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le 7 juin 2001

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N° 3095

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 mai 2001.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES (1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 3001) de M. DIDIER BOULAUD, RAPPORTEUR DE LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE, sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'action des États membres en matière d'exigences de service public et à l'attribution de contrats de service public dans le domaine des transports de voyageurs par chemin de fer, par route et par voie navigable (COM (00) 7 final du 26 juillet 2000 / E 1587),

PAR M. JEAN-PIERRE BALDUYCK,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Transports.

La Commission de la production et des échanges est composée de : M. André Lajoinie, président ; M. Jean-Paul Charié, M. Jean-Pierre Defontaine, M. Pierre Ducout, M. Jean Proriol, vice-présidents ; M. Christian Jacob, M. Pierre Micaux, M. Daniel Paul, M. Patrick Rimbert, secrétaires ; M. Jean-Pierre Abelin, M. Yvon Abiven, M. Jean-Claude Abrioux, M. Stéphane Alaize, M. Damien Alary, M. André Angot, M. François Asensi, M. Jean-Marie Aubron, M. Pierre Aubry, M. Jean Auclair, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, M. Jean-Pierre Balduyck, M. Jacques Bascou, Mme Sylvia Bassot, M. Christian Bataille, M. Léon Bertrand, M. Jean Besson, M. Gilbert Biessy, M. Claude Billard, M. Claude Birraux, M. Jean-Marie Bockel, M. Jean-Claude Bois, M. Daniel Boisserie, M. Maxime Bono, M. Franck Borotra, M. Christian Bourquin, M. Patrick Braouezec, M. François Brottes, M. Vincent Burroni, M. Alain Cacheux, M. Dominique Caillaud, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Jean Charroppin, M. Jean-Claude Chazal, M. Daniel Chevallier, M. Gilles Cocquempot, M. Pierre Cohen, M. Alain Cousin, M. Yves Coussain, M. Jean-Michel Couve, M. Jean-Claude Daniel, M. Marc-Philippe Daubresse, M. Philippe Decaudin, Mme Monique Denise, M. Léonce Deprez, M. Jacques Desallangre, M. Éric Doligé, M. François Dosé, M. Marc Dumoulin, M. Dominique Dupilet, M. Philippe Duron, M. Jean-Claude Étienne, M. Alain Fabre-Pujol, M. Albert Facon, M. Alain Ferry, M. Jean-Jacques Filleul, M. Jacques Fleury, M. Nicolas Forissier, M. Jean-Louis Fousseret, M. Claude Gaillard, M. Robert Galley, M. Claude Gatignol, M. André Godin, M. Alain Gouriou, M. Hubert Grimault, M. Michel Grégoire, M. Lucien Guichon, M. Gérard Hamel, M. Patrick Herr, M. Francis Hillmeyer, M. Claude Hoarau, M. Robert Honde, M. Claude Jacquot, Mme Janine Jambu, M. Aimé Kergueris, M. Jean Launay, Mme Jacqueline Lazard, M. Thierry Lazaro, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Jacques Le Nay, M. Patrick Lemasle, M. Jean-Claude Lemoine, M. Jean-Claude Lenoir, M. Arnaud Lepercq, M. René Leroux, M. Jean-Claude Leroy, M. Roger Lestas, M. Félix Leyzour, M. Guy Malandain, M. Jean-Michel Marchand, M. Daniel Marcovitch, M. Didier Marie, M. Alain Marleix, M. Daniel Marsin, M. Philippe Martin, M. Jacques Masdeu-Arus, M. Marius Masse, M. Roland Metzinger, M. Roger Meï, M. Yvon Montané, M. Gabriel Montcharmont, M. Jean-Marie Morisset, M. Bernard Nayral, M. Jean-Marc Nudant, M. Jean-Paul Nunzi, M. Patrick Ollier, M. Joseph Parrenin, M. Paul Patriarche, M. Germinal Peiro, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, M. François Perrot, Mme Annette Peulvast-Bergeal, M. Serge Poignant, M. Bernard Pons, M. Jean Pontier, M. Jacques Pélissard, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Jean-Luc Reitzer, M. Gérard Revol, Mme Marie-Line Reynaud, M. Jean Rigaud, M. Jean Roatta, M. Jean-Claude Robert, M. Joël Sarlot, Mme Odile Saugues, M. François Sauvadet, M. Jean-Claude Thomas, M. Léon Vachet, M. Daniel Vachez, M. François Vannson, M. Michel Vergnier, M. Gérard Voisin, M. Roland Vuillaume.

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE :

Selon la Commission, seule la « concurrence régulée » permettrait de concilier le développement du marché émergent des transports publics communautaires et le maintien d'obligations de service public 7

I.- POUR LA COMMISSION, LE CADRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE EST AUJOURD'HUI DÉPASSÉ 7

A.- LA LÉGISLATION COMMUNAUTAIRE ACTUELLE SE LIMITE À ENCADRER LES AIDES FINANCIÈRES QUI INDEMNISENT LES OPÉRATEURS DE TRANSPORTS PUBLICS POUR LES OBLIGATIONS DE SERVICE PUBLIC QUI LEUR SONT IMPOSÉES 7

· Une législation très parcellaire 7

· Une législation qui considère comme intangible l'existence de marchés nationaux protégés 8

B.- L'OUVERTURE DES RÉSEAUX NATIONAUX À LA CONCURRENCE NÉCESSITE L'ACTUALISATION DU CADRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE POUR ASSURER UNE ÉGALITÉ DE TRAITEMENT DES OPÉRATEURS DE TRANSPORT TRANSNATIONAUX 8

· Le bilan de l'ouverture à la concurrence des marchés nationaux conduit à conclure que la concurrence régulée est le meilleur système 8

II.- LA CONCURRENCE RÉGULÉE OU L'OBLIGATION DE DÉLÉGUER LA  GESTION DES SERVICES PUBLICS DE TRANSPORTS 9

A.- LES PRINCIPAUX OBJECTIFS DE LA RÉFORME 9

B.- LA GÉNÉRALISATION DE LA CONTRACTUALISATION 10

C.- CE PROJET DE RÈGLEMENT INSTITUE UN « QUASI CONTRAT TYPE » POUR ENCADRER STRICTEMENT LES RELATIONS ENTRE AUTORITÉS COMPÉTENTES ET OPÉRATEURS 11

D.- LES POSSIBILITÉS DE DÉROGER À LA PROCÉDURE D'APPEL D'OFFRES SONT TRÈS LIMITÉES 14

DEUXIÈME PARTIE :

Un projet de réforme inacceptable 15

I.- LA COMMISSION IMPOSE SUBREPTICEMENT LA LIBÉRALISATION DU TRANSPORT FERROVIAIRE DE VOYAGEURS 15

A.- LA VIOLATION DE L'ACCORD POLITIQUE ISSU DU COMITÉ DE CONCILIATION SUR LE « PAQUET FERROVIAIRE » 15

B.- LE TRANSPORT FERROVIAIRE DE VOYAGEURS DOIT ÊTRE EXCLU DU CHAMP D'APPLICATION DU RÈGLEMENT 16

II.- LE PRINCIPE DE LA CONCURRENCE RÉGULÉE EST DIFFICILEMENT COMPATIBLE AVEC LE MAINTIEN DE RÉSEAUX DE TRANSPORTS INTÉGRÉS 16

A.- LE RISQUE DE DÉMANTÈLEMENT DES RÉSEAUX INTÉGRÉS DE TRANSPORTS 16

B.- LA RECONNAISSANCE DE LA SPÉCIFICITÉ DES RÉSEAUX INTÉGRÉS DE TRANSPORTS DANS LES GRANDES MÉTROPOLES 18

III.- LES ÉTATS MEMBRES SONT LIBRES DE DÉFINIR COMMENT GÉRER LEURS SERVICES PUBLICS DE TRANSPORTS 20

A.- LA RECONNAISSANCE DE LA GESTION DIRECTE 20

B.- L'EXCLUSION DES RÉGIES DU CHAMP D'APPLICATION DU RÈGLEMENT 20

IV.- DE NOMBREUSES IMPERFECTIONS DU TEXTE DOIVENT ÊTRE CORRIGÉES 21

A.- NÉCESSITÉ DE PRÉVOIR UNE FLEXIBILITÉ DE LA DURÉE DES CONTRATS 21

B.- ENVISAGER LE CAS DES APPELS D'OFFRES INFRUCTUEUX 21

C.- GARANTIR LES DROITS SOCIAUX DES PERSONNELS EN CAS DE CHANGEMENT D'OPÉRATEUR 21

CONCLUSION 22

EXAMEN EN COMMISSION 23

TEXTE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR
LA COMMISSION
25

MESDAMES, MESSIEURS,

La commission de la production et des échanges est saisie d'une proposition de résolution présentée par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne relative à la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'action des États membres en matière d'exigences de service public et à l'attribution de contrats de service public dans le domaine des transports de voyageurs par chemin de fer, par route et par voie navigable.

Partant du constat que onze des quinze États membres ont déjà partiellement ouvert leurs transports publics à la concurrence et que la fourniture de services de transports publics est assurée de plus en plus fréquemment par des entreprises de dimension européenne et non plus par des opérateurs nationaux, la Commission a souhaité harmoniser les conditions de passation des marchés de transports publics.

Mais loin de proposer seulement un texte encadrant les contrats de délégation de service public, la Commission impose une norme unique d'organisation des services publics de transport dite de la « concurrence régulée » qui contraint toutes les autorités publiques (états, collectivités locales, syndicats de transports...) à attribuer par le biais d'appels d'offres, des contrats de service public déléguant à des opérateurs publics ou privés les droits exclusifs d'exploiter un marché de transport, pour une durée uniforme de cinq ans.

Sans tenir compte des spécificités techniques du transport ferroviaire ou des réseaux intégrés de métro, la Commission entend imposer ce cadre juridique à l'ensemble des modes de transports publics de voyageurs alors que la construction et l'exploitation d'un réseau ferré de voyageurs n'a rien d'équivalent à celui d'un réseau d'autocars non urbains ou de métro intégré, ne serait-ce qu'au regard du financement des investissements d'infrastructures.

Votre rapporteur veut saluer la grande qualité du travail d'instruction de cette question, accompli en application de l'article 151-1 de notre règlement, par la délégation pour l'Union européenne et par son rapporteur, M. Didier Boulaud.

Il propose une brève analyse critique des propositions de la Commission européenne et souhaite souligner les multiples incohérences de ce projet de règlement.

Il veut d'ores et déjà insister sur plusieurs données qu'il croit essentielles :

*  les Etats membres ne peuvent accepter ce projet de règlement qui, sous prétexte d'assurer la libre prestation de services dans le domaine des transports, dénie aux États membres la liberté de définir les modalités de gestion des services d'intérêt économique général, alors que le Conseil européen de Nice des chefs d'État de l'Union européenne a tenu à rappeler dans sa déclaration sur les services d'intérêt général le principe de la liberté des États membres de définir les missions et les modes d'organisation des services d'intérêt général. Les États membres et les collectivités locales doivent pouvoir librement décider de gérer directement les transports publics ainsi que l'ensemble des services publics, la gestion déléguée ne devant pas être a priori considérée comme plus efficace que la gestion directe.

*  les Etats membres ne peuvent accepter ce projet de règlement qui contredit les termes de l'accord sur le paquet ferroviaire élaboré par le comité de conciliation Conseil européen-Parlement européen du 22 novembre 2000. Cet accord prévoyait de reporter à 2005 l'examen de la question de l'ouverture à la concurrence des liaisons ferroviaires de voyageurs ; or le projet de règlement intègre dans son champ d'application le transport ferroviaire de voyageurs, ce qui conduit à une libéralisation anticipée de ce secteur alors que seule la Grande-Bretagne a ouvert son transport ferroviaire national de voyageurs à la concurrence.

*  La Commission n'apporte aucune justification réelle à la nécessité de recourir au règlement plutôt qu'à une directive pour édicter des règles commune de mise en concurrence et d'accès non discriminatoire des entreprises aux délégations de services publics toutes les fois où les collectivités locales choisissent librement ce mode de gestion déléguée de leurs services publics. En imposant par ce projet de règlement un contrat type obligatoire à l'ensemble des autorités organisatrices de transport, la Commission viole le principe de subsidiarité car elle dessaisit les parlements nationaux de leurs prérogatives souveraines d'organisation des pouvoirs locaux. Manifestement, en proposant ce règlement, la Commission a enfreint la règle de proportionnalité en recourant au procédé juridique le plus contraignant du règlement alors qu'une directive aurait permis d'assurer une réelle transparence et concurrence entre opérateurs dans l'attribution des marchés de délégation de services publics de transports tout en tenant compte des spécificités nationales et locales de l'organisation des réseaux de transport.

PREMIÈRE PARTIE :

Selon la Commission, seule la « concurrence régulée » permettrait de concilier le développement du marché émergent des transports publics communautaires et le maintien d'obligations de service public

I.- POUR LA COMMISSION, LE CADRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE EST AUJOURD'HUI DÉPASSÉ

A.- LA LÉGISLATION COMMUNAUTAIRE ACTUELLE SE LIMITE À ENCADRER LES AIDES FINANCIÈRES QUI INDEMNISENT LES OPÉRATEURS DE TRANSPORTS PUBLICS POUR LES OBLIGATIONS DE SERVICE PUBLIC QUI LEUR SONT IMPOSÉES

· Une législation très parcellaire

Jusqu'à présent, la législation communautaire encadre le régime des aides accordées au titre de l'article 73 du traité. Celui-ci dispose que « sont compatibles avec le présent traité les aides qui répondent aux besoins de coordination des transports ou qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public ».

Les conditions dans lesquelles les servitudes visées par l'article 73 ouvrent droit à indemnisation ont été précisées par le règlement n° 1191/69 du Conseil du 26 juin 1969. C'est ainsi que ce texte permet aux autorités compétentes d'imposer des obligations de service public aux opérateurs en vue de garantir la fourniture de services de transports suffisants et de dédommager les opérateurs des frais encourus. Les indemnisations ainsi accordées n'étaient pas soumises aux procédures de notification définies à l'article 88 paragraphe 3 du traité, la Commission n'étant donc pas en mesure d'évaluer la proportionnalité des aides accordées.

Le règlement n° 1893/91 du 20 juin 1991 a modifié le texte de base en posant le principe que la conclusion de contrats de service public devenait le moyen normal pour atteindre l'objectif de fourniture de services de transports suffisants mais il ne fixait aucun formalisme pour la passation de ces marchés.

La réglementation communautaire ultérieure relative aux procédures de passation des marchés publics de services ne lèvera pas toutes les ambiguïtés et il apparaît qu'aujourd'hui les contrats de transport sous la forme de concessions ou de délégations de service public, dans le cadre de la « loi Sapin » pour la législation française, ne sont pas soumis aux directives communautaires sur les marchés publics, ce qui réduit beaucoup les exigences de transparence dans la procédure d'attribution de ces contrats.

· Une législation qui considère comme intangible l'existence de marchés nationaux protégés

La législation communautaire n'a jamais comporté de dispositions facilitant l'accès des marchés nationaux aux opérateurs de transport étrangers alors même que l'article 75 du traité de Rome faisait obligation aux institutions de la Communauté d'instaurer une politique commune des transports portant notamment sur « les conditions de l'admission des transporteurs non résidents aux transports nationaux dans un Etat membre ; ».

Cette carence de la législation communautaire devait d'ailleurs conduire la Cour de justice des communautés à condamner le Conseil le 22 mai 1985 pour son inaction. Dans cet arrêt, la Cour soulignait que « le transport international de marchandises et de personnes doit être ouvert à toutes les entreprises de la communauté et ne doit pas faire l'objet de discrimination en raison de la nationalité ou du lieu d'établissement du transporteur ».

Actuellement, la législation communautaire demeure très restrictive : lorsqu'un opérateur de transports souhaite fournir des services réguliers à l'étranger, il doit s'établir dans l'Etat membre concerné et participer aux procédures prévues par la législation nationale, sans avoir aucune garantie sur le caractère équitable de la mise en concurrence entre opérateurs domestiques et étrangers.

B.- L'OUVERTURE DES RÉSEAUX NATIONAUX À LA CONCURRENCE NÉCESSITE L'ACTUALISATION DU CADRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE POUR ASSURER UNE ÉGALITÉ DE TRAITEMENT DES OPÉRATEURS DE TRANSPORT TRANSNATIONAUX

· Le bilan de l'ouverture à la concurrence des marchés nationaux conduit à conclure que la concurrence régulée est le meilleur système

Onze des quinze Etats membres (1) ont édicté des dispositions destinées à ouvrir à la concurrence une partie du marché des autobus, des autocars ou du transport ferroviaire urbain. Cinq Etats ont pris des mesures analogues pour le chemin de fer (2).

Pour la Commission, l'un des aspects remarquables de cette ouverture réside dans l'émergence d'opérateurs transnationaux. Elle constitue même, à ses yeux, l'une des justifications de la généralisation de la procédure d'appel d'offres, laquelle est, comme on le verra, au c_ur du dispositif de la proposition de règlement. La Commission constate, ainsi que, au début de 2000, au moins neuf entreprises publiques et privées fournissaient des services de transport public dans plus d'un Etat membre, tandis que, dans quatre Etats membres - contre six en 1998 - il n'y aurait que des opérateurs nationaux.

Cette ouverture s'est effectuée selon deux procédures :

- la concurrence régulée : les droits exclusifs accordés à l'opérateur sont valables pour une durée déterminée et sont octroyés par voie d'appel d'offres. Ce système est en vigueur en France depuis la loi d'orientation des transports intérieurs (LOTI) de 1982, sous le nom de gestion déléguée et s'applique, en dehors de l'Ile-de-France au transport de voyageurs par route. Dans les autres Etats membres, il peut s'appliquer aux transports par autobus ou autocar - comme c'est le cas, par exemple en Espagne, en Suède et au Danemark - ou au transport ferroviaire en Grande-Bretagne notamment ;

- la déréglementation : elle se caractérise par l'absence de droits exclusifs. Il en est ainsi des transports par autobus ou autocar régionaux et interrégionaux en Grande-Bretagne, à l'exception de Londres.

Ces deux types de régulation s'opposent au régime du marché fermé. Dans un tel cas, les opérateurs sont protégés par des droits exclusifs et ne sont jamais confrontés à la concurrence. ce type de régulation trouve à s'appliquer, par exemple en France, au système d'organisation des transports en Ile-de-France (réseau RER et réseau métro et bus de la RATP) et, en province, aux régies. S'agissant du transport ferroviaire, c'est selon ce mode qu'il fonctionne dans plusieurs Etats membres.

Dressant un premier bilan de ce mouvement d'ouverture à la concurrence des transports publics, la Commission constate que les services déréglementés sont meilleur marché mais peu performants pour l'usager ; les marchés fermés peuvent offrir des services coordonnés de bonne qualité mais ils sont en moyenne plus onéreux. La concurrence régulée, quant à elle, permettrait, pour un coût raisonnable, de concilier le développement de la concurrence et les exigences du service public.

II.- LA CONCURRENCE RÉGULÉE OU L'OBLIGATION DE DÉLÉGUER LA GESTION DES SERVICES PUBLICS DE TRANSPORTS

A.- LES PRINCIPAUX OBJECTIFS DE LA RÉFORME

L'ouverture du marché communautaire des transports publics sur la base des législations nationales a conduit à l'application de procédures disparates et a créé une incertitude juridique quant aux droits des opérateurs et aux obligations des autorités compétentes. Ce projet de règlement vise donc à :

_  garantir que les opérateurs, notamment les opérateurs transnationaux, qui usent de leur droit d'établissement disposent de réelles possibilités d'accès au marché en mettant en place des procédures d'octroi d'indemnisations financières et de droits exclusifs équitables, transparentes et non discriminatoires.

Afin de garantir l'application du principe de non discrimination et l'égalité de traitement des opérateurs concurrents, il est indispensable de définir des procédures de base communes devant être respectées par les autorités compétentes lors de la conclusion de contrats de service public ou de la définition de critères minimaux applicables à l'exploitation des transports publics. Conformément aux principes de droit communautaire, il incombe aux autorités compétentes d'appliquer la reconnaissance mutuelle des normes techniques ainsi que la proportionnalité des critères de sélection en mettant en _uvre ces procédures. Pour respecter le principe de subsidiarité, ces procédures de base communes doivent permettre aux autorités compétentes des États membres de conclure des contrats de service public ou de définir des critères minimaux applicables à l'exploitation des transports publics en tenant compte de la situation juridique ou des données factuelles présentes au niveau national ou régional ;

_  harmoniser les principaux aspects des procédures d'adjudication existant dans les différents Etats membres ;

_  renforcer la sécurité juridique des opérateurs et des autorités concernant le droit communautaire relatif aux aides d'Etat et aux droits exclusifs dans le secteur des transports.

Le règlement CEE 1191/69 disposait que les coûts d'exploitation et les recettes liés au respect des obligations de service public devaient faire l'objet d'une comptabilité séparée. Cette disposition doit être maintenue sous une forme modernisée pour permettre de connaître les coûts engendrés par les sujétions de service public et éviter que des indemnisations excessives ne soient utilisées pour fausser la concurrence par rapport à d'autres modes de transport.

Les indemnisations perçues par les opérateurs pour respecter les exigences de service public pourront être examinées au titre des règles communautaires relatives aux aides d'Etat. Il conviendra donc que la Communauté définisse, une fois que le règlement sera en vigueur, des critères permettant d'établir qu'une indemnisation n'est pas excessive.

B.- LA GÉNÉRALISATION DE LA CONTRACTUALISATION

La Commission propose par le mécanisme d'un nouveau règlement européen, qui devrait donc s'incorporer directement dans la législation nationale de chaque Etat membre, d'imposer comme seul instrument juridique pour la gestion des transports publics le contrat de service public.

L'article 5 du projet de règlement porte pour titre « utilisation obligatoire de contrats de service public » et l'article 1er traitant du champ d'application précise que le règlement s'applique à « l'exploitation nationale et internationale de services de transports publics de voyageurs par chemin de fer, par route et par voie navigable ».

Ce projet de règlement vise donc à donner le même cadre juridique à tous les modes de transports publics, hormis les transports aériens, mais il vise surtout à imposer la délégation de service public comme norme de gestion des services publics de transport.

En effet, la définition du contrat de service public donnée par l'article 3 du projet de règlement est extrêmement extensive. Le contrat de service public désigne « tout accord juridiquement contraignant conclu entre une autorité compétente et un opérateur en vue de remplir des exigences de service public ». Mais sont aussi assimilées au contrat les actes suivants :

- une décision juridiquement contraignante avec le consentement préalable de l'opérateur, par laquelle une autorité compétente confie à l'opérateur la fourniture de services ;

- une décision arrêtée par une autorité compétente visant à confier la fourniture de services à un opérateur faisant partie du même organisme public.

Ces deux assimilations au contrat de service public visent les régies, qu'elles soient gérées sous la forme de régies dites directes à simple autonomie financière, ou sous la forme d'établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) avec autonomie financière et personnalité morale distincte de la collectivité locale, autorité organisatrice de transport.

Ce projet de règlement aboutit donc à imposer à une collectivité locale l'organisation d'une procédure de mise en concurrence pour s'attribuer à elle-même un contrat ce qui conduit soit à vider de sens la procédure d'appel d'offres, soit à conclure un contrat avec soi même ! Cette procédure serait indispensable selon la Commission car « toute autre solution qui consisterait à ne pas appliquer ces dispositions aux cas où l'Etat agit en tant qu'entreprise ne garantirait pas l'application non discriminatoire du droit communautaire ».

La Commission n'explique pas comment une collectivité locale s'attribuant à elle même un contrat de fourniture de services de transport peut organiser une procédure loyale de mise en concurrence alors qu'elle est à la fois juge et partie pour apprécier la validité des offres des différents candidats à l'appel d'offres.

Le recours au procédé contractuel est aussi obligatoire pour « toute attribution de droits exclusifs. L'adoption de ce règlement conduirait la SNCF à devoir mettre en concurrence l'ensemble de son réseau (TER, Transilien et grandes lignes) et à organiser des procédures d'appels d'offres pour l'attribution de contrats de service public pour l'exploitation de ces lignes. De même la RATP verrait sa situation d'exploitant unique du réseau métropolitain remis en cause, le Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) devant lui aussi procéder à une mise en concurrence du réseau intégré du métro.

C.- CE PROJET DE RÈGLEMENT INSTITUE UN « QUASI CONTRAT TYPE » POUR ENCADRER STRICTEMENT LES RELATIONS ENTRE AUTORITÉS COMPÉTENTES ET OPÉRATEURS

La proposition de règlement n'apporte pas d'innovation majeure quant aux critères pour fixer le niveau d'indemnisation en compensation des obligations de service public mises à la charge des opérateurs. Elle n'encadre pas plus strictement le régime d'aides économiques ou de subventions accordées aux opérateurs par les autorités compétentes pour compenser les charges financières engendrées par des lignes déficitaires. Comme par le passé, ces aides n'ont pas à être notifiées à la Commission, l'article 11 du règlement ayant reconduit le régime d'exemption.

En revanche, le projet de règlement introduit des règles très tatillonnes relatives, par exemple, à la durée des contrats, aux informations que doivent fournir opérateurs et autorités compétentes au cours de la procédure d'attribution des marchés et au statut social du personnel en cas de changement d'opérateur.

_  La fixation de la durée des contrats

A la différence de la réglementation actuelle, qui confie au contrat le soin d'en déterminer la durée, la proposition la fixe à cinq ans. Cette durée peut toutefois être dépassée lorsque le contrat met certains éléments d'actifs à la charge de l'opérateur et que la période de récupération de ces éléments d'actif dépasse cinq ans.

Cette disposition a fait l'objet de critiques unanimes tant de la part des interlocuteurs du rapporteur que du Parlement européen.

Ce délai-couperet risque de porter atteinte au pouvoir de décision des autorités compétentes. Il représente une différence majeure avec le droit français et, en particulier, avec l'article 40 de la loi Sapin qui dispose que « les conventions de délégation de service public doivent être limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire ». Mais par ailleurs, comme l'exprime très bien a contrario ce même article 40, la fixation d'un délai uniforme est, sur le plan économique, d'autant plus arbitraire que la durée d'amortissement est nécessairement variable selon les investissements effectués.

_  L'obligation d'informer impartie aux opérateurs et aux autorités compétentes

D'un côté, les opérateurs sont tenus, chaque année, de fournir aux autorités compétentes des informations sur les services fournis, les tarifs pratiqués, le nombre de voyageurs transportés et les plaintes enregistrées. Or, là encore, on peut faire observer que cette disposition est en retrait par rapport au code général des collectivités territoriales. Celui-ci, en application de son article 1411-3, impose, en effet, à tous les délégataires de service public de fournir à l'autorité délégante un rapport annuel avant le 1er juin comportant notamment les comptes retraçant la totalité des opérations afférentes à l'exécution de la délégation de service public, une analyse de la qualité du service, assorti d'une annexe permettant à l'autorité délégante d'apprécier les conditions d'exécution du service public.

De l'autre, les autorités compétentes incluent dans les informations qu'elles fournissent aux opérateurs potentiels les informations dont elles disposent, dans le cadre des contrats de service public, sur les services fournis par les opérateurs, les tarifs pratiqués et le nombre de passagers transportés au cours des cinq dernières années.

_  La clause relative au maintien des droits sociaux en cas de changement de l'opérateur

L'article 9, paragraphe 3 de la proposition de règlement, prévoit que lorsqu'un contrat de service public comprend un droit exclusif, l'autorité compétente peut demander à l'opérateur sélectionné d'accorder au personnel les droits au personnel, dont il aurait bénéficié, s'il y avait eu un transfert au sens de la directive 77/187. Celle-ci prévoit que le cessionnaire, en cas de transfert d'entreprise, est tenu de respecter les conventions collectives qui liaient le cédant et ce, jusqu'à l'échéance de ces conventions ou jusqu'à ce qu'une nouvelle convention collective ait été conclue.

La disposition ainsi prévue par l'article 9, paragraphe 3, de la proposition de règlement instaurerait un mécanisme comparable à l'article L.122-12 de notre code du travail, encre que ce dernier impose au nouvel employeur l'obligation de maintenir les contrats de travail du personnel embauché antérieurement à la reprise de l'entreprise. Or, tel n'est pas le cas de la proposition de règlement, puisqu'elle prévoit seulement que le nouvel opérateur n'appliquera la directive 77/187 que si l'autorité compétente le lui demande. L'intervention de cette dernière n'est toutefois que facultative.

_  L'énumération de critères de qualité devant servir à évaluer les offres de fourniture de services

Le projet de règlement énumère un certain nombre de critères qui doivent être pris en considération pour départager les concurrents lors de l'attribution des marchés. Ces critères ne sont pas limitatifs, ni exhaustifs mais donnent l'impression que la Commission ne laisse aucune latitude aux autorités compétentes pour se déterminer.

Il est en revanche regrettable qu'aucun critère ne porte sur le sérieux des candidats en vue d'empêcher des offres émanant d'opérateurs qui n'ont aucune expérience de ce domaine et qui, pour s'y introduire, présentent des offres anormalement basses qu'ils ne pourront honorer.

_  Le caractère obligatoire de la procédure d'appel d'offres

La procédure d'appel d'offres est requise pour l'attribution de tout contrat de service public.

Le recours à cette procédure d'adjudication est la garantie pour la Commission que l'attribution du contrat se fera dans des conditions de transparence et de mise en concurrence loyale.

Un tel choix découle des principes posés dans le sixième et treizième considérants de la proposition de règlement. Le premier argument est que l'ouverture du marché sur la base des législations nationales a conduit à l'application de procédures disparates et a créé une incertitude juridique quant aux droits des opérateurs et aux obligations des autorités compétentes. Le deuxième argument se fonde sur l'idée que le recours aux appels à la concurrence pour ces contrats constituerait le moyen le plus efficace de bénéficier des avantages offerts par la concurrence en matière d'efficacité et d'innovation.

Il convient de regretter que la commission n'ait pas maintenu sa version initiale sur la procédure d'appel d'offres, car la rédaction antérieure reconnaissait la possibilité pour l'autorité compétente de ne retenir que certains soumissionnaires, voire de n'en sélectionner qu'un seul, en vue de négocier les termes finaux du contrat.

Il conviendrait de réintroduire la notion de négociation qui permet, une fois les offres déposées par les candidats, à l'autorité compétente de faire préciser au futur délégataire les modalités d'organisation du service de transport, pour l'adapter précisément aux besoins locaux.

Dans la procédure d'appel d'offres, cette marge de man_uvre n'est pas possible, car les caractéristiques du contrat doivent avoir été définies préalablement.

_  Un encadrement très strict de la procédure d'appel d'offres

Des règles procédurales très précises visent à garantir la transparence et un examen non discriminatoire des offres des candidats. Le règlement définit aussi très strictement la nature des informations que doivent fournir les autorités compétentes aux candidats (spécifications techniques définissant les exigences de service public, les informations statistiques sur les contrats antérieures avec tarifs pratiqués, passagers transportés...).

D.- LES POSSIBILITÉS DE DÉROGER À LA PROCÉDURE D'APPEL D'OFFRES SONT TRÈS LIMITÉES

Ces possibilités sont énumérées aux articles 7 et 8.

L'article 7 du règlement porte sur l'attribution directe de contrats de service public par l'autorité compétente pour les services de transport en site propre : chemin de fer, métro ou tramways. Deux types de justifications peuvent conduire à écarter la procédure d'appel d'offres : la nécessité de garantir le respect de normes de sécurité et la difficulté de maintenir une coordination entre l'opérateur et le gestionnaire de l'infrastructure sans générer des coûts supplémentaires importants.

Si ces conditions sont remplies, l'autorité compétente peut inclure les autobus faisant partie du réseau intégré dans le contrat de service public qui sera directement attribuée à l'opérateur.

Une autre possibilité est également prévue au cas où un opérateur souhaite fournir un service sur une ligne non encore desservie, mais l'attribution directe de la ligne ne doit donner lieu à aucune indemnisation et le contrat en cause ne pourra pas être renouvelé.

Les possibilités de dérogation posées par l'article 7 ne sont pas très clairement définies car il n'est pas précisé si l'attribution directe de contrat concerne une ligne spécifique ou un ensemble de lignes. De plus, la rédaction de cet article paraît trop complexe pour ne pas poser de problèmes d'interprétation ultérieurs.

S'agissant, en second lieu, de la dérogation prévue par l'article 8, elle ouvre à l'autorité compétente la possibilité d'accorder des droits exclusifs - pour une durée limitée et pour un service limité à une ligne - sur la base de la comparaison de la qualité des offres proposées par les transporteurs et, sous réserve qu'aucune subvention ne soit versée à l'opérateur.

La RATP a indiqué que c'était vers un dispositif comparable que s'orientait la réforme des conditions de fonctionnement des stadtwerke allemandes, organismes municipaux chargés de l'ensemble des services publics économiques locaux.

Alors que les stadtwerke accordent des droits exclusifs pour une durée illimitée, il est prévu que, au bout d'un certain délai, une consultation soit lancée afin de permettre aux concurrents de l'opérateur de présenter des offres alternatives, ce qui permet aux autorités compétentes de fonder leur choix sur une comparaison de la qualité du service.

Dans ce type de procédure, le critère du coût de l'exploitation n'est plus déterminant, l'essentiel étant d'apprécier la qualité et l'adaptabilité du réseau de transport proposé par le candidat. La RATP et l'Union des transports publics (UTP) ont d'ailleurs fait remarquer que cette procédure n'était intéressante que si elle visait un ensemble de lignes, car il est alors possible d'apprécier comment l'opérateur offre un service de qualité en opérant des péréquations entre des lignes de rentabilité différente qui fonctionnent en réseau.

DEUXIÈME PARTIE :

Un projet de réforme inacceptable

Le projet du règlement est, en l'état, inacceptable pour deux motifs politiques majeurs. Loin d'être un texte harmonisant simplement les procédures d'attribution des contrats de gestion déléguée, ce projet de règlement impose aux Etats membres une libéralisation du transport de voyageurs alors qu'aucun consensus démocratique ne s'est dégagé en ce sens. La généralisation du mécanisme de l'appel d'offres marque la fin de la gestion directe des services publics locaux et est une atteinte caractérisée au principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales.

I.- LA COMMISSION IMPOSE SUBREPTICEMENT LA LIBÉRALISATION DU TRANSPORT FERROVIAIRE DE VOYAGEURS

A.- LA VIOLATION DE L'ACCORD POLITIQUE ISSU DU COMITÉ DE CONCILIATION SUR LE « PAQUET FERROVIAIRE »

La Commission considère que la concurrence régulée doit s'appliquer à tous les modes de transport, y compris le transport ferroviaire de voyageurs malgré ses spécificités techniques et historiques, mais elle ne s'interroge jamais sur l'opportunité économique de démanteler un réseau fortement intégré ni sur le fait qu'aucun Etat membre, sauf la Grande-Bretagne, ne se soit orienté vers une ouverture à la concurrence du réseau ferroviaire national.

Le comportement de la Commission, organe qui ne dispose pas d'une légitimité démocratique, est particulièrement choquant car l'inclusion du transport ferroviaire dans le champ d'application de la concurrence régulée est une violation caractérisée d'un accord politique intervenu en novembre 2000 entre le Parlement européen et le Conseil dans le cadre du Comité de conciliation relatif au « Paquet ferroviaire ».

Rappelons que le Parlement européen avait adopté, en deuxième lecture de la directive modifiant la directive 91/440 relative au développement des chemins de fer communautaires, un amendement qui tendait à accorder un droit d'accès et de transit aux entreprises ferroviaires pour le transport international de voyageurs. Bien que l'objet principal du texte concerné ait été de poursuivre la libéralisation du transport de marchandises, le Parlement n'en avait pas moins saisi cette occasion pour adopter l'amendement précité, en se fondant sur le fait que l'article 10 de la directive 91/440 accorde aux regroupements internationaux - tels Thalys ou Eurostar - la possibilité de jouir d'un droit d'accès et de transit pour les services de transport internationaux de voyageurs. L'amendement adopté par le Parlement européen avait donc pour effet de supprimer la condition restrictive posée par la directive 91/440 et d'élargir l'octroi du droit d'accès et de transit à toutes les entreprises ferroviaires, mais dans le seul domaine du transport international de voyageurs.

Or, lors de la réunion, le 22 novembre 2000, du Comité de conciliation Conseil-Parlement européen sur le paquet ferroviaire, le Comité n'a pas retenu l'amendement adopté par le Parlement européen et a décidé de renvoyer en 2005 l'examen du dossier de la libéralisation du transport de voyageurs. Quant à Mme Loyola de Palacio, commissaire européenne chargée des transports et de l'énergie, elle a annoncé son intention de présenter des textes, dans ce sens, pour la fin de 2001.

B.- LE TRANSPORT FERROVIAIRE DE VOYAGEURS DOIT ÊTRE EXCLU DU CHAMP D'APPLICATION DU RÈGLEMENT

Votre rapporteur estime dès lors essentiel de modifier l'article premier du projet de règlement pour exclure le transport ferroviaire de voyageurs (lignes internationales, nationales et régionales) du champ d'application du règlement.

Il convient de souligner que plusieurs parlementaires européens ont l'intention de déposer des amendements visant à exclure les services ferroviaires du champ d'application de ce règlement, notamment le rapporteur pour avis au nom de la Commission juridique du marché intérieur, M. Philip Charles Bradbourn (doc PE 294-933, amendement n° 3 à l'article 1er).

Dans sa proposition de résolution, la délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale a clairement demandé au point 2 que le champ d'application de la proposition de règlement soit revu pour écarter le transport ferroviaire.

Mais, il paraît préférable à votre rapporteur d'indiquer plus précisément que l'expression « par chemin de fer » soit supprimé de l'article 1er du projet de règlement afin de lever toute ambiguïté. Il proposera dès lors un amendement en ce sens au point 2 de la résolution proposée par la délégation pour l'Union européenne.

En effet, lors des négociations entre Etats membres, la Commission risque de refuser de modifier l'article 1er du règlement relatif au champ d'application au motif que l'article 7 offre la possibilité aux autorités compétentes d'attribuer directement des contrats de service public dans le domaine du chemin de fer lorsque le respect des normes de sécurité n'a pu être assuré en recourant à la procédure d'appel d'offres. Compte tenu des difficultés d'interprétation que ne manquera pas de poser l'article 7, il semble cependant indispensable d'exclure clairement le transport ferroviaire de voyageurs de l'article 1er du projet de règlement.

II.- LE PRINCIPE DE LA CONCURRENCE RÉGULÉE EST DIFFICILEMENT COMPATIBLE AVEC LE MAINTIEN DE RÉSEAUX DE TRANSPORTS INTÉGRÉS

A.- LE RISQUE DE DÉMANTÈLEMENT DES RÉSEAUX INTÉGRÉS DE TRANSPORTS

La Commission n'a pas envisagé le problème spécifique des réseaux intégrés de transports notamment pour les réseaux ferroviaires ou les réseaux de métro. La SNCF comme la RATP ont souligné que le démantèlement des opérateurs intégrés est contraire aux objectifs de développement du transport public et de l'amélioration de la qualité du service.

Le découpage géographique des ensembles de lignes qui seraient soumis à appels d'offre, et qui est laissé à l'appréciation des autorités compétentes, conduirait nécessairement à une désintégration des services de transport et à des pertes importantes d'effet réseau. Or, remédier aux inconvénients de la mise en concurrence comme par exemple l'éclatement de l'information des clients entre les différents opérateurs, l'hétérogénéité des systèmes de tarification pratiqués, la difficulté accrue d'assurer un plan de transport national cohérent (avec, en particulier, des correspondances de qualité), générera des surcoûts non négligeables qui pèseront sur la collectivité.

L'ouverture à la concurrence, et le morcellement du réseau correspondant, risquent d'entraîner un abandon des lignes moins profitables, les opérateurs privés refusant de répondre aux appels d'offres concernant ces lignes. Dans cette situation, on imagine mal comment la prise en charge des services les moins rentables ne devrait pas être assurée par l'entreprise publique historique. La péréquation actuelle entre lignes rentables et lignes non rentables au sein de la SNCF serait donc dégradée, ce qui, sauf à envisager une fermeture de ligne, incohérente avec les exigences de service public, nécessiterait un financement public supérieur à celui consenti aujourd'hui par la collectivité et cantonnerait la SNCF à un rôle de fournisseur de services minimums.

Dans les grandes métropoles, les métros sont généralement gérés par des entreprises publiques non soumises à concurrence.

Ce type de transport présente certaines caractéristiques qui rendent impossible en pratique leur division en unités de plus petite taille (ligne par ligne, par exemple). Généralement il s'agit d'un réseau avec de nombreux croisements de lignes, contrairement au modèle radial avec des fréquences bien moindres qui caractérise les services ferrés pour les longues distances.

Dans ces conditions, la plus petite erreur peut avoir des conséquences non seulement sur la qualité du service mais également sur la sécurité des passagers : c'est la raison pour laquelle il n'y a pas de place pour l'erreur de jugement.

De telles conditions de fonctionnement demandent une coordination très étroite dans l'exploitation des stations, des lignes et des correspondances entre les lignes. Une telle coordination à la minute près est possible uniquement si le système de contrôle quotidien de l'exploitation est unique pour l'ensemble du réseau.

Les systèmes de métro complexes ne peuvent donc être mis en concurrence que d'un seul tenant. Si c'était effectivement le cas, le nouvel opérateur détiendrait rapidement un avantage incontestable en raison de sa connaissance des spécificités du système. Si le contrat était attribué à une compagnie privée, l'autorité de transport se trouverait alors face à un monopole privé qu'elle ne pourrait remettre en question (sauf au prix de graves perturbations du service) pour changer d'opérateur. Dans un tel contexte, il serait également extrêmement difficile pour l'autorité d'exercer une influence sur l'opérateur pour qu'il remplisse de nouvelles exigences de service (par exemple liées à la sécurité, à la qualité ou au niveau de service), ou alors à un coût prohibitif.

Dans le même temps, il serait bien sûr impossible à l'autorité d'intervenir par exemple pour changer la direction d'une entreprise peu performante. Il semble donc que la seule solution envisageable pour ces systèmes de métros consiste à garder des entités uniques, avec une tutelle des pouvoirs publics.

Le groupe des entreprises de transports publics des grandes métropoles qui a été consulté sur le projet de texte, a tenu à souligner qu'il convenait de prendre en compte « les réseaux complexes intégrés » de transport et non les seuls réseaux métropolitains. En effet, c'est toute la coordination des transports urbains qui risque d'être mise en péril par la mise en appels d'offres des contrats. Il serait par exemple dommageable que les autobus qui relient la banlieue de Paris aux terminus des lignes de métro ne soient plus gérés par le même opérateur.

Pour la qualité du réseau public de transport, il semble préférable que le même opérateur soit chargé des différents modes de transport (bus, métro, tramways), aussi bien pour l'information des passagers que pour l'adoption d'un système de tarification unique, pour la gestion des correspondances ou la sécurité des passagers.

Au plan économique, il convient en outre de souligner que les contraintes financières de l'exploitation d'un réseau d'autobus sont complémentaires avec celles d'un réseau métropolitain. Les métros et tramways présentent la caractéristique d'être coûteux en investissements, mais économiques à l'exploitation, alors que les bus demandent peu d'investissement, mais coûtent plus cher à l'exploitation. Il peut donc y avoir un intérêt économique à confier l'ensemble du réseau à un seul opérateur.

C'est pourquoi le règlement doit reconnaître que, sauf en cas de défaillance d'un opérateur, le démantèlement obligatoire d'un opérateur intégré est contraire aux objectifs de développement du transport public et d'amélioration de la qualité de service.

Le règlement ne doit pas avoir pour conséquence la fragmentation des systèmes de transport des grandes métropoles lorsqu'un tel résultat serait contraire à l'objectif du meilleur rapport coût/performance.

B.- LA RECONNAISSANCE DE LA SPÉCIFICITÉ DES RÉSEAUX INTÉGRÉS DE TRANSPORTS DANS LES GRANDES MÉTROPOLES

L'article 7 du projet de règlement, relatif à l'attribution directe de contrats de service public, devrait donc être amendé pour permettre aux autorités compétentes d'attribuer directement des contrats de service public, sans recourir à la procédure de l'appel d'offres pour maintenir des réseaux intégrés de transports performants. M. Erik Meijer, rapporteur au nom de la Commission de la politique régionale, des transports et du tourisme du Parlement européen propose d'amender le texte en ce sens car il estime que le respect des normes de sécurité ne peut être la seule justification pour une attribution de gré à gré des contrats de service public de transports. Il propose la rédaction suivante :

« Les autorités compétentes peuvent décider, au cas par cas et sous réserve des dispositions du paragraphe 3, d'attribuer directement des contrats de service public dans le domaine du chemin de fer, du métro ou du métro léger. Ceci s'applique en particulier aux cas dans lesquels la qualité recherchée par l'autorité compétente sur la base d'un document politique public, des expériences innovatrices ou les normes de sécurité nationales ou internationales du transport par chemin de fer ne peuvent être satisfaites d'aucune autre manière. »

Le groupe des entreprises de transport public des grandes métropoles a, quant à lui, proposé de modifier l'article 7-4 du projet de règlement afin de donner une définition plus précise de la notion de réseau intégré :

« Dans les grandes métropoles, quand la densité du réseau et la multiplicité des pôles d'échanges rendent les lignes de transport public à la fois complémentaires et interdépendantes, les autorités compétentes peuvent décider, au cas par cas, d'attribuer directement des contrats de service public pour des ensembles cohérents :

- soit de lignes ferroviaires,

- soit de lignes ferroviaires et de lignes d'autobus,

si cette mesure est nécessaire pour bénéficier pleinement des avantages de l'intégration des réseaux et de la maîtrise des coûts.

Ces avantages s'évaluent notamment en termes :

- de complémentarité de l'offre offerte au public,

- d'intégration tarifaire,

- d'obtention et de maintien de la sécurité ferroviaire et de la sécurité publique,

- de bonne gestion sur la durée des budgets et des équipements publics.

Les autorités compétentes qui souhaitent utiliser cette disposition informent leur Etat membre ou l'entité régionale compétente en se référant notamment à des indicateurs de performance appropriés. L'Etat membre ou l'entité compétente tient la Commission européenne informée des contrats conclus sur son territoire. »

Votre rapporteur souscrit tout à fait à l'idée de maintenir les réseaux de transports intégrés sans risquer de les démanteler par le recours aux procédures d'appels d'offres.

Dans sa proposition de résolution, la Délégation pour l'Union européenne a demandé au point 3 de supprimer la mention des réseaux intégrés de métro à l'article 7 mais cette rédaction est trop imprécise car il aurait fallu viser un des paragraphes de l'article 7 du projet de règlement.

Votre rapporteur suggère donc d'amender la résolution de la délégation en supprimant le point 3 de cette résolution et en proposant une nouvelle définition de la notion de réseau intégré (article 7-4 du projet de règlement). Il proposera pour la discussion en séance publique de cette résolution un projet d'amendement en ce sens.

III.- LES ÉTATS MEMBRES SONT LIBRES DE DÉFINIR COMMENT GÉRER LEURS SERVICES PUBLICS DE TRANSPORTS

A.- LA RECONNAISSANCE DE LA GESTION DIRECTE

La gestion directe des services publics de transports doit être reconnue comme un mode de gestion à part entière qui n'entre pas dans le champ d'application de ce projet de règlement.

La généralisation du mécanisme de l'appel d'offres retire toute latitude aux autorités compétentes pour définir leur propre politique de transports.

La Commission ne dispose d'aucune légitimité pour imposer la disparition pure et simple des régies municipales et locales qui n'introduisent aucune distorsion de concurrence puisque leur activité est circonscrite géographiquement. De plus, la gestion directe est, pour les zones rurales peu peuplées, la seule solution pour disposer d'un réseau de transport, aucun opérateur ne trouvant intérêt à se charger de l'exploitation de lignes peu rentables.

Dans son projet de rapport, M. Erik Meijer, rapporteur au fond de la commission de la politique régionale, des transports et du tourisme du Parlement européen, estime notamment que « le règlement ne peut créer une situation dans laquelle les autorités doivent renoncer au contrôle de leurs transports publics par l'appel à la concurrence entre les entreprises. Les autorités qui jugent meilleur marché, plus sûr ou plus efficace de continuer à gérer elles-mêmes le transport public ne sauraient être privées du droit de le faire ».

Le Groupement des autorités responsables de transport (GART) a soutenu une position analogue, estimant que le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales impliquait la reconnaissance du principe de subsidiarité et, par conséquent, la possibilité pour les collectivités territoriales de choisir librement le mode de gestion de leur service public, comme l'y autorise la LOTI (loi d'orientation sur les transports intérieurs).

B.- L'EXCLUSION DES RÉGIES DU CHAMP D'APPLICATION DU RÈGLEMENT

Votre rapporteur partage pleinement le point 1 de la résolution de la délégation pour l'Union européenne, affirmant qu'il « importe de consacrer très clairement non seulement le droit des autorités compétentes à choisir elles-mêmes le mode d'organisation et de gestion de leurs transports publics le mieux adapté à la situation locale et le plus efficace, d'une part, et, d'autre part, celui de pouvoir modifier leurs choix à l'expiration du contrat ». Il lui paraît cependant important de préciser dans le texte de cette résolution que le projet de règlement doit être modifié dans ses articles 3 et 6 pour que les régies de transport ne soient pas soumises aux procédures d'appel d'offres.

Cette exclusion des régies de la procédure d'appel d'offres permettra d'éviter de recourir à une incongruité juridique consistant à devoir passer un contrat avec soi-même.

Dans les négociations à venir, le Gouvernement français devrait demander à ce que le mode de gestion directe des services publics de transport soit reconnu explicitement comme une des modalités de gestion des services publics et figure en tant que tel au 2ème considérant du projet de règlement qui devrait être ainsi rédigé :

« Les autorités compétentes des Etats membres utilisent à cette fin quatre types de mécanisme : la gestion directe des services de transport, la conclusion de contrat de service public avec les opérateurs, l'octroi de droits exclusifs aux opérateurs et la définition de normes minimales en matière d'exploitation des transports publics. »

Par souci de cohérence, il faudrait aussi obtenir la suppression du 20ème considérant qui prévoit l'assujettissement des régies aux procédures d'appels d'offres.

IV.- DE NOMBREUSES IMPERFECTIONS DU TEXTE DOIVENT ÊTRE CORRIGÉES

Votre rapporteur ne reprendra pas l'analyse présentée par M. Didier Boulaud mais il tient à préciser que le projet de règlement devrait être modifié sur certains points.

A.- NÉCESSITÉ DE PRÉVOIR UNE FLEXIBILITÉ DE LA DURÉE DES CONTRATS

La durée des contrats ne peut être fixée uniformément à cinq ans mais doit être déterminée par l'autorité compétente compte tenu des prestations demandées à l'opérateur de la nature et du montant de l'investissement à réaliser.

B.- ENVISAGER LE CAS DES APPELS D'OFFRES INFRUCTUEUX

Le règlement n'envisage pas le cas de l'appel d'offres infructueux et n'indique pas clairement que l'autorité compétente est alors autorisée à recourir à la gestion directe. Le problème se pose en termes très semblables si un seul opérateur répond à l'appel d'offres, privant l'autorité de toute marge de négociation.

C.- GARANTIR LES DROITS SOCIAUX DES PERSONNELS EN CAS DE CHANGEMENT D'OPÉRATEUR

Il est nécessaire de préciser la rédaction de l'article 9-3 du projet de réglement relatif à la clause sociale destinée à garantir le maintien des droits sociaux du personnel en cas de changement de l'opérateur. Dans sa forme actuelle, cet article est notoirement insuffisant car la garantie du maintien des droits sociaux du personnel dépend du bon vouloir de l'autorité compétente qui peut l'imposer à l'opérateur attributaire du marché.

CONCLUSION

Ce projet de réforme est emblématique du déficit démocratique des institutions européennes. Adopté en l'état, ce règlement entraînerait une véritable révolution dans la gestion des services publics de transports en démantelant les réseaux intégrés ferroviaires et métropolitains et sonnerait le glas de la gestion directe des services publics locaux par les collectivités territoriales.

La France doit marquer son opposition de principe à un texte qui fait de la concurrence régulée ou, pour reprendre des termes plus connus du citoyen français, de « la gestion déléguée » l'unique mode de gestion des services publics de transports.

Il convient donc d'exclure clairement du champ d'application de ce texte le transport ferroviaire de voyageurs ainsi que les services publics de transports gérés directement par les autorités compétentes.

S'il se borne à édicter des règles communes de mise en concurrence et d'accès non discriminatoires des entreprises aux délégations de services publics, lorsque les collectivités locales ont choisi librement ce mode de gestion déléguée pour leurs services publics, ce texte retrouve sa légitimité. Il ne pourrait cependant être adopté sans corriger certaines graves lacunes.

Votre rapporteur vous propose donc d'adopter la résolution proposée par la délégation pour l'Union européenne mais il se réserve la possibilité, lorsque cette résolution sera discutée en séance publique à l'Assemblée nationale de proposer des amendements pour exclure le transport ferroviaire du champ d'application du règlement et pour affirmer qu'une forte intégration et coordination des réseaux de transports est un atout pour promouvoir un transport public de qualité. Mais avant de présenter ces amendements il a paru préférable d'attendre l'examen de ce texte par le Parlement européen qui devrait le modifier profondément, dans le sens voulu par le rapporteur.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 30 mai 2001, la commission de la production et des échanges a examiné sur le rapport de M. Jean-Pierre Balduyck, la proposition de résolution de M. Didier Boulaud sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'action des Etats membres en matière d'exigences de service public et à l'attribution de contrats de service public dans le domaine des transports de voyageurs par chemin de fer, par route et par voie navigable (COM (00) 7 final du 26 juillet 2000 / E 1587).

Après avoir présenté son rapport, M. Jean-Pierre Balduyck a conclu en invitant les commissaires à adopter la résolution proposée par la Délégation pour l'Union européenne mais il a précisé qu'il se réservait la possibilité, lorsque cette résolution sera discutée en séance publique, de proposer des amendements pour exclure le transport ferroviaire du champ d'application du règlement et pour affirmer la spécificité des réseaux intégrés de transports.

M. Pierre Ducout, président, a conclu en lisant la citation de M. Karel Van Miert, ancien commissaire européen chargé de la concurrence, figurant en conclusion du rapport de M. Didier Boulaud : « Le marché ne peut pas tout et, sans mener pour autant à l'élimination de toute concurrence, une intervention publique peut, dans certains cas, être nécessaire pour répondre à des besoins jugés essentiels ». Il a par ailleurs souligné l'importance de l'intercommunalité en matière de service public de transport.

Puis, la commission a adopté la proposition de résolution.

*

* *

En conséquence, la commission de la production et des échanges vous demande d'adopter la proposition de résolution dont le texte suit :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'action des Etats membres en matière d'exigences de service public et à l'attribution de contrats de service public dans le domaine des transports de voyageurs par chemin de fer, par route et par voie navigable

(COM (00) 7 final du 26 juillet 2000 / E 1587)

L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu le traité instituant la communauté européenne et notamment ses articles 5 et 16,

- Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'action des Etats membres en matière d'exigences de service public et à l'attribution de contrats de service public dans le domaine des transports de voyageurs par chemin de fer, par route et par voie navigable (COM (00) 7 final du 26 juillet 2000 / E 1587),

Considérant que la proposition de règlement susvisée a pour objet de développer la « concurrence régulée » dans le domaine de la fourniture de transports publics au moyen de la conclusion de contrats de service public d'une durée de cinq ans ;

Considérant que, à cette fin, cette même proposition prévoit d'harmoniser les principaux aspects des procédures d'adjudication existant dans les différents Etats membres, d'une part, et, d'autre part, de renforcer la sécurité juridique des opérateurs et des autorités en ce qui concerne les aides d'Etat et les droits exclusifs dans le secteur des transports ;

Considérant que l'obligation impartie aux autorités compétentes de fournir des services de transports mérite d'être approuvée ; que, dans cette perspective, les autorités des Etats membres doivent veiller très étroitement à ce que, dans un domaine se rapportant à l'exécution de services d'intérêt général visés à l'article 16 du traité instituant la Communauté européenne et dont la déclaration du Conseil européen de Nice des 7-9 décembre 2000 a rappelé le rôle irremplaçable, l'application du principe de « concurrence régulée » contribue réellement au développement des transports publics de voyageurs, notamment en ce qui concerne la qualité de la vie des citoyens et la protection de l'environnement ;

Considérant toutefois que l'obligation imposée aux autorités compétentes des Etats membres de soumettre les transports publics de voyageurs à la procédure de l'appel d'offres ne tient pas compte de l'existence de conceptions extrêmement variées en ce qui concerne le développement souhaitable de ce marché ; que ces autorités risquent de se voir retirer la possibilité de fixer les modalités selon lesquelles leurs transports peuvent être gérés ; que, dès lors, une telle obligation risque de porter atteinte au principe de la libre administration des collectivités territoriales des Etats membres consacré, en ce qui concerne la France, à l'article 72 de la Constitution ;

Considérant que l'inclusion, à l'article premier du transport de voyageurs par chemin de fer dans le champ d'application de la proposition de règlement susvisée, a pour effet de l'ouvrir subrepticement à la concurrence, alors que le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen ont, d'un commun accord, décidé de renvoyer en 2005 l'examen du dossier de la libéralisation de ce secteur, lors de la réunion, le 22 novembre 2000, du comité de conciliation sur le paquet ferroviaire ;

Considérant que le projet de règlement recèle le risque d'un démantèlement des réseaux intégrés de métro des grandes métropoles, lequel est contraire aux objectifs de développement du transport public et de l'amélioration de la qualité de service de ce dernier ;

Considérant que la fixation à cinq ans de la durée des contrats de service public par l'article 6 de la proposition de règlement limite le pouvoir de décision des autorités compétentes et ne permet ni d'amortir les investissements ni de développer les réseaux ;

Considérant que, s'il convient d'éviter que le pouvoir des autorités compétentes ne soit encadré étroitement par une liste exhaustive de critères de qualité, il est toutefois utile de compléter, de façon limitée, celle fixée à l'article 4 de la proposition de règlement ;

Considérant que la disposition prévue à l'article 9, paragraphe 2, autorisant une autorité compétente à ne pas attribuer de contrat de service public à un opérateur si cela amène ce dernier à détenir plus du quart du marché considéré de services de transports publics de voyageurs, risque d'avoir pour effet d'exclure les opérateurs historiques sur la base de critères, au surplus, imprécis ;

Considérant enfin que la disposition prévue à l'article 9, paragraphe 3, de la proposition de règlement n'offre pas de réelle garantie du maintien des droits sociaux des travailleurs en cas de changement de l'opérateur ;

1. Constate que la proposition de règlement susvisée n'est pas conforme au principe de subsidiarité tel qu'il est défini à l'article 5 du traité instituant la Communauté européenne ; que, en conséquence, il importe de consacrer très clairement non seulement le droit des autorités compétentes à choisir elles-mêmes le mode d'organisation et de gestion de leurs transports publics le mieux adapté à la situation locale et le plus efficace, d'une part, et, d'autre part, celui de pouvoir modifier leurs choix à l'expiration du contrat ;

2. Estime que l'ouverture du transport de voyageurs par chemin de fer à la concurrence, telle qu'elle résulte de l'article premier de la proposition de règlement, est contraire aux décisions du comité de conciliation du 22 novembre 2000 sur le paquet ferroviaire aux termes desquelles le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen ont renvoyé en 2005 l'examen de l'opportunité de la libéralisation de ce secteur ; que, dès lors, le champ d'application de la proposition de règlement doit être revu ;

3. Estime également nécessaire de supprimer la mention des réseaux intégrés de métro à l'article 7 ;

4. Juge nécessaire que les contrats de service public soient conclus dans l'objectif d'une qualité de service optimale, avec une tarification abordable pour tous les usagers, pour une durée qui ne soit plus fixée à cinq ans, mais par l'autorité compétente, en fonction des prestations demandées à l'opérateur ; que, lorsque les installations sont à la charge de ce dernier, il soit tenu compte de la nature et du montant de l'investissement à réaliser sans que dans ce cas, la durée puisse dépasser la durée normale d'amortissement des installations mises en _uvre ;

5. Estime opportune la mention, dans la liste des critères de qualité prévue à l'article 4, de celui tiré du sérieux des candidats ;

6. Juge nécessaire l'abrogation de la disposition prévue par l'article 9, paragraphe 2 ;

7. Juge indispensable que l'article 9, paragraphe 3, soit remplacé par une disposition, aux termes de laquelle s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel opérateur et le personnel de l'entreprise ;

8. Demande, en conséquence, aux autorités françaises de s'opposer à l'adoption de la proposition de règlement susvisée en l'état actuel de sa rédaction.

1 () Allemagne, Danemark, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède.

2 () Allemagne, Italie, Portugal, Royaume-Uni, Suède.