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le 3 février 2000

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N° 2113

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 janvier 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DE M. ALAIN BARRAU (n° 2033), sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement n° 1488/96 du 23 juillet 1996 sur les mesures financières et techniques accompagnant la réforme des structures économiques et sociales dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen (MEDA) (E 1331),

PAR M. MICHEL VAUZELLE

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Politique extérieure

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, François Loncle, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Laurent Fabius, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, Guy Lengagne, François Léotard, Pierre Lequiller, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. René Rouquet, Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, MM. Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Philippe de Villiers

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - LA MISE EN _UVRE DU PREMIER PROGRAMME MEDA 7

A - LE CARACTÈRE NOVATEUR ET AMBITIEUX DU PROGRAMME 7

B - LES FAIBLESSES DE SA MISE EN _UVRE 8

1) Les retards dans le paiement de l'aide 8

2) La lourdeur des procédures 9

3) Les irrégularités de gestion et leurs conséquences 10

II - LA RÉFORME PROPOSÉE PAR LA COMMISSION 13

A - LA RÉDUCTION DES POUVOIRS D'INTERVENTION DES ETATS MEMBRES 13

B - UNE RÉFORME INCOMPLÈTE 15

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 23

Mesdames, Messieurs,

La politique méditerranéenne de l'Union européenne connaît, pour différentes raisons, une période cruciale. On rappellera que l'élargissement de la Communauté vers le sud avait contribué à donner une forte impulsion à la coopération avec les pays tiers du pourtour méditerranéen. L'aide européenne avait été augmentée une première fois en 1990 dans le cadre de la « politique européenne rénovée », puis en 1995 avec le nouveau programme MEDA. L'Union élaborait alors une stratégie en direction de ces pays, consistant à renforcer le partenariat dans différents domaines sans pour autant envisager leur adhésion. L'enjeu du développement des pays méditerranéens était devenu un enjeu commun à l'ensemble des Etats membres et non plus seulement un enjeu pour les pays riverains.

L'Union européenne est actuellement accaparée par différents dossiers : la réforme de ses institutions, la conduite des négociations en vue de l'élargissement avec douze pays candidats ce qui implique notamment la construction d'une dimension orientale. Par ailleurs, on soulignera que les élargissements les plus récents ont apporté une dimension et une conscience nordique fortes qui s'approfondissent constamment du fait de la coopération menée avec les pays baltes.

Aussi le risque est-il grand, au moment où la première période de partenariat méditerranéen vient à échéance, de voir s'installer un déséquilibre entre la coopération renforcée en faveur de l'Europe centrale et orientale et celle qui sera instaurée en faveur des pays du sud, déséquilibre qui pourrait toucher ces derniers.

Votre Rapporteur rappellera brièvement quels sont les éléments du partenariat euro-méditerranéen. La déclaration adoptée à Barcelone par les représentants des quinze membres de l'Union ainsi que des douze pays tiers ou entités méditerranéens définit ces principaux éléments : il s'agit d'un partenariat en trois volets. Le premier  volet politique et de sécurité vise à établir un espace commun de paix et de sécurité à travers le respect d'un certain nombre de principes. Le  volet économique et financier annonce la suppression de la préférence commerciale européenne et l'instauration d'une zone de libre-échange industriel en 2010. Les bouleversements économiques et sociaux qu'entraînera cette ouverture devraient être limités grâce au développement de la coopération. Enfin, le programme a pour ambition de développer les ressources humaines et favoriser les échanges entre les sociétés civiles des pays signataires.

Ainsi que votre Rapporteur l'a décrit dans son récent rapport consacré au bilan et aux perspectives du dialogue euro-méditerranéen1, beaucoup parmi nos partenaires sont réticents face à la perspective du libre-échange. Ils connaissent les difficultés inévitables qui devront être affrontées et savent aussi que les avantages attendus sont très incertains.

Dans ce contexte, l'on est conscient de l'importance de réussir la coopération économique et financière planifiée à Barcelone. Celle-ci comporte deux éléments : la conclusion d'accords d'association avec chaque pays partenaire d'une part, et le programme MEDA, doté de 4,685 milliards d'écus pour sa première période allant de 1995 à 1999. Or, le bilan effectué fait apparaître que la négociation et l'entrée en vigueur des accords connaissent des lenteurs, et que la mise en _uvre du programme MEDA a connu de grands déboires.

Il est de fait que l'assistance économique de l'Union n'a pas pour l'instant apporté les résultats attendus et la situation économique et sociale des pays méditerranéens est très difficile ; les retours escomptés par ces pays en contrepartie des engagements pris au plan macro-économique ne se sont pas produits. Au contraire, les flux d'investissements vers la région se sont réduits : s'élevant à 7 % des investissements mondiaux en 1970, ils ne sont plus que de 2 % actuellement. Les conditions de vie dans la région semblent plutôt se détériorer.

C'est dans ce contexte qu'intervient la révision du règlement MEDA, révision prévue à l'issue de la première période d'application et de programmation financière.

On soulignera que, par le biais de l'article 88-4 de la Constitution, le Parlement est consulté sur l'évolution future d'un aspect de ce partenariat, ce qui est très important. A défaut, le Parlement ne serait consulté qu'à l'occasion des autorisations de ratification des accords d'association signés avec les pays méditerranéens.

I - LA MISE EN _UVRE DU PREMIER PROGRAMME MEDA

Avant de détailler les problèmes rencontrés dans la mise en _uvre du programme, sera précisé l'état de la négociation des accords d'association euro-méditerranéens.

La négociation de tels accords était prévue avec neuf partenaires. Trois pays doivent être considérés séparément, Chypre, Malte et la Turquie : candidats à l'intégration, ils ont depuis longtemps signé des accords d'association. Cinq accords ont été signés avec la Tunisie, Israël, le Maroc, la Jordanie et l'OLP pour le compte de l'Autorité palestinienne entre 1995 et 1997. Les négociations se sont achevées récemment avec l'Egypte. Elles sont encore en cours avec l'Algérie, le Liban et la Syrie. Le bilan est en outre difficile à dresser car seuls les accords palestinien et tunisien sont entrés en vigueur respectivement en 1997 et 1998.

La lenteur du processus a diverses causes. Du côté européen, elle s'explique par la lenteur du processus de ratification (parfois bloqué pour des raisons économiques ou politiques) dans l'un ou l'autre des quinze pays et par l'intervention de groupes de pression. Du côté des pays partenaires, l'appréhension face à la perspective du libre-échange joue son rôle : certains pourraient attendre de voir les résultats de l'application du libre-échange déjà entré en vigueur avec la Tunisie pour prendre une décision à caractère définitif. En outre, certaines clauses des accords entraînent des conséquences difficiles pour certains pays, ainsi la clause de réadmission qui traduit la volonté de l'Union de conduire une politique de l'immigration coordonnée entre les Quinze.

A - Le caractère novateur et ambitieux du programme

L'Union avait fixé en 1995 l'enveloppe financière pour la Méditerranée à 4,685 milliards d'écus, montant en forte augmentation par rapport à la période précédente. S'y ajoutent les prêts de la Banque européenne d'investissement (BEI), prévus à hauteur de 3 9 milliards d'écus pour la même période 1995 à 1999.

Le processus entamé à Barcelone a en fait placé l'Union et ses Etats membres en position de principaux contributeurs aux pays de la région.

Le programme MEDA a représenté ces dernières années le principal élément de la coopération financière du partenariat, avec une enveloppe de 3,475 milliards d'écus. Ce programme s'est progressivement substitué aux protocoles financiers bilatéraux par pays qui organisaient auparavant la coopération. Il comporte principalement des aides non remboursables, mais aussi des opérations de capitaux à risque et des bonifications d'intérêts. Une particularité importante réside dans le fait que les aides obéissent à des conditions (en vertu de la clause droits de l'homme du règlement) et s'adaptent à chaque pays.

Les ressources du programme sont surtout affectées par le canal bilatéral, pour 90 % d'entre elles. Seuls 10 % sont consacrés à des actions à caractère régional ouvertes à tous les pays.

La Commission européenne a dressé en juin 1999 un bilan de la mise en _uvre du programme pour 1998. Elle y indique que le programme a donné lieu à l'engagement réel de 2,498 milliards d'écus au cours des quatre premières années - soit 100% des crédits -, ce qui montre selon elle la capacité d'absorption des pays partenaires. Les engagements ont été affectés en premier lieu à des projets de développement traditionnels (42 % du total), à l'appui à la transition économique et au développement du secteur privé (38 %), à l'appui à l'ajustement structurel (9 %), enfin, aux projets régionaux déjà mentionnés (11 %).

Cependant, la Commission précise que les paiements correspondants n'ont été que de 648 millions d'écus pour la période 1995-1998, soit 26 % des engagements. La période moyenne de mise en _uvre serait de quatre ans : les opérations de soutien budgétaire aux réformes économiques se traduisent par un délai de deux ans, les aides à la privatisation, à la réforme des secteurs bancaires et financiers nécessitent un délai de trois à quatre ans, enfin, le paiement d'actions de développement rural, de gestion des ressources naturelles, de développement social nécessiteraient selon la Commission un long délai pour qu'intervienne le paiement, qui s'étend sur quatre à six ans.

Dans le contexte décrit plus haut par votre Rapporteur, une telle lenteur de la mise en _uvre n'est guère acceptable. Les retards sont imputables à plusieurs causes.

B - Les faiblesses de sa mise en _uvre

1) Les retards dans le paiement de l'aide

Une première explication du faible taux de paiement réside dans le retard pris, à la suite de l'adoption du règlement MEDA, pour définir les conditions juridiques et l'organisation concrète de la mise en _uvre. La signature des conventions-cadres entre la Communauté, la BEI et les partenaires méditerranéens a exigé beaucoup de négociations : les dernières n'ont pu être signées qu'en 1998. Ensuite, l'élaboration du programme indicatif national, (qui définit les principaux objectifs de l'aide et les montants affectés), conjointement entre la Commission, la BEI et le pays tiers, peut s'avérer longue et sujette à des modifications lorsqu'un pays décide de modifier les priorités de son développement, comme cela fut le cas du Maroc. Les programmes indicatifs doivent en outre être approuvés par le Comité Med, qui associe aux intervenants déjà mentionnés les représentants des Etats membres.

L'on peut espérer que les lenteurs de ces étapes sont attribuables au démarrage de nouvelles procédures. En revanche, le problème de la complexité de la procédure d'approbation des projets continuera de se poser à l'avenir si un consensus entre Commission et Etats membres ne pouvait être trouvé pour la présente réforme du règlement MEDA.

2) La lourdeur des procédures

La Commission a fait procéder à une évaluation externe de la procédure d'adoption des projets avant de présenter la proposition de règlement ici examinée.

En vertu du règlement de 1996, tout projet bilatéral doit passer par plusieurs étapes successives : il doit être conforme aux priorités contenues dans les programmes indicatifs nationaux, puis il doit faire l'objet de missions d'identification de la Commission afin d'établir ses conditions de mise en _uvre, son coût et les organismes bénéficiaires. Lorsque le projet est finalisé, il est soumis pour approbation au Comité Med, ce qui permet à la Commission d'engager les crédits, de préparer une convention de financement et de décaisser les fonds.

Or, la Commission, se basant sur l'évaluation qu'elle a initiée, estime que c'est le système de double examen des projets par le Comité Med qui contribue pour une large part à ralentir le processus d'adoption. Le comité intervient une première fois pour examiner les programmes indicatifs nationaux et régionaux, puis une seconde fois au stade des projets individuels pour donner son avis sur les propositions de financement supérieures à 2 millions d'écus ainsi que sur les allocations globales couvrant plusieurs projets de montants inférieurs.

En conséquence, la Commission propose une procédure supprimant l'intervention du Comité Med en aval pour la réserver, en amont, au stade de la planification, de la définition de la stratégie, et pour l'adoption de programmes indicatifs triennaux. Ce nouveau système comporte, comme on le verra, des inconvénients en ce qui concerne l'information des Etats membres et leur pouvoir en ce qui concerne l'examen, le contrôle et le suivi des propositions de financement.

La Commission reconnaît par ailleurs, dans son exposé des motifs, que son organisation interne est aussi un facteur de délais accrus et doit être réformée.

De façon générale, la gestion des programmes communautaires d'assistance externe est rigide et trop complexe, ce qui a pour conséquence des lenteurs excessives, comme l'a récemment reconnu le commissaire européen chargé des Relations extérieures Chris Patten. Ce dernier étudie actuellement une révision de cette gestion, révision qui sera liée à la réforme interne de la Commission conduite par le commissaire Neil Kinnock. M. Patten préconise la simplification des procédures, constatant qu'elles exigent de multiples approbations préalables et parfois pas moins de trente signatures pour autoriser un ajustement mineur dans un programme. Il observe que le cadre juridique est plus contraignant que celui de la Banque mondiale ou de toute autre organisation donatrice.

Le commissaire Patten regrette en outre le manque de personnel : l'Union disposerait de 2,7 fonctionnaires pour gérer 10 millions d'euros d'aide accordée, contre huit pour le Royaume-Uni et 5,7 pour la France. Il semble que cette proportion soit encore plus faible pour la gestion des programmes méditerranéens, desservis par rapport aux programmes intervenant en faveur d'autres régions aidées, l'Europe centrale et orientale, par exemple. Il est souhaitable que le redéploiement entrepris au sein de la Commission remédie à ces inégalités, qui ont pour conséquence de faire porter une trop lourde responsabilité à chacun des fonctionnaires en charge des projets.

3) Les irrégularités de gestion et leurs conséquences

Votre Rapporteur rappellera que la gestion d'un aspect important de la coopération euro-méditerranéenne a été caractérisée, ces dernières années, par des irrégularités importantes qui ont été révélées par la Cour des comptes européenne dès 1996. La Commission, en raison de l'insuffisance des personnels affectés à la gestion des programmes, avait sous-traité dans des conditions jugées irrégulières par la Cour la gestion administrative et financière de plusieurs programmes de coopération décentralisée (programmes MED) à une association (l'ARTM). Cette véritable délégation de compétence avait permis de « graves confusions d'intérêts », et un recours excessif aux contrats conclu de gré à gré au détriment des procédures de passation des marchés obligatoires.

Enfin, on se souviendra que le Comité des Sages avait montré la responsabilité de la Commission dans ces graves manquements, contribuant à sa démission le 15 mars 1999.

Ces erreurs ont encore à ce jour des conséquences dommageables pour la coopération euro-méditerranéenne, car les services de la Commission semblent affectés d'une paralysie en ce domaine, aucun programme de coopération décentralisée n'ayant repris.

II - LA RÉFORME PROPOSÉE PAR LA COMMISSION

A - La réduction des pouvoirs d'intervention des Etats membres

La nouvelle procédure d'adoption des projets proposée par la Commission prévoit les étapes suivantes :

- l'élaboration de documents « de stratégie » portant sur une période de cinq ou six ans, de façon conjointe par tous les partenaires ;

- l'élaboration de programmes indicatifs triennaux , révisables annuellement, pour chaque pays. C'est à ce stade exclusivement que pourrait intervenir utilement le Comité Med, au sein duquel siègent les représentants des Etats membres, car les décisions ultérieures ne seront soumises par la Commission aux Etats membres que pour avis. La Commission propose de faire de cette étape de la procédure celle de la définition des grandes orientations de l'aide, associant pleinement les responsables des pays bénéficiaires ainsi que les représentants des Etats membres « sur le terrain », diplomates ou fonctionnaires des agences de développement installées dans le pays bénéficiaire ;

- la Commission établit des plans de financement indicatifs nationaux ou régionaux (appelés PFIN ou PFIR) sur la base des documents précédents. Ces plans sont annuels et incluent une description du projet ou du programme, accompagnée du montant indicatif maximum du financement communautaire. Ces plans doivent être approuvés par le Comité Med mais dans le cadre d'une procédure modifiée : la procédure de gestion remplacerait la procédure de réglementation. Les interventions de la BEI, sous forme de bonification d'intérêts par exemple, figureraient dans les plans de financement, ce qui éviterait l'intervention séparée du Comité Med à leur sujet ;

- enfin, la Commission adopte les décisions de financement dans le cadre du budget annuel sur la base des plans de financement indicatifs. Elle informe les Etats membres dans les meilleurs délais.

Selon la Commission, le grand avantage de la nouvelle procédure serait la réduction des délais de préparation des projets de trois mois environ. En outre, la « mobilisation des ressources », c'est à dire l'intervention des représentants des Etats membres lui paraît plus utile au moment de la planification, notamment sur le terrain en associant tous les intervenants locaux afin de bénéficier de leur connaissance de l'administration locale et des conditions du développement local, plutôt qu'au moment de l'approbation du projet lui-même. Ainsi, la Commission suggère que les réunions de préparation des programmes indicatifs se déroulent dans la langue locale, en s'appuyant sur les ressources humaines de ceux des postes diplomatiques des Etats membres qui seront les plus étoffés.

L'intervention des Etats membres est donc concentrée « en amont » de la procédure. Toutefois, la rédaction actuelle du règlement ne permet pas d'être assuré que les documents de stratégie présentés par la Commission à l'issue de la phase de concertation seront amendables par les Etats membres. Les assurances données, à ce stade, par la Commission ne sont qu'orales, se basant sur le principe de transparence qui doit conduire sa planification.

L'un des éléments principaux de la proposition de réforme est le remplacement, pour l'adoption des plans de financement (qui sont les documents les plus concrets et les plus détaillés), de la procédure actuelle de réglementation par la procédure de gestion fixée par la décision de la Commission du 28 juin 19992. Cette décision distingue en effet les « mesures de portée générale ayant pour objet de mettre en application les éléments essentiels d'actes de base », qui doivent être décidées selon la procédure de réglementation, et les « mesures de gestion... relatives à la mise en _uvre de programmes ayant des incidences budgétaires notables », pour lesquelles s'impose la procédure de gestion. La Commission fait valoir que le Comité Med est appelé à l'assister dans l'exercice de sa responsabilité de gestion du programme MEDA.

L'exigence de la Commission illustre les enjeux du débat récurrent sur la comitologie : les pouvoirs respectifs de la Commission et des Etats membres sont très différents suivant le type de comité compétent , s'agissant d'un comité de réglementation ou de gestion. Dans le premier cas, la Commission ne peut mettre en application une action en l'absence d'avis favorable adopté à la majorité qualifiée par le Conseil. Dans le second cas, la Commission peut, en cas d'avis non conforme, différer de trois mois l'application mais passera outre en fin de compte.

La proposition de règlement a fait l'objet d'un premier débat au sein du groupe de travail spécialisé « Machrek/Maghreb » du Conseil. Le Conseil lui-même n'en a pas encore débattu.

Il est toutefois apparu qu'une majorité d'Etats membres sont apparus opposés au projet, et leurs représentants ont fait observer que le gain de temps escompté est minime par rapport aux retards de procédure de façon générale, qui sont imputables à la Commission elle- même.

En supprimant les pouvoirs de décision du Comité Med au stade très important de l'adoption des plans de financement, la proposition de règlement réduit significativement les pouvoirs d'examen, de contrôle et de suivi des projets par les Etats membres. Ainsi, le fait de pouvoir procéder à l'examen projet par projet permet d'être mieux informé afin de sensibiliser les entreprises de l'imminence d'un appel d'offres de la part du pays récipiendaire de l'aide. Cet examen permet aussi la coordination entre aide européenne et aide bilatérale, ainsi qu'un contrôle, plus politique, des engagements de dépenses.

Les représentants n'ont pas été convaincus par l'hypothèse de la Commission selon laquelle une concertation renforcée en amont remplace l'examen en aval : si certains pays telle la France, qui disposent de postes assez étoffés dans les pays méditerranéens, peuvent s'estimer satisfaits de l'information qu'ils pourront recueillir, d'autres, moins ou non représentés, craignent de voir l'information leur échapper. La méthode retenue n'apparaît donc pas satisfaisante, et ne saurait donc créer un précédent pour la gestion d'autres programmes communautaires.

En conclusion, il convient donc d'imaginer une procédure plus simple afin de gagner du temps, mais sans priver les Etats membres de leurs moyens d'information et de leurs pouvoirs de contrôle et de suivi.

B - Une réforme incomplète

La proposition de règlement prend pour cible certaines difficultés importantes - les retards de paiement - mais elle laisse de côté plusieurs aspects non résolus pour le fonctionnement du programme sur la prochaine période couvrant les années 2000-2006. Ces aspects concernent tant les grandes orientations que des questions pratiques de méthode pour une gestion plus rationnelle : il s'agit des questions mentionnées ci-après.

- L'absence de programmation financière indicative

Le règlement MEDA II doit comporter l'indication de l'enveloppe qui est attribuée aux actions pour la période pluriannuelle concernée, soit 2000-2006. Le retard pris provient des difficultés qu'ont connues l'année dernière les institutions européennes pour adopter le budget 2000 de l'Union, finalement adopté en seconde lecture par le Parlement européen le 16 décembre. Les tensions concernaient notamment le montant global de la rubrique 4 du budget consacrée aux actions extérieures. Ces dernières, considérablement accrues du fait de la participation de l'Union européenne à la reconstruction des Balkans et à d'autres interventions à la suite de crises ou de catastrophes, devront cependant s'inscrire dans une enveloppe globale en faible augmentation, ce qui a suscité des oppositions entre le Conseil et le Parlement européen. En aval, la répartition des crédits au sein de la rubrique 4 en a donc été retardée.

Selon les informations disponibles, la clé de répartition des crédits entre les différents pays bénéficiaires ne serait modifiée que de façon marginale, et ce malgré le souhait de la Commission de manifester un soutien accru aux pays s'étant intégrés dans le libre-échange prévu par les accords d'association.

- Vers une déconcentration de la gestion de l'aide ?

La Commission propose de donner au Service Commun Relex (SCR), créé en 1998, le statut d'agence décentralisée. Dans ce domaine, le Gouvernement français a fait deux propositions. La première émane de M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des Affaires européennes : il s'agit de déconcentrer la gestion des programmes externes de la Communauté vers des agences d'exécution qui seraient rigoureusement contrôlées. Le ministère français de l'économie et des finances propose de faire davantage intervenir les agences nationales de développement et de confier, par exemple, l'exécution de certains projets MEDA à l'Agence française de développement.

- Le soutien à la transition vers le libre-échange : élargir le champ des interventions du programme MEDA

Votre Rapporteur, dans son rapport déjà cité, a décrit ses craintes quant aux conséquences difficiles pour l'économie des pays méditerranéens de l'instauration du libre-échange pour les produits industriels. La coopération des pays bénéficiaires entre eux, ou coopération sud - sud, doit impérativement être développée, grâce aux initiatives visant à construire une zone de libre-échange entre eux, et grâce à des projets de coopération régionale encore trop peu nombreux. Le programme MEDA doit mieux prendre en compte ce défi et augmenter la part du financement consacré aux actions régionales, actuellement limitée à 10 %. La suggestion française consistant à définir des priorités de coopération régionale dans les domaines retenus à la conférence de Malte (politique de l'eau, transports, société de l'information, notamment) et à les inscrire dans des programmes-cadres assortis des financements nécessaires paraît une bonne initiative.

- La rationalisation du mode de travail du Comité Med

Les fonctionnaires représentant la France à ce comité regrettent que la Commission, année après année, adresse aux Etats membres une avalanche de projets à examiner aux mois de novembre et décembre, alors qu'elle annule, au contraire, les réunions convoquées en début d'année. La présentation des projets en quantité en fin d'année ne permet pas un examen dans de bonnes conditions par les Etats, mais elle permet à la Commission de faire pression sur eux, dans la mesure où les crédits non engagés ne peuvent l'être pour l'année suivante. Une amélioration pratique des relations entre la Commission et les administrations nationales serait la bienvenue.

Votre Rapporteur soulignera enfin que la réforme du règlement MEDA ne sera rien sans un redéploiement de personnel au profit de la gestion de ce programme : le renforcement de la direction compétente de 25 postes, tel qu'il a été évoqué par la Commission, apparaît indispensable. En outre, la direction doit sans doute s'étoffer par le recrutement de collaborateurs mieux armés pour le contrôle des comptes que ne le sont les cadres administratifs.

CONCLUSION

La dernière conférence plénière euro-méditerranéenne s'est tenue à Stuttgart les 16 et 17 avril 1999. Elle a manifesté l'intérêt des pays partenaires pour le processus, et a confirmé, au sein des orientations retenues, que le programme MEDA II couvrant la période 2000-2006 devra refléter « la grande priorité » du partenariat.

Le processus de Barcelone est par ailleurs appelé à s'élargir quant au nombre de ses participants. Votre Rapporteur souligne que la Libye se rapproche actuellement de l'Union européenne, à la faveur de la suspension en avril 1999 des sanctions internationales imposées depuis 1992 (seul demeure l'embargo sur les armes). Le Président de la Commission européenne Romano Prodi a engagé, lors d'entretiens informels, le colonel Kadhafi à souscrire aux acquis du processus de Barcelone, afin que la Libye y participe pleinement, au lieu de se limiter au statut d'observateur comme c'est le cas depuis l'été 1999.

La définition d'une stratégie de l'Union européenne à l'égard des pays méditerranéens est actuellement soumise à la réflexion des Etats membres. La Présidence portugaise de l'Union a quant à elle manifesté le souhait d'approfondir la politique méditerranéenne. Votre Rapporteur estime, en effet qu'une impulsion politique forte doit être redonnée à cette politique, et, en particulier, au partenariat euro-méditerranéen. C'est pourquoi il est important que l'adoption, dans les prochains mois, d'un règlement rénové MEDA II instaure à nouveau la confiance entre les partenaires - en rassurant notamment les Etats membres quant à la bonne gestion des crédits - et en rétablissant la crédibilité d'une action communautaire rapide et efficace.

C'est pourquoi votre Rapporteur soutient les observations effectuées au nom de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne par son Président, M. Alain Barrau, dans la proposition de résolution (n°2033) renvoyée à la Commission des affaires étrangères.

Il suggère cependant à la Commission de préciser cette proposition de résolution en y apportant deux amendements. Le premier vise à maintenir le principe d'un examen individuel de chaque projet ou programme par les Etats membres au stade de leur définition précise, et non seulement "en amont". Cet examen pourrait être inséré dans le cadre d'une procédure plus rapide à définir. Le second amendement insiste sur l'importance d'effectuer un redéploiement de personnel au sein de la Commission au profit de la gestion du programme MEDA. A défaut, la réforme en préparation serait peu opérante.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné la présente proposition de résolution au cours de sa réunion du mercredi 26 janvier 2000.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Pierre Brana a demandé si la nécessité pour la Commission européenne d'étoffer ses services au moyen de collaborateurs experts dans le contrôle des comptes faisait allusion aux services de l'OLAF, structure récemment mise en place par la Commission pour protéger les intérêts financiers de la Communauté. Il a rappelé l'importance du contrôle vigilant sur l'utilisation des crédits, mentionnant les détournements récemment constatés dans la gestion du programme à destination de la Côte d'Ivoire.

Mme Martine Aurillac, soulignant que la Commission européenne doit procéder par redéploiement de ses ressources en personnel et non par recrutement, a proposé une modification formelle à l'un des amendements du Rapporteur, afin qu'il n'y ait aucun doute à ce sujet.

M. Michel Vauzelle a indiqué que des contrôles financiers devaient être institués au sein même de l'organe de gestion du programme MEDA. Il faut accroître le contrôle interne et c'est le sens de l'amendement.

Puis la Commission a successivement adopté les deux amendements et, conformément aux conclusions du Rapporteur, la proposition de résolution ainsi modifiée (n° 2033).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues au chapitre VII bis du Règlement, la présente proposition de résolution.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Proposition de résolution

sur la proposition de règlement du Conseil modifiant

le règlement n° 1488/96 du 23 juillet 1996 sur

les mesures financières et techniques accompagnant la réforme

des structures économiques et sociales dans le cadre

du partenariat euro-méditerranéen (MEDA) (E 1331)

Article unique

L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 308,

- Vu la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement du Conseil n° 1488/96 du 23 juillet 1996 sur les mesures financières et techniques accompagnant la réforme des structures économiques et sociales dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen (COM(99) 494 final / document n° E 1331),

Considérant que le processus de Barcelone est destiné à assurer le développement économique des pays tiers méditerranéens afin de créer les conditions d'une plus grande stabilité politique dans le Sud de la Méditerranée ;

Considérant que le partenariat euro-méditerranéen tarde à porter ses fruits en raison des retards pris dans la mise en _uvre des accords d'association et le versement de l'aide à nos partenaires au titre du programme MEDA ;

Considérant que les pays tiers méditerranéens ont entrepris de vastes réformes sur le plan économique, ayant un coût social élevé, pour se préparer au libre-échange avec la Communauté européenne à l'horizon 2010 ;

1. Rappelle qu'une accélération de la négociation des accords d'association avec l'Algérie, le Liban et la Syrie est indispensable à la réussite globale du processus de Barcelone ;

2. Considère que la réforme du règlement MEDA doit permettre un versement plus rapide de l'aide aux pays tiers méditerranéens sans réduire le contrôle des Etats membres dans la mise en _uvre d'un programme aussi important pour la politique extérieure de l'Union européenne ;

3. Souligne que les Etats membres doivent rester informés de la teneur de chaque projet ou programme qui sera élaboré dans le cadre du programme MEDA, afin de coordonner les aides communautaire et bilatérale, et aussi d'informer les partenaires économiques des appels d'offres qui seront lancés par les autorités bénéficiaires ; demande en conséquence au Gouvernement de prendre position en faveur du maintien d'un examen individuel par le Comité MED de chaque projet ou programme, éventuellement selon une méthode plus rapide à définir ;

4. Souhaite que soit améliorée l'efficacité de la programmation de l'aide aux pays tiers méditerranéens par un renforcement de l'évaluation, un meilleur ajustement de l'aide à la situation économique et sociale du pays tiers et une adoption des projets par le Comité Med qui soit étalée dans le temps ;

5. Demande que le programme MEDA bénéficie, à l'issue de la répartition des montants entre les différentes actions extérieures pour la période 2000-2006, d'une enveloppe appropriée afin de préparer nos partenaires au libre-échange à l'horizon 2010 et de soutenir les nouvelles priorités du partenariat que sont la coopération entre les pays tiers méditerranéens, l'appui à l'investissement et le contrôle des flux migratoires;

6. Souhaite que la Commission européenne, dans le cadre de son actuelle réorganisation interne, procède à un redéploiement de personnel au profit de la gestion du programme MEDA, redéploiement sans lequel la réforme du règlement serait peu opérante ; estime en outre indispensable la présence de collaborateurs experts dans le contrôle des comptes.

1 Rapport d'information (n°1737) sur le partenariat euro-méditerranéen, déposé par la Commission des Affaires étrangères le 23 juin 1999.

2 Décision N° 1999/468/EC fixant les modalités de l'exercice des compétences d'exécution conférées à la Commission.