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N° 1591 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 mai 1999. RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LA PROPOSITION DE LOI (n°1513) de M. ÉDOUARD BALLADUR relative à lactionnariat des salariés, PAR M. Jacques KOSSOWSKI, Député (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page. Travail. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; MM. René Couanau, Jean-Michel Dubernard, Jean-Paul Durieux, Maxime Gremetz, vice-présidents ; Mme Odette Grzegrzulka, MM. Denis Jacquat, Noël Mamère, Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; MM. Yvon Abiven, Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, MM. André Aschieri, Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Baeumler, Pierre-Christophe Baguet, Jean Bardet, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Mmes Huguette Bello, Yvette Benayoun-Nakache, MM. Serge Blisko, Patrick Bloche, Alain Bocquet, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Jean-Claude Boulard, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Jean-Paul Bret, Victor Brial, Mme Nicole Bricq, MM. Yves Bur, Alain Calmat, Pierre Carassus, Pierre Cardo, Roland Carraz, Mmes Véronique Carrion-Bastok, Odette Casanova, MM. Laurent Cathala, Jean-Charles Cavaillé, Bernard Charles, Jean-Marc Chavanne, Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Georges Colombier, François Cornut-Gentille, Mme Martine David, MM. Bernard Davoine, Lucien Degauchy, Marcel Dehoux, Jean Delobel, Jean-Jacques Denis, Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, MM. Guy Drut, Nicolas Dupont-Aignan, Yves Durand, René Dutin, Christian Estrosi, Claude Evin, Jean Falala, Jean-Pierre Foucher, Jean-Louis Fousseret, Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Germain Gengenwin, Mmes Catherine Génisson, Dominique Gillot, MM. Jean-Pierre Giran, Michel Giraud, Gaëtan Gorce, François Goulard, Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M. Francis Hammel, Mme Cécile Helle, MM. Pierre Hellier, Michel Herbillon, Guy Hermier, Mmes Françoise Imbert, Muguette Jacquaint, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Bertrand Kern, Christian Kert, Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, MM. Jacques Lafleur, Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Jacqueline Lazard, MM. Michel Lefait, Maurice Leroy, Patrick Leroy, Maurice Ligot, Gérard Lindeperg, Patrick Malavieille, Mmes Gilberte Marin-Moskovitz, Jacqueline Mathieu-Obadia, MM. Didier Mathus, Jean-François Mattei, Mme Hélène Mignon, MM. Jean-Claude Mignon, Pierre Morange, Hervé Morin, Renaud Muselier, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Yves Nicolin, Bernard Outin, Dominique Paillé, Michel Pajon, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Bernard Perrut, Pierre Petit, Mme Catherine Picard, MM. Jean Pontier, Jean-Luc Préel, Alfred Recours, Gilles de Robien, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. François Rochebloine, Marcel Rogemont, Yves Rome, Jean Rouger, Rudy Salles, André Schneider, Bernard Schreiner, Michel Tamaya, Pascal Terrasse, Gérard Terrier, Mmes Marisol Touraine, Odette Trupin, MM. Anicet Turinay, Jean Ueberschlag, Jean Valleix, Philippe Vuilque, Jean-Jacques Weber, Mme Marie-Jo Zimmermann. INTRODUCTION 5 I.- FRANCHIR UNE ÉTAPE NOUVELLE DANS LE DÉVELOPPEMENT DE LACTIONNARIAT SALARIÉ 9 A. LE CONSIDÉRABLE ESSOR DE LACTIONNARIAT SALARIÉ EN A FAIT UNE RÉALITÉ INCONTOURNABLE DE LENTREPRISE 9 B. LE CHAMP DE LACTIONNARIAT DEVRAIT CONCERNER LENSEMBLE DES SALARIÉS 10 II.- DANS UN DOUBLE OBJECTIF SOCIAL ET ÉCONOMIQUE 13 A. UN OBJECTIF SOCIAL 13 1. Rechercher une nouvelle organisation de lentreprise reposant sur le partenariat 13 2. Introduire plus de démocratie dans lentreprise 13 3. Ouvrir une voie vers une épargne de long terme et un complément de retraite 13 B. UN OBJECTIF ÉCONOMIQUE 14 1. Accroître lefficacité économique par la responsabilisation des salariés 14 2. Consolider la stabilité du capital 14 ANALYSE DU DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI 17 I.- SOCIÉTÉS ENTRANT DANS LE CHAMP DE LA PROPOSITION DE LOI 17 II.- RÉGIME DE LOFFRE FAITE AUX SALARIÉS 18 III.- CONDITIONS TENDANT À ENCOURAGER LA SOUSCRIPTION 19 TRAVAUX DE LA COMMISSION 21 La proposition de loi relative à lactionnariat des salariés déposée par MM. Edouard Balladur, Jean-Louis Debré, Philippe Douste-Blazy et José Rossi sinscrit dans la continuité des thèses du Général de Gaulle sur lassociation capital-travail et le capitalisme populaire, en participant à la recherche à la fois dun libéralisme authentique et dun véritable actionnariat populaire. Le Général de Gaulle en avait exposé les fondements dans sa conférence de presse du 16 mai 1967 : « Dès lors que les gens se mettent ensemble pour une uvre économique commune, il sagit que tous forment ensemble une société, une société où tous aient intérêt à son rendement et à son bon fonctionnement, et un intérêt direct. Cela implique que soit attribuée, de par la loi, à chacun une part de ce que laffaire gagne et de ce quelle investit en elle-même grâce à ses gains. Cela implique aussi que tous soient informés dune manière suffisante de la marche de lentreprise et puissent, par des représentants quils auront tous nommés librement, participer à la société et à ses conseils pour y faire valoir leurs intérêts, leur points de vue et leurs propositions. » La volonté « daccomplir la profonde réforme humaine et sociale de la participation » sest traduite par ladoption de nouvelles règles dans lentreprise et a ouvert la voie dune évolution vers une modernisation profonde de la société française. 1. Dès le début de la Ve République, en effet, ont été adoptées les dispositions qui constitueront le socle fondateur de lintéressement et de la participation jusquà lordonnance du 21 octobre 1986. Il sagit tout dabord de lordonnance du 7 janvier 1959 qui a institué un régime facultatif dintéressement des salariés accompagné dexonérations fiscales pour lemployeur. Ce dispositif a été ensuite complété par les deux ordonnances du 17 août 1967, lune relative à la participation des salariés aux fruits de lexpansion, cest-à-dire à lassociation des salariés au développement de lentreprise par la distribution différée dune partie des résultats, lautre encourageant la mise en place de plans dépargne dentreprise sous forme de SICAV ou de fonds communs de placement afin dencourager lépargne individuelle. Lordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986 relative à lintéressement et à la participation des salariés aux résultats des entreprises et à lactionnariat des salariés, qui a refondu lensemble des dispositifs de participation financière a constitué laboutissement de ces initiatives. Ont notamment été renforcés les avantages du plan dépargne dentreprise, conçu comme le support privilégié de lutilisation des fonds issus de la participation et donc de lépargne salariale. Elle sest accompagnée dune deuxième ordonnance n° 88-1135 du 21 octobre 1986 ouvrant la faculté délire des représentants des salariés au conseil dadministration ou au conseil de surveillance. Une nouvelle étape a été marquée par la loi du 25 juillet 1994 relative à lamélioration de la participation des salariés dans lentreprise qui avait été précédé dun rapport de mission élaboré par M. Jacques Godfrain. Lobjectif du renforcement de la participation y a été traduit par des mesures tendant à mieux assurer la présence des salariés dans les organes de gestion en créant un lien spécifique, en faveur des actionnaires salariés, entre participation au capital et participation à la gestion. Les salariés actionnaires, dès lors quils réunissent plus de 5 % du capital, ont la possibilité de voir posée à lassemblée générale des actionnaires la question de la modification des statuts afin dassurer leur représentation dans les organes de gestions. 2. Parallèlement, les interventions législatives pour inciter les salariés à participer au capital de leur société se sont multipliées. Le mécanisme des options de souscriptions dactions, inspiré des « stocks options plans » américains a été introduit par la loi du 31 décembre 1970. Il permet à des salariés, en pratique essentiellement à des cadres, de souscrire ou dacheter des actions de la société qui les emploie dans des conditions avantageuses. Lassouplissement ultérieur du régime de ces options et laccroissement de leur attrait fiscal a conduit à leur spectaculaire développement alors quelles navaient rencontré à lorigine quun succès modéré. La loi n° 73-1322 du 27 décembre 1973 a eu pour objet de proposer aux salariés lachat, à des conditions avantageuses, des actions de leur société, en bourse ou bien à loccasion dune augmentation de capital qui leur serait réservée. Selon ce régime, la libération des actions peut sopérer par des prélèvement égaux et réguliers sur les salaires de ceux qui les ont souscrits, la société pouvant compléter ces versements par un abondement. Ce dispositif, plus simple que celui des options de souscription dactions na rencontré quun succès modeste. Bien quassorti de conditions fiscales favorables il na pas, en effet, été jugé suffisamment incitatif. La loi du 24 octobre 1980, tirant les leçons du texte précédent avait organisé, à titre exceptionnel, dans les sociétés en situation financière saine, la possibilité dune distribution gratuite dactions aux salariés. Des actions de la société pouvaient leur être attribuées sans que ceux-ci aient à manifester particulièrement leur intention de sassocier et ce dans la limite de 3 % du capital social. Moins de 350 sociétés, essentiellement des sociétés cotées, ont saisi cette opportunité. La possibilité de distribution gratuite dactions sest arrêtée le 31 décembre 1982. 3. En revanche, les premières privatisations qui se sont déroulées de 1986 à 1988 ont constitué une étape essentielle dans lassociation de chacun aux fruits de léconomie, en répondant à une véritable attente des Français, concrétisée dans la multiplicité des petits porteurs. Lactionnariat populaire est depuis devenu une composante de notre économie sur laquelle aucun Gouvernement nest jamais revenu. Les privatisations, que ce soit les opérations initiales découlant des les lois du 2 juillet et du 6 août 1986 ou bien celles qui se sont déroulées depuis, ont fait la preuve de la volonté que pouvaient avoir les salariés dune entreprise dêtre associés au capital social de celle-ci, cest-à-dire de devenir parties prenantes de leurs efforts. Les salariés des entreprises privatisées ont en effet massivement répondu à loffre qui leur réservait 10 % des titres mis sur le marché en leur offrant un rabais de 20 % (Loi du 6 août 1986). 75 % des salariés des groupes privatisés sont aujourdhui actionnaires de leur entreprise dont ils détiennent en moyenne entre 3 et 4% du capital : 5 % du capital dElf-Aquitaine, 4,6 % de celui dUsinor, 3,6 % de celui de Saint-Gobain, 3,3 % de celui de Renault 1 ? Lintérêt de ces démarches a, semble-t-il, convaincu le Gouvernement actuel comme le démontre, tout particulièrement, la taille inédite de loffre faite aux salariés dans le cadre de la privatisation en cours du Crédit Lyonnais : entre 2,5 et 3 milliards de francs pour une opération globale généralement évaluée entre 50 et 60 milliards de francs, cest-à-dire plus du double de linvestissement habituel dans ce genre dopérations. On se situe bien dans lesprit de la présente proposition de loi qui se veut linstrument dun nouveau développement de lassociation des membres dune entreprise à son capital social parce que cette association aura dans lentreprise et sur les salariés un impact bénéfique, en termes économiques mais aussi sociaux. I.- FRANCHIR UNE ÉTAPE NOUVELLE DANS LE DÉVELOPPEMENT DE LACTIONNARIAT SALARIÉ Lépargne salariale et lactionnariat des salariés connaissent depuis les années quatre-vingt dix un essor considérable qui en ont fait une réalité incontournable de lentreprise. Pour autant leurs modalités ne permettent pas nécessairement que la totalité des salariés y ait droit. La présente proposition de loi sinscrit pleinement dans lévolution économique et sociale contemporaine. En rendant obligatoire dans les entreprises cotées en bourse, loffre dactions aux salariés à loccasion dune augmentation de capital, elle a pour vocation détendre le champ de lactionnariat salarial au plus grand nombre dentreprises et surtout, dans ces entreprises, den permettre laccès à lensemble des salariés. A. LE CONSIDÉRABLE ESSOR DE LACTIONNARIAT SALARIÉ EN A FAIT UNE RÉALITÉ INCONTOURNABLE DE LENTREPRISE Lactionnariat salarié connaît un essor sans précédent depuis les années 1990. Son évolution bénéficie naturellement de laccroissement de lépargne salariale (dont le montant a été multiplié par quatre depuis 1990 pour atteindre 231,8 milliards de francs au 31 décembre 1998) 2. En effet, les fonds recueillis par les différents dispositifs dépargne salariale (participation, intéressement, versements volontaires, abondement ) peuvent être investis en actions de lentreprise au travers de plans dépargne dentreprise (PEE). Les sommes versées dans les PEE sont converties en parts de fonds commun de placement dentreprises (FCPE), parfois en titres de lentreprise détenus directement. Au bout du compte 500 000 salariés seraient aujourdhui actionnaires de leur entreprise et 20 000 entreprises auraient des salariés actionnaires. Le rapport de la COB pour 1998 indique que sur les 231,8 milliards de francs investis en FCPE, 88 milliards sont directement investis en actions de lentreprise. La COB souligne que la poursuite de la progression de lépargne salariale ne sexplique pas seulement par la remarquable progression du marché des actions en 1998 et limportance des actions de privatisations intervenues cette même année, mais aussi par le succès croissant, au sein des entreprises et auprès des salariés, des mécanismes de lépargne salariale et de lactionnariat salarié. Le système dépargne peut avoir, en lui-même, pour objectif de faire progresser la part du capital détenue par les salariés. Dans le groupe Elf, par exemple, lépargne salariale est investie à plus de 80 % en titres du groupe. De même labondement des sommes versées par les salariés dAlcatel est réservé à linvestissement dans les actions de lentreprise et le PEE de Saint-Gobain est composé à 99 % de titre du groupe. B. LE CHAMP DE LACTIONNARIAT DEVRAIT CONCERNER LENSEMBLE DES SALARIÉS Seule la participation aux résultats de lentreprise est obligatoire et ce dans les entreprises de plus de cinquante salariés qui réalisent un minimum de bénéfice. Intéressement, plan dépargne dentreprise et offre de souscription ou dacquisition dactions restent facultatifs. Les mécanismes doptions de souscriptions daction qui rencontrent un succès certain, bien quen théorie accessibles à tous les salariés, sadressent en fait principalement aux cadres dirigeants. Par ce mécanisme, un salarié peut se voir attribuer par sa société une promesse de vente dactions en nombre déterminé et pour un prix de vente fixé à lavance et généralement assorti dune décote. La levée de loption permet la revente avec un bénéfice égal à la différence entre le prix fixé au départ et le prix de revente. Si une entreprise cotée en bourse sur deux a recours aux plans de « stock-options », un plan sur quatre concerne les seuls cadres dirigeants et plus de la moitié des plans, seulement lensemble des cadres. A la différence du modèle américain, la diffusion des stocks-options au sein de lentreprise demeure peu répandue. Selon une enquête du ministère de lemploi et de la solidarité 3, lancée en août 1998, seules 15 % des entreprises cotées ayant déclaré y avoir recours attribuent des options à tout le personnel. Parmi les 30 000 bénéficiaires employés dans les 123 entreprises cotées ayant déclaré avoir mis en place de tels plans : 21 % sont des cadres dirigeants, 65 % des cadres et seulement 14 % dautres salariés. La présente proposition de loi propose de faire bénéficier, non plus les seuls cadres dirigeants mais lensemble des salariés de laccès au capital social, tout comme en ont bénéficié les salariés des entreprises privatisées. II.- DANS UN DOUBLE OBJECTIF SOCIAL ET ÉCONOMIQUE 1. Rechercher une nouvelle organisation de lentreprise reposant sur le partenariat Passer du statut de salarié à celui dactionnaire nest pas anodin. Le contrat de travail entre lemployeur et lemployé se transforme alors en un contrat de société entre de véritables partenaires économiques puisque le salarié, désormais associé, pourra participer aux fruits de lexpansion. Au lieu de la traditionnelle opposition capital-travail, il faut rechercher une alliance dintérêts mutuels entre le chef dentreprise et lensemble de ses salariés. La cohésion dentreprise et lévolution des rapports sociaux en dépendent et cet objectif ne peut être satisfait par un système qui sadresse essentiellement à lencadrement tels les « stock-options ». Comme le prévoit la proposition de loi laccès au capital social doit être ouvert à lensemble des salariés. 2. Introduire plus de démocratie dans lentreprise La présente proposition de loi peut apparaître modeste au regard de lobjectif participatif, en réservant seulement 5 % des actions nouvellement émises lors dune augmentation de capital aux salariés. Mais il est important denclencher un processus et il ne sagit là que dune étape : ce pourcentage progressera peu à peu pour parvenir à un niveau où les salariés actionnaires auront intérêt à se regrouper pour défendre leur point de vue et formuler leurs suggestions. Lévolution vers une part croissante du capital dévolu aux salariés est dailleurs illustré, par la tendance de la plupart des grandes entreprises privatisées à lancer régulièrement des opérations réservées à leurs salariés. 3. Ouvrir une voie vers une épargne de long terme et un complément de retraite Lactionnariat salarial, qui consiste dans la constitution dune épargne de long terme, par une formule à la fois souple et stable, garantissant la sécurité des fonds investis grâce à un mode de gestion collectif et paritaire, peut constituer une réponse aux préoccupations des salariés quant à la pérennité de leurs retraites. Face aux importantes difficultés que vont connaître les régimes de retraites dans les décennies à venir, un complément pourrait ainsi être ouvert aux salariés et lintroduction dune part de capitalisation individuelle et facultative permettrait de dépasser le débat entre retraite par répartition et par capitalisation. 1. Accroître lefficacité économique par la responsabilisation des salariés Le salarié devenu actionnaire est naturellement plus impliqué dans la stratégie et les résultats de lentreprise. Son « intérêt » rejoint celui de la société dont il est devenu actionnaire et où il travaille pour que la profitabilité soit la plus élevée possible. Il est banal de constater que permettre aux salariés daccéder ainsi aux profits financiers dégagés par lentreprise ne peut que produire un effet démulation et une motivation nouvelle aux conséquences positives sur les résultats et lefficacité économique de lentreprise. Dailleurs, les marchés financiers réagissent généralement positivement à lannonce dun plan dactionnariat salarial parce quils y voient la promesse dune performance accrue. En outre, même si son impact est difficile à apprécier la pratique de lactionnariat aurait un effet non négligeable sur la cohésion des équipes, voire du groupe lui-même. Cela est particulièrement vrai quand les salariés sont géographiquement éloignés ou au moment de lacquisition dune société qui doit sintégrer dans un groupe plus large. Plus largement, le partage du profit est un moteur pour la croissance et bien sûr pour lemploi. Aux Etats-Unis, par exemple, où de nombreux salariés sont propriétaires dactions la réinjection dans léconomie dune partie des plus-values réalisées est une réalité. 2. Consolider la stabilité du capital Dans le contexte de la libéralisation des marchés financiers, et de la multiplication des opérations de fusion limpératif de stabilisation de lactionnariat devient primordial. Moins volatils que les petits porteurs, les actionnaires salariés sont naturellement attachés à leurs entreprises et savent faire preuve, le cas échéant, de maturité financière comme cela est apparu lors de la chute de la Bourse à lautomne 1998. Un actionnariat salarié fort, véritable actionnariat « national », peut permettre de constituer un pôle de résistance contre des opérations publiques dachat étrangères inamicales. DE LA PROPOSITION DE LOI Larticle 1er de la proposition de loi dispose que 5 % des actions nouvellement émises lors dune augmentation de capital devront, obligatoirement, êtres offertes aux salariés à un prix inférieur à 50% du prix démission. Il est ainsi mis en place un nouveau régime dactionnariat parallèle aux dispositifs existants et sajoutant en particulier aux dispositions de la loi n° 73-1196 du 27 décembre 1973 qui a réglementé lachat dactions en bourse par les salariés et ouvert la possibilité de procéder à des augmentations de capital qui leur sont réservées. Lobjectif est de créer une opportunité supplémentaire qui répond à des conditions différentes et surtout constitue un régime obligatoire. I.- SOCIÉTÉS ENTRANT DANS LE CHAMP DE LA PROPOSITION DE LOI Larticle 1er de la présente proposition de loi rend loffre dactions aux salariés obligatoire pour les sociétés cotées en bourse qui procèdent à une augmentation de capital par émission dactions. La limitation du champ de larticle 1er aux sociétés cotées sexplique par la nécessaire prudence de la démarche et particulièrement par les difficultés dévaluation de la valeur des actions quand les sociétés ne sont pas introduites en bourse. Toutefois, le même avantage pourra toujours être proposé aux salariés des sociétés non cotées, sur décision de lassemblée générale et dans les mêmes conditions. Il est en outre précisé dans lexposé des motifs, quà lissue dune période de cinq ans au cours de laquelle lapplication du dispositif aura donné lieu à un rapport du ministre de léconomie et des finances, la question de lextension de lobligation à lensemble des sociétés, cotées ou non sera examinée. Enfin, la société doit être en bonne santé financière : elle doit avoir procédé à deux distributions de bénéfices au cours des trois derniers exercices. Cette condition est similaire à celle posée par la loi n° 73-1196 du 27 décembre 1973 relative aux émissions daction réservées aux salariés. Dès lors, loffre doit être ouverte à lensemble des salariés de la société, lassemblée générale extraordinaire pouvant décider que les salariés des filiales (détenues directement ou indirectement à plus 50%) sont également concernés. Cette même assemblée fixe les modalités de la répartition de loffre entre les salariés de façon à prendre en compte des critères classiques tels que lancienneté ou la nature des fonctions. II.- RÉGIME DE LOFFRE FAITE AUX SALARIÉS 1. Le nombre maximum dactions devant être proposé aux salariés à des conditions privilégiés est plafonné à 5 % des actions nouvelles. Ce plafond tout en constituant une avancée en matière dactionnariat salarial devrait permettre décarter les inquiétudes quant aux risque de dilution du capital. 2. La valeur des actions proposées ne peut excéder 100 000 F par salarié. Ce montant, qui sentend comme la valeur des actions avant décote, peut sembler élevé. Il est supérieur à la limite dans laquelle un salarié peut souscrire des actions de sa société dans le cadre de la loi de 1973 précitée, limite qui est également applicable en vertu de la même loi aux achats dactions en bourse au cours dune même année civile, ainsi quaux montants individuels de participation ou dintéressement. Cette limite est, en effet, égale à la moitié du plafond annuel retenu pour le calcul de cotisations sociales, soit 84 540 F. Le montant retenu par la proposition de loi est un montant maximum qui résulte de la volonté de proposer un dispositif suffisamment intéressant, notamment fiscalement, pour rencontrer un écho favorable tout en ne constituant pas une opportunité trop séduisante pour les personnels dencadrement qui peuvent disposer par ailleurs de « stock-options ». 3. Les actions devront être achetées dans le délai dun mois après la décision de lassemblée générale décidant laugmentation de capital. Elles doivent être nominatives et seront incessibles pendant trois ans. Ces deux dispositions sont la condition de lapplication dun régime fiscal favorable. Le choix dune durée de trois ans et non de cinq ans comme en matière de « stock-options » répond à la volonté de ne pas créer une contrainte trop forte pour lensemble des salariés. III.- CONDITIONS TENDANT À ENCOURAGER LA SOUSCRIPTION Les actions offertes aux salariés doivent lêtre à un prix inférieur de 50 % au prix démission. A titre de rappel, pour les sociétés cotées, le prix de souscription proposé aux salariés lors dune augmentation de capital peut faire apparaître une décote par rapport à la moyenne des cours cotés aux vingt séances de bourse précédant la décision fixant la date douverture de la souscription. Cette décote est au maximum de 10 % pour les opérations réservées aux salariés dans le cadre de la loi du 31 décembre 1973 et de 20 % pour celles intervenant dans le cadre du plan dépargne de lentreprise prévues par lordonnance du 21 octobre 1986 relative à lintéressement et à la participation des salariés. La décote dun montant important prévue par la proposition de loi se justifie par la volonté de généraliser au maximum lactionnariat salarié en offrant des conditions suffisamment attractives pour que les intéressés répondent favorablement à loffre qui leur est faite. A cette obligation légale peut naturellement sajouter toute mesure destinée à aider les salariés ayant des capacités dépargne limitées à souscrire lors des augmentations de capital. Lopération menée par le groupe Vivendi en 1998 (« opération Pégase ») a prouvé le succès considérable que pouvait rencontrer ce type dactions, y compris chez les personnels non-cadres, grâce notamment à leffet de levier résultant dun prêt bancaire multipliant par dix lapport initial ou dun crédit gratuit par un paiement échelonné. Enfin, la souscription des salariés est également fortement encouragée par lapplication des dispositions classiques en matière dépargne salariale Elles sinspirent notamment des avantages fiscaux existants en matière de plans dépargne dentreprise. Larticle 2 exonère les plus values retirés de la cession des actions de limposition à limpôt sur le revenu au taux proportionnel de 16 %. Larticle 3 pose le principe dune exonération de prélèvement social au profit de la Caisse nationale dassurance vieillesse. La rédaction de cette disposition devrait toutefois être adaptée afin de prendre en compte la fusion opérée par larticle 8 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 entre ce prélèvement et celui de 1 % opéré au profit de la Caisse nationale des allocations familiales . La perte de recettes résultant de ce dispositif est gagée par une augmentation de la taxe intérieure sur les produits pétroliers et des droits sur les alcools (article 4). La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné la proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 12 mai 1999. Après lexposé du rapporteur, Mme Nicole Bricq a tout dabord observé que la référence faite par le rapporteur au général de Gaulle, fervent partisan de la participation, simposait mais quil ne fallait pas oublier que lui-même avait déclaré que le capitalisme était une « infirmité morale ». Les résultats de la participation restent faibles en France puisque si quatre millions dactifs possèdent des actions, seulement 3 % des salariés possèdent des actions de leur propre entreprise. Même si, comme la souligné le rapporteur, la nécessité de développer lactionnariat est évidente, le mécanisme élaboré par la proposition de loi de M. Edouard Balladur est inadapté et inopportun. En effet, il sagit dune approche très rudimentaire de la participation puisque le mécanisme prévu est automatique alors que la participation demande justement une certaine souplesse propre à recueillir ladhésion des salariés. On cherche, en réalité, à travers cette proposition de loi à faire adhérer les salariés à la philosophie des actionnaires majoritaires. De plus, la proposition de loi rend loffre dactions dépendante des augmentations de capital alors quon constate au contraire que les sociétés procèdent aujourdhui souvent au rachat de leurs propres actions. La réforme des stock options nest pas abordée alors quelle est nécessaire et devrait porter tant sur le plan de la transparence que de la fiscalité et des prélèvements sociaux. Enfin, la place des salariés dans les entreprises nest pas traitée dans cette proposition de loi, alors que Mme Elisabeth Guigou, ministre de la justice, est en train délaborer une réforme importante du droit des sociétés qui prendra en compte cette préoccupation. En outre, un certain nombre darguments plus techniques vont dans le sens dun rejet de la proposition de loi. Le caractère général et automatique du dispositif ne permet pas de prendre en compte la diversité des entreprises. Les critères dattribution des actions semblent être le fait des seuls dirigeants des entreprises. Surtout cette proposition de loi présente le grave défaut de favoriser un certain type de salariés en raison des conditions de loffre des actions : délai dachat dun mois, plafond de 100 000 francs, avantage fiscal dont le montant est proportionnel au niveau de revenus et, surtout, absence de mécanisme dabondement par lemployeur qui est pourtant un des principes essentiels de la participation. Cette proposition de loi ne sadressera pas aux salariés les plus modestes. Il faut sopposer à la proposition de loi de M. Edouard Balladur pour lensemble de ses défauts, tant techniques que de fond. Une telle réforme ne peut pas, en effet, être traitée de cette manière par un texte qui sapparente à un trompe lil. Il convient donc que la commission suspende ses travaux avant de passer à lexamen des articles et ne présente pas de conclusions. Mme Jacqueline Mathieu-Obadia a indiqué que le texte sinscrivait bien dans lesprit de la participation telle quelle avait été conçue par ses fondateurs dès lors quil était justement proposé douvrir une partie du capital à lensemble des salariés. Il serait par ailleurs curieux que le Gouvernement qui procède à des privatisations interdise dans le même temps, en sopposant à cette proposition de loi, que le plus grand nombre de salariés puisse accéder au capital de leur entreprise. Le rapporteur a indiqué que la proposition de loi visait à mettre en place un dispositif dont lensemble des salariés pourrait profiter. Il constitue une avancée sociale pour ces derniers et une possibilité nouvelle offerte aux entreprises. Lexemple du groupe Vivendi, où les salariés ont pu obtenir des financements à taux zéro pour lachat de leurs actions témoigne que laccès à lactionnariat nest pas nécessairement réservé aux seuls salariés qui en auraient les moyens. Enfin lactionnariat salarial peut constituer un moyen de stabilisation du capital. Le président Jean Le Garrec a tout dabord relevé que la proposition de loi sinscrivait dans la volonté, affirmée notamment par les gaullistes de gauche comme M. René Capitant ou M. Louis Vallon, de développer une forme de capitalisme populaire en France. Cependant, il est sans doute hasardeux de prétendre que son adoption permettrait de réduire lantagonisme entre le capital et le travail et quune véritable démocratie pourrait ainsi sinstaurer au sein de lentreprise. Pour autant, lexamen de cette proposition permet dengager le débat sur lequel des réflexions sont en cours. Le président a soumis à la commission la proposition présentée par Mme Nicole Bricq de ne pas engager la discussion des articles de la proposition de loi et donc de suspendre les travaux de la commission. La commission a décidé de suspendre lexamen de la proposition de loi et de ne pas présenter de conclusions. N°1591. - RAPPORT de M. Jacques KOSSOWSKI (au nom de la commission des affaires culturelles) sur la proposition de loi (n° 1513) de M. Edouard Balladur relative à lactionnariat des salariés. 1 Source : Bloombert - Le Monde |