargé de l'architecture, c'est à dire, aujourd'hui, le ministre de la culture, qui statue. S'il s'agit d'un édifice protégé au titre des monuments historiques, l'avis du directeur régional des affaires culturelles doit également être recueilli.

Le dossier de demande d'autorisation doit préciser l'identité de l'architecte des bâtiments de France, la nature de la mission qui pourrait lui être confiée, le lieu de déroulement de cette mission, la nature des travaux envisagés, l'estimation de leur coût et le montant de la rémunération de l'architecte.

En principe, en application de l'article 4 du décret du 27 avril 1981, les architectes des bâtiments de France ne peuvent pas effectuer, au titre du cumul, une mission de conception et de maîtrise d'_uvre dans l'aire géographique de leur compétence administrative. L'article 9 du décret n° 80-217 du 20 mars 1980 portant code des devoirs professionnels des architectes, qui prévoit que « L'architecte doit éviter les situations où il est juge et partie. Sous réserve des dispositions statutaires existantes, lorsqu'il s'y trouve soumis, l'architecte ne peut, à l'occasion d'une même mission, exercer à la fois une activité de conception architecturale ou de maîtrise d'_uvre et des fonctions de contrôle ou d'expertise », est donc généralement respecté.

Il est possible de déroger à ce principe lorsque la mission projetée est directement liée aux qualifications particulières requises pour l'exercice de la fonction d'architecte des bâtiments de France. En effet, les entreprises privées peuvent parfois manquer des compétences nécessaires pour la conduite de travaux très spécifiques de consolidation, de remise en état, d'aménagement ou de présentation sur les bâtiments anciens. Recourir à l'architecte des bâtiments de France de la circonscription est alors un moyen simple et sûr de garantir la qualité de l'_uvre. Dans ce cas cependant, la demande d'autorisation doit être accompagnée d'un rapport spécial qui précise les qualifications nécessaires justifiant la dérogation.

Comme l'indique la circulaire du 13 mai 1981, « le cumul ne peut être autorisé que pour l'accomplissement d'études d'architecture, ainsi que d'activités de conception de projet et de suivi d'opération ». L'autorisation est accordée pour un projet déterminé et le seul mode d'exercice autorisé est le mode libéral, individuel ou en association, à l'exclusion de toute activité salariée ou au sein d'une société d'architectes. Enfin, les règles et les devoirs professionnels des architectes sont applicables à l'architecte des bâtiments de France exerçant en libéral.

Cette mission doit par ailleurs être effectuée sans utilisation des moyens en personnel et en matériel du service dont fait partie l'architecte et ne pas avoir d'incidence sur la durée de travail qu'il doit à l'Etat. Sur ce dernier point, il est opportun de préciser qu'en application de l'article 39 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat et de l'avis rendu par le Conseil d'Etat le 20 octobre 1987, le cumul n'est pas autorisé pour les agents à temps partiel.

Enfin, l'architecte ne peut pas percevoir des honoraires afférents aux activités de maîtrise d'_uvre à titre libéral supérieurs à son traitement principal. Comme le prévoit l'article 3 du décret, il adresse chaque année à son administration une déclaration sur l'honneur indiquant le montant net des rémunérations qui lui ont effectivement été versées au titre de ces opérations. Le statut juridique de ce document est identique à une déclaration de revenus à l'administration fiscale.

· Cette possibilité d'exercer une maîtrise d'_uvre à titre libéral n'a été remise en cause ni par la réforme du statut des architectes des bâtiments de France opérée par le décret n° 93-246 du 24 février 1993 portant création du corps des architectes et urbanistes de l'Etat, ni par le transfert de la direction de l'architecture du ministère de l'équipement au ministère de la culture en 1996. La seule modification introduite concerne les primes versées aux architectes des bâtiments de France, dont le montant est modulé, depuis 1996, en fonction des rémunérations perçues au titre du cumul.

B.- les dérives de la pratique

En 1998, quarante architectes des bâtiments de France ont bénéficié d'autorisation de cumul pour un total de 139 opérations1, le montant net moyen des honoraires déclarés étant de 44 000 francs par agent. Les cas de cumul important se limitent en fait à une quinzaine de départements, la très grande majorité des architectes des bâtiments de France n'ayant pas d'activités libérales et les rémunérations perçues restant très en deçà du maximum autorisé.

La situation est donc loin d'être scandaleuse au regard de l'utilité que peut avoir, pour la bonne conservation du patrimoine national, le recours aux architectes des bâtiments de France en cas de carence du secteur privé. Cependant, depuis une vingtaine d'années, des dérives ont été constatées.

En effet, sous la tutelle du ministère de l'équipement, l'exercice sans autorisation préalable, à titre libéral, de missions de conception et de maîtrise d'_uvre par les architectes des bâtiments de France s'est développé. Le fait que plusieurs services du ministère de l'équipement aient été également habilités à recevoir les dossiers de demandes l'a même encouragé car cette multiplication des « guichets » a rendu les vérifications plus aléatoires.

De plus, dans les cas où une demande d'autorisation a priori est bien transmise par le préfet, le document comporte rarement les informations exigées par les textes et ne constitue donc pas un avis motivé.

Par ailleurs, dans la plupart des cas, aucune motivation ou justification particulière n'était présentée lorsqu'il s'agissait de demander une autorisation pour une mission dans l'aire de compétence géographique de l'architecte, en contrevenance totale avec les dispositions prévues par le décret du 27 avril 1981. Ainsi, la multiplication de ces « oublis » a pu mettre les architectes des bâtiments de France dans une situation ambiguë pour laquelle ils sont à la fois juges et parties. Ils sont en effet amenés à donner un avis, parfois contraignant pour le propriétaire, sur une demande de permis de construire ou de subvention relative à un projet dont ils assureront ensuite la maîtrise d'_uvre à titre libéral.

Enfin, si le système de prise en compte du montant des rémunérations perçues à titre libéral pour le calcul des primes accordées annuellement aux architectes des bâtiments de France avait initialement pour but de dissuader un trop fort développement de la pratique du cumul, il a pu avoir un effet inverse dans certains cas. Les architectes qui pratiquent le cumul ont en quelque sorte été incités à accroître leur activité à titre libéral afin de compenser financièrement la réduction des primes.

C.- Une perspective de clarification

Le ministère de la culture, à qui la tutelle des architectes des bâtiments de France a été transférée en 1996, est pleinement conscient de tous ces dysfonctionnements et dérives. La nouvelle direction de l'architecture et du patrimoine travaille tout à la fois à rétablir une application rigoureuse des dispositions réglementaires actuellement existantes et à préparer une évolution de la réglementation afin de garantir une pratique du cumul totalement transparente.

Dans cet esprit, dès 1996, le système d'autorisation systématique au cas par cas des missions de maîtrise d'_uvre en exercice libéral a été rétabli et des instructions ont été données aux préfets afin que leur avis joint au dossier soit motivé et argumenté, tout particulièrement lorsqu'il s'agit d'une mission devant s'exercer dans la circonscription de compétence de l'architecte. Néanmoins des progrès restent à faire. De nombreux préfets se contentent encore de transmettre le dossier de demande d'autorisation sans commentaire ni motivation.

Par ailleurs, en 1997, l'Inspection de l'architecture et du patrimoine sur la maîtrise d'_uvre libérale et sa compatibilité avec les missions de service public remplies par les architectes des bâtiments de France a réalisé un premier rapport. Puis, des rapports ponctuels sur les situations de cumul ont été demandés à chaque SDAP.

Enfin, un rapport de l'Inspection générale des services des affaires culturelles portant sur ce même sujet a été remis à Mme la ministre le 1er mars. Après avoir rappelé le régime applicable à l'autorisation et à l'exercice du cumul ainsi que les missions des architectes des bâtiments de France, il présente un certain nombre de propositions afin de garantir une plus grande transparence de cette pratique et un respect total des principes d'indépendance et de probité.

Le rapporteur approuve tout particulièrement la proposition d'interdire tout cumul, sauf circonstances exceptionnelles, lorsque l'architecte des bâtiments de France interviendrait, à titre libéral, sur un immeuble situé dans un territoire où il dispose d'un pouvoir d'avis conforme (travaux aux abords des monuments historiques par exemple) ou d'avis simple (permis de construire en site inscrit). Cette pratique reste en effet problématique compte tenu de la nécessaire neutralité des architectes des bâtiments de France.

*

Les conditions dans lesquelles les architectes des bâtiments de France peuvent être autorisés à cumuler des missions de conception et de maîtrise d'_uvre à titre libéral avec leurs activités régaliennes sont donc clairement établies par le droit. De plus, cette pratique, si elle doit demeurer exceptionnelle, recèle une utilité certaine en matière de restauration et de valorisation du patrimoine national, activités pour lesquelles les architectes du secteur privé sont tout à la fois peu compétents et peu intéressés, à l'exception des architectes du patrimoine formés par l'école de Chaillot. Loin de s'opposer à l'exercice libéral des architectes des bâtiments de France, les architectes du patrimoine souhaiteraient voir se développer la collaboration entre le secteur public et le secteur privé de la restauration de monuments historiques.

Les conditions d'application des dispositions réglementaires ont très certainement connu, ces dernières années, un relâchement regrettable, ce qui a pu donner le sentiment que la pratique du cumul pouvait se développer dans la plus totale opacité et autoriser divers abus. Néanmoins, la vigilance dont fait preuve depuis trois ans le ministère de la culture sur cette question et la volonté de la direction de l'architecture et du patrimoine de remédier aux dérives énoncées plus haut rendent inutile la constitution d'une commission d'enquête sur ce sujet. La plupart des questions posées par M. Philippe Vasseur à l'appui de sa proposition de résolution peuvent d'ailleurs recevoir une réponse immédiate.

Pour ce qui concerne les deux premières questions posées par l'auteur de la proposition de résolution - avoir la certitude que l'architecte des bâtiments de France a officiellement obtenue l'autorisation préalable de percevoir des honoraires à titre libéral et savoir comment un élu ou un citoyen peut prendre connaissance du rapport sur la base duquel le ministre de tutelle a accordé une dérogation pour cumul dans l'aire géographique de la compétence du fonctionnaire - les dispositions de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 sur l'accès aux documents administratifs s'appliquent non seulement à la décision d'autorisation du ministre, mais également au rapport du préfet, obligatoirement visé par la décision ministérielle. Ces deux documents sont donc communicables aux tiers.

En ce qui concerne les sanctions encourues par un architecte des bâtiments de France lorsqu'il a pris en charge un chantier à titre libéral sans autorisation préalable, la pratique administrative lui laisse la possibilité de demander une régularisation a posteriori. Des sanctions administratives sont prononcées pour faute si, après examen du dossier, le cumul n'apparaît pas justifié.

En revanche, en matière de sanctions pénales, seuls les actes effectués par l'architecte des bâtiments de France dans le cadre de sa mission de maîtrise d'_uvre exercée à titre libéral sont susceptibles de faire l'objet de poursuites devant le juge pénal.

Par ailleurs, on peut légitimement s'interroger sur la compatibilité de certaines dispositions du nouveau code pénal, comme l'article 432-11-2°, qui réprime le trafic d'influence (consistant dans le fait, pour une personne chargée d'une mission de service public, de faire obtenir, dans le cadre de ses fonctions, une décision favorable au bénéfice d'une personne- par exemple des subventions - contre l'obtention à son profit d'un avantage - par exemple une commande de prestation) ou l'article 432-12, relatif à la prise illégale d'intérêts (ancien délit d'ingérence qui réprime le fait, pour un fonctionnaire qui a l'administration ou la surveillance d'une affaire, d'y prendre directement ou indirectement un intérêt quelconque) avec toute mission de maîtrise d'_uvre exercée dans l'aire de compétence géographique de l'architecte des bâtiments de France.

Enfin, la déclaration des rémunérations perçues à titre libéral que tout architecte des bâtiments de France doit adresser chaque année à son administration est soumise au même régime de confidentialité que les déclarations fiscales ; protégés par le secret professionnel tel qu'il est défini à l'article 226-13 du code pénal, ces documents, qui contiennent des informations nominatives, ne sont pas communicables aux tiers.

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, le rapporteur conclut au rejet de la proposition de résolution n° 1326.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné la proposition de résolution n° 1326 au cours de sa séance du mercredi 3 mars 1999.

Philippe Vasseur compte tenu de la réalité et de la complexité des problèmes abordés et s'est félicité de la qualité des réponses apportées par le rapporteur. Des éléments complémentaires figurent dans le rapport d'étape du ministère qui est tenu à la disposition des membres de la commission.

M. Edouard Landrain a fait valoir que la proposition de M. Philippe Vasseur présentait l'avantage de soulever la question des prérogatives des architectes des bâtiments de France qui apparaissent en effet souvent exorbitantes et peuvent même donner lieu à des pratiques délictueuses. Des questions semblables se posent d'ailleurs pour les pouvoirs des architectes en chef des monuments historiques. La création d'une commission d'enquête permettrait au Parlement d'exercer pleinement ses compétences et de formuler des propositions adéquates.

M. René Couanau a souligné son accord avec le président quant à l'intérêt du sujet abordé par la proposition de résolution même s'il aurait sans doute été préférable d'envisager l'ensemble des conditions de fonctionnement du service des architectes des bâtiments de France. La situation des quelques architectes exerçant une activité libérale a un retentissement très négatif dans l'opinion d'autant que ces architectes apparaissent souvent comme tout puissants et que les possibilités de recours contre leurs décisions sont extrêmement réduites. Deux solutions paraissent, dès lors, envisageables : soit l'interdiction de tout cumul, critiquable dans la mesure où il existe des cas où celui-ci se justifie et qu'il permet, en outre, aux architectes des bâtiments de France de pratiquer leur art et donc d'améliorer leurs compétences, soit la publication de l'autorisation ministérielle qui permet à l'architecte d'exercer une activité libérale dans l'aire géographique de sa compétence. Dans un deuxième temps, si les abus perdurent, il serait même envisageable que soient publiées les rémunérations ainsi acquises.

Le président Jean Le Garrec, après avoir souligné la nécessité de mener une réflexion d'ensemble sur la profession d'architecte, a proposé d'interroger la ministre sur l'opportunité de publier les autorisations de dérogation.

Le rapporteur a insisté sur ce que la création d'une commission d'enquête aurait de disproportionné au regard du problème examiné et a souligné la volonté ministérielle d'aller dans le sens d'une application plus rigoureuse de la réglementation et même de ne délivrer les autorisations de cumul que dans des cas tout à fait exceptionnels. Le rapport d'étape propose d'ailleurs que soient déconcentrés au préfet du département le pouvoir de délivrer les autorisations et que soit organisée une plus grande publicité des opérations afin de susciter d'autres candidatures que celles des architectes des bâtiments de France.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution.

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N° 1417.- Rapport de M. Jean-Paul Bret (au nom de la commission des affaires culturelles) sur la proposition de résolution (n° 1326) de M. Philippe Vasseur visant à créer une commission d'enquête sur les conditions de cumul des missions de conception et de maîtrise d'_uvre par les architectes des bâtiments de France.

1 Dont 89 sur des bâtiments inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, 40 sur des bâtiments non protégés, 7 sous contrainte de sites ou d'abords de monuments historiques, 2 sur des bâtiments en cours de protection et une étude préalable.