Jacques Jallet

1732 - 1791

Informations générales
  • Né le 14 décembre 1732 à La Mothe-Saint-Héray ( - Généralité de Poitiers France)
  • Décédé le 13 août 1791 à Paris (Département de Paris - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Révolution
Législature
Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 1er avril 1789 au 13 août 1791
Baillage
Poitiers (Type : Sénéchaussée)
Groupe
Clergé

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Député en 1789, né à la Mothe-Saint-Héray (Généralité de Poitiers) le 13 décembre 1732, mort à Paris le 14 août 1791 (Département de Paris), il était le sixième enfant d'un jardinier qui mourut cinq ans après sa naissance.

Recueilli par le curé de Nanteuil, son oncle maternel, Jallet fut destiné à l'état ecclésiastique; le châtelain de la Mothe le plaça aux Oratoriens de Niort pour y apprendre le latin. Mais Jallet montra peu de goût pour l'état auquel on le destinait ; venu à Poitiers pour faire son droit, il s'éprit d'une jeune fille riche, dont la main lui fut refusée, et qui mourut bientôt dans le couvent où ses parents l'avaient fait enfermer. Dégoûté du monde, Jallet entra au séminaire, en sortit prêtre à 27 ans, fut nommé vicaire à Gençay (Vienne), puis curé de Chérigné (Deux-Sèvres). Là, en dehors des devoirs de son ministère, il se donna tout à tous, devint le conseiller des agriculteurs, le juge des différends, le père des pauvres, étudia les questions sociales, et, lorsque la Révolution éclata, en embrassa la cause avec ardeur.

Venu à Poitiers pour prendre part aux élections aux Etats généraux, il prit la défense du bas clergé, et, le 1er avril 1789, fut élu, par la sénéchaussée du Poitou, député du clergé aux Etats généraux. Il écrivit alors à Necker qu'il ne pouvait faire les frais de sa représentation : « La désastreuse année de 1785 m'ayant chargé de dix-neuf familles indigentes, m'interdit un voyage qui priverait mes pauvres des soins que je leur dois. » Le ministre leva cet obstacle, et Jallet se rendit à Paris.

Dans l'assemblée de son ordre, il reprocha à l'évêque de Luçon d'avoir falsifié le cahier général de son clergé, et accusa l'évêque de Poitiers de produire deux cahiers alors qu'un seul avait été signé par les commissaires. Lors de la discussion de la demande du tiers relative à la vérification des pouvoirs en commun, Jallet prit le premier un parti décisif :

« Il est temps, dit-il dans la séance du 12 juin 1789, de sortir d'une inaction qui nous déshonore ; nous nous regardons comme députés aux Etats généraux dans l'ordre du clergé ; or cette qualité nous imprime un double caractère : l'un, principal, essentiel, est celui de représentant de la nation ; l'autre, secondaire et subordonné au premier, est celui de représentant de notre ordre. Qui osera soutenir que la qualité seule de député du clergé suffise pour autoriser chacun de nous à traiter des objets qui intéressent toute la nation ? Nous ne voulons pas nous jeter dans les bras du tiers et confondre les ordres ; nous déclarons que nous respectons comme vous la distinction des ordres, que nous y demeurerons constamment attachés, mais nous irons avec eux, comme le veut l'ancien usage que le malheur des temps a pu suspendre, mais qu'il n'a pu faire oublier, afin de réunir les trois ordres, lesquels ne se séparaient autrefois que pour traiter des objets particuliers, mais délibéraient toujours ensemble. »

Le lendemain, 13, il se rendit dans l'assemblée du tiers avec ses collègues Lecesve et Ballart, et s'exprima ainsi :

« Messieurs, une partie des députés du clergé du Poitou aux Etats généraux se rend aujourd'hui dans la salle de l'Assemblée générale. Nous y venons pour prendre communication des pouvoirs de nos co-députés des trois ordres, et pour communiquer nos mandats, afin que les uns et les autres étant vérifiés et légitimés, la nation ait enfin de vrais représentants. Nous venons précédés du flambeau de la raison, conduits par l'amour du bien public, nous placer à côte de nos concitoyens, de nos frères. Nous accourons à la voix de la patrie, qui nous presse d'établir entre les ordres la concorde et l'harmonie, d'où dépend le succès des Etats généraux et le salut de l'Etat. Puisse cette démarche être accueillie par tous les ordres avec le même sentiment qui nous la commande ! Puisse-t-elle enfin nous mériter l'estime de tous les Français ! »

De chaleureux applaudissements saluèrent ce discours; chacun se pressa autour des trois curés, on les embrassa, un membre s'écria :

« Qu'ils ne soient pas abandonnés au despotisme des évêques! Mettons ces braves citoyens à l'abri de la vengeance et de l'animosité des potentats de leur ordre. Que leurs noms soient consacrés dans nos annales ; ils se sont élevés au-dessus de la superstition, ils ont vaincu les préjugés ! »

Dès lors, Jallet suivit l'élan du mouvement qu'il avait ainsi contribué à précipiter. Le 20 juin, il prêta le serment du Jeu de Paume ; dans le tableau de David des trois curés du Poitou qui, debout, dominent Barère, Jallet est le plus en vue. Le 22, son nom fut acclamé dans l'église Saint-Louis, à l'appel des noms des 149 prêtres qui s'étaient réunis au tiers. Membre du comité des finances (14 juillet), il vota (20 octobre) contre le cens électoral, reconnut (30 octobre) que la nation était propriétaire des biens du clergé, et proposa de décréter les articles suivants :

ART. Ier. - La nation, à raison du droit de souveraineté, peut et doit faire la destination des biens ecclesiastiques, au plus grand avantage de la société ;

ART. II. - Elle se chargera de l'entretien des ministres, et cet entretien sera considéré comme une dette privilégiée, dont le premier paiement se fera au 1er janvier prochain ;

ART. III. -
1° Il ne sera plus nommé aux bénéfices simples ;
2° La nomination aux évêchés, abbayes, prieurés, etc., sera suspendue ;
3° Les collégiales, les chapitres nobles, etc., seront supprimés, comme inutiles et contraires aux principes de l'Evangile ;
4° Les chapitres des cathédrales seront réformés et ramenés à leur institution primitive, et, s'il se peut, supprimés ;
5° Le comité de constitution sera chargé de présenter ses réflexions sur cette question;
6° Le clergé régulier n'étant pas nécessaire pour le culte divin, sera-t-il supprimé entièrement, ou quelques congrégations seront-elles conservées pour être appliquées à des objets d'utilité publique ?
7° Lors du décret, il sera dressé dans chaque église, communauté, un inventaire exact de l'argenterie et de la vaisselle, lequel sera adressé à l'Assemblée nationale.
Le 16 mai 1790, Jallet parla contre la concession à faire au roi du droit de paix et de guerre ; le 31, il défendit et vota la constitution civile du clergé, et prêta, le 27 décembre, le serment civique.

Le 30 novembre 1790, les électeurs des Deux-Sèvres l'avaient choisi pour évêque constitutionnel du département, par 135 voix sur 205 votants. Malgré les instances de la Société des amis de la Constitution de Niort, il déclina ces fonctions, pour rester dans la politique militante. La question du serment étant à l'ordre du jour, il publia alors : Pourquoi ne jurent-ils pas, puisqu'ils savent jurer ? ou lettres de Jallet à L. E. Mercy, ci-devant évêque de Luçon.

Il mourut subitement à Paris, avant la fin de la session, d'une attaque d'apoplexie.

On a de lui :
- Idées élémentaires sur la Constitution ;
- Opinion sur la peine de mort (1790) ;
- Sur le mariage des prêtres, etc

Il a laissé également un Journal manuscrit de sa vie politique, publié en 1871, et dont l'original appartient à M. Carnot, président de la République.

En 1884, les républicains des Deux-Sèvres ont fait élever à Jallet une statue sur la place de la Mothe-Saint-Héray.