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le 28 mars 2000

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N° 2263

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 mars 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES (1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (N° 2179) DE M. CAMILLE DARSIÈRES, RAPPORTEUR DE LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE, sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 404/93 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (COM [1999] 0582 final/n° E 1353),

PAR M. DANIEL MARSIN,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Organisations internationales.

La commission de la production et des échanges est composée de : M. André Lajoinie, président ; MM. Jean-Paul Charié, Jean-Pierre Defontaine, Pierre Ducout, Jean Proriol, vice-présidents ; MM. Léonce Deprez, Christian Jacob, Daniel Paul, Patrick Rimbert, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Jean-Claude Abrioux, Stéphane Alaize, Damien Alary, André Angot, François Asensi, Jean-Marie Aubron, Pierre Aubry, Jean Auclair, Jean-Pierre Balduyck, Jacques Bascou, Mme Sylvia Bassot, MM. Christian Bataille, Jean Besson, Gilbert Biessy, Claude Billard, Claude Birraux, Jean-Pierre Blazy, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Franck Borotra, Christian Bourquin, Mme Danièle Bousquet, MM. François Brottes, Vincent Burroni, Alain Cacheux, Dominique Caillaud, André Capet, Jean-Paul Chanteguet, Jean Charroppin, Philippe Chaulet, Jean-Claude Chazal, Daniel Chevallier, Pierre Cohen, Charles de Courson, Alain Cousin, Yves Coussain, Jean-Michel Couve, Jean-Claude Daniel, Marc-Philippe Daubresse, Yves Dauge, Philippe Decaudin, Mme Monique Denise, MM. Jacques Desallangre, Eric Doligé, François Dosé, Jean-Pierre Dufau, Marc Dumoulin, Dominique Dupilet, Philippe Duron, Jean-Claude Etienne, Michel Etiévant, Alain Fabre-Pujol, Albert Facon, Alain Ferry, Jean-Jacques Filleul, Jacques Fleury, Nicolas Forissier, Roland Francisci, Claude Gaillard, Robert Galley, Claude Gatignol, André Godin, Alain Gouriou, Michel Grégoire, Gérard Grignon, Hubert Grimault, Lucien Guichon, Gérard Hamel, Guy Hascoët, Patrick Herr, Claude Hoarau, Robert Honde, Claude Jacquot, Mme Janine Jambu, MM. Aimé Kergueris, Jean Launay, Thierry Lazaro, Jean-Yves Le Déaut, Patrick Lemasle, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Arnaud Lepercq, René Leroux, Roger Lestas, Alain Le Vern, Félix Leyzour, Michel Liebgott, Lionnel Luca, Daniel Marcovitch, Alfred Marie-Jeanne, Alain Marleix, Daniel Marsin, Philippe Martin, Jacques Masdeu-Arus, Roger Meï, Roland Metzinger, Pierre Micaux, Yvon Montané, Gabriel Montcharmont, Jean-Marie Morisset, Bernard Nayral, Jean-Marc Nudant, Jean-Paul Nunzi, Patrick Ollier, Joseph Parrenin, Paul Patriarche, François Patriat, Germinal Peiro, Jacques Pélissard, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Annette Peulvast-Bergeal, MM. Serge Poignant, Bernard Pons, Jacques Rebillard, Jean-Luc Reitzer, Gérard Revol, Mme Marie-Line Reynaud, M. Jean Rigaud, Mme Michèle Rivasi, MM. Jean Roatta, André Santini, Joël Sarlot, Mme Odile Saugues, MM. François Sauvadet, Jean-Claude Thomas, Léon Vachet, Daniel Vachez, François Vannson, Michel Vaxès, Michel Vergnier, Gérard Voisin, Roland Vuillaume.

Pages

INTRODUCTION 5

I.- CARACTÉRISTIQUES DU MARCHÉ COMMUNAUTAIRE DE LA BANANE 8

A.-  UN MARCHÉ DÉSÉQUILIBRÉ PAR DES CONDITIONS DE CONCURRENCE INÉGALES 8

B.-  L'OCM-BANANE : LA RÉPONSE À DES IMPÉRATIFS COMMUNAUTAIRES, ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX 9

II.- LA REMISE EN CAUSE DE L'OCM-BANANE 11

A.-  LA DÉCISION DE L'ORGANE DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS DE L'OMC 12

B.-  LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT DU CONSEIL MODIFIANT L'OCM-BANANE 13

III.- POSITIONS DE LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE ET DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES 15

EXAMEN EN COMMISSION 19

TEXTE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION 25

TABLEAU COMPARATIF 29

MESDAMES, MESSIEURS,

Après que fut adopté, le 13 février 1993, le règlement (CE) n° 404/93 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane, une décision du 25 septembre 1997 de l'organe d'appel de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a conduit le Conseil de l'Union européenne à adopter, le 20 juillet 1998, le règlement (CE) n° 1637/98, modifiant le précédent afin de le rendre compatible avec les règles de l'OMC en matière de commerce international.

Ce régime modifié, entré en vigueur le 1er janvier 1999, a été jugé de nouveau non compatible avec les règles de l'OMC par son organe de règlement des différends, dans une décision en date du 12 avril 1999, suite à la plainte de l'Équateur, des États-Unis, du Guatemala, du Honduras et du Mexique.

La Commission européenne a donc transmis au Conseil une nouvelle proposition de règlement visant à satisfaire aux obligations de la Communauté vis-à-vis de l'OMC et modifiant le règlement qui avait instauré l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane. Rappelons que celle-ci repose sur un volet interne et un volet externe, destinés à protéger les intérêts des producteurs communautaires (Grèce, Espagne, France et Portugal) ainsi que ceux des pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique), notamment par la mise en place de contingents tarifaires.

Cette organisation est d'autant plus nécessaire que les Etats tiers bénéficient de conditions de production plus favorables que les producteurs communautaires ou ACP. Ces avantages sont notamment d'origine climatique ou géographique mais résultent également de la taille des exploitations dont le gigantisme permet parfois des accroissements de rendements sans commune mesure avec les petites bananeraies existant dans la Communauté ou dans certains Etats ACP. De même, des différences considérables apparaissent quant à l'influence des coûts salariaux dans la formation des prix selon que la banane est d'origine communautaire, ACP ou d'Etats tiers, compte tenu des législations sociales en vigueur. Globalement, le prix de revient des bananes des pays tiers est de 2 francs par kilogramme, celui des bananes des pays ACP de 4 francs et celui des bananes communautaires de 6 francs. La mise en place de contingents tarifaires s'est donc révélée particulièrement nécessaire et adaptée pour la préservation des intérêts des producteurs des pays ACP et communautaires.

La proposition de résolution soumise à l'examen de la commission de la production et des échanges porte sur une proposition de règlement prévoyant un régime fondé uniquement sur un tarif douanier commun, ce qui rompt avec le mécanisme actuel qui privilégie les contingents tarifaires. La mise en place définitive de ce nouveau dispositif devrait avoir lieu au plus tard en 2006, après l'application d'un régime transitoire que votre rapporteur, tout comme la délégation pour l'Union européenne, estime risqué, puisqu'il consiste essentiellement à assouplir la gestion des contingents au détriment de la production des pays ACP et, à terme, des producteurs communautaires.

Compte tenu des enjeux économiques et sociaux considérables que représentent la production et les exportations de bananes pour ces économies, on ne peut accepter telle quelle la réforme proposée par le Conseil. Le passage à un système purement tarifaire s'apparente en effet à un abandon de l'organisation commune des marchés qui a pourtant contribué à la sauvegarde d'intérêts, notamment sociaux, essentiels au sein de la Communauté et dans les pays ACP.

Rappelons en effet que, à l'origine, l'OCM-banane visait trois objectifs majeurs :

- assurer l'écoulement en Europe, à des prix rémunérateurs, de productions communautaires (Guadeloupe, Martinique, Madère, Crête, Canaries), d'où la mise en place d'un système compensatoire ;

- satisfaire les engagements des accords de Lomé, d'où un quota réservé aux pays ACP ;

- redistribuer les licences d'importation de bananes en provenance des pays tiers pour ouvrir le jeu au bénéfice des opérateurs communautaires.

Votre rapporteur se rallie pleinement à l'analyse de la délégation pour l'Union européenne. Toutefois, il n'adhère pas totalement aux conclusions auxquelles est parvenue celle-ci. La délégation estime en effet qu'un système purement tarifaire ne doit en aucun cas être conçu comme une perspective automatique et que le système transitoire proposé doit avoir une durée de dix ans. En outre, la réforme envisagée doit, selon la délégation, comprendre des dispositions permettant une gestion des licences afin d'assurer un égal accès de tous les opérateurs aux certificats d'importation ; elle doit également prévoir une régionalisation de l'aide compensatoire accordée aux producteurs communautaires.

La commission de la production et des échanges, se ralliant à la position de votre rapporteur, n'a pas suivi toutes les propositions de la délégation sur l'ensemble de ces points. Elle a notamment marqué son attachement au système des contingents tarifaires pour la période transitoire, le système envisagé ne garantissant pas la préservation des intérêts des pays ACP. Elle a également refusé le principe d'un passage automatique à un système transitoire uniquement tarifaire. En outre, elle a insisté sur le nécessaire maintien de la méthode des références historiques pour la gestion des licences d'importation.

I.- CARACTÉRISTIQUES DU MARCHÉ COMMUNAUTAIRE
DE LA BANANE

Ainsi que l'a noté la délégation pour l'Union européenne dans son rapport « De l'OMC à l'organisation commune du marché de la banane : le respect des droits des travailleurs », n° 2178, le marché communautaire de la banane est déséquilibré.

A.- UN MARCHÉ DÉSÉQUILIBRÉ PAR DES CONDITIONS DE CONCURRENCE INÉGALES

La production mondiale de bananes est importante et concentrée essentiellement en Amérique latine et en Asie du Sud-est ; l'Afrique se situe en tête pour la production de bananes-plantain. On peut distinguer trois groupes de pays producteurs, pleinement intégrés au commerce international :

les producteurs de « bananes communautaires », ainsi nommés parce qu'ils sont membres de l'Union européenne au travers de leurs pays respectifs : il s'agit de la Guadeloupe, de la Martinique, des îles Canaries, de Madère et de la Crète. En 1998, leur production totale s'élevait à 786 000 tonnes (soit plus de 20 % du marché communautaire) ;

les producteurs de « bananes ACP », pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique, liés à l'Union européenne dans le cadre de la Convention de Lomé et défendus par les anciennes puissances coloniales telles que la France ou le Royaume-Uni. On y trouve la Côte-d'Ivoire, le Cameroun, le Surinam, la Somalie, la Jamaïque, Sainte-Lucie, Saint-Vincent et les Grenadines, Dominique, Bélize Cap-Vert, Grenade et Madagascar. En 1988, ils couvraient 16 % du marché communautaire avec 615 000 tonnes ;

les producteurs de « bananes dollars » qui rassemblent l'ensemble des producteurs d'Amérique latine (Costa Rica, Honduras, Colombie, Nicaragua, Equateur ...). Leurs bananes sont commercialisées par des firmes multinationales. En 1998, avec 2,4 millions de tonnes, ils détenaient 64 % du marché communautaire.

En outre, la complexité de la chaîne d'approvisionnement entraîne la mobilisation de capitaux importants, ce qui favorise la détention de parts significatives du marché par de grandes sociétés multinationales, généralement américaines.

Les États-Unis sont en effet le berceau des compagnies multinationales qui dominent le marché bananier mondial. Elles sont au nombre de trois : Chiquita Brands international Inc, fondée en 1899 et qui reste le leader mondial, Dole Food Compagny Inc. et Del Monte Fresh Produce. Ces trois compagnies transnationales, malgré l'apparition récente de nouveaux acteurs sur la scène bananière, ont une mainmise sur l'ensemble du marché et font peser sur les États-Unis le poids colossal de leur lobby. Elles ont pratiqué une forte intégration verticale des filières : de la production agricole à la distribution, elles contrôlent jusqu'aux activités de conditionnement et de transport maritime. Leur position dominante sur le marché mondial s'appuie sur une organisation logistique tentaculaire, des systèmes d'information très fiables et une communication marketing impressionnante. Les grandes multinationales détiennent ainsi la plus grosse part du commerce mondial et se battent pour l'approvisionnement de leur principal débouché avec les États-Unis : l'Europe. Ainsi, les producteurs de bananes dollars détiennent 64 % du marché communautaire ; parmi eux, la Colombie, le Costa Rica, l'Équateur et Panama représentent 59 % de l'approvisionnement communautaire.

Aussi, comme l'a noté la délégation pour l'Union européenne, le risque d'une éviction des producteurs communautaires et ACP est, dans de telles conditions, très important, tant du point de vue des prix que de celui de la distribution.

C'est pourquoi la Communauté a mis en place une organisation commune des marchés (OCM) du secteur de la banane en adoptant le règlement (CE) n° 404/93 du 13 février 1993.

B.- L'OCM-BANANE : LA RÉPONSE À DES IMPÉRATIFS COMMUNAUTAIRES, ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX

Le règlement n° 404/93 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane du 13 février 1993, tel que modifié et entré en vigueur le 1er janvier 1999, comporte un volet interne et un volet externe.

Le volet interne repose sur un régime de normes communes de qualité et de commercialisation des bananes, des règles régissant les organisations de producteurs et un mécanisme d'aides à la production. Ce dernier dispositif prévoit une aide compensatoire à la perte de recettes, au bénéfice des producteurs communautaires (dans la limite d'un quota global de 854 000 tonnes).

Le volet externe résulte d'un compromis respectant l'équilibre entre les différentes sources d'approvisionnement et tenant compte des engagements de l'Union envers les pays ACP dans le cadre des accords de Lomé. C'est ainsi que sont fixés les seuils d'importation suivants pour chacune des catégories de bananes importées :

- pour la catégorie dite des « bananes traditionnelles » ACP, c'est-à-dire les bananes exportées par les fournisseurs ACP traditionnels de la Communauté (Afrique, Caraïbes, Pacifique), la quantité est fixée à 857 000 tonnes par an (ce chiffre correspondant au volume des exportations traditionnellement effectuées vers la Communauté jusqu'à l'entrée en vigueur de l'organisation commune de marché). Ces importations entrent avec un droit nul, sans répartition préalable entre les douze pays ACP ;

- pour les bananes non traditionnelles ACP, c'est-à-dire, d'une part, les bananes exportées par les fournisseurs ACP au-delà de la quantité de 857.000 tonnes, et, d'autre part, les bananes des pays tiers, c'est-à-dire les bananes exportées par les pays autres que communautaires ou ACP, dites aussi « bananes dollars » d'Amérique latine, le contingent tarifaire est fixé à 2,2 millions de tonnes. Par ailleurs, un contingent annuel complémentaire de 353 000 tonnes est également ouvert par la Commission européenne. Dans le cadre du contingent global de 2.553.000 tonnes, le droit de douane est nul pour les bananes ACP non traditionnelles, alors qu'il est fixé à 75 euros par tonne pour les « bananes dollars ». Une répartition est opérée entre pays fournisseurs sur la base des importations communautaires au cours de la période de référence 1994 à 1996 ;

- en dehors de ces contingents, les bananes des pays tiers sont soumises à un droit de 737 euros par tonne et celles des pays ACP sont assorties d'un droit de 537 euros par tonne.

Par ailleurs, dans le régime antérieur à celui entré en vigueur en 1999, la Commission délivrait des licences d'importation à trois catégories d'opérateurs sur la base des quantités de bananes commercialisées durant trois années de référence :

- 66,5 % du contingent étaient attribués aux opérateurs ayant commercialisé des bananes des pays tiers et/ou non traditionnelles ACP (dits « opérateurs de la catégorie A) ;

- 30 % aux opérateurs ayant commercialisé des bananes communautaires et/ou traditionnelles ACP (dits « opérateurs de la catégorie B »), cette quantité étant elle-même répartie entre importateurs primaires (57%), importateurs secondaires (15%) et mûrisseurs (28%) ;

- 3,5 % à la catégorie des opérateurs établis dans la Communauté ayant commencé à commercialiser les bananes autres que les bananes communautaires et/ou traditionnelles ACP à partir de 1992 (dits « opérateurs de la catégorie C »).

Suite à la décision de l'organe de règlement des différends de 1997, la Communauté a dû supprimer les licences B ainsi que les « licences tempête », constituées de licences B supplémentaires délivrées en cas de tempête ou de cyclone frappant les régions d'outre-mer.

Ainsi, depuis le 1er janvier 1999, le règlement définit donc un nouveau régime de répartition des licences d'importation entre les opérateurs. Le contingent tarifaire de 2,553 millions de tonnes ainsi que les « bananes traditionnelles » ACP sont accessibles à deux catégories d'opérateurs : les opérateurs traditionnels (92 % en volume) et les nouveaux arrivés (8 % en volume), qui peuvent devenir opérateurs traditionnels après trois années d'activité.

Un bilan du fonctionnement de l'OCM paraît difficile à réaliser, tant il est controversé. Il semble néanmoins incontestable que l'OCM a permis l'émergence d'un marché unique au sein de l'Union européenne, à travers une augmentation des flux d'importation, un décloisonnement progressif des marchés nationaux, une convergence des prix à l'importation, ainsi que l'amorce d'un mouvement de concentration des entreprises du secteur bananier. Il a également permis, tant bien que mal, d'assurer le maintien des producteurs communautaires et ACP sur le marché européen.

Le nouveau régime a cependant eu pour conséquence d'augmenter le contingent tarifaire des « bananes dollars », au détriment des producteurs communautaires. Par ailleurs, ainsi que l'a souligné à juste titre la délégation pour l'Union européenne, les conséquences négatives de ces modifications n'ont pas été suffisamment compensées par le mécanisme de l'aide compensatoire.

Or, alors que le régime actuel voit sa portée considérablement affaiblie par rapport au régime antérieur, il a donné lieu, lui aussi, à des contestations au sein de l'Organisation mondiale du commerce.

II.- LA REMISE EN CAUSE DE L'OCM-BANANE

L'organisation du marché de la banane a de nouveau donné lieu à contestation par les pays adhérant aux règles du commerce mondial avant même l'entrée en vigueur de la nouvelle organisation commune des marchés et de manière récurrente, jusqu'à l'avis rendu par le groupe spécial le 12 avril 1999. C'est pour tenir compte de ces conclusions que la Commission a transmis au Conseil une proposition de règlement modifiant l'OCM-banane.

A.- LA DÉCISION DE L'ORGANE DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS DE L'OMC

Le 18 août 1998, l'Equateur, les Etats-Unis, le Guatémala, le Honduras et le Mexique ont demandé l'ouverture de consultations avec la Communauté européenne, sur la mise en _uvre des recommandations formulées par l'organe de règlement des différends en 1997 sur l'OCM-banane. Ces consultations n'ayant donné lieu à aucune solution satisfaisante, un groupe spécial a été constitué et a rendu ses conclusions le 12 avril 1999.

Aux termes de ce rapport, l'OCM-banane contrevient sur trois points aux règles du GATT :

- la quantité de 857 000 tonnes réservées aux « bananes traditionnelles » en provenance des Etats ACP constitue un contingent tarifaire auquel l'article XIII du GATT de 1994 devrait s'appliquer ;

- le régime communautaire est contraire au principe de non-discrimination entre pays fournisseurs, puisque les pays ACP (1) ont accès aux deux contingents de 857 000 tonnes et de 2 553 000 tonnes, alors que les pays tiers n'ont accès qu'à ce dernier ; il est donc incompatible avec les dispositions de l'article XIII ;

- l'attribution des licences est discriminatoire, la période 1994-1996 ne constituant pas une « période représentative » ; en outre, les critères d'acquisition du statut de « nouvel arrivé » imposent aux pays tiers des conditions de concurrence moins favorables que celles dont bénéficient les producteurs communautaires.

Compte tenu de ces constatations, le groupe spécial a estimé que la Communauté européenne avait les options suivantes pour mettre son régime d'importation de bananes en conformité avec les règles de l'OMC :

- un système uniquement tarifaire, sans contingent tarifaire, mais pouvant comprendre une préférence tarifaire (droit nul ou autre droit préférentiel) en faveur des bananes ACP ;

- un système uniquement tarifaire avec un contingent tarifaire pour les bananes ACP couvert par une dérogation appropriée ;

- le maintien des contingents tarifaires actuels, soit sans allouer de parts spécifiques par pays, soit en allouant ces parts avec accord de tous les fournisseurs justifiant d'un intérêt substantiel.

Ainsi que l'a noté la délégation pour l'Union européenne, l'OMC n'a donc remis en cause ni la préférence tarifaire accordée aux pays ACP, ni l'existence des contingents tarifaires. Or, la Commission, dans sa proposition de règlement transmise au Conseil, a adopté une position extrêmement radicale qui conduit à une véritable remise en cause de l'OCM-banane.

B.- LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT DU CONSEIL MODIFIANT L'OCM-BANANE

De l'avis de la Commission, « le système le plus stable est celui qui repose sur un système uniquement tarifaire », au motif qu'il constitue « la meilleure protection » compte tenu des contraintes imposées dans le cadre de l'OMC. En clair, la Commission veut privilégier un système qui soit le moins susceptible d'être jugé incompatible avec les principes du commerce multilatéral. Cette solution radicale tend à rompre avec les fondements de l'OCM-banane et présente de sérieux risques pour les producteurs communautaires.

La proposition de règlement vise donc à instaurer un système uniquement tarifaire au terme d'un dispositif transitoire fondé sur des contingents tarifaires et devant expirer au plus tard le 1er janvier 2006.

Dans le système transitoire proposé, trois contingents tarifaires sont envisagés :

- un contingent de 2,2 millions de tonnes au taux de 75 euros par tonne, consolidé à l'OMC, pour les bananes des pays tiers, les bananes ACP n'étant frappées d'aucun droit (contingent A) ;

- un contingent de 353 000 tonnes au même taux pour les bananes des pays tiers, les bananes ACP étant là aussi assorties d'un droit nul (contingent B) ;

- un contingent tarifaire de 850 000 tonnes ouvert à la fois aux bananes ACP et à celles des pays tiers (contingent C). Pour l'accès ACP, les bananes bénéficieraient d'une préférence tarifaire de 275 euros par tonne, c'est-à-dire qu'un droit nul s'appliquerait aux bananes ACP tant que le droit dans le cadre du contingent ne dépasserait pas 275 euros par tonne. Ce contingent serait caractérisé par une procédure d'enchères descendantes permettant de fixer le niveau du droit de douane. Le montant du droit correspondant à l'offre qui permet d'atteindre le contingent serait appliqué à tous les opérateurs pour les quantités pour lesquelles ils ont soumis une offre.

On notera que la Commission est restée extrêmement évasive sur les modalités de mise _uvre de ce procédé, qui semblent pour l'instant bien opaques.

Il est clair que ce nouveau système comporte le risque, pour les pays ACP, d'avoir énormément de mal à écouler leur production dans la Communauté puisqu'ils ne bénéficieraient plus d'un contingent spécifique et pourraient voir leurs produits soumis à des droits dans le cadre du contingent C, ce qui n'est pas le cas dans le système actuel. Ils seraient alors soumis à la concurrence des producteurs des pays tiers, dont on a vu que les coûts de production étaient extrêmement faibles. Les écarts de compétitivité seraient tels que les pays ACP pourraient ainsi disparaître à terme du marché communautaire.

La proposition de règlement reste en outre muette sur la répartition des contingents entre fournisseurs. Son exposé des motifs se borne à envisager quatre méthodes de répartition : le système « opérateurs traditionnels- nouveaux arrivés », la mise aux enchères, l'examen simultané et le système « premier arrivé - premier servi ». La conclusion de la Commission est qu'il n'existe pas de méthode idéale et la proposition de règlement ne traite donc pas ce sujet pourtant essentiel, alors que le régime actuel a été jugé incompatible avec les règles de l'OMC.

Elle ne comporte par ailleurs aucune indication sur le régime uniquement tarifaire qui devrait entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2006. Notamment, le niveau du tarif douanier applicable aux pays tiers n'est pas fixé.

Enfin, la proposition de règlement n'envisage aucune adaptation du régime d'aide compensatoire qui souffre pourtant de graves insuffisances.

La proposition de règlement non seulement bouleverse l'organisation commune des marchés du secteur de la banane, mais ne propose pas non plus de solution satisfaisante ou acceptable sur des points sensibles et elle reste extrêmement lacunaire sur des points pourtant capitaux. C'est ce qu'a déploré la délégation pour l'Union européenne. La commission de la production et des échanges a en outre insisté sur les dangers immédiats et futurs que comporte cette proposition de règlement.

III.- POSITIONS DE LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE ET DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

La délégation pour l'Union européenne, considérant que les modifications successives de l'OCM-banane ont eu de graves conséquences sur les producteurs communautaires, a conclu à l'opportunité du dépôt d'une proposition de résolution. Elle a également souligné les risques de déstabilisation des pays ACP que comporte le nouveau mécanisme proposé par la Commission.

Elle a donc invité le Gouvernement à subordonner son accord aux conditions suivantes :

1. que le passage à un régime d'importations fondé sur un système purement tarifaire ne soit en aucun cas conçu comme une perspective automatique mais que le règlement soit assorti d'une clause de rendez-vous permettant d'évaluer le nouveau système contingentaire à l'issue d'une période d'expérimentation qui ne serait pas inférieure à dix ans ; qu'une renégociation de sauvegarde soit prévue au cours de cette période en cas de dégradation de la situation des producteurs ;

2. que l'organisation commune du marché de la banane reconnaisse les différences de législations sociales entre les pays producteurs et que sa réforme n'ait pas pour conséquence un alignement de ces conditions sociales vers le bas ;

3. que la Commission européenne définisse un nouveau régime d'attribution des licences d'importation, afin de permettre un accès égal de tous les opérateurs à toutes les sources d'approvisionnement originaires des pays tiers ;

4. qu'un complément d'aide communautaire, conforme au compromis adopté par le Conseil le 29 juin 1999, soit versé aux producteurs de Guadeloupe, Martinique et Madère au titre de l'année 1999 ;

5. que soit obtenue une réforme substantielle des mécanismes d'aide aux producteurs communautaires, avec comme objectifs :

- la prise en compte de la différence des prix de vente entre les producteurs pour le calcul de l'aide compensatoire ;

- la modification du fait générateur de l'aide, qui doit être l'expédition et non la commercialisation ;

- la rapidité du paiement de l'aide ;

- la mise en place d'un système efficace d'aide à la suite de catastrophes naturelles.

Votre rapporteur partage largement l'analyse de la délégation pour l'Union européenne. Toutefois, il estime que la proposition de résolution soumise à l'examen de la commission de la production et des échanges ne tire pas toutes les conclusions qui s'imposent au regard des propositions du Conseil, en termes de proposition de résolution.

En premier lieu, votre rapporteur estime que le nouveau système transitoire proposé par le Conseil est lui-même très dangereux. La mise en place d'un nouveau contingent C aurait pour conséquence de supprimer les avantages actuellement octroyés aux pays ACP dans le cadre de leur contingent spécifique et soumettrait ces derniers à un système quasiment tarifaire. Ce dispositif pourrait ainsi conduire, à court terme, à l'éviction de ces pays sur le marché communautaire, puisqu'ils ne pourront que difficilement faire face à l'ajustement à la baisse des prix de vente des pays tiers. Ces derniers devraient en effet bénéficier de droits très faibles (75 euros), ce qui devrait leur permettre de réduire leurs prix et de creuser ainsi l'écart avec les pays ACP.

En outre, les pays tiers pourraient, dans le nouveau dispositif, abonder le contingent C et provoquer ainsi un risque de sur-approvisionnement du marché entraînant, là encore, une baisse des prix pénalisant fortement les pays ACP. Ce phénomène serait par ailleurs aggravé en cas de comportement de dumping des pays tiers, ce qui constitue une hypothèse à ne pas négliger.

Votre rapporteur estime donc que le système transitoire proposé par le Conseil n'est pas acceptable en l'état. Non seulement il handicaperait gravement les pays ACP, mais il pourrait à terme conduire à leur disparition pure et simple du marché communautaire. Dans un tel cas de figure, les producteurs communautaires seraient en concurrence directe avec les producteurs des pays tiers.

Or, même s'ils bénéficient de mesures de protection et notamment du droit d'écouler sur le marché européen un quota de 854 000 tonnes de bananes, les producteurs communautaires se trouveront rapidement en difficulté, compte tenu des écarts de prix de vente entre « bananes communautaires » et « bananes dollars ». Une telle situation pourrait alors conduire à une remise en cause, extrêmement dommageable, des avantages octroyés aux producteurs communautaires, sous la pression des consommateurs et de pays européens réservés quant à l'utilité de l'OCM.

Conscient d'une telle menace, votre rapporteur estime qu'il convient donc de préserver le principe du contingent tarifaire spécifiquement dédié aux bananes ACP et a déposé un amendement en ce sens.

Le système préconisé par la Commission risque d'être particulièrement déstabilisant pour les pays ACP dont la position privilégiée pourrait ainsi être rapidement mise en cause ; au-delà des réserves qu'il a exprimées sur ce système transitoire, votre rapporteur se rallie donc à l'analyse de la délégation pour l'Union européenne selon laquelle une renégociation de sauvegarde doit être prévue en cas de nette détérioration de la situation de ces fournisseurs pendant la période de transition.

En deuxième lieu, votre rapporteur rejoint la position de la délégation pour l'Union européenne quant à la nécessité que la Commission européenne définisse un nouveau régime d'attribution des licences d'importation.

Néanmoins, il ne rejoint pas les conclusions que la délégation a présentées dans son rapport n° 2178 et aux termes desquelles la meilleure méthode serait celle de l'examen simultané, déjà utilisée par la Communauté pour la gestion de ses autres contingents. Selon la délégation, c'est cette méthode « qui garantirait le mieux aux opérateurs communautaires l'accès aux contingents ACP et « bananes dollar » ». Votre rapporteur ne pense pas que cette méthode soit la plus appropriée, le problème actuel des opérateurs et producteurs communautaires et ACP résidant moins dans leur accès aux autres contingents que dans leur capacité à remplir le quota de 854 000 tonnes de bananes communautaires. En outre, le choix de la méthode de l'examen simultané, non motivé par une quelconque raison de fond, pourrait avoir pour conséquence de pénaliser les opérateurs communautaires, compte tenu de l'atomisation de l'attribution des certificats à laquelle elle conduit. Votre rapporteur ayant bien noté la menace que constituerait une telle méthode, a donc proposé un amendement visant à ce que soit préservé le système des références historiques pour l'octroi des licences d'importation, au besoin en élargissant la période de référence, afin de satisfaire les exigences des opérateurs des pays tiers.

En troisième lieu, votre rapporteur souligne les problèmes que pose actuellement la définition de la notion d'« opérateur ». Il déplore notamment que ce qualificatif soit octroyé à une multiplicité d'intervenants, ce qui contribue à un éclatement de cette notion. Sont ainsi considérés comme opérateurs tant les producteurs que les acheteurs à l'origine, les transporteurs ou les personnes ayant en charge la commercialisation finale des bananes. Ainsi, une quantité donnée de bananes peut être comptabilisée par trois ou quatre opérateurs différents, ce qui fausse les données du marché. Votre rapporteur estime qu'il conviendrait de redonner à la notion d'opérateur son unicité, en conformité avec l'article 3 du règlement (CE) n° 2362/98 du 28 octobre 1998, aux termes duquel on entend par « opérateur traditionnel » « l'agent économique, établi dans la Communauté pendant la période qui détermine sa quantité de référence ainsi que lors de son enregistrement (...) [et] qui pour son propre compte, a importé effectivement pendant une période de référence, une quantité minimale de bananes originaires des Etats tiers et/ou des Etats ACP en vue d'une mise en vente ultérieure sur le marché communautaire. La quantité minimale visée (...) est de 100 tonnes pendant l'une des années de la période de référence. La quantité minimale est de 20 tonnes lorsque l'importation porte exclusivement sur des bananes d'une longueur inférieure ou égale à 10 centimètres. » Votre rapporteur a donc déposé un amendement visant à ce que l'octroi du qualificatif d'opérateur soit conforme à ces dispositions.

Enfin, il tient à insister sur le point particulier de la nécessaire régionalisation de l'aide compensatoire, évoqué par la délégation pour l'Union européenne dans le point 5. de sa proposition de résolution. Il convient notamment de prendre en compte les différences de prix de vente de la banane entre les producteurs communautaires. Ainsi que l'a noté la délégation pour l'Union européenne (2), « la Martinique, pour 1999, recevra 10 % de moins que sa perte réelle, Madère, 40 % de moins, la Guadeloupe 27 % de moins. Les Canaries ont reçu 13 % de plus que leur perte réelle. ». Conscient de ce problème, votre rapporteur a présenté un amendement précisant que les mécanismes d'aide aux producteurs communautaires doivent prendre en compte l'inégalité des situations entre les producteurs de chacune des régions ultrapériphériques spécifiques que sont la Guadeloupe, la Martinique, Madère et les Canaries.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 22 mars 2000, la commission a examiné, sur le rapport de M. Daniel Marsin, la proposition de résolution (n° 2179) de M. Camille Darsières sur la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 404/93 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (COM [1999] 0582 final/n° E 1353).

M. Daniel Marsin, rapporteur, a tout d'abord rappelé le contexte dans lequel la commission de la production et des échanges examinait la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne. Le règlement (CEE) n° 404/93 du 13 février 1993 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane poursuivait trois objectifs :

- assurer l'écoulement des productions communautaires sur le marché européen à des prix rémunérateurs en mettant en place un système de contingent tarifaire ;

- satisfaire les engagements souscrits dans le cadre de la convention de Lomé en réservant un contingent tarifaire spécifique aux pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ;

- redistribuer les licences d'importation de bananes originaires d'Amérique latine.

Ce système a été contesté, tant au sein de l'Union européenne qu'au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). L'organe de règlement des différends de cette institution ayant jugé que ce dispositif n'était pas compatible avec les règles de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, la Communauté a dû adopter le règlement (CE) du Conseil n° 1637/98 du 20 juillet 1998 modifiant le règlement initial portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (OCM-banane) pour le rendre compatible avec les règles du commerce multilatéral.

Le rapporteur avait d'ailleurs, à cette occasion, été l'auteur d'un rapport au nom de la commission de la production et des échanges.

Le système actuel est donc relativement récent puisqu'il n'est entré en vigueur que le 1er janvier 1999. Il est composé de deux volets. Le volet interne réserve aux producteurs communautaires un quota global de 854 000 tonnes, dans la limite duquel ils bénéficient d'une aide compensatoire à la perte de recettes. Le volet externe est constitué de trois dispositions :

- un contingent tarifaire de 857 000 tonnes par an est réservé aux « bananes traditionnelles » des pays ACP qui n'ont aucun droit à acquitter ;

- un contingent tarifaire de 2,553 millions de tonnes est ouvert aux bananes « non traditionnelles » des pays ACP et aux bananes des pays tiers. Dans le cadre de ce contingent, le droit est nul pour les pays ACP et s'élève à 75 euros par tonne pour les pays tiers ;

- au-delà de ces contingents, le droit s'élève à 737 euros par tonne pour les pays tiers et à 537 euros par tonne pour les pays ACP.

Ce système a été, une fois encore, jugé incompatible avec les règles du commerce multilatéral, par un groupe spécial de l'OMC qui a rendu ses conclusions le 12 avril 1999. Il a estimé que les trois points suivants contrevenaient aux dispositions de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce :

- le contingent tarifaire spécifique aux pays ACP, de 857 000 tonnes, contrevient à l'article XIII de cet accord ;

- les pays ACP ont accès à deux contingents et sont donc favorisés ;

- l'attribution des licences d'importation, fondée sur la période de référence 1994-1996, est discriminatoire et pénalise les pays tiers.

Le groupe spécial a donc estimé que trois options étaient ouvertes à la Communauté :

- l'adoption d'un système uniquement tarifaire, avec une préférence tarifaire pour les pays ACP ;

- un système uniquement tarifaire avec mise en place d'un contingent tarifaire pour les pays ACP, couvert par une dérogation appropriée ;

- le maintien des contingents tarifaires actuels sans allouer de parts spécifiques par pays ou en allouant ces parts avec l'accord de tous les fournisseurs justifiant d'un intérêt substantiel.

La proposition de règlement du Conseil prévoit le passage à un système uniquement tarifaire au plus tard en 2006, ce qui mettra sans aucun doute les pays ACP et les producteurs communautaires en difficulté, compte tenu des écarts de compétitivité existant avec les producteurs des pays tiers. Cette proposition de règlement prévoit également le système transitoire suivant :

- un contingent tarifaire A de 2,2 millions de tonnes ouvert à la fois aux pays tiers qui seraient soumis à un droit de 75 euros par tonne et aux pays ACP qui bénéficieraient d'un droit nul ;

- un contingent tarifaire supplémentaire B de 353 000 tonnes remplissant les mêmes critères ;

- un contingent tarifaire C de 850 000 tonnes, ouvert aux pays tiers et aux pays ACP, ces derniers bénéficiant d'un droit nul à concurrence de 275 euros par tonne. La fixation du droit de douane donnerait lieu à des enchères descendantes, selon un système extrêmement complexe qui présente un risque sérieux d'atteinte à l'OCM-banane.

La délégation pour l'Union européenne a estimé que le nouveau système ainsi proposé mettrait en danger l'équilibre des marchés et les engagements pris par la France dans le cadre de la convention de Lomé. Il constituerait même, à terme, une menace pour les producteurs communautaires. La délégation a donc accepté le principe d'un régime transitoire, mais a souhaité prolonger sa durée à dix ans et a refusé le principe d'un passage automatique à un système uniquement tarifaire.

Elle a en outre insisté sur la nécessité de prendre en compte les disparités existant en matière de législation sociale entre les pays producteurs et a affirmé le principe d'égal accès de tous les opérateurs aux sources d'approvisionnement originaires des pays tiers.

Elle a enfin estimé indispensable une réforme du mécanisme de l'aide compensatoire, selon les points suivants :

- la mise en place d'une régionalisation de l'aide ;

- la redéfinition du fait générateur qui doit être constitué de l'expédition et non de la commercialisation ;

- un paiement plus rapide ;

- l'institution d'un système d'aide spécifique en cas de catastrophe naturelle.

Le rapporteur a déclaré s'associer pleinement à l'analyse menée par la délégation pour l'Union européenne. Toutefois, il a estimé que cette dernière n'en avait pas tiré toutes les conclusions qui s'imposaient. Il a donc annoncé qu'il proposerait des amendements sur les points suivants :

- le système transitoire tel qu'il est présenté dans le proposition de règlement est inacceptable en l'état. Il est complexe et n'offre aucune garantie. En particulier, si les multinationales pratiquent un lissage de leurs coûts pour tenir compte des nouveaux droits de douane, le système sera quasiment tarifaire dès la période transitoire, ce qui constitue une réelle menace pour les pays ACP ;

- concernant les opérateurs communautaires, la préoccupation ne doit pas être celle de leur accès aux sources d'approvisionnement, problème qui ne se pose pas en pratique, mais celle du mode d'attribution des licences d'importation. Il convient donc de maintenir le système des références historiques en recherchant un accord sur la période de référence ;

- la notion d'opérateur donne aujourd'hui lieu à un véritable flou artisitique. Il est souhaitable de revenir à la définition qui en est donnée par l'article 3 du règlement de la Commission (CE) n° 2362/98 du 28 octobre 1998 ;

- enfin, il convient de préciser que la régionalisation de l'aide compensatoire concerne chaque région ultrapériphérique (Guadeloupe, Martinique, Caraïbes et Madère) pour tenir compte de l'inégalité de leurs situations respectives.

Pour M. Pierre Micaux, le fond du problème réside dans le fait que la prétendue Organisation mondiale du commerce vise en fait à « aligner vers le bas » les conditions de production. Dans ce cadre, il a estimé que les Américains se livraient à un jeu inhumain et inacceptable.

La commission est ensuite passée à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution.

· Article unique

Le rapporteur a présenté un amendement avant le quatorzième alinéa (1.) et visant à ce que le système transitoire s'appuie sur le principe d'un contingent tarifaire spécifique aux pays ACP, au besoin en envisageant une dérogation à l'article XIII du GATT ou toute autre forme de compromis ; la commission a adopté cet amendement.

Puis, elle a examiné un amendement du même auteur dans le seizième alinéa (3.) et tendant à ce que le régime d'attribution des licences d'importation soit fondé sur le système des références historiques et donne lieu à des négociations sur la période de référence retenue. M. Pierre Micaux a attiré l'attention sur le fait que lors des questions orales sans débat du mardi 21 mars 2000, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'Outre-mer, avait annoncé que le Gouvernement souhaitait lui aussi privilégier la méthode des références historiques, en réponse à une question posée par M. Roland Blum. Puis, la commission a adopté cet amendement.

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur après le seizième alinéa (3.) insérant un 3 bis visant à ce que la notion d'opérateur soit précisée en se conformant à l'article 3 du règlement de la Commission (CE) n° 2362/98 du 28 octobre 1998 précité. Elle a également examiné un amendement du rapporteur dans le deuxième alinéa du 5. précisant que le calcul de l'aide compensatoire doit prendre en compte l'inégalité des situations entre les producteurs de chacune des régions ultrapériphériques (Guadeloupe, Martinique, Madère et Canaries). Après que M. Pierre Micaux eut souligné que cette disposition risquait d'être mal perçue par l'Espagne, la commission a adopté cet amendement.

Puis, la commission a adopté la proposition de résolution ainsi modifiée.

*

* *

En conséquence, la commission de la production et des échanges vous demande d'adopter la proposition de résolution dont le texte suit :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la proposition de règlement du Conseil modifiant
le règlement (CEE) n° 404/93 portant organisation commune
des marchés dans le secteur de la banane

(COM [1999] 0582 final / n° E 1353)

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de règlement (CE) modifiant le règlement (CEE) n° 404/93 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (COM [1999] 0582 final / n° E 1353),

Vu le rapport du groupe spécial de l'Organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce du 12 avril 1999 relatif au régime applicable à l'importation, à la vente et à la distribution des bananes,

Vu le point 39 du compromis adopté le 29 juin 1999 par le Conseil de l'Union européenne selon lequel « la Commission s'engage à suivre les effets des modifications du régime applicable à la banane sur la commercialisation des bananes communautaires et, le cas échéant, à modifier le revenu de référence afin d'en tenir compte »,

Considérant la situation très préoccupante des économies de la Martinique et de la Guadeloupe dont l'avenir dépend en grande partie de la production et du commerce de la banane ;

Considérant les termes du renouvellement de la Convention de Lomé et l'engagement pris par l'Union européenne d'admettre en franchise de droits l'essentiel des produits en provenance des pays les moins avancés ;

Considérant que la Commission européenne a proposé de modifier certaines dispositions de l'OCM-banane afin de les mettre en conformité avec le rapport du groupe spécial de l'OMC ;

Considérant que la proposition de la Commission européenne remet en cause le maintien des contingents et des droits de douane applicables aux importations de bananes en prévoyant que le régime douanier applicable à ces importations soit basé sur un système purement tarifaire à compter du 1er janvier 2006 au plus tard ;

Considérant que les conclusions du groupe spécial de l'OMC ne suggèrent nullement la mise en place d'un système purement tarifaire mais admettent la validité de principe des contingents tarifaires ;

Considérant les risques importants que feraient courir les propositions de la Commission pour la garantie de l'écoulement des productions communautaires et ACP ;

Considérant que les modifications successives de l'OCM-banane ont eu de graves conséquences sur les producteurs communautaires et que ces conséquences ont été insuffisamment compensées par l'Union européenne ;

Invite en conséquence le Gouvernement à subordonner son accord aux conditions suivantes :

1. Que le système transitoire s'appuie sur le principe d'un contingent tarifaire spécifique aux pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, au besoin en envisageant une dérogation à l'article XIII de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce ou toute autre forme de compromis qui permette de parvenir à un accord de tous les fournisseurs justifiant d'un intérêt substantiel ;

2. Que le passage à un régime d'importations fondé sur un système purement tarifaire ne soit en aucun cas conçu comme une perspective automatique mais que le règlement soit assorti d'une clause de rendez-vous permettant d'évaluer le nouveau système contingentaire à l'issue d'une période d'expérimentation qui ne serait pas inférieure à dix ans ; qu'une renégociation de sauvegarde soit prévue au cours de cette période en cas de dégradation de la situation des producteurs ;

3. Que l'organisation commune du marché de la banane reconnaisse les différences de législations sociales entre les pays producteurs et que sa réforme n'ait pas pour conséquence un alignement de ces conditions sociales vers le bas ;

4. Que la Commission européenne définisse un nouveau régime d'attribution des licences d'importation fondé sur le système des références historiques, le cas échéant en élargissant la période de référence, tout en préservant les intérêts des producteurs et des opérateurs communautaires ;

5. Que la notion d'opérateur soit précisée en se conformant à l'article 3 du règlement de la Commission (CE) n° 2362/98 du 28 octobre 1998 portant modalités d'application du règlement (CEE) du Conseil n° 404/93 en ce qui concerne le régime d'importation de bananes dans la Communauté ;

6. Qu'un complément d'aide communautaire, conforme au compromis adopté par le Conseil le 29 juin 1999, soit versé aux producteurs de Guadeloupe, Martinique et Madère au titre de l'année 1999 ;

7. Que soit obtenue une réforme substantielle des mécanismes d'aide aux producteurs communautaires, avec comme objectifs :

- la prise en compte de la différence des prix de vente pour le calcul de l'aide compensatoire, en prenant en compte l'inégalité des situations entre les producteurs de chacune des régions ultrapériphériques que sont la Guadeloupe, la Martinique, Madère et les Canaries,

- la modification du fait générateur de l'aide, qui doit être l'expédition et non la commercialisation,

- la rapidité du paiement de l'aide,

- la mise en place d'un système efficace d'aide à la suite de catastrophes naturelles.

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte de la proposition de résolution
(n° 2179)

___

Conclusions de la commission

___

Article unique

Article unique

L'Assemblée nationale,

(Alinéa sans modification)

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

(Alinéa sans modification)

- Vu la proposition de règlement (CE) modifiant le règlement (CEE) n° 404/93 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (COM [1999] 0582 final /n° E 1353),

(Alinéa sans modification)

- Vu le rapport du groupe spécial de l'Organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce du 12 avril 1999 relatif au régime applicable à l'importation, à la vente et à la distribution des bananes,

(Alinéa sans modification)

- Vu le point 39 du compromis adopté le 29 juin 1999 par le Conseil de l'Union européenne selon lequel « la Commission s'engage à suivre les effets des modifications du régime applicable à la banane sur la commercialisation des bananes communautaires et, le cas échéant, à modifier le revenu de référence afin d'en tenir compte »,

(Alinéa sans modification)

Considérant la situation très préoccupante des économies de la Martinique et de la Guadeloupe dont l'avenir dépend en grande partie de la production et du commerce de la banane ;

(Alinéa sans modification)

Considérant les termes du renouvellement de la Convention de Lomé et l'engagement pris par l'Union européenne d'admettre en franchise de droits l'essentiel des produits en provenance des pays les moins avancés ;

(Alinéa sans modification)

Considérant que la Commission européenne a proposé de modifier certaines dispositions de l'OCM-banane afin de les mettre en conformité avec le rapport du groupe spécial de l'OMC ;

(Alinéa sans modification)

Considérant que la proposition de la Commission européenne remet en cause le maintien des contingents et des droits de douane applicables aux importations de bananes en prévoyant que le régime douanier applicable à ces importations soit basé sur un système purement tarifaire à compter du 1er janvier 2006 au plus tard ;

(Alinéa sans modification)

Considérant que les conclusions du groupe spécial de l'OMC ne suggèrent nullement la mise en place d'un système purement tarifaire mais admettent la validité de principe des contingents tarifaires ;

(Alinéa sans modification)

Considérant les risques importants que feraient courir les propositions de la Commission pour la garantie de l'écoulement des productions communautaires et ACP ;

(Alinéa sans modification)

Considérant que les modifications successives de l'OCM-banane ont eu de graves conséquences sur les producteurs communautaires et que ces conséquences ont été insuffisamment compensées par l'Union européenne ;

(Alinéa sans modification)

Invite en conséquence le Gouvernement à subor-donner son accord aux conditions suivantes :

(Alinéa sans modification)

1. que le système transitoire s'appuie sur le principe d'un contingent tarifaire spécifique aux pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, au besoin en envisageant une dérogation à l'article XIII de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce ou toute autre forme de compromis qui permette de parvenir à un accord de tous les fournisseurs justifiant d'un intérêt substantiel ;

1. que le passage à un régime d'importations fondé sur un système purement tarifaire ne soit en aucun cas conçu comme une perspective automatique mais que le règlement soit assorti d'une clause de rendez-vous permettant d'évaluer le nouveau système contingentaire à l'issue d'une période d'expérimentation qui ne serait pas inférieure à dix ans ; qu'une renégociation de sauvegarde soit prévue au cours de cette période en cas de dégradation de la situation des producteurs ;

2. (Sans modification)

2. que l'organisation commune du marché de la banane reconnaisse les différences de législations sociales entre les pays producteurs et que sa réforme n'ait pas pour conséquence un alignement de ces conditions sociales vers le bas ;

3. (Sans modification)

3. que la Commission européenne définisse un nouveau régime d'attribution des licences d'importation, afin de permettre un accès égal de tous les opérateurs à toutes les sources d'approvisionnement originaires des pays tiers ;

4. que la Commission ...

... d'importation fondé sur le système des références historiques, le cas échéant en élargissant la période de référence, tout en préservant les intérêts des producteurs et des opérateurs communautaires ;

5. que la notion d'opérateur soit précisée en se conformant à l'article 3 du règlement de la Commission (CE) n° 2362/98 du 28 octobre 1998 portant modalités d'application du règlement (CEE) du Conseil n° 404/93 en ce qui concerne le régime d'importation de bananes dans la Communauté ;

4. qu'un complément d'aide communautaire, confor-me au compromis adopté par le Conseil le 29 juin 1999, soit versé aux producteurs de Guadeloupe, Martinique et Madère au titre de l'année 1999 ;

6. (Sans modification)

5. que soit obtenue une réforme substantielle des mécanismes d'aide aux producteurs communautaires, avec comme objectifs :

7. (Alinéa sans modification)

- la prise en compte de la différence des prix de vente entre les producteurs pour le calcul de l'aide compensatoire ;

- la prise en ... ... de vente pour le calcul de l'aide compensatoire, en prenant en compte l'inégalité des situations entre les producteurs de chacune des régions ultrapériphériques que sont la Guadeloupe, la Martinique, Madère et les Canaries ;

- la modification du fait générateur de l'aide, qui doit être l'expédition et non la commercialisation ;

(Alinéa sans modification)

- la rapidité du paiement de l'aide ;

(Alinéa sans modification)

- la mise en place d'un système efficace d'aide à la suite de catastrophes naturelles.

(Alinéa sans modification)

_____________

1 () Côte-d'Ivoire, Cameroun, Surinam, Somalie, Jamaïque, Sainte-Lucie, Saint Vincent, Dominique, Belize, Cap-Vert, Grenade, Madagascar.

2 () Rapport n° 2178, page 22.