Pierre Hervé

1913 - 1993

Informations générales
  • Né le 25 août 1913 à Lanmeur (Finistère - France)
  • Décédé le 8 mars 1993 à Chatel-censoir (Yonne - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Gouvernement provisoire de la République française
Législature
Ire Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 21 octobre 1945 au 10 juin 1946
Département
Finistère
Groupe
Communiste
Régime politique
Gouvernement provisoire de la République française
Législature
2e Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 2 juin 1946 au 27 novembre 1946
Département
Finistère
Groupe
Communiste
Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 10 novembre 1946 au 15 juillet 1948
Département
Finistère
Groupe
Communiste

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1940 à 1958 (La documentation française)


Né le 23 août 1913 à Lanmeur (Finistère)

Décédé le 8 mars 1993 à Châtel-Censoir (Yonne)

Député du Finistère de 1946 à 1948

Membre de la première et de la seconde Assemblée nationale constituante (Finistère)

Pierre Hervé naît le 23 août 1913 à la ferme de Kergolvas, dans le Finistère ; son milieu est celui de la petite paysannerie bretonne. Jeune lycéen, à Lannion, à la fin des années 1920, son appétit de lectures le conduit vers Marx, Engels et Lénine. Cette découverte marque sa vie : elle détermine son goût pour la philosophie, en même temps que son engagement communiste.

Pierre Hervé s'inscrit pour la première fois aux Jeunesses Communistes en 1932, alors qu'il est encore élève en khâgne au lycée de Rennes. L'année suivante, il rejoint le lycée Lakanal de Sceaux, en vue d'accroître ses chances de réussite au concours de l'Ecole Normale Supérieure. Son activité militante n'est pas pour autant délaissée ; il convainc ainsi son condisciple Jean-Toussaint Desanti de rejoindre les rangs des Jeunesses communistes.

En 1934, Louis Aragon, qui travaille alors comme rédacteur à L 'Humanité, lui propose de collaborer à la revue Commune, organe de l'Association des écrivains et des artistes révolutionnaires. Son inscription à la Sorbonne, en septembre, coïncide avec son entrée à l'Union fédérale des étudiants, organisation très proche du Parti communiste. Pierre Hervé est désigné par les Jeunesses communistes pour siéger à leur Comité central en 1936 ; il y côtoie, entre autres, Jean-Pierre Vernant, Victor Leduc et Gilles Martinet. Il est par la suite nommé secrétaire national de l'Union des étudiants communistes, poste qu'il occupe jusqu'à son départ pour le service militaire, en 1938.

Diplômé d'études supérieures de philosophie, Pierre Hervé s'apprête à passer le concours de l'agrégation lorsque la guerre éclate. Soldat de deuxième classe au 46e Régiment d'Infanterie, il n'est guère enthousiaste à l'annonce du pacte germano-soviétique ; militant discipliné, il se refuse pourtant à rompre avec son parti. Blessé à la face par un éclat d'obus sur la rive de l'Aisne, le 21 mai 1940, puis fait prisonnier alors qu'il attendait des soins à l'hôpital de Brest, il s'évade le 25 juillet, au cours du voyage vers l'Allemagne. Caché pour quelques semaines dans l'Yonne, il est surveillant d'externat à l'école Colbert d'octobre 1940 à janvier 1941. A la fin du mois de janvier, le rectorat le nomme professeur de philosophie au lycée Marcellin-Berthelot à Saint-Maur-des-Fossés.

Son adhésion à la cause de la Résistance est immédiate : Jacques Salomon lui confie l'organisation de « l'Université Libre » dans la région parisienne, et lui propose de collaborer à la feuille clandestine du même nom. Arrêté le 11 juin 1941 à son domicile parisien, Pierre Hervé est écroué à la prison de la Santé. Son épouse, Annie Noël, prépare alors son évasion ; avec vingt autres détenus, il parvient à s'échapper le 8 juillet 1941.

Pierre Hervé rejoint clandestinement la zone sud, et s'y cache pendant quelques mois. A l'été 1942, sur les conseils d'un ami, il se rend à Lyon pour prendre contact avec la Résistance, et plus particulièrement avec Lucie Aubrac. Le mouvement Libération en fait son chef pour la région de Lyon en juillet 1942 ; après avoir dirigé les opérations dans la région de Toulouse de novembre 1942 à avril 1943, il revient à Lyon pour exercer les fonctions de secrétaire général des Mouvements Unis de Résistance (ultérieurement Mouvement de Libération Nationale (MLN).

Pierre Hervé est un des principaux animateurs de la presse résistante. Dès 1942, il collabore au journal Libération, dirigé par Emmanuel d'Astier de la Vigerie ; il devient directeur-adjoint de cette publication lorsqu'elle paraît au grand jour, à partir de l'été 1944.

C'est en tant que représentant du MLN que Pierre Hervé est désigné pour siéger à l'Assemblée consultative provisoire. Il est nommé membre de plusieurs commissions parlementaires ; jeunesse et sports, information et propagande, et justice et épuration ; il siège d'ailleurs dans ces deux dernières commissions aux côtés de son épouse. Son activité parlementaire se limite à une intervention au cours du débat qui s'engage le 19 juin 1945 au sujet des événements de Syrie et du Liban.

C'est dans son département natal du Finistère que Pierre Hervé choisit de se présenter, le 21 octobre 1945, aux élections pour la première Assemblée nationale Constituante. Il conduit la liste communiste, qui, avec 81 628 voix sur 366 078 suffrages exprimés, emporte deux des neufs sièges à pourvoir ; la liste du MRP conduite par André Colin, autre membre du CNR, se taille la part du lion, avec quatre élus. Pierre Hervé est nommé à la Commission de la Constitution ; son activité parlementaire est d'ailleurs exclusivement consacrée à la discussion sur l'élaboration de la Constitution.

Pierre Hervé sollicite le renouvellement de son mandat lors des élections du 2 juin 1946 pour la seconde Assemblée Constituante. La liste communiste améliore ses positions, avec 95 343 voix sur 387 313 suffrages exprimés, mais seuls les deux députés sortants retrouvent leur siège, car le MRP, en progression encore plus sensible, emporte cinq des neuf sièges à pourvoir. Pierre Hervé est de nouveau nommé membre de la Commission de la Constitution. Il intervient notamment au cours d'une discussion, le 27 septembre 1946, sur la composition et l'élection des membres du Conseil de la République : il réaffirme l'hostilité de principe du groupe communiste à une deuxième chambre, parce que « la souveraineté nationale est unique et qu'il n'est pas nécessaire de la diviser » ; et s'il faut se résigner à la création d'un Conseil de la République, souligne-t-il, il ne saurait être question de ne pas l'élire au suffrage universel à deux degrés avec représentation proportionnelle - sans quoi cette Chambre ne servirait qu'à la représentation d'intérêts « corporatifs et professionnels », ce que le Parti communiste ne saurait accepter.

En décembre 1946, Pierre Hervé quitte Libération et rejoint L 'Humanité où il est d'abord éditorialiste, puis rédacteur en chef-adjoint. C'est à cette date qu'interviennent les premiers heurts entre Pierre Hervé et le Parti communiste : la publication dans Action, le 22 novembre 1946, d'un article retentissant (« Il n'y a pas d'esthétique communiste ») lui vaut d'être convoqué par Maurice Thorez et Jacques Duclos ; il doit entendre un réquisitoire d'Aragon, et une autocritique de Roger Garaudy qu'il refuse de suivre.

L'investiture du parti lui est cependant accordée lors des premières élections législatives du 10 novembre 1946. La liste qu'il conduit recueille 105 886 voix sur 380 219 suffrages exprimés ; dix sièges étant cette fois dévolus à la représentation du Finistère, elle obtient trois sièges. Pierre Hervé est nommé membre de la Commission de l'intérieur, de la Commission des affaires étrangères, et de la Commission « chargée d'enquêter sur les événements survenus en France de 1933 à 1945 », créée en application de l'article 2 de la loi du 31 août 1946.

Durant cette législature, il est l'auteur d'une proposition de résolution, le 16 mai 1947, tendant à « inviter le gouvernement à prendre les arrêtés et mesures nécessaires à la conservation de la langue et de la culture bretonnes, à l'abrogation des dispositions qui proscrivent l'usage de la langue bretonne dans l'enseignement public et à l'organisation d'un enseignement de la langue bretonne dans les départements du Finistère, des Côtes-du-Nord et du Morbihan. Il dépose en outre, le 10 juin 1947, un rapport au nom de la Commission de l'intérieur sur la proposition de loi de Madeleine Braun et plusieurs de ses collègues tendant à faire admettre les femmes à égalité de titres à toutes les fonctions publiques et professions libérales.

Pierre Hervé refuse la confiance au gouvernement lors du vote du 4 mai 1947 à la suite duquel Paul Ramadier se séparera de ses ministres communistes, puis dépose une demande d'interpellation sur la composition du gouvernement et sur sa politique générale (5 août). S'il s'abstient volontairement lors du vote du 27 août 1947 concernant le projet de loi sur le statut de l'Algérie, il approuve la nationalisation des écoles des houillères de Lorraine (14 mai 1948).

Le 15 juin 1948, il se démet de son mandat de député « pour se consacrer au journalisme » ; il est remplacé à l'Assemblée nationale par Marie Lambert. Selon le témoignage de Pierre Hervé, cité par Jean Maitron, sa démission est motivée par sa lassitude face aux « persécutions dont [il est] l'objet, principalement de la part d'André Marty, et par les intrigues qui se dessinent contre [lui] dans [s] a circonscription du Finistère » ; il est vrai qu'il avait encore été sermonné par le Bureau politique du Parti, suite à la parution d'un article à l'anti-gaullisme jugé trop virulent (« Culotte de peau, sabre de bois, mépris de fer »). A compter de cette date, Pierre Hervé n'écrit plus que des reportages dans L'Humanité ; à partir de 1950, il interrompt définitivement sa collaboration.

En mars 1949, Pierre Hervé lance avec Yves Farge la nouvelle formule de l'hebdomadaire Action. Cette publication, que Jeannine Verdès-Leroux définit comme un « refuge pour les intellectuels communistes réfractaires au jdanovisme », se donne pour but de « prouver qu'au Parti communiste, on peut discuter ». Cependant, placée sous la dépendance financière du Parti, Action ne peut trouver sa voie, et sa parution doit être interrompue en 1952.

A la suite de l'échec d'Action, Pierre Hervé se consacre à l'enseignement, et professe la philosophie au lycée Voltaire (1955-1956), au collège de Louhans (1956-1957), au lycée de Châlons-sur-Marne (1957-1960), au lycée de Rambouillet (1960-1963), puis au lycée François Villon à Paris (1963-1973). Le divorce avec le Parti communiste se poursuit ; il est consommé avec la parution d'un livre, La Révolution et les Fétiches, dans lequel Pierre Hervé manifeste son désir de voir le Parti s'affranchir « d'une scolastique fétichiste, pour revenir à son esprit authentique et s'ouvrir à l'immense aspiration des hommes ». Pierre Hervé est exclu du Parti communiste le 16 février 1956, le jour même de l'ouverture du XXe Congrès du Parti communiste d'Union soviétique.

Pierre Hervé se consacre alors à la rédaction d'ouvrages destinés à clarifier son rapport avec le communisme : Lettre à Sartre et à quelques autres par la même occasion (1956) ; Dieu et César sont-ils communistes ? (1957) ; Ce que je crois (1958). Avec Auguste Lecoeur, il participe aussi au journal La Nation socialiste et crée une revue mensuelle, La Nouvelle Réforme, qui ne dure que le temps de trois numéros. Pierre Hervé se rapproche progressivement de la SFIO ; candidat (sans succès) aux élections législatives qui se tiennent le 13 janvier 1957 dans la première circonscription de Paris, à la tête d'une liste du « communisme démocratique et national », il la rejoint en octobre 1958, se félicitant des « perspectives d'avenir offertes par le Parti socialiste », de « la résolution sur l'Algérie votée par le récent Congrès » et du « rôle joué par les ministres socialistes au sein de l'actuel gouvernement ». De plus en plus séduit par l'action du général de Gaulle, Pierre Hervé quitte la SFIO en 1963 ; il collabore, de 1967 à 1969, à Notre République, organe des gaullistes de gauche. Après avoir pris sa retraite de l'Education nationale, en 1973, Pierre Hervé se retire dans le village de Châtel-Censoir, dans l'Yonne, où il décède le 8 mars 1993.