Trophime, Gérard de Lally-Tollendal

1751 - 1830

Informations générales
  • Né le 5 mars 1751 à Paris ( - Généralité de Paris - France)
  • Décédé le 11 mars 1830 à Paris (Seine - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Révolution
Législature
Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 16 mai 1789 au 2 novembre 1789
Baillage
Paris (Type : Ville)
Groupe
Noblesse

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Député en 1789, et pair de France, né à Paris (Généralité de Paris, France) le 5 mars 1751, mort à Paris (Seine) le 11 mars 1830, il était fils naturel du lieutenant-général et gouverneur des Indes françaises Thomas-Arthur, baron de Tollendal, comte de Lally, décapité à Paris le 9 mai 1766, et de Félicité Crafton. On lui cacha longtemps le secret de sa naissance, et il ne connut le nom de son père que la veille du jour où il devait le perdre.

Elevé, sous le nom de Trophime, au collège d'Harcourt, il se voua tout jeune à la réhabilitation du supplicié, intéressa à sa cause la cour et la ville, fut fait par Louis XV capitaine de cuirassiers, et ne tarda pas à porter devant les tribunaux des réclamations auxquelles l'appui de Voltaire donna plus de force et de retentissement. Quatre arrêts du Conseil cassèrent successivement les sentences des parlements ; durant l'instance, le jeune Lally avait eu à lutter contre d'Epresmenil, et avait dû prouver sa légitimation; enfin, en 1779, les provisions de la charge de grand bailli d'Etampes, achetée par lui, portent qu'elles lui ont été accordées pour les services rendus à l'Etat par son père et à cause de sa piété filiale.

Sa touchante persévérance et l'éclat de ce procès fixèrent l'attention des électeurs de Paris qui, le 16 mai 1789, l'élurent député de la noblesse aux états généraux.

Il se déclara en faveur des réformes, et se réunit, le 25 juin, à l'Assemblée, mais non sans exprimer ses scrupules relativement à la question de « l'opinion par tête. » A ce sujet, il déposa la déclaration suivante :


« 26 juin 1789.
« Je me présente à cette auguste assemblée adhérant de cœur et d'esprit à ses dispositions, mais n'étant point maître de ma volonté sur tous les objets.
« Je viens me soumettre à une vérification commune, elle a toujours été dans mes principes, ainsi que dans mon cœur, et elle ne m'était pas interdite par mon mandat.
« Malheureusement, ce mandat ne m'a pas laissé aussi libre sur l'opinion par tête; il est possible qu'il paraisse moins limitatif à d'autres députés dont je respecte la délicatesse autant que je crois à la mienne, et dont les vertus et les lumières doivent rendre l'opinion imposante; mais l'obligation qu'entraîne un serment dépend de l'idée qu'on y a attachée en le prêtant. Or, dans l'instant où j'ai prêté le mien je me suis cru et je me crois encore invinciblement enchaîné à l'opinion par ordre.
« On ne transige point avec sa conscience. C'est elle qui m'a impérieusement ordonné la démarche douloureuse, consolante et sacrée à laquelle je viens de me déterminer : mais c'est elle aussi qui m'ordonne non moins impérieusement de retourner à mes commettans, et de leur demander de nouveaux pouvoirs.
« S'ils sont conformes au vœu de mon cœur, et je ne crains pas de le dire, aux besoins de la patrie, je reviens, messieurs, m'éclairer par vos lumières, m'enflammer par vos vertus, et joindre ma faible contribution à ces immenses et glorieux travaux par lesquels vous allez assurer le bonheur de la France, celui de tous les ordres de ses citoyens et celui du monarque si digne de leur amour.
« Si ma liberté ne m'est pas rendue, alors, messieurs, je remets avec résignation à mes commettans, une mission que je ne croirais plus pouvoir remplir fructueusement, et mes vœux, mes regrets, mes respects vous suivront de loin dans votre noble et brillante carrière.
« Ma résolution est invariable. Je ne sais, messieurs, si ma conduite vous paraît fondée, mais j'ose vous assurer que mon motif est pur, et si c'est une erreur, je demande votre indulgence pour une erreur de la probité.
« Je vous prie de vouloir bien me donner acte du discours que je laisse signé sur le bureau en y laissant mes pouvoirs.
« Dans la salle de l'Assemblée nationale, ce 25 juin 1789.

« LE COMTE DE LALLY-TOLENDAL, député des citoyens nobles de Paris. »

Il appuya et défendit constamment Necker, fit ajourner la motion de La Fayette sur la déclaration des droits, fit placer (13 juillet) la dette publique sous la sauvegarde de l'honneur et de la dignité nationale, et appartint au comité de constitution (14 juillet). Le même jour, il se joignit à une députation ayant pour objet de calmer l'agitation du peuple. Le 17, il harangua la foule, puis le roi à l'hôtel de ville, et fit entendre des paroles de conciliation. Après le meurtre de Bertier, intendant de Paris, il supplia l'Assemblée, le 23 juillet, de prendre des mesures contre le retour de pareils excès, et s'attira cette réponse de Barnave : « Ce sang est-il donc si pur qu'on n'en puisse répandre quelques gouttes ? » Dès lors, quittant le rôle de médiateur, Lally-Tolendal, passa du côté de la cour. Il résista même au généreux entraînement de la nuit du 4 août et, tandis qu'il siégeait au bureau comme secrétaire, il conseilla au président de lever la séance. Cet avis ne fut pas écouté ; alors Lally proposa à l'Assemblée de décerner à Louis XVI le titre de « restaurateur de la liberté française », ce qu'elle vota par acclamation.

Admirateur de la Charte anglaise et de la séparation des pouvoirs, il défendit ces idées de concert avec Mounier et Bergasse, et réclama l'institution d'un Sénat et d'une Chambre des représentants. Lally soutint le système du veto royal, et demanda que les arrêtés du 4 août y fussent soumis.

Les journées des 5 et 6 octobre le déterminèrent à donner sa démission (2 novembre) et à quitter la France. Il se retira en Suisse auprès de Mounier, y publia son Quintus Capitolinus, dans lequel il discutait les bases de la Constitution de 1791, rentra en France on 1792 pour conspirer en faveur du roi, et se fit arrêter à la suite des événements du Dix Août : enfermé à l'Abbaye, il fut élargi quelques jours avant les massacres de septembre.

Il vécut alors en Angleterre, des secours que lui accorda le gouvernement britannique, publia, lors du procès de Louis XVI, une défense de ce prince, et revint dans son pays après le 18 brumaire.

Fixé à Bordeaux, il se tint, jusqu'à l'époque de la Restauration, à l'écart des affaires publiques.

En 1815, il accompagna Louis XVIII à Gand, fit partie de son conseil privé, où il remplissait in partibus les fonctions de ministre de l'Instruction publique, et collabora au Moniteur de Gand.

Le 19 août 1815, le roi l'éleva à la pairie. Il vota avec seize de ses collègues pour la déportation dans le procès du maréchal Ney, et, lorsque la condamnation à mort eut été prononcée, il proposa de recommander le duc de la Moskowa à la clémence royale. Il se prononça en janvier 1816 pour la loi dite d'amnistie, puis pour la célébration d'une cérémonie expiatoire le jour anniversaire de la mort de Louis XVI, et appuya en 1817, comme rapporteur, le projet de loi électorale qui établissait l'élection immédiate à un seul degré par tous les électeurs payant 300 francs d'impôts au moins. Adversaire de la restitution des biens invendus du clergé, il prit encore la parole sur plusieurs questions importantes : sur le budget, sur la liberté de la presse, dont il défendit le principe le 25 février 1817, ce qui ne l'empêcha point de voter, le 27 décembre suivant, une prolongation de la censure pour les journaux, etc. Ces fluctuations inspirèrent à Châteaubriand, qui n'aimait pas Lally-Tollendal, les réflexions suivantes : « M. de Lally tonnait en faveur des libertés publiques; il faisait retentir les voûtes de notre solitude de l'éloge de trois ou quatre lords de la chancellerie anglaise, ses aïeux disait-il ; quand son panégyrique de la liberté de la presse était terminé, arrivait un mais, fondé sur des circonstances, lequel mais nous laissait l'honneur sauf sous l'utile surveillance de la censure. » Nommé membre de la commission chargée d'examiner la question de compétence, à propos de l'arrêt rendu par la cour des pairs en 1821, contre les conjurés de 1820, Lally-Tollendal conclut au bien jugé. Le 10 février 1825, il parla contre la loi sur le sacrilège, estimant suffisante celle de 1824 ; en 1826, il défendit le projet du gouvernement sur les successions et les substitutions, et émit le vœu que la loi consacrât l'existence d'un patriciat de famille destiné à servir de base au trône constitutionnel. A propos de la loi sur l'indemnité de Saint-Domingue, il insista en faveur de la réduction des droits des créanciers des colons. Le 19 juin 1827, il opina pour l'adoption du budget, contrairement à l'avis de Châteaubriand.

Lally-Tollendal ne vit pas la chute des Bourbons de la branche aînée : il fut frappé, dans les premiers jours de mars 1830, d'une attaque d'apoplexie qui l'enleva rapidement.

Membre de l'Académie française en vertu de l'ordonnance royale du 21 mars 1816, et marquis par une autre ordonnance du 31 août 1817, Lally-Tollendal était doué, comme orateur, d'une remarquable facilité d'élocution ; sa mémoire surtout était prodigieuse.

Comme écrivain, son talent était ordinaire et prétentieux. Il a laissé des Mémoires et plaidoyers présentés au conseil d'Etat pour la défense de son père ; des lettres ou brochures politiques, parmi lesquelles :
- Rapport sur le gouvernement qui convient à la France (1789) ;
- Lettre à ses commettants (17 octobre 1789) ;
- Songe d'un Anglais fidèle à sa patrie et à son roi (1793) ;
- Mémoire au roi de Prusse pour réclamer la liberté de La Fayette (1795) ;
- Mémoires concernant Marie-Antoinette (1804) ;
- et des Opinions et Rapports à la Chambre de la noblesse et à l'Assemblée nationale, des Opinions présentées à la Chambre des pairs ;
- une traduction de l'Essai sur l'Homme de Pope, etc.