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le 25 janvier 1999

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N° 1333

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 janvier 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1) SUR LA
PROPOSITION DE
LOI (n  1301) de M.  PHILIPPE DOUSTE-BLAZY créant les plans de prévoyance retraite.

PAR M. Jacques BARROT,

Député.

——

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Retraites : généralités.

La commission des finances, de l’économie générale et du plan est composée de : MM. Augustin Bonrepaux, président ; Didier Migaud, rapporteur général ; Jean-Pierre Brard, Arthur Dehaine, Yves Tavernier, vice-présidents ; Pierre Bourguignon, Jean-Jacques Jegou, Michel Suchod, secrétaires ; MM.  Maurice Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, François d’Aubert, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, François Baroin, Alain Barrau, Jacques Barrot, Alain Belviso, Christian Bergelin, Éric Besson, Jean-Michel Boucheron, Michel Bouvard, Mme Nicole Bricq, MM. Christian Cabal, Jérôme Cahuzac, Thierry Carcenac, Gilles Carrez, Henry Chabert, Didier Chouat, Alain Claeys, Yves Cochet, Charles de Courson, Christian Cuvilliez, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Yves Deniaud, Michel Destot, Patrick Devedjian, Laurent Dominati, Raymond Douyère, Tony Dreyfus, Jean-Louis Dumont, Daniel Feurtet, Pierre Forgues, Gérard Fuchs, Gilbert Gantier, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Edmond Hervé, Jacques Heuclin, Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Michel Inchauspé, Jean-Pierre Kucheida, Marc Laffineur, Jean-Marie Le Guen, François Loos, Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, MM. Pierre Méhaignerie, Louis Mexandeau, Gilbert Mitterrand, Jean Rigal, Alain Rodet, Nicolas Sarkozy, Gérard Saumade, Philippe Séguin, Jean-Pierre Soisson, Georges Tron, Philippe Vasseur, Jean Vila.

INTRODUCTION 5

I.– UN CONTEXTE QUI PLAIDE POUR LA MISE EN PLACE D’UN ÉTAGE SUPPLÉMENTAIRE D’ASSURANCE VIEILLESSE 7

A.– LES EXEMPLES ÉTRANGERS MONTRENT LA DIVERSITÉ DES SOLUTIONS RETENUES 7

B.– LES MÉCANISMES EXISTANTS DOIVENT ÊTRE ÉTENDUS ET GÉNÉRALISÉS 9

1.– Certaines catégories peuvent déjà accéder à un supplément de retraite 9

2.– Les salariés doivent se contenter d’épargner dans le cadre de l’entreprise 10

C.– DE PRÉCÉDENTES INITIATIVES PARLEMENTAIRES ONT TENTÉ D’APPORTER UNE RÉPONSE 11

II.– LES ATERMOIEMENTS DE LA MAJORITÉ 15

A.– LA SITUATION DES RÉGIMES OBLIGATOIRES MONTRE QU’IL FAUT INTERVENIR RAPIDEMENT 15

B.– LA MISE EN PLACE D’UN ÉTAGE SUPPLÉMENTAIRE DE RETRAITE CONTRIBUERA ÉGALEMENT À RÉORIENTER L’ÉPARGNE 17

C.– LE GOUVERNEMENT A TROP TARDÉ À AGIR 18

1.– “ Assurer la pérennité des régimes par répartition ” ? 19

2.– “ Engager la réflexion ” ? 20

III.– UN TEXTE ÉQUILIBRÉ QUI PERMET À L’ENSEMBLE DES SALARIÉS D’ACCÉDER À UN SUPPLÉMENT DE RETRAITE 23

A.– UN PROCESSUS DE GÉNÉRALISATION VENANT À L’APPUI DES RÉGIMES DE BASE ET COMPLÉMENTAIRES, ... 24

B.– ... ASSOCIANT LES PARTENAIRES SOCIAUX, ... 28

1.– Un nouveau champ pour la négociation collective 28

2.– La participation des syndicats représentatifs au comité de surveillance 29

C.– ... PROTÉGEANT LES ADHÉRENTS... 29

1.– Des structures dédiées 29

2.– Le maintien ou le transfert des droits acquis 30

3.– L’information des adhérents 30

4.– Le contrôle des fonds de prévoyance retraite 31

D.– ... ET CONTRIBUANT À RÉORIENTER L’ÉPARGNE 31

EXAMEN EN COMMISSION 33

INTRODUCTION

La proposition de loi présentée par M. Philippe Douste-Blazy, créant les plans de prévoyance retraite, illustre une double volonté :

– quant à la procédure, d’abord, la volonté de confirmer l’intérêt du Parlement sur cette question ;

– sur le fond, ensuite, la volonté de faire enfin bénéficier tous les Français d’un étage supplémentaire d’assurance vieillesse.

Le contexte plaide en effet pour la mise en place d’un tel dispositif (I). Malheureusement, la nouvelle majorité ne semble pas avoir pris la mesure de l’urgence à intervenir dans ce domaine (II). C’est pourquoi le dépôt de la présente proposition de loi, qui crée un système équilibré accessible à l’ensemble de nos concitoyens, paraît particulièrement opportun (III).

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I.– UN CONTEXTE QUI PLAIDE POUR LA MISE EN PLACE D’UN ÉTAGE SUPPLÉMENTAIRE D’ASSURANCE VIEILLESSE

Atypique, injustifiable et effarante, la réalité n’en est pas moins incontestable : à l’heure actuelle, la plupart de nos concitoyens n’ont pas accès à une prévoyance retraite digne de ce nom.

Cette situation est atypique, car tous nos partenaires ont développé depuis longtemps, mutatis mutandis, des mécanismes de prévoyance retraite (A).

Cette situation est injustifiable, car elle crée une inégalité entre les salariés, c’est-à-dire la majorité de nos concitoyens, d’une part, et les quelques catégories socioprofessionnelles qui bénéficient déjà de tels mécanismes (B).

Cette situation est effarante, car les efforts conjugués des parlementaires de la précédente majorité s’étaient traduits par l’adoption d’une proposition de loi que la nouvelle majorité, affichant une volonté par trop simpliste de faire table rase, se borne à rejeter en bloc (C).

A.– LES EXEMPLES ÉTRANGERS MONTRENT LA DIVERSITÉ DES SOLUTIONS RETENUES

La France est le seul pays développé à ne pas avoir véritablement développé de mécanismes de retraite par capitalisation. Faut-il ici se féliciter de ce nouvel avatar de “ l’exception française ” ? Sans se référer à des modèles qui pourraient paraître – d’un point de vue géographique et, surtout, d’un point de vue social et historique – par trop éloignés de nos préoccupations, et pour s’en tenir, par conséquent, à l’Union européenne, tous nos partenaires y recourent selon des modalités diverses.

Ainsi, en Allemagne, si les régimes légaux par répartition assurent 75 à 80 % de la pension des salariés, les entreprises ont créé des régimes qui présentent les caractéristiques suivantes : le coût en est presque entièrement supporté par l’employeur, qui détermine donc contributions et prestations ; celui-ci constitue des provisions pour pensions qu’il inscrit à son bilan en franchise d’impôt. Contrairement à une idée reçue, ce système n’a donc rien à voir avec la cogestion.

Toutefois, s’il a pour avantage d’alimenter les fonds propres des entreprises, il n’assure pas une protection égale pour tous : les statistiques montrent en effet que les salariés travaillant dans les grandes entreprises, dans l’industrie ou à temps plein sont privilégiés par rapport à ceux qui travaillent dans des petites entreprises, dans le commerce ou à temps partiel. Au total, près d’un salarié allemand sur deux a accès à une retraite par capitalisation.

Il en va de même au Royaume-Uni, dont la majorité des fonds de pension sont également à prestations définies. Des différences fondamentales doivent cependant être relevées : ils sont gérés hors de l’entreprise par des fiducies (trusts), qui peuvent placer dans l’entreprise qui a créé le fonds au plus 5 % des sommes reçues ; ils sont financés par des cotisations des employeurs et des salariés ; enfin, ils versent un montant de pensions considérable, équivalent à celui du régime de base, pour un nombre de bénéficiaires pourtant de moitié inférieur.

Aux Pays-Bas, plus de 80 % des salariés relèvent d’un mécanisme de retraite par capitalisation. Les fonds de pension résultent principalement d’accords de branche qui s’imposent aux entreprises adhérentes. Ils sont gérés de façon paritaire par les partenaires sociaux. Les cotisations des employeurs et des salariés bénéficient de déductions fiscales et sociales. En fait, les fonds de pension néerlandais, qui appartiennent théoriquement au champ de la protection sociale facultative, tiennent une place essentielle dans la protection complémentaire, ce qui explique que leurs actifs atteignent une proportion record du produit national brut (plus de 75 %).

Il ne faudrait pas déduire de ce qui précède que la capitalisation est le propre de pays du Nord imprégnés par la tradition réformée. Ainsi, l’Espagne distingue-t-elle trois types de “ plans de pension ” (d’entreprise, d’association ou individuels). Chacun peut donc accéder à un complément de retraite, même si l’employeur ne souhaite pas participer à de tels plans. Quant à l’Italie, elle a établi, par une loi de 1993, les bases d’un complément de retraite par capitalisation concernant l’ensemble des salariés et des travailleurs indépendants. D’origine conventionnelle, ces fonds de pension sont administrés par les partenaires sociaux.

Quels enseignements pouvons-nous tirer de ce bref aperçu ? Tous les grands pays de l’Union européenne se sont dotés de mécanismes supplémentaires d’assurance vieillesse. Certes, l’universalité des systèmes, leur caractère obligatoire, leur place dans le revenu des retraités, l’association des salariés à leur gestion et les modalités de placement de leurs fonds constituent autant de critères de différenciation. Mais comme le but n’est pas de copier l’un ou l’autre de ces systèmes, car chaque pays, en fonction de son génie national et de son pacte social, a retenu une solution qui lui est propre, pourquoi n’en ferions-nous pas autant ?

B.– LES MÉCANISMES EXISTANTS DOIVENT ÊTRE ÉTENDUS ET GÉNÉRALISÉS

Les exemples étrangers montrent que l’accès à un complément de retraite par capitalisation n’est pas nécessairement égal. Mais il ne s’agit pas ici de discriminations juridiques : dans tous ces pays, chacun a en principe vocation à bénéficier de la capitalisation, même si des facteurs historiques, économiques et sociaux se conjuguent pour affaiblir la portée réelle de ce principe.

En revanche, la France se signale ici aussi par une particularité étonnante : une grande majorité de la population active ne peut juridiquement accéder à un véritable supplément de retraite.

1.– Certaines catégories peuvent déjà accéder à un supplément de retraite

Le débat français sur la répartition et la capitalisation présente depuis toujours un caractère excessivement idéologique. Il faut donc s’efforcer, dans un tel contexte, d’en rester aux faits. Or, aussi surprenant que cela puisse paraître, que constate-t-on ? Non seulement des fonds de pension existent déjà en France, mais les principaux bénéficiaires en sont les fonctionnaires.

En effet, la capitalisation est déjà venue compléter, parfois de longue date, certains régimes spéciaux : dès 1954, le CREF, a été créé dans le cadre des mutuelles de l’éducation nationale et étendu à la Mutualité de la fonction publique ; en 1967, la Préfon a été constituée à l’initiative de quatre centrales syndicales de la fonction publique (CFDT, CFTC, CGC et FO). On rappellera que les versements des cotisants sont à la fois entièrement libres et fiscalement déductibles, y compris les cotisations de rachat. À la sortie, la rente est imposée dans les mêmes conditions que les rémunérations, c’est-à-dire en tenant compte de l’abattement de 10 %, puis de l’abattement général de 20 %.

Trois textes législatifs sont ensuite intervenus au bénéfice d’autres catégories d’actifs. La loi du 30 décembre 1988 a institué une assurance vieillesse complémentaire (COREVA) pour les chefs d’exploitations et d’entreprises agricoles. Puis la loi du 3 février 1992, ouvrant aux élus locaux la possibilité de se constituer une retraite par rente, s’est traduite par la mise en place de deux fonds de pension, l’un (Fonpel) relevant du code des assurances, l’autre (Carel) relevant du code de la mutualité. Enfin, la loi du 11 février 1994, dite “ loi Madelin ”, a ouvert aux professions indépendantes l’accès à un complément de retraite par capitalisation par le biais de groupements constitués sous la forme d’associations.

Ceci étant, trop peu de Français peuvent bénéficier de ces différents mécanismes : 4 millions de personnes pourraient être affiliées dans la fonction publique, mais à peine 500.000 le sont dans la pratique ; sur l,5 million de travailleurs indépendants, on compte seulement 100.000 “ contrats Madelin ” ; enfin, environ 110.000 exploitants agricoles souscrivent à COREVA.

Dans ces conditions, comment expliquer à l’immense majorité des salariés, soit 14 millions d’affiliés au régime général, qu’ils ne peuvent accéder à un supplément de retraite, alors même que leur régime de base, à la différence de celui de la fonction publique, a consenti, depuis 1993, des efforts d’adaptation aux réalités démographiques et économiques ?

2.– Les salariés doivent se contenter d’épargner dans le cadre de l’entreprise

Il existe aujourd’hui trois principaux mécanismes de retraite supplémentaire dans le cadre de l’entreprise, chacun étant désigné par le numéro de l’article du code général des impôts fixant le régime fiscal applicable à ses contrats.

Le mécanisme dit “ de l’article 39 ” (ou “ retraite chapeau) consiste en des prestations définies. L’entreprise s’engage à verser au salarié, au moment de son départ à la retraite et à la condition qu’il soit encore employé par elle à cette date, une retraite supplémentaire généralement calculée par référence au dernier salaire. Seul l’employeur en supporte le financement, les versements étant intégralement déductibles du bénéfice imposable, sauf en cas de gestion interne.

Le mécanisme dit “ de l’article 82 ” s’apparente à une assurance vie ordinaire : l’entreprise verse les primes d’un contrat d’assurance vie qu’elle a souscrit au profit d’un salarié ou d’une catégorie de salariés. Ces versements sont assujettis à l’impôt sur le revenu.

Enfin, le mécanisme dit “ de l’article 83 ” est à cotisations définies. L’adhésion des salariés d’une même catégorie est obligatoire dans le cadre d’un accord d’entreprise. Employeur et salariés participent au financement, leurs versements étant exonérés d’impôt sur le revenu dès lors qu’ajoutés aux cotisations d’assurance vieillesse obligatoires, ils n’excèdent pas 19 % de huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit un peu moins de 264.000 francs.

Les montants mobilisés par l’épargne salariale étaient évalués, en 1995, à 120 milliards de francs. En tout état de cause, ces sommes ne bénéficient que de façon marginale à l’ensemble de l’économie, l’essentiel étant placé dans des produits obligataires.

En outre, chacun de ces mécanismes présente des inconvénients sérieux pour le salarié s’agissant de la portabilité de ses droits dans une autre entreprise, alors même que les évolutions économiques et sociales constatées au cours des dernières décennies tendent à accroître la mobilité, voulue ou simplement consentie, des salariés.

C.– DE PRÉCÉDENTES INITIATIVES PARLEMENTAIRES ONT TENTÉ D’APPORTER UNE RÉPONSE

Votre Rapporteur relève, pour s’en féliciter, que c’est le Parlement qui a, de longue date, non seulement été le lieu central du débat sur cette question, mais également le lieu de décision, puisque ses travaux ont abouti à un texte, la loi n° 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans d’épargne retraite, dite “ loi Thomas ”.

Si, d’un point de vue purement chronologique, c’est au Sénat que notre collègue Philippe Marini avait présenté une première proposition de loi le 19 février 1993, ce sont les textes déposés sous la précédente législature sur le bureau de notre Assemblée, tant par M. Jean-Pierre Thomas (n° 741) que par votre Rapporteur (n° 1039), qui ont finalement abouti.

Que n’a-t-on pas entendu au sujet de la loi du 25 mars 1997 ! Compte tenu des responsabilités qu’il exerçait alors au sein de notre Assemblée, votre Rapporteur se sent fondé à souligner que contrairement à ce qui a souvent été dit ou écrit, les travaux parlementaires ont fait l’objet d’une large concertation et qu’ils n’ont en rien été précipités, puisque près de quatre années séparent le dépôt de la première proposition de loi de la promulgation de la loi. Au contraire, il faut rendre ici hommage à l’effort soutenu de pédagogie accompli par M. Jean-Pierre Thomas tout au long de la procédure parlementaire.

Cette loi crée, pour l’ensemble des salariés de droit privé, un système de retraite supplémentaire à cotisations définies, par capitalisation, donnant droit à une rente viagère lors de la cessation d’activité, avec une option de sortie partielle en capital, limitée à 20 % du capital et à hauteur de 75 % du plafond annuel de la sécurité sociale (130.000 francs). Cette rente est imposable au titre des pensions.

Les versements des salariés sont facultatifs. Ils peuvent éventuellement être complétés par l’employeur dans la limite de quatre fois le versement salarial. Cet abondement patronal entre dans l’enveloppe globale d’exonération de cotisations sociales au titre de la prévoyance et de la retraite complémentaire, soit 85 % du plafond de la sécurité sociale (147.600 francs par an). En revanche, il est soumis au premier franc à la CSG et à la CRDS. Les sommes versées sur ces plans d’épargne retraite sont déductibles de l’impôt sur le revenu dans la limite de 5 % du montant brut de la rémunération ou de 20 % du plafond de la sécurité sociale (34.700 francs), avec une faculté de report des déductions non utilisées au cours des trois dernières années.

Les plans sont créés dans le cadre de l’entreprise ou de la branche par la voie d’un accord collectif. Ils sont gérés par des structures dédiées, les fonds d’épargne retraite, soumis à un agrément administratif et relevant du code des assurances, du code de la mutualité ou constitués sous la forme d’un organisme de prévoyance. Un an après la promulgation de la loi ou six mois après le début de la négociation collective, le salarié qui ne se serait pas vu proposer de plan par son entreprise peut adhérer individuellement au plan de son choix.

La protection et l’information de l’adhérent sont assurées tant de manière individuelle (maintien des droits acquis, transfert des droits attachés à un plan) que collective (informations périodiques, comité de surveillance pour chaque plan, contrôle conjoint par la commission de contrôle des assurances et la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance).

Les fonds d’épargne retraite ne peuvent s’engager à servir des prestations définies. Dans le même esprit, la loi prévoit une règle de concentration maximale des engagements réglementés des fonds d’épargne retraite en titres de créances (65 %). Des règles de dispersion des placements s’appliquent également : les engagements ne peuvent être représentés pour plus de 5 % par des parts ou actions d’un même OPCVM ou par l’ensemble des valeurs émises et des prêts obtenus par une même société. Les placements dans les sociétés non cotées, les fonds communs de placement à risques et les fonds communs de placement dans l’innovation bénéficient toutefois d’une exception : les engagements réglementés d’un fonds d’épargne retraite peuvent y être représentés à concurrence de 10 % et dans la limite de 0,5 % par émetteur.

Votre Rapporteur reviendra sur l’appréciation qu’il convient de porter sur la loi du 25 mars 1997. Mais d’ores et déjà, quels qu’aient pu être les défauts de ce texte – comme tout texte peut en comporter – était-il nécessaire pour la nouvelle majorité, faisant du passé table rase, de mettre au panier quatre années de réflexions et de débats ? On incline d’autant plus à répondre par la négative à cette question que le bilan du Gouvernement dans le domaine de la retraite ne peut être considéré comme satisfaisant.

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II.– LES ATERMOIEMENTS DE LA MAJORITÉ

19 juin 1997 : M. Lionel Jospin, Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, annonce que “ les dispositions récemment adoptées en faveur des fonds de pension qui peuvent porter atteinte aux régimes par répartition seront remises en cause ”. On observera d’emblée qu’il ne s’agissait pas nécessairement d’abroger l’ensemble de la loi du 25 mars 1997, ici visée, mais seulement celles de ses dispositions jugées susceptibles de porter atteinte aux régimes par répartition.

Plus d’un an et demi après, la situation n’a pas évolué.

Ceci signifie d’abord que le Gouvernement n’a pas même seulement donné satisfaction à sa majorité : à l’issue d’un débat d’anthologie au cours de l’examen en séance publique du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, l’intégralité de la loi du 25 mars 1997 est toujours en vigueur, même si, faute de décrets d’application, aucun salarié ne peut aujourd’hui en bénéficier.

Mais ceci signifie surtout que deux années au moins ont été perdues, alors que les salariés auraient pu commencer, dès 1997, à se constituer une épargne pour compléter leurs retraites de base et complémentaire.

Il y a effectivement urgence à agir, car les échéances difficiles s’approchent inexorablement pour les régimes obligatoires (A). En outre, la mise en place d’un système supplémentaire de retraite par capitalisation permettrait de remédier à la faiblesse de nos entreprises en capitaux propres, qui est devenue un handicap dans la compétition internationale (B).

Dès lors, l’attitude consistant à attendre les conclusions de la mission de concertation sur les retraites confiée au commissaire général du Plan, M. Jean-Michel Charpin, n’est pas la plus raisonnable (C).

A.– LA SITUATION DES RÉGIMES OBLIGATOIRES MONTRE QU’IL FAUT INTERVENIR RAPIDEMENT

Les perspectives d’évolution des régimes obligatoires de retraite méritent d’être rappelées, car elles font apparaître la nécessité de constituer dès aujourd’hui des compléments de retraite : plus tôt ce processus sera engagé, plus la marge de manœuvre sera importante pour atténuer, le moment venu, la baisse de rendement des régimes par répartition.

Les données recueillies et synthétisées dans le cadre de la mission confiée à M. Charpin permettent d’actualiser des perspectives qui sont, en réalité, connues depuis longtemps. En effet, parmi les différentes branches des assurances sociales, c’est bien la branche vieillesse dont l’évolution est la plus aisément prévisible sur le long terme.

La situation des régimes obligatoires se dégradera donc à partir de 2005, avec l’arrivée de classes nombreuses (baby boom) à l’âge de la retraite. En retenant l’hypothèse d’un taux de chômage ramené à 6 %, les retraites représenteraient 15,7 % du produit intérieur brut en 2040, contre 11,6 % aujourd’hui. Corrélativement, les dépenses des régimes tripleraient, alors que la masse salariale serait seulement doublée.

Dans ces conditions, le besoin de financement du régime général serait de l’ordre de 400 milliards de francs, celui du régime des fonctionnaires de l’État de l’ordre de 250 milliards de francs et celui de la CNRACL de l’ordre de 100 milliards de francs. Pour les régimes complémentaires, l’effet serait du même ordre, même s’il est moins spectaculaire en volume : plus de 40 milliards de francs pour l’ARRCO, environ 30 milliards de francs pour l’AGIRC.

Il est intéressant de relever que le commentaire accompagnant ces projections précise que “ les difficultés du marché de l’emploi ont, à long terme, un effet moins important que les modifications structurelles, c’est-à-dire l’allongement de l’espérance de vie et l’arrivée à l’âge de la retraite de générations nombreuses ”. Autrement dit, “ une hausse supplémentaire de la population active aurait un effet minime sur les comptes des régimes ”. Il serait donc vain, et même dangereux, d’attendre un hypothétique retour à la croissance pour sauver les régimes par répartition.

Au-delà du financement des régimes, les incidences de ces évolutions globales sur la situation individuelle des retraités doivent être considérées avec attention. Certes, les projections à l’horizon 2040 montrent une augmentation significative des pensions, bien qu’inégale (de + 10 % pour l’ARRCO jusqu’à + 81 % pour les fonctionnaires de l’État). Ceci étant, il faut bien voir que c’est le taux de remplacement, c’est-à-dire le montant de la retraite rapporté au dernier salaire d’activité, qui constitue l’élément décisif pour les intéressés. Or, ce taux, qui est actuellement d’environ 70 %, passerait à 60 % en 2015 et à 50 % en 2040, sans éviter pour autant une hausse des cotisations. Encore faut-il préciser qu’il ne s’agit que d’une moyenne et que ce taux n’est déjà que de 59 % pour les cadres moyens et de 51 % pour les cadres supérieurs.

Ce n’est donc pas faire preuve d’une quelconque hostilité à l’égard des régimes obligatoires de retraite que de constater qu’ils sont à la veille d’affronter des difficultés considérables : si l’on veut maintenir le niveau de vie des futurs retraités, une réaction rapide et déterminée s’impose donc.

B.– LA MISE EN PLACE D’UN ÉTAGE SUPPLÉMENTAIRE DE RETRAITE CONTRIBUERA ÉGALEMENT À RÉORIENTER L’ÉPARGNE

La motivation et l’objet de la présente proposition de loi sont purement sociaux : il s’agit de mettre en place pour tous les salariés le supplément de retraite qui permettra de compenser les difficultés prévisibles des régimes obligatoires. Toutefois, il est indéniable que cette mise en place aura des incidences financières.

D’une part, l’épargne constituée en vue de la retraite pourra renforcer le marché des actions. En effet, il s’agira d’une opération à long terme ; or, le placement en actions est celui qui, sur le long terme, procure la rentabilité la plus élevée. Par conséquent, cette épargne longue pourra ainsi remédier à la traditionnelle faiblesse en fonds propres de nos entreprises.

D’autre part, il faut se souvenir que les fonds de pension étrangers détiennent environ 40 % de l’encours des actifs cotés sur la place de Paris, ce qui représente un facteur d’instabilité, compte tenu de la volatilité de ces capitaux. Par conséquent, il devient indispensable, face à ces investisseurs, de structurer la défense de nos intérêts économiques, sociaux et financiers, c’est-à-dire ceux des entreprises, de leurs salariés et de la place de Paris. La mobilisation d’une épargne constituée en vue de la retraite peut y contribuer dans une large mesure.

Votre Rapporteur préfère laisser la parole, pour les quelques lignes qui suivent, à une personnalité qui résume parfaitement la problématique et les enjeux dans ce domaine :

“ Le véritable apport des fonds de pension, c’est de permettre de prélever une partie de la croissance extérieure. À travers les fonds de pension anglo-saxons, américains entre autres, qui possèdent, par exemple, 30 % du capital de Renault, les travailleurs domiciliés en France participent déjà au financement des retraites américaines. Si nous ne bougeons pas, dans dix ans, à travers ces fonds de pension, une part de la croissance intérieure financera les pensions de non-résidents, alors que nous n’aurons que notre propre croissance pour financer nos propres pensions.

“ Les régimes de répartition s’appuient exclusivement sur la croissance intérieure. Seuls les fonds de pension permettent de prélever sur la croissance externe.

“ Un pays développé et démographiquement vieillissant comme la France doit impérativement élargir l’assiette du financement de ses retraites. Telle est la raison du caractère incontournable des fonds de pension.

“ En participant par exemple au financement de la croissance d’un pays comme la Chine, les fonds de pension prélèveront sur la production intérieure chinoise. Cette idée n’a rien de “ néo-impérialiste ”. Il est logique que, si l’épargne dégagée par les fonds de pension contribue au financement de la croissance d’un pays, il y ait un retour à travers les revenus du capital ”.

On aura certainement reconnu, dans ce thuriféraire des mécanismes du capitalisme international contemporain, notre collègue Jean-Claude Boulard, dans un article paru dans le quotidien Le Monde daté du 13 novembre dernier. Votre Rapporteur, qui souscrit pleinement à ces analyses, s’étonne dès lors que la majorité ait autant tardé à agir.

C.– LE GOUVERNEMENT A TROP TARDÉ À AGIR

“ La montée de l’épargne retraite. Il ne s’agit plus du vieux débat sur la capitalisation, mais sans doute d’une réalité de mieux en mieux admise. (...) Il s’agit de brancher les dispositifs de salaires différés, quels qu’ils soient (...) sur les fonds propres des entreprises, plus spécifiquement des PME. (...) L’obstacle essentiel est sans doute politique, mais refuser de poser le problème va au-delà du renoncement intellectuel, et touche à ce qui reste de conviction idéologique en chacun de nous ”.

Ces quelques lignes, extraites d’un ouvrage intitulé de façon très significative “ L’heure des choix ” et cosigné en 1991 par MM. François Hollande et Pierre Moscovici, laissent rêveur lorsque l’on considère les tergiversations du Gouvernement depuis 1997. Alors que “ l’heure des choix ” a effectivement sonné depuis fort longtemps, celui-ci semble s’en tenir à une mauvaise parodie d’une pièce du théâtre de l’absurde, qui pourrait s’intituler “ En attendant Charpin ”, dans laquelle les personnages s’exhortent à avancer (“ On y va ? ”, “ On y va ”) sans toutefois donner la moindre traduction concrète de cette intention.

Il est vrai que l’argumentation du Gouvernement tourne autour de deux slogans, dont aucun ne résiste à une analyse tant soit peu sérieuse : “ assurer la pérennité des régimes par répartition ”, d’une part ; “ engager la réflexion ”, d’autre part.

1.– “ Assurer la pérennité des régimes par répartition ” ?

Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, la ministre de l’Emploi et de la Solidarité, Mme Martine Aubry, a indiqué que “ la priorité absolue du Gouvernement est d’assurer la sécurité et la pérennité des régimes par répartition ”. Qu’en est-il en réalité ?

C’est la précédente majorité qui a procédé, non sans courage, à l’indispensable réforme de la branche vieillesse du régime général, tout en créant, par la loi du 23 juillet 1993, dite “ loi Veil ”, le fonds de solidarité vieillesse (FSV), déchargeant les régimes d’assurance de certaines de leurs missions qui relèvent en réalité de la solidarité nationale.

À l’appui de son discours sur les retraites, le Gouvernement issu des élections de 1997 ne peut apporter que la création, par l’article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, d’un fonds de réserve pour le régime général ainsi que les régimes des artisans et des commerçants. Or, nombre d’incertitudes règnent encore, qu’il s’agisse de son alimentation, du cantonnement des sommes qui y seront versées, du moment d’utilisation de ces sommes ou des modalités de gestion des réserves constituées.

Une certitude, en revanche : les ressources affectées au fonds – à court terme (2 milliards de francs en 1999) comme à moyen terme (23 milliards de francs en quatre ans, correspondant au produit de la mutualisation des caisses d’épargne) – sont insuffisantes, compte tenu des besoins de financement prévisibles évoqués plus haut. En outre, la création de ce fonds ne peut, en tout état de cause, répondre qu’à une partie de la question posée, car elle laisse totalement à l’écart la problématique propre aux régimes spéciaux.

Au demeurant, peut-on se contenter de se fixer cet objectif ? La réponse est bien évidemment négative. Il n’est plus possible de s’en tenir à une opposition archaïque entre la répartition, parée de toutes les vertus, et la capitalisation, incarnation du mal absolu. Chacun sait par exemple que la réorientation de l’épargne qui accompagnera la mise en place d’une retraite supplémentaire par capitalisation, contribuant à une croissance plus solide, renforcera ainsi les régimes obligatoires. Par conséquent, la sauvegarde des régimes obligatoires est évidemment indispensable, mais elle n’est pas suffisante : il faut, dans le même temps, se donner les moyens d’aller plus loin.

2.– “ Engager la réflexion ” ?

Au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, Mme Martine Aubry a également déclaré : “ Nous avons engagé la réflexion (...) sur la base d’un diagnostic qui sera, je l’espère, le plus partagé possible. Cela devrait nous conduire, après un grand débat public, à prendre des décision en 1999 ”.

Cette ligne de conduite ne se justifie pas : en effet, peut-on sérieusement soutenir que le diagnostic n’est pas connu depuis longtemps ? Sans remonter aux travaux de la commission “ protection sociale ” du Plan, présidée par M. René Teulade (1989), le “ livre blanc ” du Gouvernement sur les retraites, préfacé par M. Michel Rocard, Premier ministre (1991) et les “ perspectives à long terme des retraites ” tracées par un groupe de travail du commissariat du Plan, présidé par M. Raoul Briet (1995), ont clairement montré que les régimes de retraite allaient rencontrer des déséquilibres profonds. On a d’ailleurs vu que les premières analyses de M. Charpin, précédemment présentées, tendent à corroborer, voire à accentuer, la gravité des constats établis par ces différents travaux.

Dans ces conditions, il y a lieu de s’interroger sur les raisons qui ont amené le Gouvernement à se saisir si tardivement du dossier des retraites, et ceci seulement pour solliciter pour la quatrième fois en dix ans experts et partenaires sociaux sur cette question. On peut remarquer que M. Charpin ne devrait pas remettre ses conclusions avant mars ou avril prochain, ce qui permettra sans doute au Gouvernement de ne pas prendre de mesures avant les élections européennes qui auront lieu au mois de juin.

Votre Rapporteur s’en inquiète d’autant plus que la mise en place de “ l’épargne à long terme complétant la retraite par répartition ” que le Gouvernement entend proposer ne cesse d’être retardée.

Intervenant lui aussi au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le 28 octobre dernier, le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, M. Dominique Strauss-Kahn, avait précisé que le Gouvernement présenterait “ très rapidement, en 1999 ”, un texte spécifique ou un certain nombre d’articles à l’occasion d’un autre texte.

Dans un entretien accordé le 7 janvier dernier au quotidien Le Monde, le Premier ministre, M. Lionel Jospin, repousse cette échéance : “ Nous aborderons cette question dans la seconde partie de l’année 1999 ”.

Enfin, au cours d’un débat diffusé, le 11 janvier dernier, par la chaîne de télévision LCI, le secrétaire d’État au Budget, M. Christian Sautter, a assuré que le complément de retraite sur lequel le Gouvernement réfléchit fera l’objet de “ décisions dans le budget de l’État pour 2000, discuté à l’automne 1999 et dans le budget de la sécurité sociale pour l’année 2000 ”.

Ces perspectives ne sont en rien rassurantes.

En effet, les propos tenus par M. Christian Sautter donnent à penser que le Gouvernement n’entend pas nécessairement recourir à un texte spécifique. Compte tenu des contraintes de contenu qui s’imposent tant aux lois de finances qu’aux lois de financement de la sécurité sociale, c’est-à-dire l’exclusion de ce qu’il est convenu d’appeler les “ cavaliers ”, deux possibilités doivent être envisagées : soit le Gouvernement présente à l’occasion de ces deux textes un dispositif complet, auquel cas il court le risque de déborder du champ de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale ; soit il présente un dispositif fragmentaire et peu lisible, à cheval sur deux textes, mais dont l’ambition et la portée risquent d’être fort limitées.

En tout état de cause, si le Gouvernement optait finalement pour un projet de loi spécifique, il est peu probable que celui-ci puisse être inscrit à l’ordre du jour de notre Assemblée avant le début de l’année prochaine. Il ne serait donc adopté qu’au premier semestre 2000.

Alors que la précédente majorité avait adopté un texte de loi, l’apport de l’actuel Gouvernement se mesure en temps perdu : un an et demi d’inaction, puis un an d’atermoiements. Les salariés, qui auraient pu bénéficier de la faculté d’améliorer leur retraite dès 1997, devront donc patienter, au mieux, trois années supplémentaires. Il faut conserver à l’esprit, en outre, la lenteur de la montée en charge des avantages que les salariés et les entreprises pourront retirer de la prévoyance retraite.

Ce seul constat aurait suffi à fonder le dépôt d’une proposition de loi dès aujourd’hui. Mais, au-delà du souci de ne pas perdre davantage de temps, la présente proposition de loi a le mérite de mettre en place un dispositif équilibré.

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III.– UN TEXTE ÉQUILIBRÉ QUI PERMET À L’ENSEMBLE DES SALARIÉS D’ACCÉDER À UN SUPPLÉMENT DE RETRAITE

On voudra bien donner acte à votre Rapporteur de ce que sa conception d’un étage supplémentaire d’assurance vieillesse n’a pas varié depuis que M. Jean-Pierre Thomas, rapportant les propositions de loi déposées sous la précédente législature (rapport n° 1286, 26 mai 1994), en avait résumé ainsi les objectifs :

“ – ne pas concurrencer les régimes existants ;

“  créer un véritable système de retraite surcomplémentaire et non pas un simple produit financier ;

“ – en faire un enjeu du dialogue social ;

“ – assurer aux cotisants des garanties et une liberté suffisantes ;

“ – orienter l’épargne vers les fonds propres, notamment des PME ;

“  créer un régime intéressant pour l’entreprise et pour les actifs ”.

L’économie générale de la loi du 25 mars 1997, injustement décriée, permettait d’atteindre de façon satisfaisante la plupart de ces objectifs. Qu’on n’attende donc ici aucun reniement de la part de votre Rapporteur aussi bien que de la majorité d’alors.

Ceci étant, cette loi est naturellement perfectible – laquelle ne l’est pas ? Ouvert au dialogue, votre Rapporteur est donc tout naturellement disposé à prendre en considération les arguments qui ont pu être invoqués contre ce texte. En séance publique, le 28 octobre dernier, Mme Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, les a regroupés autour de trois critiques :

– l’épargne retraite “ détournerait des ressources complémentaires pour la sécurité sociale ” ;

– elle “ représenterait une solution individuelle, et non collective et négociée ” ;

– elle serait “ injuste ”, car elle “ accorderait des avantages à certains seulement ”.

Chacun peut constater que la présente proposition de loi tient compte de ces critiques. Elle bénéficie en effet d’un mûrissement supplémentaire par rapport à la loi du 25 mars 1997, sans pour autant renoncer à toutes les options retenues par ce texte. Elle démontre donc qu’il était possible, dès 1997, de mettre en œuvre l’épargne retraite, en partant du droit existant, et qu’il est possible, aujourd’hui, de trouver une solution consensuelle afin de lancer au plus vite la prévoyance retraite.

C’est pourquoi votre Rapporteur souscrit pleinement à la démarche et au contenu de la présente proposition de loi, moyennant quelques aménagements qui lui paraissent de nature à mieux faire coïncider les objectifs précédemment rappelés avec le dispositif proposé.

A.– UN PROCESSUS DE GÉNÉRALISATION VENANT À L’APPUI DES RÉGIMES DE BASE ET COMPLÉMENTAIRES, ...

L’article 3 de la présente proposition de loi dispose que les salariés doivent adhérer à un plan de prévoyance retraite. Ce plan est alimenté, en vertu de l’article 6, à la fois par des versements des employeurs et par des versements des salariés, comprenant :

– des versements obligatoires : un montant identique est mis à la charge des employeurs et des salariés ; ce montant ne peut excéder un pourcentage des rémunérations fixé chaque année par décret ;

– des versements facultatifs : le salarié peut verser jusqu’à 25.000 francs par an, tandis que l’employeur peut, au maximum, doubler ce versement.

L’article 18 précise en outre que le salarié peut procéder à des versements, dans la limite de 25.000 francs par an, au titre des années durant lesquelles il n’a pas cotisé à un plan de prévoyance retraite. Ces versements ne peuvent faire l’objet d’abondements de la part de l’employeur. Cette faculté de rachat est particulièrement importante compte tenu du nombre important de salariés ayant connu des périodes d’interruption d’activité et, tout particulièrement, de chômage.

L’article 9, complétant l’article 83 du code général des impôts, dispose que les versements obligatoires du salarié et de l’employeur sont intégralement déductibles du revenu imposable. Les versements facultatifs du salarié et de l’employeur, en revanche, ne sont déductibles du revenu imposable que dans la limite de 20 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 35.000 francs par an, alors qu’ils peuvent atteindre 75.000 francs. Enfin, les versements facultatifs du salarié au titre d’années antérieures sont intégralement soumis à l’impôt sur le revenu.

L’article 10, complétant l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, prévoit que les versements de l’employeur sont exclus de l’assiette des cotisations sociales. Toutefois, cette exonération s’inscrit dans une enveloppe égale, en vertu de l’article D. 242–1 du même code, à 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 148.000 francs, et comprenant également les contributions de l’employeur destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance, en particulier les retraites complémentaires obligatoires.

En application de l’article 8, le plan de prévoyance retraite ouvre droit au paiement d’une rente viagère à compter de la date de la cessation d’activité et, au plus tôt, à l’âge requis pour bénéficier d’une pension de retraite du régime général. L’adhérent au plan peut également demander que cette rente soit versée, après son décès, à son conjoint survivant à compter de sa soixantième année. L’article 11, modifiant l’article 158 du code général des impôts, prévoit expressément l’imposition de cette rente dans la catégorie des pensions et retraites : elle bénéficie donc de l’abattement spécifique de 10 % puis de l’abattement général de 20 %. Cet assujettissement à l’impôt sur le revenu est la contrepartie logique de la déduction des versements du revenu imposable.

Votre Rapporteur constate qu’il n’est pas possible d’opposer à ce système les critiques formulées à l’encontre de la loi du 25 mars 1997.

En effet, il s’agit désormais de créer un étage supplémentaire obligatoire, et non plus facultatif, avec sortie exclusive sous forme de rente, laquelle constitue, par excellence, l’expression de la solidarité. En outre, les versements obligatoires de l’employeur sont d’un montant identique pour tous les salariés et sont égaux aux versements obligatoires des salariés. Enfin, les versements facultatifs de l’employeur ne peuvent dépasser le double des versements facultatifs des salariés, ces derniers étant eux-mêmes limités à 25.000 francs par an.

Par ailleurs, les avantages accordés à l’entrée sont strictement encadrés. D’une part, la déductibilité des versements de l’impôt sur le revenu n’est pas intégrale, puisque seule une partie des versements facultatifs en bénéficie. En tout état de cause, elle est limitée par le jeu du plafond de rémunérations prévu à l’article 6 pour les versements obligatoires. D’autre part, l’exonération de cotisations de sécurité sociale dont bénéficient les versements de l’employeur est incluse dans une enveloppe qui est déjà partiellement consacrée à la retraite complémentaire. Elle se justifie par le fait que ceux-ci ne peuvent être assimilés strictement à un complément de salaire, puisqu’il s’agit de financer des droits dont la jouissance est, par nature, incertaine quant à sa durée, voire quant à sa réalité.

Votre Rapporteur vous proposera cependant d’améliorer le texte sur quatre points.

Il s’agit d’abord du plafond applicable aux versements obligatoires de l’employeur et du salarié (article 6). En effet, la rédaction actuelle laisse trois questions en suspens.

Le pourcentage des rémunérations ou des gains perçus qui définit le plafond des versements obligatoires est fixé “ chaque année par décret ”. Or, on voit mal pourquoi un plafond exprimé en valeur relative, et non en valeur absolue comme l’est par exemple le plafond de la sécurité sociale, requerrait une actualisation annuelle systématique au moyen d’un décret.

En outre, le renvoi à un décret pour la fixation du plafond de versements obligatoire, alors que ce plafond conditionne l’ampleur de la déductibilité du revenu imposable prévue à l’article 9, soulève un sérieux problème de constitutionnalité, dans la mesure où le législateur s’en remettrait ainsi au pouvoir réglementaire pour déterminer l’étendue exacte d’un avantage fiscal.

Enfin, votre Rapporteur ne voit pas pourquoi il ne reviendrait pas au législateur de fixer lui-même ce plafond qui s’appliquera à tous les plans de prévoyance retraite.

Un plafond de versements obligatoires égal à 4 % des rémunérations ou gains perçus par le salarié pourrait donc être explicitement inscrit dans le texte de la proposition de loi.

Deuxième point qui a attiré l’attention de votre Rapporteur, le plafond des versements facultatifs du salarié est exprimé sous la forme d’un simple montant, en l’espèce, 25.000 francs. Il ne paraît pas de bonne politique de fixer dans un texte législatif une somme exprimée en francs courants, laquelle sera soumise tôt ou tard à une érosion monétaire. Il serait donc préférable de prendre pour référence un chiffre qui est régulièrement réévalué, tel le plafond de la sécurité sociale. Ainsi 15 % de ce plafond représentent-ils actuellement un peu plus de 26.000 francs.

Troisième amélioration que votre Rapporteur souhaite proposer, conformément au souci qu’il a toujours manifesté de ne pas concurrencer les régimes obligatoires par répartition : il convient d’assujettir les versements de l’employeur aux cotisations d’assurance vieillesse de base et complémentaire. On rappellera que l’article 10 de la présente proposition de loi, aussi bien que l’article 27 de la loi du 25 mars 1997, prévoient une exonération totale de cotisations sociales dans le cadre de l’enveloppe réservée à la prévoyance et à la retraite complémentaires.

Votre Rapporteur estime qu’il faut raisonner selon que l’on se trouve dans l’une ou l’autre phase du plan de prévoyance retraite : à l’entrée, l’exonération des versements de l’ensemble des cotisations, hormis les cotisations vieillesse, se justifie par l’assujettissement de la rente, à la sortie, à l’ensemble des cotisations, hormis, bien évidemment, les cotisations vieillesse. Seule cette symétrie permet d’assurer un niveau de ressources stable aux régimes par répartition.

Moyennant l’amendement proposé par votre Rapporteur, la retraite supplémentaire, bien loin de menacer les assurances sociales, viendra même renforcer les régimes obligatoires existants, l’assiette de leurs cotisations étant ainsi élargie.

Enfin, sur le caractère obligatoire de la retraite supplémentaire, votre Rapporteur estime qu’un dispositif plus souple permettrait d’éviter les deux reproches que pourrait encourir la proposition de loi sur ce point : d’une part, ne pas laisser suffisamment de champ aux partenaires sociaux ; d’autre part, donner le sentiment d’accroître les prélèvements obligatoires, même si le caractère en quelque sorte restituable des versements effectués montre qu’ils ne peuvent être assimilés, en réalité, à des prélèvements obligatoires.

Un processus de généralisation serait donc préférable à un système obligatoire, dont on voit mal d’ailleurs comment il s’articulerait dans la pratique avec la négociation collective. Il convient, à cette fin, que l’adhésion aux plans de prévoyance retraite prévue à l’article 3 ne soit donc plus obligatoire, tout en offrant réellement à chaque salarié la possibilité d’accéder à la prévoyance retraite, ce qui requiert des modifications aux modalités de souscription des plans de prévoyance retraite que votre Rapporteur souhaite maintenant évoquer.

B.– ... ASSOCIANT LES PARTENAIRES SOCIAUX, ...

L’une des principales critiques adressées, on l’a vu, à la loi du 25 mars 1997 est le peu de cas qu’elle ferait du dialogue social. Même si ce reproche est en grande partie injustifié, la présente proposition de loi renforce de façon significative le rôle des partenaires sociaux dans la prévoyance retraite.

1.– Un nouveau champ pour la négociation collective

Le plan de prévoyance retraite est souscrit, en vertu de l’article 4, par un ou plusieurs employeurs, ou par un groupement d’employeurs, au profit de leurs salariés. La souscription résulte d’un accord collectif d’entreprise ou d’un accord de branche, professionnel ou interprofessionnel, conclu à l’échelon national, régional ou local. En cas d’impossibilité de conclure un accord collectif ou, à défaut de conclusion d’un tel accord dans un délai de six mois à compter du début de la négociation, la souscription est faite par l’employeur ou par un groupement d’employeurs.

Par conséquent, le système proposé encourage le dialogue social dans l’entreprise. Il reviendra ainsi aux partenaires sociaux de déterminer, dans le respect du plafond fixé par le législateur, les versements obligatoires qui incomberont à l’employeur et aux salariés.

Le dernier alinéa de l’article 4 permet à l’employeur de souscrire unilatéralement un plan de prévoyance retraite en cas d’échec de la négociation collective dans un délai de six mois. Votre Rapporteur y souscrit, pour peu que ce délai soit porté à un an, car il importe, si le système n’est pas facultatif, que chacun puisse accéder à la prévoyance retraite. Au demeurant, on voit mal pourquoi les partenaires sociaux se feraient prier pour mettre en place un mécanisme favorable à l’ensemble des salariés, ne menaçant pas les régimes par répartition et ne fermant pas la porte à la négociation salariale.

Enfin, toujours dans le même esprit, votre Rapporteur souhaite que nonobstant la carence des partenaires sociaux à titre collectif et des employeurs à titre unilatéral, les salariés puissent adhérer à un plan de prévoyance retraite existant.

Par conséquent, le processus de généralisation proposé par votre Rapporteur rejoint le souci de la proposition de loi de mettre en place un système obligatoire. Trois entrées dans le dispositif sont ainsi possibles, l’entrée principale étant naturellement l’accord collectif d’entreprise ou de branche s’imposant à l’ensemble des salariés et employeurs compris dans son champ, mais deux entrées subsidiaires étant également prévues, à titre unilatéral pour l’employeur, puis à titre individuel pour le salarié.

2.– La participation des syndicats représentatifs au comité de surveillance

L’article 14 impose l’institution, dès la mise en place du plan de prévoyance retraite, d’un comité de surveillance, composé pour moitié de représentants élus des adhérents, pour un quart par des représentants élus des employeurs et pour un quart par des représentants élus des syndicats représentatifs.

Il s’agit là d’une garantie essentielle pour les partenaires sociaux, dans la mesure où le comité de surveillance définit les orientations de gestion du plan de prévoyance retraite (article 15) et dispose de pouvoirs d’information étendus (cf. ci-après page 30).

C.– ... PROTÉGEANT LES ADHÉRENTS...

La confiance des adhérents dans les futurs plans de prévoyance retraite passe par une stricte protection de leurs intérêts. Celle-ci paraît convenablement assurée, dans le cadre de la présente proposition de loi, par l’existence de structures dédiées – les fonds de prévoyance retraite –, par les possibilités de transfert des droits ainsi que par les modalités d’information des adhérents et de contrôle des fonds de prévoyance retraite.

1.– Des structures dédiées

La protection des adhérents réside d’abord dans la création de structures dédiées, les fonds de prévoyance retraite, définis à l’article 1er comme des personnes morales ayant pour objet exclusif la couverture des engagements pris dans le cadre des plans de prévoyance retraite. Ils sont constitués sous la forme d’une société anonyme d’assurance ou d’une société d’assurance mutuelle, relevant du code des assurances, d’une institution de prévoyance, relevant du code de la sécurité sociale, ou d’un organisme mutualiste relevant du code de la mutualité. La mise en place des plans de prévoyance retraite est subordonnée, en vertu de l’article 5, à la conclusion d’un contrat entre un employeur (ou un groupement d’employeurs) et un fonds de prévoyance retraite.

Votre Rapporteur est tout particulièrement attaché à cette modalité de fonctionnement de la prévoyance retraite : en effet, par leur spécialisation, les structures dédiées représentent une garantie essentielle pour les adhérents.

Lorsqu’ils sont constitués sous la forme d’une société anonyme d’assurance ou d’une société d’assurance mutuelle, les fonds de prévoyance retraite sont soumis à un agrément préalable du ministre de l’Économie. Lorsqu’ils sont constitués sous la forme d’une institution de prévoyance ou d’un organisme mutualiste, ils sont soumis à un agrément préalable du ministre de l’Économie et du ministre des Affaires sociales (article 2).

Enfin l’article 12 assujettit les fonds de prévoyance retraite à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun.

2.– Le maintien ou le transfert des droits acquis

En cas de rupture du contrat de travail, l’article 7 dispose que le salarié a droit au maintien des droits acquis au titre de son plan de prévoyance retraite. Il peut demander le transfert de ces droits vers un autre plan géré en France ou dans un autre État de l’Union européenne et continuer à l’alimenter au titre des versements facultatifs.

Il s’agit là d’une garantie essentielle pour le salarié, compte tenu des réalités du marché du travail.

3.– L’information des adhérents

Selon les termes de l’article 13, les adhérents d’un plan de prévoyance retraite sont régulièrement informés par le souscripteur du plan et par le comité de surveillance du plan concerné. Il y a lieu ici de rectifier pour des raisons de cohérence, dans le texte de la proposition de loi, une référence inexacte au fonds de prévoyance retraite, alors que c’est le plan de prévoyance retraite qui, en réalité, est visé.

Le comité de surveillance émet au moins deux fois par an un avis sur la gestion du plan et, le cas échéant, sur la gestion du fonds. Il peut interroger les dirigeants du fonds sur sa gestion et sur tout autre sujet (article 15).

4.– Le contrôle des fonds de prévoyance retraite

Outre le contrôle par les intéressés à l’échelon de chaque plan, l’article 16 de la présente proposition de loi instaure un contrôle de l’État sur les fonds de prévoyance retraite, qui s’exerce dans l’intérêt des adhérents aux plans de prévoyance retraite. À cette fin, la commission de contrôle des assurances et la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance se réunissent et siègent en formation commune.

Cette nouvelle instance est également chargée, en vertu de l’article 2, de donner un avis conforme préalablement à la délivrance de l’agrément requis pour la constitution des fonds de prévoyance retraite.

D.– ... ET CONTRIBUANT À RÉORIENTER L’ÉPARGNE

Contrairement à la loi du 25 mars 1997, la présente proposition de loi n’interdit pas les contrats à prestations définies. Ce choix est destiné à assurer une cohérence avec les autres grandes options du texte, c’est-à-dire l’affiliation obligatoire et la sortie exclusive en rente. Naturellement, il est moins favorable à une orientation de l’épargne vers des placements en actions. Ceci étant, telle n’est pas la finalité de la présente proposition de loi, laquelle – faut-il le rappeler ? – vise avant tout à mettre en place un étage supplémentaire de retraite.

Toutefois, l’article 17 prévoit que les sommes recueillies par les fonds de prévoyance retraite doivent être investis à hauteur de 60 % au moins dans les instruments financiers suivants, émis par des entreprises de l’Union européenne :

– actions et autres titres donnant ou pouvant donner accès, directement ou indirectement, au capital ou aux droits de vote ;

– titres de créance, à l’exclusion des effets de commerce et des bons de caisse ;

– parts ou actions d’organismes de placements collectifs ;

– instruments financiers à terme.

Selon votre Rapporteur, la règle proposée est satisfaisante. D’abord, elle présente l’avantage de concentrer l’épargne sur les sociétés établies dans l’Union européenne. Ensuite, elle confère suffisamment de souplesse aux gestionnaires pour arbitrer entre les différents instruments financiers. En effet, l’allocation de l’épargne au profit des actions n’est pas aussi contraignante que dans l’article 24 de la loi du 25 mars 1997, qui limite les placements en obligations à 65 % des engagements réglementés des fonds.

Ce choix se justifie car on peut penser, s’agissant d’une épargne à long terme, que les gestionnaires auront spontanément tendance à favoriser les placements en actions, plus rentables sur longue période, d’autant que les fonds de prévoyance retraite, constitués, comme on l’a vu, sous la forme de structures dédiées, bénéficieront de leur expérience de ces marchés. En revanche, il ne paraît pas opportun de prévoir de dispositions plus explicites en ce sens, car il n’est pas souhaitable qu’ils soient contraints à tout moment de conserver en actions une proportion minimale de leurs fonds.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa séance du 20 janvier 1999, la commission des Finances, de l’Économie générale et du Plan a examiné, sur le rapport de M. Jacques Barrot, la proposition de loi (n° 1301) créant les plans de prévoyance retraite.

Constatant que tous nos partenaires de l’Union européenne avaient déjà mis en place des mécanismes supplémentaires d’assurance vieillesse, M. Jacques Barrot, Rapporteur, a tout d’abord observé que des dispositifs comparables – tels le CREF, la Préfon, COREVA ou la loi du 11 février 1994 – existaient déjà en France, laissant à l’écart les 14 millions d’assurés du régime général, qui ne peuvent bénéficier que des régimes d’entreprise visés aux articles 39, 82 ou 83 du code général des impôts. Rappelant qu’il avait déposé une proposition de loi examinée conjointement avec celle de M. Jean-Pierre Thomas par la commission des Finances en 1994, il a présenté l’économie générale de la loi du 25 mars 1997, dite loi Thomas, créant les plans d’épargne retraite, aboutissement de la procédure entamée en 1994.

Il a estimé qu’il existait un large accord sur la finalité d’un tel dispositif complémentaire, en raison, d’une part, de la baisse inéluctable des taux de remplacement, et, d’autre part, de la nécessité, compte tenu de la mondialisation de l’économie, de constituer des fonds d’épargne français permettant de recueillir les fruits de la croissance extérieure, comme M. Jean-Claude Boulard l’avait excellemment démontré dans un article récent. Il a regretté que le Gouvernement entretienne cependant un certain flou quant au calendrier, craignant qu’il ne soit conduit, en intervenant à la fois dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, à proposer un dispositif “ cavalier ” ou, au contraire, trop fragmentaire, et, par conséquent, peu lisible.

Jugeant que M. Philippe Douste-Blazy avait donc choisi un moment opportun pour déposer sa proposition de loi, le Rapporteur a déclaré que celle-ci atteignait un équilibre qui faisait justice des critiques que Mme Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, avait pu formuler à l’encontre de la loi du 25 mars 1997. Indiquant que cette proposition de loi instaurait des plans de prévoyance retraite obligatoires, au risque d’accroître les prélèvements obligatoires – même si ce prélèvement est, en réalité, restituable – et de limiter le rôle de la négociation collective, il a exprimé sa préférence pour un processus de généralisation, avec trois entrées possibles dans le dispositif : une entrée principale par la voie d’un accord collectif d’entreprise ou de branche, puis, à défaut, la souscription par un employeur et, en dernier ressort, l’adhésion individuelle du salarié. Il a précisé qu’il proposait à la Commission un amendement en ce sens. Il a souligné que la proposition de loi prévoyait des versements obligatoires de l’employeur et du salarié, intégralement déductibles du revenu imposable, et des versements facultatifs, déductibles dans la limite de 20 % du plafond annuel de sécurité sociale.

Abordant la question de la déductibilité des versements de l’assiette sociale, il a indiqué que la proposition de loi reprenait la solution de compromis retenue par le Sénat lors de la discussion de la loi créant les plans d’épargne retraite, à savoir leur intégration dans l’enveloppe en vigueur pour les retraites complémentaires et la prévoyance, soit 85 % du plafond de sécurité sociale. Décrivant la sortie en rente ainsi que ses modalités d’imposition dans la catégorie des pensions et retraites, il a affirmé que la proposition de loi créait un système de solidarité, caractérisé par des versements obligatoires égaux pour tous les salariés et par un encadrement des avantages à l’entrée. Il a toutefois annoncé qu’il avait déposé des amendements tendant à fixer dans la loi le plafond des versements obligatoires aux plans de prévoyance retraite, à exprimer le plafond des versements facultatifs en fonction d’une référence indexée et à assujettir les versements des employeurs aux cotisations d’assurance vieillesse de base et complémentaire, afin de démontrer qu’il ne s’agissait nullement de concurrencer les régimes par répartition.

Insistant par ailleurs sur l’association des partenaires sociaux, qu’illustre à la fois le rôle central conféré à la négociation collective ainsi que la présence, au sein du comité de surveillance de chaque plan de prévoyance retraite, d’élus appartenant des syndicats représentatifs, le Rapporteur a également considéré que la proposition de loi assurait une protection satisfaisante des adhérents, au travers des fonds de prévoyance retraite, structures dédiées soumises à agrément – seules de nature, en raison de leur professionnalisme, à protéger efficacement les adhérents –, de la faculté offerte aux salariés de transférer les droits acquis au titre d’un plan, de l’information des adhérents et du contrôle des fonds de prévoyance retraite. Se félicitant enfin de ce que la proposition de loi contribue à réorienter l’épargne, il a fait valoir que si elle était sans doute moins ambitieuse que la loi du 25 mars 1997 dans ce domaine, elle n’en permettrait pas moins des placements en actions de l’Union européenne, les structures dédiées qu’elle instaure paraissant tout particulièrement aptes à gérer de tels placements.

Se déclarant convaincu qu’il était possible de trouver une solution consensuelle, il a conclu en plaidant pour l’adoption rapide d’un dispositif, compte tenu du temps nécessaire pour que les salariés et les entreprises en bénéficient pleinement.

Plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

M. Jean-Pierre Delalande a rapproché les circonstances de la discussion de la proposition de loi, du scénario du film Un jour sans fin, dans lequel le héros est condamné à revivre plusieurs fois la même journée jusqu’à ce qu’il réussisse à séduire celle qu’il avait rencontrée dès le premier jour. Il a déploré le caractère surréaliste d’un débat dans lequel le Rapporteur lui-même ne paraît pas tellement convaincu de sa capacité à faire adopter la proposition de loi qu’il rapporte, alors même que de nombreuses voix, y compris dans la majorité actuelle, ont reconnu la nécessité d’instituer des fonds de pension. Il a souligné que le Rapporteur avait quelques difficultés, dans sa présentation, à se démarquer de la loi Thomas, dont il a énuméré les trois grands principes : surcomplémentarité, sortie en rente et gestion externalisée. Il a également évoqué le souci des auteurs de la loi de 1997 de promouvoir une gestion partenariale et la fixation à un niveau suffisant de la proportion des fonds investis en actions. Il a, enfin, fait valoir que le développement de l’investissement était, dans l’esprit des partisans de la loi Thomas, un objectif subsidiaire par rapport à l’objectif principal qui était de créer les moyens d’un complément de retraite.

Il a rappelé que lors des auditions préalables à l’élaboration de cette loi, tous les syndicats, y compris FO et la CFDT, avaient marqué leur accord avec le dispositif, et que les seules objections importantes avaient été exprimées par la CGC, qui avait soulevé la question de l’assujettissement des versements aux cotisations sociales.

Estimant que le seul apport significatif de la proposition de loi initiale de M. Philippe Douste-Blazy était de donner un caractère obligatoire au dispositif, il a considéré que la suggestion du Rapporteur, préconisant un développement progressif, si elle était incontestablement ingénieuse, n’en constituait pas moins, très largement, un retour à la situation antérieure. Il s’est demandé comment, si elle décidait aujourd’hui de refuser ce qui lui était proposé, la majorité de la Commission pourrait ensuite revenir à une attitude de bon sens, alors que tout le monde sait que notre pays a pris un retard considérable dans la mise en place des fonds de pension et qu’il faut dix à quinze ans pour que ces fonds trouvent leur régime de croisière.

Estimant, en conclusion, que le texte du Rapporteur avait un certain caractère superfétatoire, M. Jean-Pierre Delalande a déclaré qu’il n’imaginait pas que ce texte puisse être rejeté.

M. François d’Aubert, rappelant l’urgence de la création de fonds de pension en France, a considéré que la véritable question, de nature politique, était de savoir si la majorité la souhaitait réellement alors que la loi Thomas n’avait reçu aucun commencement d’application. Il a déploré que le problème sémantique que pose à la majorité plurielle l’emploi de l’expression “ fonds de pension ” crée, pour une question de vocabulaire, un blocage politique alors qu’une loi est nécessaire sur ce sujet, que ce soit la loi Thomas ou le texte aujourd’hui proposé à la Commission.

Il a ajouté que la création de fonds de pension se justifiait à la fois par la nécessité de faire face aux difficultés prévisibles des régimes de retraite et de mobiliser les ressources permettant de contribuer au financement des entreprises, en rappelant l’émotion suscitée par la prise de contrôle de grandes entreprises françaises par les fonds de pension anglo-saxons. A cet égard, il a préconisé de donner la préférence aux placements en actions, qui a en particulier l’avantage de donner aux épargnants les meilleures garanties pour l’avenir de leurs retraites, bien plus que la garantie de l’État ou qu’un système de garantie par les activités de l’État. Il a rappelé que sur une longue période le rendement des actions était très supérieur à celui des obligations.

Abordant enfin les dispositions proposées, il a approuvé l’abandon du caractère obligatoire de l’adhésion aux fonds de pension qui figurait dans la proposition de loi initiale ; il s’est interrogé sur l’efficacité réelle des avantages fiscaux associés au dispositif ; il a souhaité que la sortie en capital des fonds de pension soit envisagée avec souplesse.

M. Christian Cuvilliez a constaté que le débat voyait s’affronter deux logiques, la logique d’actionnariat d’inspiration libérale, qui se diffuse grâce à la possession par un grand nombre de personnes d’actions de sociétés, et la logique de la défense des salariés dans laquelle il se situait. Considérant que l’appui donné ouvertement par le Medef à la mobilisation d’une épargne très importante dans les fonds de pension ne pouvait que rendre cette idée suspecte, il s’est étonné que l’on puisse porter sur un effort financier de même ampleur un regard totalement différent selon qu’il est consenti en faveur des fonds de pension ou des régimes de répartition. Rappelant que le groupe communiste avait lié son abstention sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 à l’abrogation de la loi Thomas, il a estimé que, dans cette perspective, la proposition de loi de M. Douste-Blazy ne pouvait qu’être repoussée. Il a indiqué cependant que la création de fonds à gestion mutualiste ou coopérative pouvait éventuellement donner lieu à discussion, faisant remarquer que le texte proposé par M. Douste-Blazy, qui réalise la version française de fonds conçus à la manière anglo-saxonne aux risques des seuls souscripteurs, se situait très loin d’une telle conception.

M. Jérôme Cahuzac a convenu que le sujet était moins sulfureux que certains pouvaient l’affirmer et que les dispositifs d’épargne retraite existant déjà en France n’avaient pas remis en cause le modèle social de notre pays. Il a reconnu que les salariés français avaient le droit de profiter de la croissance mondiale et de la croissance française tout en faisant remarquer qu’ils étaient libres de préférer à un placement en actions des produits moins rentables, mais plus réglementés. Il a estimé que l’initiative de M. Philippe Douste-Blazy intervenait à une date prématurée, les conclusions de la mission confiée à M. Jean-Michel Charpin n’étant pas encore connues. Il a estimé que les modifications proposées par le Rapporteur au texte initial de M. Douste-Blazy en réduisaient à néant les innovations et traduisaient une toute autre philosophie, comme le montrait, en tout premier lieu, l’abandon du caractère obligatoire de la souscription, point essentiel de la proposition de loi initiale. Faisant référence à l’allusion cinématographique de M. Jean-Pierre Delalande, il a préféré la devise de Guillaume d’Orange : “ il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ”. S’appuyant sur l’avis de spécialistes financiers qui s’étaient exprimés lors du colloque sur l’épargne organisé, hier, par le Rapporteur général, il a estimé impossible que l’épargne retraite puisse simultanément remplir les trois missions, qui lui sont communément assignées : la recapitalisation de la place de Paris, l’apport de fonds propres aux entreprises et la garantie des retraites.

M. Jérôme Cahuzac a considéré que M. Jacques Barrot minimisait la différence de conception entre un dispositif obligatoire et un dispositif facultatif. Il a par ailleurs estimé que, dans un éventuel projet de loi, l’idée d’une souscription individuelle était une suggestion à retenir ainsi que la possibilité de rachat d’annuités hors de toute déductibilité fiscale.

Pour le reste, il a estimé que le dispositif proposé était inéquitable dans la mesure où l’abondement forfaitaire par l’entreprise qu’il préconisait n’avait pas de caractère dégressif ; dangereux, parce qu’il compliquerait la gestion des entreprises en les obligeant à distinguer entre l’assujettissement de leurs versements aux cotisations vieillesse et le non assujettissement aux cotisations maladie ; incomplet, parce qu’il ne prévoyait pas la sortie anticipée en cas d’accident de la vie et qu’il n’excluait pas la souscription par les salariés à un fonds investissant dans l’entreprise où ils travaillent. Il a déploré d’une façon générale la trop grande rigidité du système.

Considérant qu’en l’état le texte proposé ne pouvait pas recevoir l’approbation du groupe socialiste, il a demandé, se fondant sur l’article 94 du Règlement, que la Commission décide de ne pas déposer de conclusions sur la proposition de loi.

En réponse aux différents intervenants, M. Jacques Barrot, Rapporteur, a contesté que le texte résultant de ses propositions et la loi Thomas ne présentent aucune différence significative.

Il s’est étonné que M. Christian Cuvilliez puisse à la fois ne pas remettre en cause l’existence et le fonctionnement de la Préfon et manifester une opposition aussi radicale à un dispositif de même nature destiné aux salariés du secteur privé.

Il s’est demandé comment M. Jérôme Cahuzac pouvait lui reprocher de prévoir une mise en place progressive des fonds de prévoyance retraite alors que la majorité plurielle hésitait même à en accepter le principe. Il a estimé que, de plus, la substitution d’une généralisation progressive à l’adhésion obligatoire avait l’avantage de mettre la négociation collective au cœur du dispositif proposé. Il a également insisté sur les améliorations que la proposition de loi et les amendements qu’il suggérait apportent à la loi Thomas : l’égalité entre tous les salariés de l’entreprise est mieux assurée, davantage de marges sont ouvertes à la négociation collective (plafond des versements obligatoires, composition et rôle du comité de surveillance) et les versements des employeurs sont assujettis aux cotisations d’assurance vieillesse. Enfin, il a renouvelé son attachement à la sortie en rente, jugeant que seule la rente relevait d’un mécanisme de solidarité et rappelant qu’il avait toujours refusé que les produits d’épargne retraite soient considérés comme de purs instruments financiers.

Estimant que le débat pourra se poursuivre utilement en séance publique, le Président Augustin Bonrepaux a mis aux voix la proposition de M. Jérôme Cahuzac de ne pas formuler de conclusions.

A l’issue de la discussion générale, la Commission a décidé de ne pas procéder à l’examen des articles et, en conséquence, de ne pas formuler de conclusions.

N°1333. - RAPPORT de M. Jacques BARROT (au nom de la commission des finances) sur proposition de loi (n° 1301) de M. Philippe Douste-Blazy créant les plans de prévoyance retraite.