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le 17 novembre 1999

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N°  1914

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 novembre 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES (1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 1785) de M. PHILIPPE DOUSTE-BLAZY tendant à la création d'une commission d'enquête sur les phénomènes de pollution atmosphérique urbaine pour la limitation de leurs conséquences sanitaires et l'élaboration d'une doctrine de gestion des risques,

PAR MME ANNETTE PEULVAST-BERGEAL,

Députée.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Environnement.

La commission de la production et des échanges est composée de : M. André Lajoinie, président ; MM. Jean-Paul Charié, Jean-Pierre Defontaine, Pierre Ducout, Jean Proriol, vice-présidents ; MM. Léonce Deprez, Christian Jacob, Daniel Paul, Patrick Rimbert, secrétaires ; MM. Jean-Pierre Abelin, Yvon Abiven, Jean-Claude Abrioux, Stéphane Alaize, Damien Alary, André Angot, François Asensi, Jean-Marie Aubron, Pierre Aubry, Jean Auclair, Jean-Pierre Balduyck, Jacques Bascou, Mme Sylvia Bassot, MM. Christian Bataille, Jean Besson, Gilbert Biessy, Claude Billard, Claude Birraux, Jean-Pierre Blazy, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Franck Borotra, Christian Bourquin, Mme Danièle Bousquet, MM. François Brottes, Vincent Burroni, Marcel Cabiddu, Alain Cacheux, Dominique Caillaud, André Capet, Jean-Paul Chanteguet, Jean Charroppin, Philippe Chaulet, Jean-Claude Chazal, Daniel Chevallier, Pierre Cohen, Alain Cousin, Yves Coussain, Jean-Michel Couve, Jean-Claude Daniel, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Decaudin, Mme Monique Denise, MM. Jacques Desallangre, Eric Doligé, François Dosé, Jean-Pierre Dufau, Marc Dumoulin, Dominique Dupilet, Philippe Duron, Jean-Claude Etienne, Alain Fabre-Pujol, Albert Facon, Alain Ferry, Jean-Jacques Filleul, Jacques Fleury, Nicolas Forissier, Roland Francisci, Claude Gaillard, Robert Galley, Claude Gatignol, André Godin, Alain Gouriou, Joël Goyheneix, Michel Grégoire, Gérard Grignon, Hubert Grimault, Lucien Guichon, Gérard Hamel, Patrick Herr, Claude Hoarau, Robert Honde, Claude Jacquot, Mme Janine Jambu, MM. Aimé Kergueris, Jean Launay, Thierry Lazaro, Jean-Yves Le Déaut, Patrick Lemasle, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Arnaud Lepercq, René Leroux, Roger Lestas, Alain Le Vern, Félix Leyzour, Michel Liebgott, Lionnel Luca, Jean-Michel Marchand, Daniel Marcovitch, Alfred Marie-Jeanne, Alain Marleix, Daniel Marsin, Philippe Martin, Jacques Masdeu-Arus, Marius Masse, Roger Meï, Roland Metzinger, Pierre Micaux, Yvon Montané, Gabriel Montcharmont, Jean-Marie Morisset, Bernard Nayral, Jean-Marc Nudant, Jean-Paul Nunzi, Patrick Ollier, Joseph Parrenin, Paul Patriarche, François Patriat, Germinal Peiro, Jacques Pélissard, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Annette Peulvast-Bergeal, MM. Serge Poignant, Bernard Pons, Jacques Rebillard, Jean-Luc Reitzer, Gérard Revol, Mme Marie-Line Reynaud, M. Jean Rigaud, Mme Michèle Rivasi, MM. Jean Roatta, André Santini, Joël Sarlot, François Sauvadet, Michel Tamaya, Jean-Claude Thomas, Léon Vachet, Daniel Vachez, François Vannson, Michel Vaxès, Michel Vergnier, Gérard Voisin, Roland Vuillaume.

Mesdames, Messieurs,

Le 23 juillet 1999, M. Philippe Douste-Blazy a déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête « sur les phénomènes de pollution atmosphérique urbaine pour la limitation de leurs conséquences sanitaires et l'élaboration d'une doctrine de gestion des risques ».

Bien que principalement justifiée par des raisons de santé publique, cette proposition de résolution a été renvoyée à la commission de la production et des échanges en raison de ses aspects liés aux transports, à l'industrie, à l'énergie, à l'urbanisme et à la construction.

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L'application conjointe de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des articles 140 et 141 du Règlement de l'Assemblée nationale conduit à examiner la recevabilité de la proposition de résolution avant de se prononcer sur son opportunité.

La recevabilité de la proposition de résolution peut être admise sans trop de difficulté, Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, ministre de la justice ayant confirmé par la lettre en date du 19 août 1999 qu'aucune information judiciaire n'est ouverte sur les faits ayant motivé le dépôt de cette proposition.

L'opportunité de créer une commission d'enquête n'est, en revanche, pas établie.

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La réduction de la pollution de l'air est perçue par les Français comme la priorité d'action des pouvoirs publics en matière de protection de l'environnement : elle est placée en tête des préoccupations de 44 % des Français dans l'enquête conduite en 1998 par le Centre de recherches, d'études et de documentation sur la consommation (CREDOC), alors que 29 % seulement de nos concitoyens la mettaient au premier rang lors de l'enquête de 1995.

De fait, cette inquiétude a été alimentée par plusieurs événements qui, tous, ont reçu un large écho dans les médias. Rappelons brièvement la chronologie des faits les plus marquants :

- 10 octobre 1995 : pour la première fois depuis la mise en place de la nouvelle procédure d'alerte et d'information du public en Ile-de-France, des pics de pollution dépassent, pour le dioxyde d'azote, le niveau 3 (niveau correspondant au seuil d'alerte c'est-à-dire impliquant la mise en _uvre de mesures d'urgence pour réduire ou limiter les activités polluantes) à Genevilliers et à Colombes (Hauts-de-Seine) ;

- du 11 au 17 janvier 1997 : plusieurs agglomérations enregistrent des pics de pollution au dioxyde de soufre et au dioxyde d'azote ;

- 16 et 17 janvier 1997 : première mesure de restriction de la circulation avec l'interdiction de la traversée de Lyon par les poids lourds en raison d'un dépassement de niveau 3 des émissions de dioxyde d'azote ;

- 5 juin 1997 : manifestations dans une vingtaine de villes françaises à l'occasion de la « journée de l'air » visant à sensibiliser le public au problème de la pollution atmosphérique ;

- août 1997 : pics de pollution à l'ozone enregistrés dans plusieurs villes ;

- 1er octobre 1997 : première mise en _uvre de la circulation alternée dans Paris suite à un dépassement de niveau 3 des émissions de dioxyde d'azote ;

- 11-14 mai 1998 : plusieurs villes du Nord, de la région Rhône-Alpes et d'Alsace sont victimes d'une pollution par l'ozone de niveau 2 ;

- 22 septembre 1998 : première opération « En ville, sans ma voiture ? » renouvelée le 22 septembre 1999.

La pollution atmosphérique est un terme générique regroupant divers phénomènes allant de l'effet de serre à la radioactivité qui, tous, n'ont pas un rapport avec les pollutions urbaines. Outre le phénomène spécifique de la radioactivité, rappelons que doivent être distinguées les pollutions globales qui affectent l'ensemble des équilibres planétaires (effet de serre, destruction de l'ozone stratosphérique), les pollutions régionales qui sévissent dans un rayon compris entre 100 et 1 000 kilomètres (pluies acides, pollution photochimique liée en particulier aux concentrations d'ozone) et les pollutions locales. Ce sont ces dernières, ainsi que la pollution par l'ozone (même si celle-ci n'est pas toujours située à l'aplomb des zones urbaines) qui sont les principales responsables de la dégradation de l'air en milieu urbain.

Curieusement, alors que la pollution atmosphérique urbaine est une préoccupation majeure, le sujet demeure mal connu. Si tout le monde s'accorde à reconnaître que la pollution de l'air exerce des effets néfastes sur les êtres vivants, les écosystèmes et les bâtiments, de nombreuses interrogations demeurent aujourd'hui sans réponse claire.

La première de ces questions porte sur la définition même de la pollution atmosphérique urbaine. En effet, la mesure de la pollution de l'air demeure très empirique. Toute usine ou toute automobile rejette plusieurs centaines de composés chimiques. Or, seuls certains indicateurs sont régulièrement mesurés. L'indice « Atmo », utilisé par Airparif, le réseau de surveillance de l'air en Ile-de-France ne se fonde que sur quatre polluants : le dioxyde de soufre, le dioxyde d'azote, l'ozone et les particules. D'autres substances à la nocivité établie ne sont que rarement mesurées (composés organiques volatils ou semi-volatils, composés organiques oxygénés, métaux lourds autres que le plomb, ammoniac, hydrogène sulfuré), ce qui relativise la fiabilité des indices de pollution, les indicateurs ne donnant qu'un aperçu partiel du phénomène.

Par ailleurs, les activités humaines peuvent être très différentes d'une agglomération à une autre. La forte présence d'industries chimiques et pétrolières dans les agglomérations lyonnaise et marseillaise dégrade l'air ambiant d'une manière différente des pollutions « parisiennes » plus directement liées aux transports. La mesure de la qualité de l'air qui devait logiquement permettre, par la définition de seuils, d'aboutir à une définition de la pollution atmosphérique est donc un exercice délicat.

La seconde interrogation porte sur la réalité de la dégradation de la qualité de l'air dans les zones urbaines. Il faut garder à l'esprit que sous l'influence conjuguée de la désindustrialisation de la proche banlieue, de l'abandon de certains modes de chauffage (charbon) et des progrès réalisés dans le domaine des carburants (essence sans plomb) et des moteurs (pots catalytiques), l'air du Paris de l'an 2000 est d'une qualité incomparablement meilleure à celui du Paris des années 1950 (et ce, malgré la forte croissance du parc automobile). Selon une étude réalisée par le centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA) réalisée en 1996 pour la région parisienne :

- les émissions de gaz carbonique ont été divisées par 7 en  20 ans ;

- celles de plomb ont été divisées par 12 depuis 1977 ;

- celles de dioxyde de soufre par 10 depuis 1960 ;

- celles de particules par 5 en quarante ans.

Seuls les oxydes d'azotes ont peu diminué (- 10 % entre 1993 et 1998). Quant à l'ozone, l'absence de données chiffrées anciennes interdisent de tirer des conclusions, même si l'on peut craindre, à l'instar de certains observateurs, une évolution inquiétante.

La qualité de l'air à Paris s'est donc sensiblement améliorée (les pics enregistrés en 1996 correspondent au niveau moyen de pollution de 1981). Mais ce constat, pour satisfaisant qu'il soit, ne doit pas faire relâcher l'effort collectif, tant la pression de l'homme et de ses activités est forte dans les zones urbaines.

Troisième question : quels sont les effets de la pollution de l'air sur la santé humaine ? Les études épidémiologiques sont nombreuses depuis le début des années 1970 et leurs résultats sont souvent peu précis, parfois très divergents et doivent être analysés avec circonspection. Il faut reconnaître, à la décharge des scientifiques chargés de conduire ces travaux que ceux-ci sont fondés sur des critères hétérogènes (admission dans les services d'urgences des hôpitaux, absentéisme, etc.), sur des populations différentes (sujets sains, sujets à risque, populations plus ou moins exposées) et doivent de surcroît subir l'influence de facteurs de confusion comme les aléas de la météorologie ou les épidémies de grippe.

Citons toutefois plusieurs études :

- les études épidémiologiques conduites par le réseau national de santé publique sur les agglomérations parisienne pour la période 1987-1990 et lyonnaise pour la période 1985-1990 ; ces travaux ont en particulier souligné l'influence que la pollution atmosphérique de type acido-particulaire pouvait avoir sur la mortalité cardio-vasculaire prématurée lui attribuant 30 à 50 décès par an à Lyon et 260 à 350 décès par an à Paris ;

- l'observatoire régional sur la santé a mené une étude sur les risques liés à la pollution atmosphérique en Ile-de-France (période 1991-1995) dans le cadre du programme ERPURS (Evaluation des risques de la pollution urbaine sur la santé). Celle-ci fait apparaître un lien entre les hospitalisations pour crise d'asthme et la pollution par le dioxyde d'azote ou les particules fines. Elle établit également une relation entre niveau de pollution, d'une part, et mortalité et morbidité, d'autre part ;

- une campagne de surveillance épidémiologique concernant neuf grandes agglomérations vient de s'achever ; ses premiers résultats devraient être connus prochainement ;

- enfin, l'Académie des sciences vient de rendre public, il y a quelques jours un rapport intitulé « pollution atmosphérique due aux transports et santé publique ». Ce rapport mérite quelques développements car c'est un document prenant en compte les données les plus récentes, car il a été réalisé par un collège à l'autorité scientifique non contestée et parce que ses conclusions sont à la fois empreintes de prudence et teintées d'un certain anticonformisme intellectuel. De plus, signalons que ce travail faisait suite à un premier rapport demandé en 1996 par la présidence de la commission de la production et des échanges.

Selon les académiciens, « les études épidémiologiques effectuées pour chacun des polluants étudiés ont donné des résultats qui sont souvent aux limites du seuil de signification statistique et parfois discordants. Ces résultats peuvent de plus avoir été influencés par la méthodologie statistique utilisée et certains d'entre eux ont fait l'objet de réserves. Ils permettent néanmoins d'avoir une idée de l'ampleur maximale du risque individuel. Celui-ci est faible, très vraisemblablement nettement inférieur à celui du tabagisme passif (risque encouru par la famille du fumeur). Cependant, eu égard à l'importance de la population exposée, ce risque doit être pris en compte au plan collectif.

Les études toxicologiques (...) comportent aussi des zones d'incertitudes. Elles sont encore le maillon faible dans la chaîne qui conduit à la causalité, sauf peut-être pour les particules. L'exemple de l'asthme illustre les difficultés qu'il y a à passer, sur la foi de quelques études considérées isolément, d'une corrélation à une causalité puisque, bien qu'en Allemagne de l'Est (ex-RDA) la pollution atmosphérique soit plus forte que dans l'ex-RFA, la fréquence de l'asthme y est plus faible. La raison en est probablement l'intervention d'autres facteurs, liés aux conditions d'habitation ».

En fait, l'ensemble des connaissances vérifiables peut se résumer en quelques affirmations :

- les effets des substances polluantes sur la santé se situent, comme le souligne l'Académie des sciences à un double niveau : à court terme, ils « vont de la simple irritation à l'aggravation de faiblesses individuelles pouvant dans certains cas extrêmes conduire au décès prématuré (...) de personnes fragiles ; à long terme, ces effets sont peu connus (en particulier leur rôle sur l'apparition de cancers) et nécessitent des études complémentaires ;

- la pollution semble surtout être un facteur aggravant pour certaines personnes à risque, tels les asthmatiques ; les effets sur des sujets en bonne santé sont très limités, voire quasiment inexistants ;

- il existe une corrélation claire entre la morbidité, d'une part, et la concentration d'ozone ou l'exposition aux particules fines, d'autre part ;

- divers constituants de la pollution atmosphérique sont reconnus comme potentiellement, probablement ou certainement cancérigènes (benzène, hydrocarbures aromatiques polycycliques) et classés comme tels ;

- le facteur de risque que constitue la pollution de l'air se situe à un niveau incomparablement plus bas que celui lié au tabagisme passif. Se fondant sur un indicateur calculant le nombre d'années de vies perdues (différence entre l'espérance de vie moyenne et la durée de vie d'un individu), l'académie des sciences montre que parmi les agents nocifs pour la santé « le tabagisme actif vient en tête avec environ 700 000 années perdues : les accidents de la circulation et l'alcool suivent avec chacun environ 500 000 années perdues ; le tabagisme passif se situe approximativement vers 50 000 ; enfin, avec une marge d'incertitude considérable, la pollution atmosphérique pourrait se situer entre 10 000 et 20 000 années perdues. ». En tout état de cause, ce risque réel semble, comme l'a relevé l'académie, « frapper surtout des personnes déjà gravement atteintes par une affection pulmonaire ou cardio-vasculaire ».

Ce constat replace le problème posé par la dégradation de l'air ambiant dans le cadre plus général de la santé publique et pose incidemment la question souvent négligée de la pollution de l'air à l'intérieur des locaux. Rappelons que la majorité des citadins passe entre 80 et 90 % de leur temps à l'intérieur de locaux à la qualité de l'air douteuse. Ce problème qui s'amplifie, sous l'effet des isolations excessives, de l'absence de ventilation, de l'utilisation de certains matériaux, commence à susciter l'intérêt des pouvoirs et des opinions publics. Les interrogations liées à l'amiante ou à la présence d'acariens sont le signe que ce type de nuisances commence à être pris en compte.

La dernière question que soulève la pollution atmosphérique porte sur l'efficacité des politiques publiques. La Commission européenne s'est penchée, depuis près de vingt ans, sur ce sujet (la première directive fixant des valeurs limites pour le dioxyde de soufre et les particules date du 15 juillet 1980 ; suivent en 1982, 1985 et 1992 trois autres directives portant respectivement sur le plomb, le dioxyde d'azote et l'ozone).

Depuis 1996, le Conseil et le Parlement ont engagé une réforme importante de la réglementation communautaire en matière de gestion de la qualité de l'air ambiant par l'adoption d'une directive-cadre (directive 96/62/CE du 27 septembre 1996). Celle-ci élargit le domaine de la surveillance en déterminant treize indicateurs de pollution (dioxyde de soufre, dioxyde d'azote, particules fines, particules en suspension, plomb, ozone, benzène, monoxyde de carbone, hydrocarbures polycycliques aromatiques, cadmium, arsenic, nickel, mercure).

Elle amorce une refonte de l'ensemble des directives européennes sur la qualité de l'air ambiant et définit le canevas des « directives filles », portant sur chacun des polluants visés. La loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, ainsi que le décret n° 98-360 du 6 mai 1998 relatif à l'agrément des organismes de surveillance de la qualité de l'air transcrivent la directive cadre en droit français. La loi du 30 décembre 1996 va même au-delà des exigences de la directive-cadre dans la mesure où elle prévoit à terme une surveillance de l'ensemble du territoire.

Une première « directive fille » relative au dioxyde de soufre, au dioxyde d'azote, aux particules et au plomb a été adoptée le 22 avril 1999. (La transcription de cette directive, qui entrera en vigueur le 19 juin 2001, nécessitera une modification du décret n° 98-360 du 6 mai 1998). La directive définissant les valeurs limites du benzène et du monoxyde de carbone devrait être définitivement adoptée courant 2000. Quant à celle sur l'ozone, elle en est encore au stade de la proposition et n'a pas été présentée au Conseil.

Par ailleurs, la Commission européenne a, depuis 1994, lancé en association avec les constructeurs automobiles et les pétroliers, le programme « Auto oil ». A l'issue de ce programme, deux directives ont été adoptées en 1998 et retranscrites dans notre droit par deux arrêtés datant de mai et juin 1999. Celles-ci visent à réglementer la composition des carburants, en particulier pour ce qui concerne certaines substances toxiques (soufre, benzène, composés aromatiques, plomb) et à réduire les valeurs limites d'émission de polluants des véhicules neufs qui seront mis sur le marché à partir de 2000 puis de 2005.

En France, c'est la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie qui contient l'essentiel des dispositions législatives de lutte contre la pollution atmosphérique. Ce texte regroupe en effet un ensemble de mesures disparates qui toutes ont un effet plus ou moins direct sur notre dispositif de protection de la qualité de l'air ambiant. Ses différents articles renferment en effet des mesures portant par exemple sur :

- la mise en place du dispositif de surveillance de la qualité de  l'air ;

- les procédures d'alertes et les mesures d'urgence ;

- l'information du public ;

- les plans de déplacements urbains ;

- les documents d'urbanisme et les projets d'infrastructures ;

- les valeurs limites, les seuils d'alerte et les objectifs de qualité  de l'air ;

- diverses incitations fiscales à l'usage de véhicules  « propres » ;

- les plans régionaux pour la qualité de l'air ;

- les plans de protection de l'atmosphère ;

- la composition des carburants et combustibles ;

- l'équipement en véhicules « propres » des flottes captives ;

- la « pastille verte », etc.

Cet ensemble de dispositions ne constitue toutefois pas la totalité des mesures législatives prises par notre pays afin de lutter contre la dégradation de la qualité de l'air. Une série de mesures fiscales visant à encourager les véhicules propres complète cet arsenal. L'extension de l'assiette de la taxe générale sur les activités polluantes aux consommations intermédiaires d'énergie prévue à partir de 2001 répond également aux mêmes objectifs.

La lutte contre la pollution atmosphérique est une matière complexe, technique et touchant à des domaines très variés. Face à cette « dispersion » juridique, une évaluation des dispositifs européens et nationaux et de leur application est indispensable car seul un bilan global de l'action des pouvoirs publics peut donner une idée précise de son efficacité.

Pour répondre aux différents problèmes qui viennent d'être soulevés - définition de la pollution atmosphérique, évolution de la qualité de l'air en ville, effets sur la santé, efficacité des politiques publiques - l'Assemblée nationale dispose de plusieurs instruments. Par sa proposition de résolution, M. Philippe Douste-Blazy suggère de recourir à la commission d'enquête. La pollution atmosphérique urbaine est-elle un sujet nécessitant des investigations ? Est-il indispensable de faire prêter serment aux personnalités qui seront interrogées par les députés dans le cadre de travaux s'apparentant plus à une étude visant à regrouper des informations de diverses sources et à faire le point sur l'état d'avancement des initiatives publiques et sur leur efficacité ? Votre rapporteur ne le pense pas. La commission d'enquête est une formule qui doit rester réservée à certains sujets « sensibles » nécessitant plus de solennité, voire plus de précautions.

C'est pourquoi, votre rapporteur estime préférable que soit créée au sein de la commission de la production et des échanges une mission d'information sur la pollution atmosphérique urbaine dont la réflexion s'inscrira dans la ligne de celle engagée par le rapport présenté au Premier ministre par Mme Odette Grzegrzulka et M. André Aschieri sur le renforcement de la sécurité sanitaire environnementale.

*

* *

La commission a examiné la proposition de résolution lors de sa réunion du 9 novembre 1999. Mme Annette Peulvast-Bergeal, rapporteur, a rappelé, en préambule, que la proposition de résolution examinée par la commission de la production et des échanges avait été déposée par M. Philippe Douste-Blazy, le 23 juillet 1999, sur le bureau de l'Assemblée nationale. Elle a jugé qu'il convenait tout d'abord d'examiner cette proposition sous l'angle de la recevabilité. Celle-ci peut être admise sans difficulté, Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, ministre de la justice ayant confirmé qu'aucune information judiciaire n'est ouverte sur les faits ayant motivé le dépôt de cette proposition. Il convient donc d'en examiner l'opportunité.

Mme Annette Peulvast-Bergeal, rapporteur, a insisté sur quatre points : la définition de la pollution atmosphérique, l'évolution de la qualité de l'air en ville ainsi que sa perception par la population, les effets de la pollution atmosphérique urbaine sur la santé humaine et l'efficacité des politiques publiques en matière de lutte contre cette pollution.

S'agissant du premier point, elle a souligné qu'alors que l'opinion publique considère la pollution atmosphérique urbaine comme une de ses préoccupations centrales, le sujet reste mal connu. Notamment, la mesure de la pollution de l'air demeure très empirique et les indicateurs de pollution ne donnent qu'un aperçu partiel du phénomène. Elle a noté que, par ailleurs, la pollution atmosphérique est variable selon le type d'agglomération concernée, les nuisances liées aux mono-industries étant ainsi très différentes de celles produites par les transports.

Concernant la question de la réalité de la dégradation de la qualité de l'air dans les zones urbaines, Mme Annette Peulvast-Bergeal a noté que malgré une sensibilité croissante de l'opinion publique sur cette question, les études les plus récentes montrent que la qualité de l'air en zone urbaine s'est améliorée ; cela est notamment dû à la désindustrialisation, à l'abandon de certains modes de chauffage comme le charbon et aux progrès réalisés dans le domaine des carburants et des moteurs. Ainsi, les émissions de gaz carbonique ont été divisées par sept en vingt ans, celles de plomb ont également fortement diminué et celles de dioxyde de soufre ont été divisées par dix en près de quarante ans.

S'agissant de l'impact de la pollution atmosphérique sur la santé humaine, Mme Annette Peulvast-Bergeal a attiré l'attention sur les divergences des conclusions des études qui sont souvent menées selon des méthodologies différentes, et a noté que leurs résultats étaient souvent peu précis, ce qui nécessitait de les examiner avec circonspection. Citant une étude récemment publiée par l'Académie des sciences et intitulée « pollution atmosphérique due aux transports et santé publique », elle a fait observer que, selon celle-ci, les effets de la pollution atmosphérique en termes de risque individuel étaient plus faibles que ceux du tabagisme passif ; toutefois, la pollution atmosphérique constitue un facteur aggravant pour les personnes les plus fragiles. Par ailleurs, elle a noté que l'étude soulignait la corrélation existant entre la morbidité et la concentration d'ozone ou de particules fines et mettait l'accent sur le problème de la pollution de l'air à l'intérieur des locaux.

Enfin, concernant l'efficacité des politiques publiques menées en matière de lutte contre la pollution atmosphérique, Mme Annette Peulvast-Bergeal a estimé qu'il convenait de se pencher tant sur l'action menée par la Communauté européenne que sur celle menée par la France. Elle a observé que la Commission européenne a abordé ce sujet dès 1980, en élaborant de nombreuses directives et qu'une réforme importante était engagée depuis 1996 en matière de gestion de la qualité de l'air ambiant. Certaines directives ont été transposées par la France entre 1996 et 1998. Mme Annette Peulvast-Bergeal a également cité le programme « Auto oil » lancé par la Commission européenne en 1994 et qui a donné lieu à deux directives visant à réglementer la composition des carburants.

Concernant le dispositif français, Mme Annette Peulvast-Bergeal a évoqué la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, qui contient l'essentiel des dispositions législatives de lutte contre la pollution atmosphérique auxquelles il convient d'ajouter les mesures fiscales en faveur des véhicules propres ainsi que la taxe générale sur les activités polluantes dont l'assiette sera étendue en 2001 aux consommations intermédiaires d'énergie. Déplorant le flou et la dispersion de ces dispositions, Mme Annette Peulvast-Bergeal a souhaité que ces dernières fassent l'objet d'une évaluation et d'un bilan.

S'interrogeant sur la procédure la plus adaptée pour mener à bien ce travail, elle a estimé que la commission d'enquête n'était pas la formule la plus appropriée compte tenu en particulier de sa lourdeur et de sa solennité. C'est pourquoi elle a jugé préférable que soit mise en place, dans le cadre de la commission de la production et des échanges, une mission d'information sur la pollution atmosphérique urbaine, permettant de faire le point sur l'état d'avancement et l'efficacité des politiques publiques. Elle a souhaité que la réflexion menée dans ce cadre s'inscrive dans la ligne de celle engagée par le rapport présenté au Premier ministre par Mme Odette Grzegrzulka et M. André Aschieri, sur le renforcement de la sécurité sanitaire environnementale.

M. Philippe Douste-Blazy a souligné l'extrême actualité et la gravité du problème de la pollution atmosphérique. Il a indiqué qu'une étude récente de l'OMS estime que la pollution due aux véhicules automobiles est responsable de près de 17 000 décès anticipés. Il a rappelé que les travaux de l'Institut de veille sanitaire établissent un lien direct entre le taux de pollution, tel que mesuré par la teneur de l'air en gaz rares ou toxiques, et l'aggravation des pathologies dont souffrent les insuffisants cardiaques ou respiratoires. La responsabilité de la pollution en matière de bronchiolite du nourrisson est également établie de façon certaine.

Au-delà d'un constat sur les termes duquel la plupart des spécialistes s'accordent, il convient de mettre en place une véritable politique de gestion du risque. La création d'une commission d'enquête constituerait un signe fort de la volonté de l'Assemblée nationale de voir cette question de santé publique placée au rang de préoccupation majeure.

En réponse, Mme Annette Peulvast-Bergeal, rapporteur, a indiqué qu'au-delà d'une analyse dont elle partage les principales conclusions, la création d'une mission d'information paraîtrait plus opportune. Celle-ci peut en effet disposer de moyens comparables sans subir de contraintes de forme et de limitation de calendrier.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a rejeté la proposition de résolution.

N°1914. - RAPPORT de Mme Annette PEULVAST-BERGEAL (au nom de la commission de la production) sur la proposition de résolution (n° 1785) de M. Philippe DOUSTE-BLAZY tendant à la création d'une commission d'enquête sur les phénomènes de pollution atmosphérique urbaine pour la limitation de leurs conséquences sanitaires et l'élaboration d'une doctrine de gestion des risques