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le 19 novembre 1998

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N° 1191

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 novembre 1998.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE (n° 1151) DE M. NICOLAS SARKOZY ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, modifiant l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances,

PAR M. JEAN-LUC WARSMANN,

Député.

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Lois de finances.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM.  Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Vincent Burroni, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, Michel Crépeau, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Julien Dray, Renaud Dutreil, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Henri Nallet, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Gilbert Roseau, José Rossi, Frantz Taittinger, André Thien Ah Koon, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

INTRODUCTION 5

I. — LA RÉTROACTIVITÉ JURIDIQUE POSE MOINS DE PROBLÈMES QUE LA RÉTROACTIVITÉ ÉCONOMIQUE, LIÉE À L’INSTABILITÉ DES NORMES FISCALES 6

A. LA RÉTROACTIVITÉ DE LA LOI FISCALE EST ADMISE, QUOIQUE SOUMISE À DES LIMITES 6

1. Une rétroactivité acceptée 6

2. Une rétroactivité encadrée 8

a) Une série de bornes à respecter 9

b) La modeste portée pratique de ces conditions 12

c) Des limites potentielles issues du droit communautaire 12

B. UNE RÉTROACTIVITÉ “ AUX MULTIPLES VISAGES ” 13

1. La rétroactivité juridique 14

2. Une rétroactivité contestée : les modifications applicables à l’année en cours en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés 16

3. La rétroactivité économique : la loi s’appliquant pour l’avenir à des situations en cours 17

C. LE JUGE CONSTITUTIONNEL N’APPLIQUE PAS DE PRINCIPE DE SÉCURITÉ JURIDIQUE EN MATIÈRE FISCALE 18

1. Le refus d’un principe de “ confiance légitime ” en France 18

2. L’absence d’affirmation d’un principe de sécurité juridique 19

3. Une situation qui affaiblit la politique économique et la crédibilité de l’Etat 20

II. — LA RÉPONSE PROPOSÉE : UN RÉGIME SPÉCIFIQUE D’AVANTAGES FISCAUX PRÉSERVÉS DES REMISES EN CAUSE ANTICIPÉES 24

A. UNE SOLUTION ÉCARTÉE : PROHIBER LA RÉTROACTIVITÉ FISCALE 25

1. La rétroactivité est parfois utile, voire nécessaire 25

a) La correction de dispositifs défectueux, peu clairs ou affectés par des éléments nouveaux 26

b) Un “ fair announce ” à la française 27

2. Une prohibition générale encourrait un risque constitutionnel 29

3. L’interdiction de la rétroactivité juridique serait peu opérante 29

B. UN RÉGIME SPÉCIFIQUE D’AVANTAGES DURABLES PRÉVUS EN LOI DE FINANCES 30

1. Un support juridique appartenant au “ bloc de constitutionnalité ” 31

a) Un avantage en termes de cohérence économique 31

b) Un avantage au regard de la hiérarchie des normes 32

2. Un instrument nouveau de politique économique à la disposition du législateur 32

a) La notion d’avantage fiscal 33

b) Une pluriannualité à trois niveaux 34

C. UN CADRE JURIDIQUE À LA FOIS OPÉRATIONNEL ET CONSTITUTIONNEL 36

1. L’interdiction des modifications anticipées s’appliquerait aux lois de finances comme aux lois ordinaires 36

2. L’ordonnance organique fixerait les conditions des autorisations pluriannuelles de ressources 37

3. Le principe de dispositions fiscales pluriannuelles en loi de finances n’est pas contraire à la Constitution 37

DISCUSSION GÉNÉRALE 39

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 43

TABLEAU COMPARATIF 45

MESDAMES, MESSIEURS,

M. Nicolas Sarkozy ainsi que les présidents des trois groupes parlementaires de l’opposition ont déposé une proposition de loi organique modifiant l’ordonnance n° 59–2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

Conformément au douzième alinéa de l’article 36 de notre Règlement, cette proposition a été renvoyée à la commission des Lois, compétente en matière de lois organiques.

Son objet est de promouvoir le principe de sécurité juridique en matière fiscale. Elle propose de mettre à la disposition du législateur un régime spécifique d’avantages fiscaux à caractère pluriannuel, préservés des risques de modification pendant une durée expressément prévue. Il s’agirait ainsi d’apporter une réponse aux inconvénients économiques de la rétroactivité, et plus largement, de l’instabilité de nos lois fiscales.

La garantie de la sécurité juridique est une forte exigence de nos concitoyens. L’outil juridique proposé serait une innovation très attendue, mais pleinement conforme à notre ordre juridique et constitutionnel. Comme on le verra ci-après, les objections de nature juridique à cette proposition de loi organique ne résistent pas à l’analyse, et c’est bien pourquoi la critique s’est située sur le terrain de l’opportunité. Ce faisant, elle ne peut que démontrer le bien-fondé d’une proposition de loi organique qui, non seulement renforcerait l’Etat de droit, mais serait une incitation à la responsabilité du pouvoir politique.

Pour bien comprendre le dispositif proposé, il faut tenter de clarifier les termes du débat. Les atteintes les plus choquantes à la parole donnée de l’Etat sont moins le fait des lois fiscales juridiquement rétroactives que de celles qui, disposant pour l’avenir, bouleversent des situations en cours : on peut alors parler de rétroactivité économique.

I. — LA RÉTROACTIVITÉ JURIDIQUE POSE MOINS DE PROBLÈMES QUE LA RÉTROACTIVITÉ ÉCONOMIQUE, LIÉE À L’INSTABILITÉ DES NORMES FISCALES

A. LA RÉTROACTIVITÉ DE LA LOI FISCALE EST ADMISE, QUOIQUE SOUMISE À DES LIMITES

1. Une rétroactivité acceptée

L’article 2 du code civil dispose : “ La loi ne dispose que pour l’avenir : elle n’a point d’effet rétroactif. ” Ce texte est au nombre des dispositions qui sont demeurées inchangées depuis 1804, d’où son style lapidaire. Son inspiration a été expliquée en ces termes par Portalis devant le Corps législatif :

“ L’office de la loi est de régler l’avenir ; le passé n’est plus en son pouvoir. Partout où la rétroactivité serait admise, non seulement la sûreté n’existerait plus, mais son ombre même… que deviendrait donc la liberté civile, si le citoyen pouvait craindre qu’après coup il serait exposé au danger d’être recherché dans ses actions ou troublé dans ses droits acquis, par une loi postérieure ? ”

La référence à cette notion de droits acquis montre que, dans le code Napoléon, la non-rétroactivité n’est plus seulement conçue dans une optique de libertés publiques, aux fins d’assurer la protection contre les sanctions arbitraires. Quinze ans plus tôt, l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen s’inscrivait encore dans une perspective étroitement répressive : “ La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. ”

De portée générale, au contraire, l’article 2 du code civil est affaibli par sa place dans la hiérarchie des normes : c’est un texte législatif. Dès lors, le principe de non-rétroactivité des lois s’impose au juge, mais non au législateur.

La Cour de cassation considère que l’article 2 pose un principe d’ordre public. Elle n’admet qu’une exception : les lois interprétatives par nature, qui faisaient initialement l’objet d’un second alinéa de l’article, ultérieurement supprimé car considéré comme l’expression d’une évidence inutile. Quant au Conseil d’Etat, il voit dans la non-rétroactivité des actes réglementaires un principe général du droit. Selon une jurisprudence constante, il annule les actes administratifs rétroactifs (Conseil d’Etat, 25 juin 1948, Société du Journal “ L’Aurore ”).

En revanche, faute de mécanisme efficace de contrôle de constitutionnalité de la loi jusqu’en 1958, les juridictions françaises ont traditionnellement admis la rétroactivité de la loi, notamment en matière fiscale. La position du Conseil d’Etat a été exprimée par son commissaire du Gouvernement Pierre Laurent sur l’arrêt d’assemblée du 16 mars 1956, Garrigou : “ Mais si le Parlement a le privilège de pouvoir impunément donner un effet rétroactif à la loi, il n’en est pas de même du gouvernement à défaut d’une habilitation expresse et formelle du législateur. ” Ces derniers mots laissent transparaître une position pour le moins réservée des juridictions, notamment administratives, à l’égard des dispositions à caractère rétroactif.

La Ve République, en mettant en place un contrôle efficace de constitutionnalité, aurait pu inverser la problématique. Il aurait été concevable que le Conseil constitutionnel accorde valeur constitutionnelle au principe de non-rétroactivité de la loi, en le comptant au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, au sens du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Le doyen Roubier, auteur de référence en matière de conflits de lois dans le temps, ne déclarait-il pas avant les premières décisions du Conseil : “ le principe de la non-rétroactivité des lois est entré dans le patrimoine commun des peuples civilisés ” ?

Or le Conseil constitutionnel s’est résolument inscrit dans la continuité des principes antérieurs.

En 1969, interrogé sur la nature législative ou réglementaire de dispositions d’une loi de finances, il a jugé que l’une d’entre elles “ a un caractère rétroactif ; que, par suite, elle échappe à la compétence du pouvoir réglementaire ” (1). Mais c’est à partir de 1980, saisi principalement de lois fiscales, que le Conseil a eu l’occasion de poser les termes d’une jurisprudence très abondante. Un auteur a pu considérer que celle-ci, “ permissive à l’origine, est devenue plus restrictive à l’égard des mesures rétroactives ” (2). Elle paraît désormais constante.

Dans une première décision, relative à une loi de validation d’actes administratifs, le Conseil a considéré “ que, sauf en matière pénale, la loi peut comporter des dispositions rétroactives ” (3). Puis il a étendu cette jurisprudence aux lois rétroactives en matière fiscale, à propos de la loi de finances pour 1981. Se prononçant sur la méconnaissance alléguée du principe posé par l’article 8 de la Déclaration de 1789, il a considéré : “ une telle mesure n’est pas relative au domaine pénal, seul concerné par l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et n’est, dès lors, pas contraire au principe de non-rétroactivité posé par cet article ”.

Depuis lors, le Conseil a affiné la formulation du considérant de principe qu’il fait figurer systématiquement lorsqu’est invoquée la rétroactivité de dispositions législatives : “ considérant que le principe de non-rétroactivité des lois n’a valeur constitutionnelle, en vertu de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qu’en matière répressive ” (4).

Il a ajouté qu’en matière de loi de finances, le principe d’annualité budgétaire ne fait pas obstacle à la rétroactivité fiscale. Des sénateurs avaient fait valoir, à propos de la loi de finances pour 1985, sur la base de l’article 47 de la Constitution et des articles 2 et 4 de l’ordonnance organique de 1959, “ qu’une loi de finances de l’année ne saurait compléter les ressources de l’Etat au titre d’un exercice antérieur ”. Le Conseil constitutionnel a considéré “ qu’aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne s’oppose à ce qu’une disposition fiscale ait un caractère rétroactif ; que la circonstance qu’une telle disposition soit contenue dans une loi de finances ne saurait interdire une telle rétroactivité ; que les textes invoqués n’ont pas pour objet d’y faire obstacle ” (5).

Par conséquent, la non-rétroactivité posée par l’article 2 du code civil n’est qu’un principe général du droit, mais non un principe s’imposant au législateur, sauf en matière répressive où il a valeur constitutionnelle.

2. Une rétroactivité encadrée

Le Conseil constitutionnel entoure la rétroactivité de la loi fiscale de limites, posées avec constance depuis 1986. Il ne faut pas se dissimuler cependant que cette construction juridique n’est guère contraignante et ne conduit généralement pas le juge constitutionnel à censurer les dispositions incriminées. Faute de fondement constitutionnel, sa position est sensiblement moins restrictive que celle des juridictions administratives et judiciaires, extrêmement fermes dans l’application de l’article 2 du code civil.

a) Une série de bornes à respecter

C’est à propos de la loi de finances rectificative pour 1986 que la haute juridiction a défini les conditions qui s’imposent au législateur pour l’adoption de dispositions rétroactives, par un considérant de principe qui mérite d’être cité.

“ Considérant que, par exception aux dispositions de valeur législative de l’article 2 du code civil, le législateur peut, pour des raisons d’intérêt général, modifier rétroactivement les règles que l’administration fiscale et le juge de l’impôt ont pour mission d’appliquer ; que, toutefois, l’application rétroactive de la législation fiscale se heurte à une double limite ; que, d’une part, conformément au principe de non-rétroactivité des lois répressives posé par l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, elle ne saurait permettre aux autorités compétentes d’infliger des sanctions à des contribuables à raison d’agissements antérieurs à la publication des nouvelles dispositions qui ne tombaient pas également sous le coup de la loi ancienne ; que, d’autre part, l’application rétroactive de la loi fiscale ne saurait préjudicier aux contribuables dont les droits ont été reconnus par une décision de justice passée en force de chose jugée ; qu’en prenant en compte une telle situation, à l’exclusion de celle d’autres contribuables, y compris ceux d’entre eux qui ont engagé une action en justice sur laquelle il n’a pas été définitivement statué, le législateur s’est conformé au principe constitutionnel de l’indépendance des juridictions et n’a pas méconnu le principe d’égalité. ” (6)

On ne manquera pas de noter que le Conseil constitutionnel considère au préalable toute disposition rétroactive comme une exception, ce qui justifie que le pouvoir du législateur s’exerce dans certaines limites. Il rejoint ainsi le principe posé par le juge administratif : la rétroactivité ne se présume pas. En tenant compte des précisions apportées par la jurisprudence ultérieure, cinq limites peuvent être distinguées.

· Les lois rétroactives doivent respecter l’autorité des décisions de justice passées en force de chose jugée. A défaut, elles porteraient atteinte à l’indépendance des juridictions. Ont force de chose jugée les décisions du Conseil d’Etat, et les jugements des tribunaux administratifs si le délai d’appel est écoulé et qu’aucun appel n’a été intenté, comme l’a précisé le Gouvernement au cours des débats sur la loi de finances rectificative de fin d’année pour 1986.

La portée réelle de cette condition ne doit pas être exagérée : un contentieux fiscal peut être long, et une loi interprétative, à condition que sa rétroactivité soit clairement exprimée, peut s’appliquer aux procédures en cours.

· Le législateur doit respecter le principe de non-rétroactivité des lois répressives plus sévères. C’est la conséquence directe de l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il ne s’agit pas seulement des lois pénales : le Conseil a ainsi jugé dans sa décision du 30 décembre 1982 que l’interdiction “  s’étend nécessairement à toute sanction ayant le caractère d’une punition même si le législateur a cru devoir laisser le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire ”. Les sanctions et pénalités fiscales ne peuvent être infligées à titre rétroactif. En revanche, le Conseil constitutionnel est moins restrictif que le Conseil d’Etat. Il admet que les intérêts moratoires et autres mesures de compensation des retards dans le versement des impôts puissent être prévus rétroactivement par la loi. Le Conseil a par exemple refusé de censurer des sanctions prises par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, dans sa décision n° 89-248 DC du 17 janvier 1989.

· Le législateur semble ne pouvoir faire échec à une prescription, dès lors qu’elle est prévue par la loi et acquise lors de l’entrée en vigueur du nouveau dispositif. Toutefois, les termes de la décision n° 88-250 DC (“ au cas présent ”) montrent que la généralisation du principe ne peut être faite qu’avec prudence. Il n’est en effet évoqué qu’en matière répressive, comme corollaire de la non-rétroactivité des textes à caractère répressif.

· En quatrième lieu, une législation fiscale rétroactive ne doit pas avoir pour effet de “ priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ” (7). Cette règle, qui vaut aussi en matière de libertés publiques, a été étendue aux lois fiscales.

En ce domaine, outre le principe d’égalité, le droit de propriété est au premier rang des exigences de valeur constitutionnelle à garantir : la rétroactivité d’une loi fiscale ne doit pas avoir sur le patrimoine des contribuables des conséquences d’une ampleur telle qu’une atteinte serait portée à ce droit.

Le Conseil a jugé en 1989 que “ si la suppression d’une exonération fiscale a pour conséquence d’entraîner, pour certaines catégories de contribuables, une majoration d’imposition, il n’en résulte pas, au cas présent, une atteinte au droit de propriété qui serait contraire à la Constitution ” (8). En 1991, il a considéré que l’application d’une loi interprétative portant sur la perception de la T.V.A. “ ne saurait avoir pour conséquence, par ses effets sur le patrimoine des contribuables, de porter atteinte au droit de propriété et que toute autre interprétation serait contraire à la Constitution ”. Toujours est-il qu’aucune disposition fiscale n’a été censurée par le Conseil sur ce motif.

· Enfin, la décision précitée de 1986 posait une cinquième condition, qui paraît ne s’appliquer que pour les lois fiscales de validation : leur rétroactivité est subordonnée à l’existence d’une justification d’intérêt général. Celle-ci ne saurait se limiter au seul intérêt financier de l’Etat, comme l’a précisé la décision de 1986.

Cette jurisprudence a été considérée par un observateur aussi avisé que Bruno Genevois comme l’amorce d’un contrôle de proportionnalité (9). Toutefois, son domaine d’application est discuté. Cette condition est transposée de la jurisprudence du Conseil en matière de validation d’actes administratifs, et il se trouve que, la rétroactivité de lois fiscales n’étant généralement invoquée qu’à propos de dispositions de validation, la Haute juridiction n’a pas eu l’occasion de s’exprimer sur l’applicabilité de la condition d’intérêt général dans d’autres cas.

Après l’avoir mentionnée à diverses reprises, le Conseil, en 1995, a finalement annulé les dispositions d’un article validant les titres de perception répartissant entre les entreprises de transport aérien des dépenses de contrôle technique d’exploitation, après annulation par le Conseil d’Etat d’une redevance affectée au budget annexe de l’aviation civile, pour un montant de 240 millions de francs. Le Conseil constitutionnel a jugé que, “ eu égard aux sommes concernées, et aux conditions générales de l’équilibre financier du budget annexe de l’aviation civile, qui n’étaient pas susceptibles d’être affectées en l’espèce, la seule considération d’un intérêt financier lié à l’absence de remise en cause des titres de perception concernés ne constituait pas un motif d’intérêt général autorisant le législateur à faire obstacle aux effets d’une décision de justice déjà intervenue et, le cas échéant, d’autres à intervenir ” (10).

b) La modeste portée pratique de ces conditions

Le Conseil constitutionnel n’a eu finalement, depuis douze ans, à mettre en œuvre cette jurisprudence que dans un nombre limité de cas, en dépit de la multiplication des mesures fiscales de validation. Surtout, les annulations demeurent exceptionnelles. Dès lors, l’interprétation a contrario des décisions prête à discussion.

C’est ainsi que le Gouvernement estime que la jurisprudence sur les limites à la rétroactivité ne s’applique qu’en matière de validations législatives. Ses observations, en réponse à la saisine du 23 octobre 1997 relative à la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier, expriment cette lecture restrictive : “ s’il est exact que la jurisprudence du Conseil constitutionnel encadre dans une certaine mesure la possibilité, pour le législateur, de déroger au principe de non-rétroactivité des lois, c’est seulement dans la mesure où l’on est en présence de dispositions qui ont pour objet, fût-ce de manière implicite, d’opérer des validations législatives. Il faut entendre par là, selon la définition récemment donnée par un commentateur, toute intervention du législateur qui, par un texte modifiant rétroactivement l’état du droit, met des actes juridiques à l’abri d’un risque de nullité ou de péremption sans avoir à distinguer selon que ces actes relèvent de relations de droit privé ou de rapports de droit public ” (O. Schrameck, “ les validations législatives ”, AJDA 1996, p. 369) ” (11).

Par conséquent, la portée pratique des bornes posées par le juge constitutionnel à la rétroactivité fiscale demeure modeste, et son domaine d’application est incertain, faute d’un volume suffisant de décisions.

c) Des limites potentielles issues du droit communautaire

La pratique de la rétroactivité des lois fiscales est susceptible de rencontrer deux types de limites supplémentaires du fait du droit communautaire.

· Le législateur ne peut intervenir par des lois à caractère rétroactif ou interprétatif lorsque la position qu’elles tendent à valider est contraire au droit communautaire, après interprétation éventuelle de la Cour de justice des Communautés européennes. C’est la conséquence du principe de primauté du droit communautaire. Le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion d’écarter l’application d’un texte légal contraire au droit communautaire (arrêt du 17 mars 1993, Groupement pour le développement de la coiffure).

· La Cour de justice des Communautés européennes a admis dès 1969 (arrêt Portelange, 9 juillet 1969) que le principe général de sécurité juridique pouvait être invoqué devant elle. Depuis 1975, elle a même reconnu le principe de “ confiance légitime ”, qu’elle a appliqué à de nombreuses reprises, y compris en matière d’aides nationales (arrêt Commission c/R.F.A., 20 septembre 1990).

Dès lors, si dans l’avenir, les principes généraux du droit communautaire se voient reconnaître la nature de normes internationales, le juge national devra écarter l’application d’une loi contraire aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime, comme il le fait pour une loi contraire à un traité ou au droit européen dérivé. Cependant, nul ne peut dire si et quand se concrètisera ce retournement jurisprudentiel en puissance.

B. UNE RÉTROACTIVITÉ “ AUX MULTIPLES VISAGES ”

Des dispositions fiscales très diverses revêtent un caractère rétroactif, parmi lesquelles les mesures de validation sont les plus nombreuses. Dans une chronique récente, un auteur a pu parler d’ “ une rétroactivité aux multiples visages ” (12). Or certaines mesures, ressenties comme rétroactives par les contribuables, ne sont pas considérées comme telles par le juge, qui en admettra pleinement la validité. En effet, le critère juridique de la rétroactivité fiscale est la date du fait générateur de l’impôt. “ La jurisprudence du Conseil d’Etat est (…) parfaitement claire, une disposition n’est rétroactive que quand elle entre en vigueur après le fait générateur de l’impôt ” (13). Mais à côté de la rétroactivité en droit ou rétroactivité juridique, existe dans le domaine fiscal “ ce que l’on pourrait appeler faute de mieux une rétroactivité de fait ou rétroactivité économique qui est l’application de la loi à des actes antérieurs et qui est très fréquente ” (13). Pour qualifier cette situation, le rapport du Conseil des impôts de 1994 emploie le terme de texte rétrospectif : “ un texte peut être qualifié de rétrospectif, et non pas de rétroactif, lorsqu’il ne dispose que pour l’avenir mais s’applique à des situations nées antérieurement à la date de la prise d’effet et en cours de réalisation ” (14). Dans cette perspective, trois grands types de mesures juridiquement ou économiquement rétroactives peuvent être distinguées.

1. La rétroactivité juridique

· En réponse à des pratiques d’évasion fiscale, ou plus souvent encore, à des interprétations jurisprudentielles, les lois de validation ont d’abord été seulement à caractère interprétatif. La formule “ cette disposition présente un caractère interprétatif ” permettait à la loi de disposer pour le passé, sous couvert de confirmer seulement le sens initial d’une législation ambiguë. Toutefois, le juge considère avec circonspection les dispositions prétendues interprétatives. Pour reprendre la formule dégagée par la jurisprudence judiciaire (arrêt du 19 juin 1963 de la chambre sociale de la Cour de cassation), une loi n’est interprétative qu’autant qu’elle se borne à reconnaître sans rien innover un droit préexistant qu’une définition imparfaite a rendu susceptibles de controverse. En ce cas, elle ne porte pas atteinte au principe de sécurité juridique, mais le conforte.

Cependant, “ l’habit ne fait pas le moine ; si beaucoup de lois se disent “ interprétatives ”, peu le sont réellement ”, comme l’a relevé Jérôme Turot (15).

Le rapport Aicardi (16) a dénoncé, en juillet 1986, la multiplication des lois faussement interprétatives au cours des années 1980, n’ayant pour objet que de faire échec aux décisions du juge de l’impôt en permettant même à l’administration d’infliger des redressements, la seule limite étant la prescription. Les articles 107 et 108 de la loi de finances pour 1984 en fournissent un exemple : ils avaient pour objet de remédier à une malfaçon des règles relatives à la taxe sur les excédents de provisions des entreprises d’assurance figurant à l’article 14 de la loi de finances pour 1983.

Mais, si le Conseil d’Etat ne se reconnaît pas le pouvoir de contrôler le caractère véritablement interprétatif de la loi (avis Cofiroute du 7 juillet 1989), il l’interprète parfois de façon à la priver de tout effet rétroactif (arrêt Rubin du 23 juin 1986). Quant à la Cour de cassation, avant même d’en venir à contrôler la réalité du caractère interprétatif à partir de l’arrêt dame Pavie du 7 avril 1992, elle a refusé de reconnaître une portée rétroactive à la loi fiscale, s’il existe le moindre doute sur l’intention du législateur (arrêt Spencer Stuart, chambre commerciale, 6 juillet 1990).

C’est pourquoi, à partir de la loi de finances rectificative de fin d’année de 1986, une formulation plus directe est apparue dans les articles à visée rétroactive : “ les impositions dues au titre des années antérieures (…) sont réputées régulières sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée ”.

Réellement ou fictivement interprétative, la loi valide ainsi des impositions ou des doctrines administratives.

· Les validations peuvent aussi porter sur des dispositions législatives illégalement complétées ou modifiées lors de leur codification par décret dans le code général des impôts. Le juge administratif est alors vigilant sur le défaut de base légale des articles du code, comme l’a montré l’arrêt du Conseil d’Etat du 25 juillet 1986 qui appliquait l’article 3 de l’ordonnance du 7 janvier 1959 prévoyant que la taxe foncière sur les propriétés bâties est due par les propriétaires ou usufruitiers, et écartait les dispositions contraires introduites dans l’article 1400 du code général des impôts. La loi est alors parfois appelée à la rescousse aux fins de validation.

Mais la tendance à la codification directe des dispositions des lois fiscales raréfie ces pratiques. De même, les validations législatives de règlements à caractère fiscal tendent à être progressivement remplacées par des mesures législatives à caractère interprétatif. Tel fut le cas de l’article 17 de la loi du 30 décembre 1985, complétant l’article 1501 du code général des impôts par une disposition à caractère interprétatif destinée à valider le barème d’évaluation de la valeur locative des autoroutes pour les bases de taxe professionnelle, prévu par une instruction ministérielle privée de base légale par des arrêts du Conseil d’Etat du 18 juin 1984.

· La validation d’impositions ou d’actes de procédure jugés irréguliers par le juge a été admise à diverses reprises par le Conseil constitutionnel, et notamment dans son importante décision précitée n° 86-223 DC du 29 décembre 1986. Le Conseil, en l’occurrence, a marqué sa préférence pour une décision nouvelle à effet rétroactif plutôt que pour une validation : “ il ressort des travaux préparatoires (…) que le législateur a entendu, non pas valider en tous leurs éléments les impositions antérieurement établies, mais uniquement décider, avec effet rétroactif, que seront applicables (…) les règles d’évaluation ou d’exonération nouvellement définies ”.

Quelles que soient les dispositions juridiquement rétroactives sur lesquelles il a eu à se prononcer, le juge constitutionnel n’a, pour l’heure, pas donné corps à une différence de traitement entre les décisions relatives au contenu des droits des contribuables et celles relatives aux procédures suivies par les services fiscaux.

2. Une rétroactivité contestée : les modifications applicables à l’année en cours en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés

Depuis cinquante ans, la législation applicable en matière d’impôt sur le revenu est celle en vigueur au 31 décembre de l’année d’imposition tandis que, en matière d’impôt sur les sociétés et de bénéfices industriels et commerciaux, s’applique la loi en vigueur au 31 décembre ou à la clôture de l’exercice. Ce choix de technique fiscale résulte d’un décret du 9 décembre 1948 : auparavant, était applicable la loi en vigueur au 1er janvier.

Cette règle, différente de celle qui prévaut en matière d’impôts directs locaux, se déduit de l’article 12 du code général des impôts, pour l’impôt sur le revenu, et des articles 36 et 209 du même code pour l’impôt sur les sociétés et les bénéfices industriels et commerciaux. Le Conseil d’Etat a confirmé cette particularité (pour l’impôt sur le revenu : arrêts Dupont du 23 avril 1956 et du 5 janvier 1962 ; pour l’impôt sur les sociétés : arrêt du 15 novembre 1957). Celle-ci s’étend, au-delà de la législation, à l’ensemble de la doctrine administrative : les contribuables sont susceptibles, jusqu’au 31 décembre, de voir retirer une doctrine favorable (Conseil d’Etat, 4 juillet 1986, et 18 mars 1988, Firino Martel).

Comme l’a indiqué Jérôme Turot (17), “ pour certaine que soit cette règle, elle n’est pas à l’abri de toute critique. Le contribuable ignore, au moment où il accomplit l’acte générateur de revenu, quel sera le régime fiscal applicable (…). Cette ignorance dans laquelle entreprises et particuliers sont maintenus jusqu’aux derniers jours de l’année d’imposition, ce “suspens” fiscal pourrait-on dire, est assez étonnante en cette fin de XXe siècle, où la fiscalité est de plus en plus déterminante dans les comportements économiques, et où elle se veut incitative. Elle surprend en tout cas les fiscalistes étrangers, car cette fixation a posteriori des règles d’imposition semble une originalité française. ”

Pourtant, si “ fixation a posteriori ” il y a, cette technique n’est pas juridiquement rétroactive. Elle n’est que “ l’effet des règles classiques d’application de la loi fiscale dans le temps ”, comme l’admet le même auteur. Le fait générateur étant constitué par la clôture de la période de réalisation du revenu ou des profits imposables, la loi n’est, sauf rare dérogation, pas rétroactive, mais seulement d’application immédiate pour l’avenir. En dépit des tentatives d’interprétation a contrario, c’est-à-dire hautement conjecturales, d’une partie de la doctrine, le Conseil constitutionnel n’a encore jamais démenti cette interprétation, défendue avec constance par tous les gouvernements successifs.

On est donc ici dans le domaine de la rétroactivité économique. Chacun constate les inconvénients du système. L’on peut comprendre que, pour éviter un exode hors de nos frontières, l’article 16 du projet de loi de finances pour 1999 prévoit d’assujettir à compter du 9 septembre 1999 (jour de l’adoption du projet en Conseil des ministres) les contribuables transférant leur domicile hors de France à l’imposition de diverses plus-values. En revanche, lorsque la loi de finances pour 1998 réduit de moitié, de 90.000 F à 45.000 F, le plafond de la réduction d’impôt au titre des emplois de salarié à domicile, les contribuables concernés ont été légitimement choqués de ce qui leur est apparu comme un manquement à la parole donnée par l’Etat.

Il conviendrait de mettre à l’étude une solution à ce problème. Mais il relève d’un autre débat : la présente proposition de loi ne peut apporter que des réponses partielles, pour certains types déterminés d’avantages fiscaux.

3. La rétroactivité économique : la loi s’appliquant pour l’avenir à des situations en cours

Les mesures les plus mal ressenties sont économiquement rétroactives, ou encore rétrospectives, selon la terminologie du Conseil des impôts : ne disposant que pour l’avenir, elles modifient le traitement fiscal de situations – parfois contractuelles – en cours. L’abrogation anticipée d’une exonération ou d’un régime fiscal favorable, lorsqu’elle n’entraîne pas de rappel de taxe, n’est pas juridiquement rétroactive. Le Conseil constitutionnel ne la considère pas comme tel et a fortiori ne peut la censurer en l’absence d’autre grief.

· L’exemple emblématique est celui de l’article 14-I de la loi de finances pour 1984, qui a ramené de vingt-cinq à quinze ans la durée d’exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les immeubles antérieurs à 1973. La durée d’exonération avait été prise en compte dans le calcul économique des contribuables et cette mesure, quoique non rétroactive, était clairement une rupture de l’engagement de l’Etat sur une durée de vingt-cinq ans. Un observateur avait évoqué à l’époque “ la loi contre le droit ” (18).

· De façon comparable, la création d’un nouvel impôt établi sur des bases antérieures ne peut être considéré comme rétroactif. Tel avait été le cas des articles 3, 5, 6 et 7 de la première loi de finances rectificative pour 1981, qui avait créé à la charge des entreprises de divers secteurs quatre prélèvements exceptionnels assis sur des bases de 1980 : sur des bénéfices, sur des frais généraux déduits des bénéfices imposables, sur la moyenne de comptes créditeurs en banque et sur la variation du chiffre d’affaires de 1980.

En revanche, l’article 1er de la même loi, qui majorait de 25 % une part de l’impôt sur le revenu dû au titre de 1980, était bien rétroactif, puisque postérieur au 31 décembre 1980, date de l’acte générateur de l’impôt.

Comme le souligne Armel Kerrest, “ nous avons ici un exemple caractéristique du caractère formel de la notion de rétroactivité en matière fiscale. Si le gouvernement avait choisi de proposer au Parlement la création d’un nouvel impôt établi par référence à l’impôt payé en 1980, cette disposition n’aurait pas été rétroactive, mais simplement d’application immédiate, comme le sont les prélèvements exceptionnels prévus par les articles 3, 5, 6 et 7 ” (19).

Par conséquent, il apparaît que les situations les plus choquantes naissent de dispositions économiquement, mais non juridiquement rétroactives, et qu’en tout état de cause, la frontière entre ces deux notions, parfois très formelle, voire byzantine, ne peut qu’être mal comprise par les contribuables. Ce à quoi ils sont sensibles, ce sont les atteintes à la sécurité juridique.

C. LE JUGE CONSTITUTIONNEL N’APPLIQUE PAS DE PRINCIPE DE SÉCURITÉ JURIDIQUE EN MATIÈRE FISCALE

1. Le refus d’un principe de “ confiance légitime ” en France

Les juridictions européennes et la Cour constitutionnelle fédérale allemande admettent un principe de “ confiance légitime des citoyens dans la continuité de l’ordonnancement juridique ”.

En Allemagne, ce principe a pour effet de rendre inconstitutionnelles les lois économiquement rétroactives lorsqu’elles affectent un droit fondamental, comme le droit de propriété (voir encadré page 22). La Cour européenne des droits de l’homme manie ce principe avec souplesse, mais exige d’évidentes considérations d’intérêt général pour justifier des mesures fiscales à caractère rétroactif (voir sa décision du 23 octobre 1997).

Quant à la Cour de justice des Communautés européennes, elle a considéré dans ses arrêts CNTA du 14 mai 1975 et Töpfer du 3 mai 1978 que le principe de “ confiance légitime ” était au nombre des principes généraux inhérents à tout système de droit organisé, pouvant être invoqués devant elle.

Le Conseil constitutionnel a expressément refusé de s’engager dans cette voie. Il a jugé à diverses reprises “ qu’aucune norme de valeur constitutionnelle ne garantit un principe dit de “confiance légitime” ” (20) Le Conseil n’a probablement pas souhaité accorder une consécration constitutionnelle à un principe subjectif et susceptible de heurter les traditions juridiques françaises : que l’on songe à la jurisprudence constante des juridictions administratives, selon laquelle “ nul n’a le droit au maintien de la réglementation existante ”. Les principes généraux du droit communautaire ne lui étant pas opposables, rien ne l’oblige à revenir sur cette jurisprudence.

2. L’absence d’affirmation d’un principe de sécurité juridique

La notion de “ confiance légitime ” s’inscrit dans le cadre plus large du principe de sécurité juridique.

A la différence de certains de nos partenaires, comme l’Espagne, dont la Constitution en son article 9 mentionne l’exigence de sécurité juridique, aucun texte de niveau constitutionnel ne définit ce principe. Il est permis d’y voir une lacune de notre système juridique.

Le Conseil constitutionnel ne semble jamais avoir fondé ce principe sur l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui énonce que “ toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ”. Il en a seulement fait quelques usages, implicites ou plus directs.

Tentant de définir ce principe, Jean-Eric Schoettl a récemment considéré qu’ “ on peut y voir une exigence de fiabilité de l’environnement juridique, celle-ci tenant à la fois à la stabilité, à la lisibilité, à la conformité démocratique et à l’effectivité de la règle du droit (avec une insistance sur le premier de ces éléments) ” (21).

Le juge constitutionnel a reconnu valeur constitutionnelle à certaines acceptions particulières de la sécurité juridique :

—  la sûreté individuelle, protégée par l’article 66 de la Constitution et plusieurs articles de la déclaration de 1789 ;

—  le respect des situations légalement acquises dans le domaine de la liberté de communication (décision n° 84-181 DC des 10 et 11 octobre 1984) ;

—  le respect de la liberté contractuelle, évoquée dernièrement par le Conseil dans sa décision n° 98-401 DC, dans laquelle il considère que “ le législateur ne saurait porter à l’économie des conventions et des contrats légalement conclus une atteinte d’une gravité telle qu’elle méconnaisse manifestement la liberté découlant de l’article 4 de la Déclaration de 1789 ” (aux termes duquel la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui). Cette décision constitue une ouverture intéressante pour l’avenir, mais les problèmes de sécurité juridique en matière fiscale ne concernent pas seulement des situations contractuelles.

En outre, le juge constitutionnel fait un usage quelque peu ambigu de la notion de sécurité juridique. Dans sa décision de 1994 sur le droit de l’urbanisme (22), sans s’y référer explicitement, il en a fait la justification d’une mesure équivalant à une validation législative : le souci d’éviter des contentieux ultérieurs lui a paru représenter une préoccupation conforme à l’intérêt général.

3. Une situation qui affaiblit la politique économique et la crédibilité de l’Etat

En l’état actuel de la jurisprudence, le législateur peut donc à tout moment porter atteinte à la sécurité juridique des contribuables, soit en affectant l’économie de contrats en cours, soit en portant atteinte à des situations établies en fonction de dispositions fiscales à terme fixé par la loi ou considérées comme pérennes. Le plus surprenant est qu’il soit pleinement admis que soient remis en cause des dispositifs fiscaux incitatifs qui avaient été mis en place pour une durée déterminée afin de contribuer à la rationalité des décisions de moyen ou long terme des agents économiques.

Or “ l’établissement d’un impôt rétroactif est contraire à une liberté fondamentale, celle de pouvoir déterminer ses actes en fonction d’un état de droit ”, comme l’indiquaient les sénateurs auteurs de la saisine du Conseil constitutionnel en date du 22 décembre 1984 contre la loi de finances rectificative pour 1984. Ceux-ci faisaient valoir également que les dispositions fiscales rétroactives incriminées étaient “ contraires à la sécurité juridique qui fonde le droit des personnes dans une démocratie ”.

Deux ans plus tard, jour pour jour, mais après une alternance, l’opposition déférait au Conseil des mesures de validation rétroactive d’impositions irrégulières, considérées comme “ d’une extrême gravité ” (23). Les députés requérants considéraient que “ le législateur ne peut disposer que pour l’avenir, faute de quoi non seulement serait rompue l’égalité des citoyens devant les charges publiques mais serait anéantie toute garantie des droits ”.

Ces arguments n’étaient pas dépourvus de pertinence. Pourtant, le Conseil a renvoyé dos à dos les deux oppositions successives, en rejetant laconiquement leurs demandes (décisions n° 84-146 DC et n° 86-223 DC), probablement faute de trouver des armes suffisantes dans les textes constitutionnels, puisque la deuxième de ces décisions élabore la jurisprudence sur les limites de la rétroactivité. Il reste que le spectacle donné par ces mesures et ces critiques impuissantes, donnant l’impression d’être vite oubliées au gré des changements de majorité, n’est pas à l’honneur de notre pays.

Les modifications inspirées par des préoccupations à courte vue ne doivent pas faire oublier que la politique fiscale est un instrument majeur de régulation de l’économie. Les remises en cause répétées de la norme fiscale :

—  sont ressenties comme des injustices, en particulier par les ménages ;

—  portent atteinte à la sécurité juridique des agents économiques, avec des enjeux financiers considérables pour les entreprises.

Le Conseil des impôts s’en est fait l’écho :

“ Le préjudice causé aux entreprises par l’instabilité de la norme de droit tient à la difficulté de définir une stratégie à long terme lorsque le contexte juridique est incertain. Cette incertitude affecte notamment les décisions relatives aux structures des entreprises, puisque ces décisions les engagent pour plusieurs années. Si le régime fiscal applicable à une opération ne constitue pas, en règle générale, un des déterminants principaux de la décision, il en est tenu compte, car ce régime a des conséquences financières importantes pour l’entreprise. Une modification des règles applicables peut donc conduire à ce que, par exemple, l’intérêt d’une opération de restructuration, a priori opportune pour l’entreprise, soit remis en cause ” (24).

Cette situation “ mine en profondeur le consentement à l’impôt ” selon Jérôme Turot. Quant à son collègue Olivier Fouquet, il écrivait : “ les avocats ou conseils spécialisés en droit fiscal sont unanimes à dénoncer les conditions d’application dans le temps des lois fiscales françaises : aux yeux de leurs clients étrangers, la rétroactivité des lois fiscales donne à la France, cet “Etat de droit” des discours officiels, l’image d’une République bananière ” (25).

La France n’est peut-être pas pour cette seule raison une République bananière, comme le montre la situation dans les pays étrangers (encadré ci-après). Mais il est urgent de dépasser le conflit entre l’exigence croissante de sécurité juridique et la nécessité, parfois, de certaines dispositions rétroactives.

La non-rétroactivité des textes fiscaux à l’étranger

Dans l’ensemble des pays étudiés (a), tout comme en France, la non-rétroactivité des dispositions répressives plus sévères constitue une exigence constitutionnelle à laquelle une simple loi ne peut déroger (b). Dans la plupart de ces pays, la définition des dispositions répressives va au-delà des sanctions pénales infligées par le juge et s’étend notamment aux sanctions fiscales.

Certains Etats, comme les Etats-Unis, appliquent des principes assez souples en matière de rétroactivité : selon la jurisprudence de la Cour suprême, non seulement une nouvelle loi non pénale peut avoir un effet rétroactif si elle est soutenue par une motivation législative légitime et effectuée par des moyens raisonnables (c) mais des mesures rétroactives générales peuvent être édictées par les autorités administratives elles-mêmes. .../...

Par ailleurs, la fiscalité américaine se caractérise par une forte absence de lisibilité pour le contribuable, la loi et le règlement se complétant en se modifiant sans que les intérêts du contribuable soient préservés.

Cependant, en règle générale, les conditions que doivent satisfaire des lois rétroactives en matière fiscale pour être conformes aux règles constitutionnelles sont souvent plus sévères à l’étranger qu’en France (d) :

—  de nombreux Etats admettent la rétroactivité des textes fiscaux, mais à la condition que leurs effets soient limités dans le temps : en Italie, la Cour constitutionnelle a consacré le principe de l’actualité de la capacité du contribuable, qui exige un lien temporel entre le moment où le contribuable doit payer l’impôt et le fait générateur de cette imposition. Au Canada, de nombreuses lois rétroactives interviennent dans le domaine fiscal, mais elles ne font qu’entériner, dans un “ délai raisonnable ”, un décret gouvernemental ou une décision introduisant une nouvelle mesure ;

—  dans certains pays, ce sont les lois interprétatives qui sont prohibées : ainsi, au Portugal, les lois de validation et les dispositions interprétatives ont été sanctionnées comme portant atteinte à la garantie de recours contentieux ; en Italie, la Cour constitutionnelle a adopté une conception matérielle des textes interprétatifs, en distinguant les “ dispositions interprétatives authentiques ” (dont le caractère interprétatif ne résulte pas de la loi interprétative elle-même, mais du contexte de la loi interprétée), des “ lois interprétatives déguisées ”, qui, dès lors qu’elles ne satisfont pas à la définition sus-rappelée, sont inconstitutionnelles ;

—  dans d’autres pays, comme la Grèce, les lois fiscales défavorables au contribuable ne peuvent a priori avoir d’effets rétroactifs.

La jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale allemande en matière de rétroactivité des textes fiscaux non répressifs est particulièrement intéressante : elle est fondée sur le respect du “ principe de confiance légitime des citoyens dans la continuité de l’ordonnancement juridique ”. En vertu de ce principe, les lois rétroactives, même non répressives, sont, sauf exception, interdites, tandis que les lois rétrospectives, qui s’appliquent à des faits déjà commencés mais non encore achevés, sont autorisées, là aussi sauf exception. Pour être constitutionnelles, les lois rétroactives ne doivent pas imposer d’obligations nouvelles ou retirer d’avantages. Cependant, la Cour admet également la constitutionnalité des lois rétroactives lorsqu’elles ont pour objet d’entériner une modification de l’ordre juridique à laquelle devaient s’attendre les citoyens (e), ou encore lorsqu’elles répondent à des considérations impératives d’intérêt général. Cette jurisprudence est certes plus restrictive que celle du Conseil constitutionnel français, puisqu’elle part du principe que la loi rétroactive n’est pas constitutionnelle, mais elle ne s’en écarte pas fondamentalement en pratique. Le respect du principe de confiance légitime a des conséquences plus originales en ce qui concerne les lois rétrospectives. Ces dernières sont regardées comme inconstitutionnelles lorsque leurs dispositions affectent un droit fondamental, qui est essentiellement un droit à conserver le bénéfice de ce qui a été acquis antérieurement, tel que le droit de propriété, conçu en Allemagne comme un droit de protection du patrimoine privé (f). Cependant, la Cour apprécie, cas par cas, le respect de ce principe par le législateur, et admet notamment que l’institution par ce dernier de périodes transitoires, consistant dans le maintien de la loi antérieure pendant une période limitée, ou le passage progressif de l’ancienne à la nouvelle législation (g), est de nature à rendre conformes aux règles constitutionnelles de telles dispositions. .../...

Les lois rétroactives, notamment interprétatives, en matière fiscale apparaissent donc soumises en France à des exigences constitutionnelles moins sévères qu’à l’étranger. Le recours fréquent, parfois excessif, à des lois interprétatives en matière fiscale justifierait un durcissement de ces exigences.

Source : Conseil des impôts, treizième rapport au Président de la République, “ Fiscalité et vie des entreprises ”, 1994, tome I, pages 352 et 353.

________________________

(a) Etats-Unis, Allemagne, Italie, Belgique, Canada, Portugal, Grèce. L’absence de Cour constitutionnelle en Grande-Bretagne situe ce dernier pays dans une situation sensiblement différente par rapport aux autres pays occidentaux en la matière.

(b) Par exemple, l’alinéa 2 de l’article 103 de la loi fondamentale allemande dispose qu’ “ un acte n’est passible d’une peine que s’il était punissable selon la loi en vigueur avant qu’il ait été commis ”.

(c) 104 S.Ct., 1984, Pension Benefit Guar. Corp. vs RA Gray & Co, 2709, 2718.

(d) Sous réserve d’une pratique qui s’écarterait sensiblement des textes...

(e) Par exemple : les citoyens devaient s’attendre à l’adoption d’une loi rétroactive, car la loi antérieure était inconstitutionnelle (BVerfGE, tome 53, p. 130).

(f) Qui peut aller très loin, puisque la Cour a rattaché au droit de propriété le droit de percevoir des pensions fondées sur un effort d’épargne antérieur.

(g) Par exemple, suppression progressive d’exonérations fiscales.

II. — LA RÉPONSE PROPOSÉE : UN RÉGIME SPÉCIFIQUE D’AVANTAGES FISCAUX PRÉSERVÉS DES REMISES EN CAUSE ANTICIPÉES

Chacun reconnaît les inconvénients de la rétroactivité économique des normes fiscales qui ne disposent que pour l’avenir, mais s’appliquent à des situations en cours. Sont ainsi remis en cause des droits acquis ou le bien-fondé de décisions économiques.

Afin d’y répondre, le dispositif proposé s’est voulu pragmatique. Ecartant les dispositions de principe prohibant la rétroactivité, la présente proposition de loi organique se borne à ouvrir au législateur une faculté actuellement inexistante. Pour la mise en œuvre de politiques économiques et financières à moyen terme, il aurait la possibilité de pérenniser certains dispositifs incitatifs pour une durée expressément prévue, dans la limite de cinq ans.

Ce régime assurant sur des bases solides la sécurité juridique des contribuables, il contribuerait au succès des mesures d’incitation et à la confiance dans la parole de l’Etat. Il serait pleinement conforme à la Constitution.

A. UNE SOLUTION ÉCARTÉE : PROHIBER LA RÉTROACTIVITÉ FISCALE

L’interdiction pure et simple des lois rétroactives, afin de consacrer le principe de sécurité juridique était une voie envisageable.

Préconisée en 1987 par le rapport Aicardi, elle a été empruntée en janvier 1991 par M. Pascal Clément et plusieurs de ses collègues membres des deux groupes de l’opposition de l’époque, auteurs d’une proposition de loi constitutionnelle n° 1901, tendant à interdire la rétroactivité des lois et des règlements. Cette proposition de loi constatait d’abord que “ le principe de la non-rétroactivité des lois et des règlements est une garantie essentielle de la démocratie et une protection évidente pour les citoyens et les justiciables dans un Etat de droit. ” Puis elle faisait valoir que la portée du principe de non-rétroactivité énoncé par l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen avait été limitée par la jurisprudence.

Afin de faire prévaloir la volonté du législateur sur celle du juge, en une démarche paradoxalement analogue à celle des validations législatives, la proposition de loi préconisait de compléter l’article 66 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé : “ Les lois et les règlements ne peuvent avoir aucun effet rétroactif. ” Comme on le sait, cet article, au sein du titre VIII de la Constitution relatif à l’autorité judiciaire, prévoit que cette autorité, gardienne de la liberté individuelle, assure dans les conditions prévues par la loi le respect du principe selon lequel nul ne peut être arbitrairement détenu.

Plusieurs raisons ont conduit à ne pas reprendre ce type de solution.

1. La rétroactivité est parfois utile, voire nécessaire

L’interdiction pure et simple de toute rétroactivité serait imprudente et inopportune, comme le montrent divers exemples-types.

Certes, une disposition d’application immédiate suffit parfois pour éviter des fraudes. L’ajustement du régime des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (O.P.C.V.M.) dits de moins-value, moyens commodes de se placer en déficit artificiel, a pu être effectué par la loi de finances pour 1990, en jouant sur le décalage du fait générateur des impôts directs, sans rétroactivité, comme l’a considéré le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 89-228 DC du 29 décembre 1989. Mais l’application immédiate ne suffit pas toujours.

a) La correction de dispositifs défectueux, peu clairs ou affectés par des éléments nouveaux

Les dispositions législatives peuvent comporter des obscurités ou des oublis que révèlent, soit des jurisprudences non conformes à l’intention initiale du législateur, soit des pratiques d’évasion fiscale par des contribuables adroits. Il se peut aussi que des revirements de jurisprudence fassent échec à la pratique de l’administration.

· C’est ainsi que l’interprétation du régime de l’impôt sur la fortune a donné lieu, il y a une dizaine d’années, à diverses péripéties, dues probablement à des zones d’ombre de la loi.

La Cour de cassation, par un arrêt Veuve Bergondi du 18 avril 1989, a jugé, au rebours de la doctrine administrative, qu’en cas d’usufruit constitué par libéralité entre époux, le bien devait, pour l’assiette de l’impôt sur les grandes fortunes, être partagé entre les patrimoines de l’usufruitier et du nu-propriétaire. Ainsi, un montage juridique habile permettait d’éluder tout ou partie de l’impôt.

Afin de valider l’interprétation de l’administration, elle-même conforme à l’intention du législateur, le Gouvernement a fait voter au Parlement, dans l’article 10-II de la loi de finances pour 1990, une disposition “ interprétative ” qui visait à donner un fondement légal rétroactif à la doctrine administrative.

Au cas présent, il se trouve que le ministre du budget avait aussitôt réagi à l’arrêt précité par un communiqué menaçant de représailles les contribuables tentés de se prévaloir de cette jurisprudence qu’il a demandé à ses services de ne pas appliquer, ce qui n’avait pas manqué d’indisposer les membres de la Cour de cassation. On comprend mieux pourquoi, par un arrêt du 7 avril 1992, Dame Pavie, la Cour s’est reconnu le pouvoir de contrôler la réalité du caractère interprétatif de la loi. Elle a considéré que l’article 10-II précité tendait à substituer de nouvelles règles d’assiette à celles résultant d’un texte clair, qu’il n’avait donc pas le caractère interprétatif et ne pouvait donc être rétroactif.

· En revanche, la rétroactivité d’une mesure d’exonération, qui n’est pas contraire aux intérêts des contribuables, peut être nécessaire comme le montre un autre exemple relatif à l’impôt sur les grandes fortunes. L’imposition des biens professionnels dans le cadre de cet impôt ayant soulevé de grandes difficultés d’application et ayant démontré ses inconvénients économiques, l’article 19-VI de la loi de finances pour 1984 en a tiré les conséquences. Il a exonéré ces biens à titre définitif et rétroactif d’impôt sur les grandes fortunes. Une mesure ne disposant que pour l’avenir aurait laissé la porte ouverte à des contentieux.

· La remise en cause jurisprudentielle du fondement politique d’impositions ou de règles fiscales est un élément nouveau qui ne met pas nécessairement en cause le fond de dispositions législatives antérieures. Une validation ou une régularisation rétroactives peuvent être alors la meilleure, sinon la seule solution, lorsque les dispositions restent conformes à la volonté du législateur.

C’est ainsi que la Cour de cassation, par un arrêt du 6 avril 1993, ayant rappelé que le législateur est seul compétent pour fixer les règles relatives à l’assiette des impôts, a jugé que les modalités de calcul administratives de la puissance des moteurs, qu’il s’agisse des véhicules terrestres à moteur, ou des navires de plaisance, relevaient du domaine de la loi, alors qu’elles étaient jusqu’alors définies par voie réglementaire. C’était inopinément priver de base légale, à la fois la vignette automobile et les droits sur les moteurs applicables aux bateaux de plaisance en vertu du code des douanes. Les implications budgétaires pour l’Etat et surtout les collectivités territoriales de cette jurisprudence nouvelle étaient évidemment considérables.

En pareil cas, on ne voit guère d’autre issue que la validation rétroactive par la loi, solution mise en œuvre dans l’article 18 de la première loi de finances rectificative pour 1993, en ce qui concerne la vignette, puis par l’article 28 de la loi de finances rectificative de fin d’année s’agissant des moteurs équipant les navires de plaisance.

b) Un “ fair announce ” à la française

Les Etats-Unis appliquent une règle dite de  fair announce ” qu’un observateur jugeait “ pragmatique et satisfaisante ”, et qu’il définissait ainsi : les lois fiscales rétroagissent à la date à laquelle l’administration a annoncé les nouvelles dispositions qui allaient être soumises au Congrès (26).

· Dans la loi fiscale française, cette pratique, sans être systématique, est devenue classique en matière de droits indirects : impôts sur la consommation et droits d’enregistrement.

Sa nécessité est apparue en particulier à partir de la deuxième moitié des années 1980, pour les baisses de T.V.A. rendues nécessaires par la préparation du marché unique. Le décalage temporel entre l’annonce d’une baisse de tarifs fiscaux lors de la présentation, en septembre, du projet de loi de finances, et l’entrée en vigueur au terme normal, le 1er janvier suivant, risque de perturber les marchés en encourageant les consommateurs à différer leurs achats.

Afin d’éviter ces reports d’opérations, le nouveau taux de T.V.A. des automobiles et des motos, par exemple, est appliqué dès le mois de septembre 1987, et rectifié rétroactivement en loi de finances pour 1988. De même, l’article 27 de la loi de finances pour 1990 a allégé les droits de mutation à titre onéreux de fonds de commerce à compter du 1er octobre 1990. Cette pratique constante a reçu de nouveaux exemples dans le projet de loi de finances pour 1999, qui prévoit de valider à titre rétroactif :

—  la suppression du droit de timbre sur la carte nationale d’identité et le permis de conduire, applicable au 1er septembre 1998 (article 17) ;

—  l’élargissement à la même date des régimes de bons de souscription de part de créateur d’entreprise ainsi que de report d’imposition des plus-values de cessions investis en fonds propres de P.M.E. (article 4).

En revanche, les divers allégements de T.V.A. proposés pour 1999 ne feraient pas l’objet d’une application anticipée avec validation rétroactive : ils n’ont probablement pas été jugés de nature à perturber le fonctionnement des marchés.

· Si les allégements anticipés sont rarement critiqués, car ils sont à l’avantage des contribuables et évitent des perturbations économiques, l’Etat est parfois obligé également de rendre rétroactives des majorations de droits pour éviter les anticipations d’opérations qui nuiraient à ses finances.

C’est ainsi qu’en 1981, la suppression de la réduction de 20 % sur les droits de mutation à titre gratuit (successions et donations, quoique les premières soient plus difficiles à programmer) a été rendue applicable dès le 9 juillet, avant d’être validée en loi de finances pour 1982.

· Il est à noter enfin que l’urgence peut justifier pleinement la mise en œuvre immédiate de mesures fiscales, sans attendre l’aboutissement du processus législatif qui les validera. Tel a été le cas des exonérations rétroactives de certains droits de timbre accordées aux contribuables de Guadeloupe sinistrés par le passage d’un cyclone.

2. Une prohibition générale encourrait un risque constitutionnel

Le Conseil constitutionnel, s’il venait à être saisi d’une disposition prévoyant l’interdiction générale de toute mesure rétroactive, ne pourrait manquer de prendre en considération le fait que la rétroactivité, notamment en matière fiscale, est parfois nécessaire. Il pourrait donc juger excessive la limitation ainsi posée au pouvoir du législateur.

Il lui faudrait tenir compte également de ce que, comme le confirme sa jurisprudence constante, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ne consacre le principe de non-rétroactivité qu’en matière répressive.

3. L’interdiction de la rétroactivité juridique serait peu opérante

Un principe de non-rétroactivité des lois ne peut exclure que la rétroactivité au sens juridique strict, s’appliquant avant le fait générateur. Or, comme on l’a vu, les situations les plus choquantes naissent généralement de dispositions que le juge ne considérerait pas rétroactives, et qui ne relèvent que d’une rétroactivité de fait.

Edicter ce principe à titre général serait donc risquer d’introduire un “ corps étranger ” dans notre droit, tout en ne réglant pas le problème de fond, lié aux atteintes par l’Etat au principe de sécurité juridique.

Un dispositif “ ciblé ” devait donc être trouvé.

Le Conseil des impôts, qui réunit des représentants des administrations intéressées sous la présidence du Premier président de la Cour des comptes, conscient de cette difficulté, avait considéré dans son rapport de 1994 qu’une mesure d’interdiction générale de la rétroactivité des lois fiscales ne paraissait pas souhaitable. Il préconisait d’opérer une distinction en fonction de chaque type de lois.

Encadrer le recours à la rétroactivité fiscale :

Les propositions du Conseil des impôts

Les règles applicables en ce qui concerne l’effet des lois fiscales devraient être distinguées en fonction de chaque type de lois :

—  les lois rétrospectives, qui s’appliquent dans le futur à des actions commencées dans le passé mais encore en cours, sont admissibles, sauf si elles affectent un droit fondamental reconnu par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et si elles ne comportent aucune mesure transitoire ;

—  les lois rétroactives défavorables aux contribuables seraient en principe exclues, sauf si l’antériorité de leur date d’effet par rapport à leur publication respectait un délai maximum (à déterminer) qui ne devrait pas, en tout état de cause, excéder une année, ou sauf si elles répondent à des motifs impérieux d’intérêt général (coût budgétaire important par exemple) ;

—  les lois interprétatives seraient prohibées dans les mêmes conditions que les lois rétroactives, sauf lorsqu’elles n’auraient pas pour objet d’interpréter des règles relatives à l’assiette ou au taux de l’impôt : cette souplesse permettrait de valider des opérations annulées par le juge pour de seules raisons de procédure et d’éviter, ainsi, que des profits d’aubaine ne bénéficient au contribuable. Bien entendu, les “ fausses ” lois interprétatives seraient soumises, même lorsqu’elles portent sur des questions de procédure, aux mêmes règles que les lois rétroactives.

Le vecteur juridique d’une telle réforme pourrait être, comme l’avait proposé la commission Aicardi, l’ordonnance du 2 janvier 1959, qui présente l’intérêt de faire partie des normes auxquelles les lois de finances doivent, en vertu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, être conformes.

Source : Conseil des impôts, treizième rapport au Président de la République,

Fiscalité et vie des entreprises, 1994, tome I, pp. 359 et 360.

Une construction de cette nature paraît très complexe à définir et à mettre en œuvre. La frontière entre les diverses catégories de dispositions serait parfois délicate à tracer, et l’obligation de mesures transitoires dans les lois dites “ rétrospectives ” serait très contraignante pour le législateur. La présente proposition de loi organique retient le support juridique suggéré, mais pour proposer un simple régime facultatif.

B. UN RÉGIME SPÉCIFIQUE D’AVANTAGES DURABLES PRÉVUS EN LOI DE FINANCES

Le dispositif proposé se caractérise à la fois par sa place dans la hiérarchie des normes et par son contenu, centré sur les notions d’avantage fiscal et de pluriannualité.

1. Un support juridique appartenant au “ bloc de constitutionnalité ”

Il est proposé de réserver aux lois de finances la possibilité de conférer un caractère pluriannuel à des avantages fiscaux, étant rappelé que les dispositions fiscales peuvent résulter de lois ordinaires. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 84-170 DC du 4 juin 1984, a considéré que réserver aux seules lois de finances la modification d’une ressource fiscale en cours d’année limiterait l’initiative des membres du Parlement en matière fiscale à un droit d’amendement contraire aux articles 39 et 40 de la Constitution. Il est du reste très fréquent que des dispositions à caractère fiscal figurent dans des lois ordinaires, et pas seulement celles portant diverses dispositions à caractère fiscal ou financier.

Le régime préconisé serait inscrit dans l’ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances. Il en compléterait l’article 4, qui prévoit le principe d’annualité de l’impôt, l’évaluation du rendement des impôts en lois de finances et le régime des taxes parafiscales.

De la sorte, ce qui est proposé est une extension du domaine propre aux lois de finances, qui présenterait deux avantages.

a) Un avantage en termes de cohérence économique

Le nouvel instrument de politique économique à moyen terme serait inséré dans le cadre global de prévision associé à la loi de finances. Le Parlement, avant d’en débattre, disposerait de l’analyse présentée dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances. Ce rapport comporte généralement une projection pluriannuelle du besoin de financement des administrations publiques. Même si, cette année, le Gouvernement a choisi de ne pas fournir d’informations détaillées à cet effet, une programmation pluriannuelle sera de plus en plus incontournable, dans le contexte du pacte de stabilité et de croissance européen.

La loi de finances est l’instrument privilégié de prévision de l’Etat. Elle a juridiquement vocation à retracer tous ses engagements pluriannuels, conformément à l’article 2 de l’ordonnance organique. Il est d’ailleurs souhaitable que ses orientations s’inscrivent dans une cohérence pluriannuelle. Telle était l’inspiration de la loi d’orientation quinquennale relative à la maîtrise des finances publiques du 24 janvier 1994, adoptée alors que l’auteur de la présente proposition de loi était ministre du budget. Dans les deux cas, transparaît la même inspiration : améliorer la visibilité à moyen terme de la politique économique.

b) Un avantage au regard de la hiérarchie des normes

La Constitution du 4 octobre 1958 a érigé en une catégorie juridique particulière la notion de loi organique, issue de la Constitution de 1848. La loi organique se caractérise par le domaine d’intervention qui lui est assigné par la Constitution  (27). Comme l’indique Bruno Genevois  (28), “ la loi organique a une situation spécifique au sein de la hiérarchie des normes : si elle doit respecter la Constitution et est soumise à cette fin à un contrôle de constitutionnalité obligatoire, elle s’impose à la loi ordinaire ”. C’est ainsi qu’une loi ordinaire ne peut ni empiéter sur le domaine de la loi organique (décision du Conseil constitutionnel n° 84-177 DC du 30 août 1984), ni méconnaître les dispositions d’une loi organique (décision n° 60-8 DC du 11 août 1960 : “ les redevances (...) ne peuvent être regardées comme conformes aux prescriptions de l’ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances et par suite à celles de l’article 34 de la Constitution qui renvoie expressément à ladite loi organique ”).

S’agissant de l’ordonnance organique précitée relative aux lois de finances, le Conseil a été plus loin, en l’intégrant dans ce qu’il est convenu d’appeler le “ bloc de constitutionnalité ”. Il a considéré en effet, dans sa décision n° 85-202 DC du 16 janvier 1986 relative à la loi de règlement pour 1983, que “ les textes de valeur constitutionnelle relatifs à la loi de règlement ont pour objet de permettre au Parlement d’exercer sur l’exécution du budget le contrôle politique qui lui appartient ”. Par conséquent, des dispositions figurant dans cette ordonnance ont valeur constitutionnelle, même si elle n’a pas été soumise au Conseil, installé en 1959 après sa promulgation, et même si ses modifications doivent respecter la procédure et les conditions de constitutionnalité propres aux lois organiques.

Il est rappelé que le rapport Aicardi de 1987, puis le rapport précité du Conseil des impôts de 1994 sur “ Fiscalité et vie des entreprises ” ont préconisé de faire de l’ordonnance organique de 1959 le vecteur juridique d’une réforme visant à encadrer la rétroactivité des lois fiscales.

2. Un instrument nouveau de politique économique à la disposition du législateur

Le législateur aurait la faculté de recourir à un instrument spécifique dérogeant au principe d’autorisation annuelle de l’impôt : des avantages fiscaux auraient un caractère pluriannuel, pour une durée expressément fixée, au cours de laquelle ils seraient mis à l’abri des modifications.

Ce dispositif propose ainsi une réponse préventive aux inconvénients de la rétroactivité des lois fiscales s’appliquant aux situations en cours. Il permet de garantir la sécurité juridique des contribuables choisissant d’entrer dans un régime fiscal incitatif.

a) La notion d’avantage fiscal

Les avantages fiscaux susceptibles de faire l’objet de la pluriannualité peuvent être entendus comme des dérogations à la norme fiscale prévues à titre d’incitation dans le cadre d’une politique économique ou financière.

· La notion peut être rapprochée de celle de dépense fiscale, qui est mise en œuvre dans le tome II de l’annexe relative aux voies et moyens de chaque loi de finances, conformément à l’article 32 de la loi de finances pour 1980. Reprenant les termes du rapport du Conseil des impôts de 1979, la présentation générale de ce document indique que les dépenses fiscales s’analysent comme “ des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour l’Etat une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ”. L’ensemble des dépenses fiscales ont pour support un ou plusieurs articles du code général des impôts, de ses annexes ou du code des douanes.

De la même façon, l’avantage fiscal ne peut être conçu que comme une dérogation à la norme. Ainsi, la “ réforme Juppé ” de l’impôt sur le revenu en loi de finances pour 1997, qui prévoyait une refonte de la norme, ne pouvait constituer un avantage fiscal au sens de la présente proposition de loi.

· Un exemple permet de comprendre en quoi la notion de dépense fiscale peut être trop étroite : celui de l’exonération des droits de succession applicable aux contrats d’assurance-vie. Celle-ci ne résulte pas d’une disposition proprement fiscale, mais elle est la conséquence de l’article L. 132-12 du code des assurances, qui dispose, dans sa rédaction fixée par la loi du 7 janvier 1981 : “ Le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l’assuré ”.

Par conséquent, cette exonération n’est pas une dépense fiscale, mais bien un avantage fiscal indirect.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement, avant de proposer de la réformer pour l’avenir par l’article 24 du projet de loi de finances, avait envisagé cet été de modifier les règles du jeu applicables aux contrats en cours. Quoiqu’abandonnée, une tentative de cette nature est de toute évidence très dommageable pour la crédibilité de l’Etat. Elle revient à clamer haut et fort que toutes les incitations fiscales, même portant sur des décisions de long terme, sont révocables, précaires et pour tout dire, menacées. Cette “ épée de Damoclès ” législative ne peut qu’engendrer un climat de suspicion à l’égard de l’ensemble de ces incitations, y compris celles du projet de loi de finances.

La présente proposition de loi organique donnerait au contraire à un gouvernement soucieux d’assurer des anticipations rationnelles, le moyen juridique de préserver la règle de l’article L. 132-12 contre les revirements, pendant une période garantie.

b) Une pluriannualité à trois niveaux

La pluriannualité de l’avantage fiscal peut être entendue dans trois sens différents, selon qu’elle concerne la période d’ouverture du régime fiscal, sa durée propre ou celle de la situation (contrat, opération) qui ouvre droit à son bénéfice.

Il est souhaitable que le législateur puisse combiner ces différents cas de figure.

· La pluriannualité peut d’abord signifier que l’avantage serait ouvert pour une durée préfixée.

Il s’agirait alors d’avantages ne portant effet qu’au titre de l’exercice de réalisation d’une opération. La pluriannualité aurait pour avantage de laisser aux contribuables la liberté d’en déterminer la date, alors qu’actuellement, la précarité juridique les incite à une réalisation rapide. Les aides fiscales en matière de logement donnent des exemples d’applications possibles :

—  la réduction d’impôt au titre des dépenses de grosses réparations ou ravalement dans la résidence principale, prévue par l’article 199 sexies D du code général des impôts, pour les paiements entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 2001 ;

—  le crédit d’impôt pour dépenses d’entretien de la résidence principale réalisées entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2000, conformément à l’article 200 ter du même code.

· En second lieu, le bénéfice de l’avantage peut avoir lui-même un caractère pluriannuel en portant effet chaque année pour les opérations, les biens ou les contribuables concernés. Le cas-type est celui de l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les immeubles antérieurs à 1973, qui était initialement d’une durée de vingt-cinq ans, avant que l’article 14 de la loi de finances pour 1984 ne la ramène à quinze ans.

· Il est à noter que seul un avantage fiscal serait garanti, et non l’intégralité du régime des impôts applicable à tel type de biens ou d’opérations. Rendre pluriannuel l’avantage fiscal relatif à l’imposition des produits d’une catégorie de plans d’épargne ne ferait pas obstacle à leur assujettissement ultérieur à une nouvelle imposition de portée générale, comme la contribution sociale généralisée.

· Enfin, l’avantage fiscal peut aussi s’appliquer à des contrats ou des engagements soumis au respect par le contribuable d’une condition de durée minimale : maintien des versements sur un plan d’épargne, détention d’un bien, ou affectation de ce bien à un certain usage, par exemple la location.

Maints dispositifs associent les différents types de pluriannualité. Ainsi, l’“ amortissement Périssol ” intégré dans l’article 31-I du code général des impôts par l’article 29 de la loi du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier n’est-il applicable que pour les immeubles acquis neuf entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 1998. Il se traduit par une réduction d’impôt égale à 10 % du prix du logement les quatre premières années et à 2 % de ce prix les vingt années suivantes. Le bénéfice de l’avantage pluriannuel est conditionné à l’engagement du propriétaire de louer le logement pendant une durée de neuf ans. Cet avantage fiscal est donc pluriannuel à un triple titre.

Il peut également advenir qu’un même instrument juridique fasse l’objet de deux ou plusieurs avantages fiscaux distincts. L’exemple de l’assurance-vie est, là encore, éclairant :

—  ces contrats ont une durée minimale de huit ans, qui conditionne le bénéfice du régime propre d’imposition de leurs produits, régime modifié par l’article 21 de la loi de finances pour 1998 ;

—  par ailleurs, ils font l’objet de l’exonération déjà évoquée des droits de succession, qui s’applique, quelle que soit la durée effective du contrat au moment du décès de l’assuré. C’est cet avantage que l’article 24 du projet de loi de finances pour 1999 proposait de remettre en cause sous certaines conditions.

C. UN CADRE JURIDIQUE À LA FOIS OPÉRATIONNEL ET CONSTITUTIONNEL

1. L’interdiction des modifications anticipées s’appliquerait aux lois de finances comme aux lois ordinaires

La rédaction proposée par votre commission des Lois précise expressément que, si seule une loi de finances peut conférer un caractère pluriannuel à des avantages fiscaux, aucune loi, quelle qu’en soit la nature, ne peut revenir sur ces avantages avant le terme. Une garantie ne s’appliquant qu’aux lois de finances serait inopérante, puisqu’une loi ordinaire peut contenir des dispositions fiscales (voir ci-avant, II-B-1).

Prévoir dans l’ordonnance organique relative aux lois de finances une règle s’imposant à toutes les lois n’est nullement une novation. De nombreuses dispositions sont dans ce cas, à commencer par celles relatives au domaine exclusif des lois de finances, qui interdisent de faire figurer certaines dispositions dans les autres lois. A titre d’exemple des règles organiques du 2 janvier 1959 s’imposant aux lois ordinaires :

—  les créations et transformations d’emplois de fonctionnaires de l’Etat ne peuvent résulter que de dispositions prévues par une loi de finances (article 1er, alinéa 5) ;

—  les lois de plan approuvées par le Parlement ne peuvent engager l’Etat que dans la limite des autorisations de programme prévues en loi de finances (article 1er, alinéa 6) ;

—  les lois autres que les lois de finances rectificatives ne peuvent, en cours d’exercice, modifier les dispositions de la loi de finances de l’année (article 2, alinéa 6) ;

—  seules les lois de finances peuvent évaluer le rendement des impôts affectés à l’Etat (article 4, deuxième alinéa qu’il est proposé de compléter par la présente proposition de loi) ;

—  l’affectation de recettes à certaines dépenses ne peut être prévue par une loi ordinaire, ni même par une disposition de loi de finances d’initiative parlementaire (article 18, alinéa 3) ;

—  une loi ordinaire ne peut ni créer ou supprimer un budget annexe, ni ouvrir un compte spécial du Trésor (articles 20 et 23).

Ainsi, la proposition de loi n° 1151 tend simplement à créer un élément supplémentaire du domaine exclusif des lois de finances.

2. L’ordonnance organique fixerait les conditions des autorisations pluriannuelles de ressources

Comme toute loi organique, la présente proposition de loi, si elle est adoptée, sera soumise au Conseil constitutionnel qui en vérifiera la conformité à la Constitution.

Celle-ci mentionne à deux reprises l’ordonnance organique du 2 janvier 1959. L’article 34 prévoit que “ les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’Etat dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ”, et l’article 47 dispose que “ le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique ”. Schématiquement, les titres premier et II de l’ordonnance répondent à l’article 34 qui évoque le contenu des lois de finances, et son titre III, relatif à la présentation et au vote des projets de lois de finances, à l’article 47.

La présente proposition de loi tend à compléter l’article 4 du chapitre 1er, relatif à la détermination des ressources et des charges de l’Etat, au sein du titre II, portant sur les dispositions des lois de finances. Son objet est de prévoir les conditions particulières dans lesquelles les lois de finances pourraient procéder à des autorisations pluriannuelles en matière de ressources de l’Etat. Il est donc pleinement compatible avec le rôle assigné par la Constitution à l’ordonnance organique et par celle-ci aux lois de finances.

La situation ne serait du reste pas inédite. De façon symétrique, le dernier alinéa de l’article premier et l’antépénultième alinéa de l’article 2 prévoient des autorisations pluriannuelles en matière de dépenses. Ces autorisations sont accordées dans le cadre des “ lois de programme ” regroupant des autorisations de programme votées en loi de finances.

3. Le principe de dispositions fiscales pluriannuelles en loi de finances n’est pas contraire à la Constitution

La nouveauté de la présente proposition de loi est d’introduire dans l’ordonnance organique un cas d’autorisation à caractère pluriannuel en matière de ressources. L’article 2 de l’ordonnance prévoit plusieurs cas de pluriannualité, mais seulement en matière de charges. Il dispose en effet : “ Seules les dispositions relatives à l’approbation de conventions financières, aux garanties accordées par l’Etat, à la gestion de la dette publique ainsi que de la dette viagère, aux autorisations d’engagement par anticipation ou aux autorisations de programme peuvent engager l’équilibre financier des années ultérieures. ”

Il se trouve donc qu’actuellement, le principe d’autorisation des ressources de l’Etat n’est mis en œuvre que dans le cadre de l’annualité budgétaire. En matière fiscale, le cadre annuel est d’ailleurs assez souvent dépassé : certaines dispositions sont rétroactives, d’autres, figurant en principe en deuxième partie de la loi de finances, s’appliquent à un ou plusieurs exercices ultérieurs. Cet état de fait ne doit pas faire perdre de vue que le principe constitutionnel est celui d’une autorisation périodique, non d’une autorisation annuelle de l’impôt. Le fondement en est posé par la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dont les articles 13 à 15 disposent :

“ Article 13. —  Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les Citoyens, en raison de leurs facultés.

“ Article 14. —  Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.

“ Article 15. —  La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. ”

Un dispositif dérogatoire d’autorisation pluriannuelle pour une durée expressément fixée ne serait nullement contraire au principe du consentement à l’impôt. Il est d’ailleurs à noter que l’annualité de tous les impôts ne remonte qu’à la IIIe République. Auparavant, les impositions indirectes pouvaient être consenties pour plusieurs années (article 8 de l’ordonnance du 31 mai 1838, article 17 de la Constitution de 1848).

En l’occurrence, l’autorisation demeurerait. Elle serait accordée à l’origine, puis éventuellement renouvelée à l’échéance de la durée prévue. Afin d’assurer un consentement parlementaire d’une fréquence suffisante, votre commission des Lois a choisi de préciser que la durée de l’avantage fiscal ne pouvait excéder cinq ans. Cette durée, habituellement retenue en matière de lois de programmation, de lois de plan, était également celle de la projection budgétaire glissante prévue par la loi d’orientation quinquennale du 24 janvier 1994.

Le Conseil constitutionnel, faute de précédent, n’a jamais eu à se prononcer sur le principe de dispositions fiscales de loi de finances à caractère pluriannuel. Mais la faculté ainsi ouverte au législateur de s’engager sur un avantage fiscal déterminé, pour une durée déterminée n’excédant pas cinq ans, ne paraît contraire à aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle. Elle paraît pleinement conforme à la faculté que le Conseil constitutionnel a reconnu au Parlement, dans sa décision n° 75-61 DC du 28 janvier 1976, de modifier une loi organique prise par voie d’ordonnance au lendemain de l’adoption de la Constitution.

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* *

Après l’exposé du rapporteur, M. Christophe Caresche s’est étonné que les principaux responsables de l’opposition, et en particulier un ancien ministre du budget, puissent défendre cette proposition de loi, alors même qu’ils s’étaient accommodés, lorsqu’ils étaient au pouvoir, du principe d’annualité budgétaire. Il a considéré que cette démarche était à la fois opportuniste, sans fondement constitutionnel et dangereuse pour le principe d’alternance. S’agissant du caractère opportuniste de la proposition de loi, il a rappelé qu’elle avait été déposée en réaction aux dispositions du projet de loi de finances pour 1999 relatives au régime fiscal de l’assurance-vie, supprimant l’exonération des droits de succession dont bénéficient les patrimoines d’une valeur supérieure à 1 million de francs. Evoquant la décision, prise par l’Assemblée nationale en première lecture, excluant du champ d’application de cette disposition les contrats antérieurs au 13 octobre 1998, il a jugé que l’objectif principal de la proposition de loi était de capitaliser le mécontentement, aujourd’hui sans objet, apparu lors de la discussion de la loi de finances. S’agissant du fondement constitutionnel du texte, il a estimé qu’aucun principe ne justifiait l’inscription dans le bloc de constitutionnalité de la non-rétroactivité fiscale. Sur ce point, il a déclaré que ceux qui ne bénéficiaient pas d’un avantage fiscal pouvaient à bon droit en réclamer la suppression. Il a par ailleurs considéré que l’objet du bloc de constitutionnalité n’était pas de préserver les avantages fiscaux accordés à certaines catégories sociales par une majorité politique donnée. Il a ainsi remarqué que ce dispositif empêcherait toute majorité nouvelle de mettre en œuvre les orientations pour lesquelles elle a été élue. Pour cette raison, il a estimé que l’opposition cherchait à régler par les principes constitutionnels un problème relevant de la seule responsabilité politique de la majorité en place. Enfin, s’agissant de la remise en cause du principe d’alternance, il a fait observer que l’adoption de la proposition de loi permettrait à une majorité sortante d’imposer à une majorité nouvellement élue la continuité de certains avantages fiscaux. S’interrogeant sur la légitimité d’un tel dispositif, il a indiqué qu’il contribuerait à réduire encore davantage les capacités de décision de la représentation nationale, déjà fortement diminuées du fait de l’internationalisation des marchés. Faisant remarquer que la majorité actuelle rendait un service à l’opposition qui, lorsqu’elle reviendrait aux affaires, ne serait pas ainsi limitée dans son action, il a déclaré que le groupe socialiste s’opposerait à cette proposition de loi en séance publique, précisant qu’il ne prendrait pas part au vote en commission, afin que le débat puisse avoir lieu en séance.

M. Olivier de Chazeaux a rejeté l’idée suivant laquelle la proposition de loi relevait d’une démarche opportuniste, en indiquant qu’il était courageux pour un ancien ministre du budget de limiter la rétroactivité en matière fiscale. Il a considéré que cette proposition entendait défendre la visibilité et la prévisibilité de l’action gouvernementale pour l’ensemble des agents économiques. A cet égard il a souligné l’importance que les contribuables attachent à la parole de l’Etat, alors même que celle-ci est souvent remise en cause. Citant les exemples de l’assurance-vie et de l’allocation de garde d’enfants à domicile (A.G.E.D.), il a déclaré qu’il était indispensable que les citoyens connaissent à l’avance le programme des majorités qu’ils choisissent.

M. Robert Pandraud a estimé que la proposition de loi soumise à la commission était sérieuse et qu’elle méritait un débat de fond. Constatant que M. Nicolas Sarkozy, ancien ministre du budget, faisait à travers ce texte son autocritique, il a apporté son soutien à cette démarche dont l’objectif est de promouvoir la stabilité des investissements des entreprises et la prévisibilité des budgets des ménages. Soulignant la faible marge de manœuvre du ministre des finances, en raison du poids des milieux économiques, des politiques mises en œuvre par les directeurs des banques centrales et de la puissance de la direction générale des impôts, il a jugé que ce texte, utilement amendé par le rapporteur, contribuerait à lutter contre le poids de la technostructure.

Mme Catherine Tasca, présidente, a souligné que, même s’il s’agissait d’un objectif respectable, la sécurité souhaitée par les contribuables n’était qu’un des paramètres de la politique fiscale, qui devait également prendre en compte des évolutions économiques de plus en plus rapides, ayant souvent leur source dans la conjoncture internationale. Elle a estimé qu’il était de l’intérêt général que le Gouvernement et le Parlement puissent rester maîtres de leurs décisions face à un certain nombre de nécessités, qui ne peuvent pas être considérées comme secondaires par rapport à la stabilité fiscale.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a souligné que seuls des arguments d’opportunité avaient été mis en avant pour contester l’intérêt de la proposition, tels son coût ou le fait qu’elle risque de lier une nouvelle majorité en cas d’alternance. Il a considéré que son coût financier serait en fait extrêmement limité, alors que le coût politique de l’instabilité fiscale était désastreux, les Français étant profondément choqués par le comportement désinvolte de la puissance publique. Il a estimé que la réforme proposée inciterait le Gouvernement à avoir une vision politique à moyen terme lorsqu’il met en place un avantage fiscal ajoutant qu’elle marquerait une progression de l’Etat de droit par la limitation de la rétroactivité des décisions de l’autorité publique.

La Commission est ensuite passée à l’examen du texte proposé par le rapporteur.

Le rapporteur a indiqué qu’il proposait une nouvelle rédaction de l’article unique de la proposition dans un souci de clarification. Il a ainsi précisé que seule une loi de finances pourrait conférer un caractère pluriannuel à des avantages fiscaux, sans qu’une loi ultérieure puisse les modifier avant l’échéance prévue, la durée de ce dispositif protecteur ne pouvant excéder cinq ans. Il a souligné que cette durée maximale, qui le cas échéant pourrait être renouvelée pour une nouvelle tranche de cinq années, assurerait aux contribuables à la fois la sécurité fiscale et le temps nécessaire pour évaluer la pertinence du dispositif fiscal mis en place.

M. Christophe Caresche a rappelé que les membres du groupe socialiste ne prenaient pas part au vote. Puis la Commission a adopté la proposition de loi dans le texte proposé par le rapporteur.

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TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
modifiant l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959
portant
loi organique relative aux lois de finances

Article unique

Le premier alinéa de l’article 4 de l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances est ainsi rédigé :

“ L’autorisation de percevoir les impôts est annuelle. Toutefois, une loi de finances peut conférer un caractère pluriannuel à des avantages fiscaux, sous réserve d’en limiter précisément la durée, qui ne peut excéder cinq ans, sans qu’une loi ultérieure puisse venir les modifier avant l’échéance prévue. Le rendement des impôts dont le produit est affecté à l’Etat est évalué par les lois de finances. ”

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Texte de la proposition de loi
organique

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Conclusions de la Commission

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Ordonnance no 59-2
du 2 janvier 1959 portant loi
organique relative aux lois de finances

Article unique

Le premier alinéa de l’article 4 de l’ordonnance no 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances est ainsi rédigé :

Article unique

(Alinéa sans modification).

Art. 4. —  L’autorisation de percevoir les impôts est annuelle.

Le rendement des impôts dont le produit est affecté à l’Etat est évalué par les lois de finances.

“ L’autorisation de percevoir les impôts est annuelle. Toutefois, sous réserve d’en limiter précisément la durée dans la loi, les avantages fiscaux peuvent acquérir un caractère pluriannuel, sans qu’une loi ultérieure puisse venir les modifier avant l’échéance prévue. Le rendement des impôts, dont le produit est affecté à l’Etat, est évalué par les lois de finances. ”

... . Toutefois, une loi de finances peut conférer un caractère pluriannuel à des avantages fiscaux, sous réserve d’en limiter précisément la durée, qui ne peut excéder cinq ans, sans ... ... prévue. ”

Les taxes parafiscales, perçues dans un intérêt économique ou social au profit d’une personne morale de droit public ou privé autre que l’Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs, sont établies par décret en Conseil d’Etat, pris sur le rapport du ministre des finances et du ministre intéressé. La perception de ces taxes au-delà du 31 décembre de l’année de leur établissement doit être autorisée chaque année par une loi de finances.

   

__________

N° 1191.– Rapport de M. Jean-Luc Warsmann (au nom de la commission des lois), sur la proposition de loi organique (n° 1151) de M. Nicolas Sarkozy et plusieurs de ses collègues, modifiant l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

1 ) Décision n° 69-57 L du 24 octobre 1969.

2 ) Jérôme Turot, maître des requêtes au Conseil d’Etat, Revue de jurisprudence fiscale 10/1990, p. 655.

3 ) Décision n° 80-126 DC du 22 juillet 1980.

4 ) Voir par exemple la décision n° 97-391 DC du 7 novembre 1997.

5 ) Décision n° 84-184 DC du 29 décembre 1984.

6 ) Décision n° 86-223 DC du 29 décembre 1986.

7 ) Décision n° 95-369 DC du 28 décembre 1995.

8 ) Décision n° 89-268 DC du 29 décembre 1989.

9 ) La jurisprudence du Conseil constitutionnel, Principes directeurs, 1988, p. 282.

10 ) Décision n° 95-369 DC du 28 décembre 1995.

11 ) J.O. Lois et décrets, 11 novembre 1997, p. 16392.

12 ) Stéphane Verclytte, maître des requêtes au Conseil d’Etat, “ Application de la loi fiscale dans la temps : une décennie riche d’évolutions ”, RJF 6/98, pp. 459 et suivantes.

13 ) Armel Kerrest : “ La rétroactivité de la loi fiscale ”, Revue française de finances publiques, n° 42–1993, p. 154.

14 ) Conseil des impôts, treizième rapport au Président de la République, Fiscalité et vie des entreprises, 1994, volume I, p. 346.

15 ) Article précité, p. 658.

16 ) Rapport de la commission pour l’amélioration des rapports entre les citoyens et les administrations fiscales et douanières, p. 53.

17 ) Article précité, p. 656.

18 ) Libre propos dans la Gazette du Palais, 7 avril 1987, doctrine, p. 271.

19 ) Article précité, p. 159.

20 ) Notamment décision n° 96-385 DC du 30 décembre 1996 sur la loi de finances pour 1997 et décision n° 97-391 DC du 7 novembre 1997 sur la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier.

21 ) Jean-Eric Schoettl, conseiller d’Etat, AJDA, 20 décembre 1997, Doctrine, p. 971.

22 ) Décision n° 93-335 DC du 21 janvier 1994 relative à la loi portant diverses dispositions en matière d’urbanisme et de construction.

23 ) Saisine en date du 22 décembre 1986, seconde loi de finances rectificative pour 1986.

24 ) Conseil des impôts, rapport précité, 1994, T. I, p. 345.

25 ) Oliver Fouquet, conseiller d’Etat, “ La rétroactivité des lois fiscales ”, La revue administrative n° 278, avril 1994, p. 140.

26 ) Jérôme Turot, article précité, 1990, page 656.

27 ) Voir l’avis de l’assemblée générale du Conseil d’Etat du 4 décembre 1972.

28 ) La jurisprudence du Conseil constitutionnel. Principes directeurs, 1988, p. 153.