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le 30 juin 2000

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N° 2522

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 Juin 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 2424) de M. Gaëtan GORCE sur la proposition de directive du Conseil établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne (COM [1998] 612 final/ n° E 1182),

PAR M.  Gaëtan GORCE,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Travail.

SOMMAIRE

INTRODUCTION 5

I - LA MONTÉE EN PUISSANCE DE L'EUROPE SOCIALE AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES 7

A. - LA PRISE EN COMPTE PROGRESSIVE DE LA DIMENSION SOCIALE DANS LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE 7

B. - BILAN ET PERSPECTIVES 8

II - UNE DIRECTIVE SUSCEPTIBLE DE CONTRIBUER À LA NÉCESSAIRE LUTTE CONTRE LE DUMPING SOCIAL AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE 11

A. - LA GRANDE HÉTÉROGÉNÉITÉ DES SYSTÈMES SOCIAUX PRÉVALANT DANS LES DIVERS PAYS DE L'UNION EUROPÉENNE 11

B. - LA TENTATION DU DUMPING SOCIAL 11

III - PRÉSENTATION DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION 15

A. - LA PROPOSITION DE DIRECTIVE DU CONSEIL 15

B. - LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE 16

TRAVAUX DE LA COMMISSION 19

INTRODUCTION

La proposition de directive du Conseil établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne a été soumise par le Gouvernement à l'Assemblée nationale et au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution. Cette proposition de directive a été soumise à l'examen du Conseil d'Etat en décembre 1998. Elle a fait l'objet d'une proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale, déposée le 25 mai 2000. C'est cette proposition de résolution qui fait aujourd'hui l'objet d'un examen par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La proposition de directive (COM (1998) 612 final/ n° E 1182), qui vise à renforcer dans les pays de l'Union européenne les modalités d'information et de consultation des salariés, constitue notamment un moyen de combattre le phénomène de dumping social qui, si aucune mesure efficace n'était prise dans le cadre communautaire, risquerait de remettre en cause les conditions d'emploi de bon nombre de salariés notamment dans les pays ayant les systèmes de protection sociale les plus élaborés. Il convient naturellement d'éviter le nivellement par le bas auquel un dumping social non maîtrisé aboutirait mécaniquement. Les salariés doivent pouvoir intervenir en amont des prises de décision pour peser sur les choix stratégiques des entreprises et tenter ainsi d'éviter diverses mesures de restructuration, de compressions d'effectifs, de licenciements ou de suppressions d'activités. Tel est l'objet de la proposition de directive en discussion.

Avant d'en venir au dispositif de la proposition de directive ainsi qu'au commentaire de la proposition de résolution établie à ce propos par la délégation pour l'Union européenne (III), et de montrer que l'un des effets attendus de la directive proposée est de contribuer efficacement à la lutte contre diverses formes de dumping social au sein de l'espace communautaire (II), il convient de rappeler, dans un premier temps, les grandes étapes de la montée en puissance progressive de ce qu'il convient d'appeler l'Europe sociale. Cette proposition de directive s'inscrit en effet dans la lignée de différents textes sociaux d'importance adoptés depuis une dizaine d'années dans le cadre communautaire (I).

I - LA MONTÉE EN PUISSANCE DE L'EUROPE SOCIALE

AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES

Chacun peut faire le constat selon lequel les réformes communautaires avancent généralement beaucoup plus rapidement dans le domaine économique, pour lequel s'applique largement la règle de la majorité qualifiée, que dans le domaine social qui donne lieu à un mode de décision souvent plus complexe (influence de la règle de l'unanimité). Pourtant, les progrès de l'Europe sociale, dont la proposition de directive porte le témoignage, doivent être appréciés à leur juste valeur.

A. - LA PRISE EN COMPTE PROGRESSIVE DE LA DIMENSION SOCIALE DANS LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE

Il faut se souvenir que les grandes libertés économiques ont été placées initialement au c_ur de la construction européenne. En tant que tel, la sphère sociale n'a été prise en compte que tardivement par les instances communautaires et a longtemps été considérée comme un simple complément des politiques de libre concurrence et de libre circulation. On doit ici relever que les articles 48 et 51 du traité de Rome visaient uniquement à encourager la coordination des régimes de sécurité sociale afin de garantir la libre circulation des travailleurs. Il s'agissait en effet simplement de favoriser la mobilité des travailleurs qui ne sauraient pâtir de la perte de droits acquis lorsqu'ils décident de travailler dans un autre pays de l'Union européenne.

Les progrès de l'Europe sociale au cours des quinze dernières années, sous l'impulsion notamment de l'ancien président de la Commission, M. Jacques Delors, ont été significatifs.

L'Acte unique européen signé en 1986 et entré en vigueur en 1987 permit l'adoption à la majorité qualifiée de directives en vue de protéger la santé et la sécurité des travailleurs. C'est en décembre 1989, lors du Conseil européen de Strasbourg, que les chefs d'Etat et de gouvernement de onze Etats membres (les douze moins le Royaume-Uni qui s'abstint) adoptèrent sous la forme d'une déclaration la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux. Cette charte définit quelques grands principes en matière de libre circulation, d'emploi, de rémunération, de protection sociale, de négociation collective, de formation professionnelle et d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes.

Le traité de Maastricht signé en 1992 et entré en vigueur en 1993 a étendu les compétences de la Communauté en matière d'éducation, de jeunesse et de santé publique. Il a également permis au Conseil de statuer à la majorité qualifiée selon la procédure de coopération avec le Parlement européen dans les domaines de la santé et de la sécurité des travailleurs, des conditions de travail, d'information et de consultation des travailleurs ou encore d'égalité des chances et de traitement entre les hommes et les femmes.

Enfin, le traité d'Amsterdam signé en octobre 1997 et entré en vigueur le 1er mai 1999, a encore accru les compétences de l'Union européenne. Un nouveau titre (le titre VIII) est désormais consacré à l'emploi. Une stratégie coordonnée pour l'emploi est ainsi prévue et repose sur l'élaboration de lignes directrices devant être respectées par tous les Etats membres. Ces derniers ont pour mission de mettre en place des plans nationaux en cohérence avec des objectifs définis collectivement.

B. - BILAN ET PERSPECTIVES DE L'EUROPE SOCIALE

De ces modifications institutionnelles, il résulte que le bilan de l'Europe sociale est aujourd'hui plus satisfaisant. Depuis quelques années, plusieurs directives importantes ont ainsi pu être adoptées1. Elles ont par ailleurs fait l'objet de mesures de transposition dans la plupart des pays concernés. Ainsi, en juillet 1999, d'après les données diffusées par la commission européenne, 44 directives sur les 55 directives en vigueur à cette date étaient transposées dans l'ensemble des pays membres. Il faut relever que ce mouvement a été conforté par une association toujours plus étroite des partenaires sociaux européens. Ceux-ci sont parvenus à des accords sur le congé parental2 en 1995, sur le travail à temps partiel3 en 1997 ou plus récemment sur le travail à durée déterminée4 en 1999.

Quant aux perspectives de l'Europe sociale, elles sont contrastées selon les choix faits collectivement et individuellement par les Etats membres de l'Union européenne. Le Commissariat général au Plan a, dans son rapport de mai 1999 consacré à l'Europe sociale, défini quatre scénarios d'avenir possibles. Le premier est celui d'une « Europe sociale intégrée » marquée par une forte harmonisation juridique et une réelle implication des partenaires sociaux. Moins volontariste, la deuxième option correspond à une « Europe de solidarité dans la différence » qui implique la défense et la promotion de valeurs communes dans le domaine social. Le troisième scénario, celui d'une « Europe fractionnée », se caractériserait par une réticence des Etats à harmoniser leurs systèmes sociaux et par une faible mobilité des travailleurs. Enfin, le quatrième scénario, celui d'une « Europe sociale concurrentielle », donnerait la priorité à l'économique au détriment du social en favorisant la convergence vers le bas des modèles nationaux en matière de politique de l'emploi, des relations professionnelles et de rôle des syndicats.

Selon cette étude, les risques de récession économique et de régression sociale augmentent lorsque les relations entre Etats se développent sur un mode non-coopératif. Il est clair en effet que les dangers d'apparition de toutes les formes de dumping sont d'autant plus importants que le système est moins coopératif. La proposition de directive aujourd'hui en discussion constitue un exemple fort de volonté de coopération et facilitera grandement, lorsqu'elle sera transposée dans l'ensemble des droits nationaux des pays membres, l'indispensable lutte contre le dumping social.

II - UNE DIRECTIVE SUSCEPTIBLE DE CONTRIBUER À LA NÉCESSAIRE LUTTE CONTRE LE DUMPING SOCIAL

AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE

La question du dumping social au sein de l'espace communautaire renvoie fondamentalement au projet qui sous-tend la construction européenne : les Européens souhaitent-ils faire de l'Union européenne un espace d'échanges économiques ou bien aspirent-ils à créer un véritable espace de solidarité reposant notamment sur un modèle social fort ?

A. - LA GRANDE HÉTÉROGÉNÉITÉ DES SYSTÈMES SOCIAUX PRÉVALANT DANS LES DIVERS PAYS DE L'UNION EUROPÉENNE

Cette diversité est particulièrement notable dans trois domaines distincts : en matière de coût du travail, de réglementation du travail et enfin de rôle des partenaires sociaux. Quatre catégories de pays peuvent être distinguées. La première catégorie, parmi laquelle figurent le Royaume-Uni et l'Irlande, se caractérise par un coût du travail relativement peu élevé et une réglementation sociale plutôt souple. Une deuxième catégorie de pays est constituée par les pays scandinaves qui, avec un coût du travail relativement élevé, ne sont que très rarement responsables de cas de dumping social. Les pays méditerranéens, parmi lesquels se trouvent le Portugal, l'Espagne, la Grèce et l'Italie, forment une troisième catégorie de pays marqués à la fois par un coût de travail plus faible que dans le reste de l'Europe et par l'existence d'une économie parallèle relativement importante. Les pays de l'Europe continentale, dont la France, mais aussi l'Allemagne, le Benelux et l'Autriche, ont quant à eux mis en place des systèmes de protection sociale complets et élaborés qu'ils ont été amenés à assouplir quelque peu au cours de la période récente. En ce qui la concerne, la France, qui se caractérise par un niveau de cotisations et de protection sociales élevées, fait davantage figure de victime éventuelle du dumping social qu'elle ne saurait en être responsable.

B. - LA TENTATION DU DUMPING SOCIAL

Les tentations pour les entreprises comme pour les Etats de se doter d'avantages comparatifs le cas échéant au détriment des droits sociaux des salariés sont réelles. Peut ainsi apparaître une nouvelle forme de dumping revenant à remettre en cause les garanties sociales et salariales pour des motifs de compétitivité de court terme. La délocalisation de l'usine d'aspirateurs de l'entreprise Hoover5, la fermeture de l'établissement de Renault à Vilvorde6 constituent des exemples médiatisés de cas de dumping social. Dans le rapport n° 2423 intitulé « L'Union européenne face aux risques de dumping social »7, le dumping social est défini comme :

« toute pratique consistant, pour un Etat ou une entreprise, à violer, à contourner ou à dégrader, de façon plus ou moins délibérée, le droit social en vigueur - qu'il soit national, communautaire ou international - afin d'en tirer un avantage économique, notamment en termes de compétitivité. »

Il reste malaisé d'apprécier de façon tout à fait précise les effets réels de tels phénomènes en termes d'emplois. En effet on peut déplorer l'absence d'études permettant notamment d'évaluer le nombre des pertes d'emploi imputables directement à des pratiques de dumping social exercées par des Etats tiers ou des entreprises situées dans ces derniers. Il semble cependant que le phénomène de dumping social soit demeuré jusqu'à présent relativement marginal au sein de l'Union européenne, même si les politiques de modération salariale pratiquées dans certains pays - qui visent là où elles sont mises en _uvre à limiter la progression des revenus du travail par rapport au capital - constituent de fait des pratiques indirectes de dumping.

Le dumping social à proprement parler ne semble jouer que dans les secteurs à forte intensité de main-d'_uvre comme le textile, l'habillement, les métiers du cuir, le bâtiment, les chantiers navals, la filière bois, la restauration ou les transports routiers. Toutefois, trois grands facteurs pourraient aggraver le phénomène de dumping social dans les années à venir : l'accentuation de la libéralisation des échanges commerciaux, la réduction des marges de man_uvre en termes monétaires avec la mise en place de l'Euro8, enfin, l'entrée au sein de l'Union européenne des pays d'Europe centrale et orientale9.

Au sein de l'Union européenne, des initiatives ont fort heureusement déjà été prises. En mars 1998, une clause incitative a été adoptée dans le cadre du système de préférences généralisées (SPG) qui vise à faire bénéficier d'un bonus douanier les pays respectant les normes sociales fondamentales définies par l'OIT. Une nouvelle démarche volontariste de lutte contre tous les aspects du dumping social est néanmoins nécessaire. Parmi les mesures devant être prises dans le cadre des institutions communautaires figure l'adoption de la directive du Conseil établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté.

III - PRÉSENTATION DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Avant d'en venir à la proposition de résolution (n° 2424) adoptée par la délégation pour l'Union européenne, il convient de décrire les principaux traits de la proposition de directive elle-même.

A. - LA PROPOSITION DE DIRECTIVE DU CONSEIL

La proposition de directive comporte 10 articles. L'article 1er  établit le principe de la coopération entre les parties et prône la nécessaire prise en compte des intérêts de l'entreprise et de ceux des salariés. L'article 2 prévoit un seuil d'applicabilité pour les entreprises fixé à 50 salariés au moins, et donne certaines définitions importantes sur les notions de représentants des travailleurs, d'information et de consultation. L'article 3 ouvre une faculté : celle de permettre au sein de chaque pays la mise en _uvre des dispositions de la directive par la négociation entre les partenaires sociaux eux-mêmes. L'article 4 définit les sujets sur lesquels l'information et la consultation des salariés doivent porter. Ces sujets sont de trois ordres : les questions économiques et stratégiques, l'évolution de l'emploi au sein de l'entreprise et les mesures y afférentes, enfin, les décisions spécifiques concernant l'organisation du travail ainsi que les contrats de travail. L'article 5 régit le régime de confidentialité des informations fournies aux salariés et définit un droit de la rétention d'un certain nombre d'informations de la part de l'employeur. L'article 6 établit le régime de la protection des représentants des salariés.

L'article 7 traite des voies de recours visant à faire valoir les droits résultant de la directive. De même, il est prévu que les décisions intervenues en violation grave des obligations définies dans la directive ne produisent pas d'effets juridiques sur les contrats et les relations de travail en vigueur. Il faut noter qu'une telle disposition est sans précédent dans les directives communautaires en matière d'information et de consultation des salariés.

L'article 8 définit les rapports entre cette directive et d'autres directives portant sur les licenciements collectifs et les transferts d'entreprises (directives 98/59/CE, 77/187/CE et 94/45/CE). L'article 9 donne un délai de deux ans pour que les Etats membres assurent la transposition de la directive, ce qui constitue une disposition classique en ce domaine. Enfin, l'article 10 prévoit un réexamen des modalités d'application de la directive par la Commission en consultation avec les Etats membres et les partenaires sociaux.

B. - LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

L'exposé des motifs de la proposition de résolution met l'accent sur quatre points principaux :

- la nécessité de garantir une information et une consultation régulières des salariés qui doivent être mieux associés à la vie de leur entreprise ;

- les avantages liés à un dialogue social de qualité au sein des entreprises, ce qui constitue un moyen efficace de combattre « certains inconvénients de la mondialisation, tels que les délocalisations, les restructurations ou les fusions d'entreprises qui ne tiennent pas suffisamment compte des conséquences sociales négatives qu'elles entraînent »;

- les efforts déjà réalisés par l'Union européenne dans la voie d'un renforcement des relations sociales ;

- le fait que cette réglementation communautaire demeure, malgré certaines avancées, encore insuffisante pour permettre une réelle information des salariés bien en amont des prises de décision pouvant avoir un impact direct sur leurs conditions d'emploi.

La proposition de résolution comporte ensuite un article unique comprenant sept considérants et un dispositif dont l'objet est de demander au Gouvernement d'obtenir certaines améliorations du dispositif de la proposition de directive afin de rendre ce texte encore plus efficace et opérationnel. Les demandes adressées au Gouvernement dans la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne sont au nombre de quatre.

- La première demande consiste à étendre le dispositif prévu par la proposition de directive aux entreprises de vingt salariés et plus, alors que si la directive était adoptée par le Conseil dans sa version actuelle, elle ne s'appliquerait qu'aux entreprises de cinquante salariés et plus. Or, comme la proposition de résolution de la délégation le note dans son quatrième considérant, le seuil de 50 salariés envisagé reviendrait, selon la Commission elle-même, à soumettre seulement 3 % des entreprises de l'Union européenne au dispositif proposé.

- La deuxième demande tend à élargir le champ de l'information et de la consultation des salariés qui doivent porter sur des éléments essentiels tels que « la situation et l'évolution prévisible des rémunérations, des conditions de travail - notamment en matière d'hygiène et de sécurité - de l'aménagement du travail, de la formation, de la promotion professionnelle, de la parité entre les hommes et les femmes et de l'association des salariés aux résultats de l'entreprise. »

- La troisième demande vise à faire en sorte que les Etats prennent des mesures équivalentes pour les administrations publiques. Selon le sixième considérant de la proposition de résolution de la délégation, il s'agit là de « motifs d'équité ».

- La dernière demande a pour but de prévoir une évaluation par des organismes indépendants du dispositif mis en place par la directive dans les cinq ans suivant son entrée en vigueur. Dans son septième et dernier considérant, la proposition de résolution de la délégation fait état d'une volonté de confier cette mission d'expertise à des institutions indépendantes « de préférence à un simple examen par la Commission », jugé sans doute trop succint ou susceptible de manquer de recul voire de faire preuve de partialité dans l'analyse.

Il apparaît que les quatre demandes énoncées par la proposition de résolution et adressées au Gouvernement répondent à un souci de transparence accrue, d'équité entre secteur privé et secteur public et de recherche de la plus grande objectivité possible dans la phase de l'évaluation. Ces impératifs paraissent en effet devoir être mis en avant afin d'obtenir du Gouvernement qu'il influence dans ces directions les discussions au sein du Conseil au moment de l'adoption du texte définitif de la directive.

Un dernier point - qui lui ne figure pas dans la proposition de résolution adoptée par la délégation pour l'Union européenne - mériterait d'être évoqué afin d'attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessité de renforcer l'efficacité du dispositif proposé. En effet, l'article 5 de la proposition de directive dispose que les Etats membres « prévoient que, dans des cas spécifiques et dans les conditions et limites fixées par les législations nationales, l'employeur n'est pas obligé de communiquer des informations ou de procéder à des consultations lorsque leur nature est telle que, selon des critères objectifs, elles entraveraient gravement le fonctionnement de l'entreprise ou porteraient préjudice à celle-ci. »

Il serait opportun de demander au Gouvernement à ce que les termes de l'article 5, particulièrement vagues en l'état, soient davantage précisés dans la version définitive de la directive pour éviter que cette disposition ne vide de sa substance l'objectif même de droit à la transparence poursuivi par la directive.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné la proposition de résolution sur la proposition de directive du Conseil établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne au cours de sa réunion du mercredi 28 juin 2000.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur et la présentation par ce dernier d'un amendement à la proposition de résolution déposée par la délégation pour l'Union européene.

Le président Jean Le Garrec a souligné l'intérêt et l'importance du thème traité par la directive. Le problème de l'information de la consultation des salariés est cruciale et se pose d'ailleurs avec une acuité particulière dans les entreprises employant moins de cinquante salariés.

M. Jean Rouger s'est demandé, au sujet de l'amendement du rapporteur, si dans certains cas les informations ne pourraient pas être fournies aux représentants syndicaux sous réserve qu'elles restent confidentielles.

M. Bernard Outin a fait part de ses craintes de voir le principe de confidentialité brandi par certains employeurs susceptibles d'utiliser cette souplesse à des fins de manipulation des représentants des salariés.

Mme Muguette Jacquaint a estimé que la levée du secret s'imposait dans certains cas et que le fait de reconnaître de façon trop large le principe de la confidentialité risquait d'apparaître comme une marque de mépris à l'égard des organisations syndicales comme des salariés concernés.

Mme Gilberte Marin-Moscovitz a exprimé son souhait que l'information des salariés en général soit mieux assurée à l'avenir en notant combien il était important que des discussions entre partenaires sociaux puissent être organisées, par exemple, en amont de l'annonce de plans sociaux et de licenciements économiques.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur, a indiqué qu'il lui semblait difficile de rentrer trop dans le détail dans la rédaction de l'amendement proposé. Il convient de poser le principe selon lequel chaque législation nationale doit s'efforcer d'encadrer le plus possible les cas de recours au droit à la rétention d'informations afin d'éviter tout risque d'abus de la part des employeurs.

La commission a adopté l'amendement présenté par le rapporteur avant d'adopter la résolution ainsi modifiée.

En conséquence, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l'Assemblée nationale d'adopter la proposition de résolution dont le texte suit.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

SUR LA PROPOSITION DE DIRECTIVE DU CONSEIL ÉTABLISSANT

UN CADRE GÉNÉRAL RELATIF À L'INFORMATION ET À

LA CONSULTATION DES TRAVAILLEURS DANS LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

(COM [1998] 612 FINAL/ N° E 1182),

Article unique

L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la proposition de directive du Conseil établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne (COM [1998] 612 final / n° E 1182),

-  Considérant l'importance que présente l'information et la consultation des travailleurs en termes de transparence pour les salariés, d'association de ceux-ci aux décisions des entreprises - voire des administrations -, de dialogue social, de capacité à combattre les inconvénients liés aux délocalisations, restructurations ou fusions d'entreprises, et d'accroissement du niveau de qualification des salariés et de compétitivité des entreprises ;

-  Considérant que la réglementation communautaire demeure incomplète dans ce domaine, qu'elle n'assure pas une information suffisamment précoce des salariés pour toutes les décisions susceptibles d'avoir des effets directs sur leurs conditions d'emploi et qu'elle ne garantit pas que les violations du droit donnent lieu à des sanctions suffisamment dissuasives en la matière ;

-  Considérant que la proposition de directive susvisée offre un cadre général tendant à remédier à ces lacunes ;

-  Considérant, cependant, que le seuil de 50 salariés envisagé pour l'application de ce texte reviendrait, selon la Commission, à soumettre seulement 3 % des entreprises de l'Union européenne à ce dispositif ;

-  Considérant, par ailleurs, que l'information et la consultation devraient également porter sur des éléments aussi importants que la situation et l'évolution prévisible des rémunérations, des conditions de travail - notamment en matière d'hygiène et de sécurité -, de l'aménagement du travail, de la formation et de la promotion professionnelles ;

-  Considérant, en outre, qu'on gagnerait, ne serait-ce que pour des motifs d'équité, que ce dispositif ne bénéficie pas seulement aux entreprises, mais donne lieu à des mesures équivalentes pour les agents des administrations publiques ;

-  Considérant, enfin, que l'importance du dispositif proposé justifierait, de préférence à un simple examen par la Commission, une évaluation de son application par un ou plusieurs organismes indépendants dans les cinq ans suivant son entrée en vigueur ;

1.  Approuve la proposition de directive susvisée sous les réserves suivantes ;

2.  Demande au Gouvernement d'obtenir que :

-  le dispositif d'information et de consultation envisagé s'applique à un nombre plus important d'entreprises et, si possible, à celles d'au moins 20 salariés, plutôt qu'à celles d'au moins 50 travailleurs ;

-  l'information et la consultation concernent la situation et l'évolution prévisible des rémunérations, des conditions de travail - notamment en matière d'hygiène et de sécurité -, de l'aménagement du travail, de la formation, de la promotion professionnelle, de la parité entre les hommes et les femmes et de l'association des salariés aux résultats des entreprises ;

-  les situations et les cas dans lesquels les employeurs peuvent ne pas communiquer certaines informations ou ne pas procéder à des consultations des salariés soient précisés afin que le droit reconnu à l'employeur à la rétention des informations et au non-respect des procédures de consultation ne soit invocable que dans des circonstances bien définies et pour des motifs véritablement justifiés ;

-  le dispositif prévoie que les Etats membres devront prendre des mesures équivalentes pour les administrations publiques ;

-  le texte donne lieu à une évaluation de son application par un ou plusieurs organismes indépendants dans les cinq ans suivant son entrée en vigueur, plutôt qu'un simple examen par la Commission.

* * *

2522 - Rapport de M. Gorce sur la proposition de directive du Conseil établissant un cadre général relatif à l'information et à la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne (affaires culturelles)

1 Exemples : la directive sur l'aménagement du temps de travail (en 1993) ou sur le comité d'entreprise européen (en 1994).

2 Directive 94/34/CE du Conseil du 3 juin 1996 concernant l'accord-cadre sur le congé parental conclu par l'UNICE, le CEEP et la CES.

3 Directive 97/81/CE du Conseil du 15 décembre 1997 concernant l'accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l'UNICE, le CEEP et la CES.

4 Directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu entre l'UNICE, la CEEP et la CES.

5 Cette entreprise de Longvie, en Bourgogne, a été délocalisée en Ecosse, ce qui a entraîné la suppression de six cents emplois en France.

6 Cette fermeture d'établissement en 1997 a donné lieu à une mobilisation syndicale en France et en Belgique (cf manifestations à Bruxelles le 16 mars 1997 qui réunit des salariés français et belges).

7 Rapporteur : M. Gaëtan Gorce

8 L'instauration du marché unique et de l'Euro est de nature à déplacer le jeu de la concurrence entre les Etats sur le terrain social, accroissant le risque que la protection sociale soit considérée comme une variable d'ajustement de la politique économique.

9 D'après le rapport n° 2423 établi par M. Gaëtan Gorce déjà cité : « l'Union européenne face aux risques de dumping social », le processus d'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale est susceptible d'exacerber les risques de dumping social notamment en provenance de pays comme la Bulgarie et la Roumanie et dans une mesure plus faible de pays comme la Pologne ou la Hongrie. Il est certain que les pays à faible protection sociale dans les industries traditionnelles à forte intensité de main d'_uvre exercent une concurrence de plus en plus manifeste. Depuis la chute du mur de Berlin, certaines entreprises des pays de l'Union européenne - par exemple dans le secteur du bâtiment - ont eu à pâtir des bas salaires pratiqués dans les pays d'Europe centrale et orientale.