René Kuehn

1910 - 1995

Informations générales
  • Né le 8 janvier 1910 à Ammerschwhir ( - District de Haute-Alsace - Empire allemand)
  • Décédé le 22 juillet 1995 à Colmar (Haut-Rhin - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 10 novembre 1946 au 4 juillet 1951
Département
Haut-Rhin
Groupe
Union démocratique et socialiste de la Résistance
Régime politique
Quatrième République - Assemblée nationale
Législature
IIe législature
Mandat
Du 17 juin 1951 au 1er décembre 1955
Département
Haut-Rhin
Groupe
Rassemblement du peuple français - ARS

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1940 à 1958 (La documentation française)


Né le 8 janvier 1910 à Ammerschwihr (District de Haute-Alsace, Empire allemand)

Décédé le 22 juillet 1995 à Colmar (Haut-Rhin)

Député de 1946 à 1955 (Haut-Rhin)

Faut-il voir dans l'élection de René Kuehn à l'Assemblée nationale le signe de la persistance de la République des avocats au lendemain de la Seconde guerre mondiale ? Peut-être, à condition de ne pas oublier que René Kuehn n'aurait sans doute pas représenté le Haut-Rhin sans les vicissitudes de la guerre. Son entrée en politique s'inscrit dans le prolongement de sa participation à la Résistance et fut placée sous le signe de la fidélité au général de Gaulle.

René Kuehn, fils d'un propriétaire viticulteur d'Alsace, a étudié le droit à la faculté de Paris et obtenu une licence en cette discipline en 1931. Armé de surcroît de diplômes d'études supérieures, notamment de droit privé et d'économie politique, René Kuehn s'inscrit au barreau de Colmar, et exerce la profession d'avocat jusqu'en 1976. Mobilisé en 1939 comme sous-officier, il est fait prisonnier. De retour en Alsace, il est arrêté par la Gestapo le 9 octobre 1941 et expulsé. Il participe alors aux activités de la Résistance belge, plus particulièrement du réseau Sabot, ce qui lui vaudra d'être fait chevalier de l'Ordre de Léopold. Son attitude patriotique le désigne pour occuper les fonctions de sous-préfet d'Altkirch en 1944. Il y renonça en septembre 1946 pour présenter sa candidature aux élections à la première Assemblée nationale de la IVe République.

René Kuehn, qui se définissait dans les années Trente comme modéré, pouvait compter sur son passé de résistant, son autorité de sous-préfet et sur l'illustration de sa famille. Son grand-père fut maire d'Ammerschwihr et lui-même fut conseiller municipal en 1947 et maire de 1953 à 1958. Peut-être les électeurs ont-ils jugé qu'il était à même de conduire la reconstruction d'une ville en quasi-totalité détruite ?

René Kuehn se présente donc aux élections législatives du 10 novembre 1946. Sa candidature ouvertement gaulliste est soutenue par l'UDSR, des personnalités radicales, indépendantes ainsi que par d'anciens membres de l'ADR. L'Est-Matin dont il est l'un des administrateurs lui apporte son soutien. A la tête d'une liste du Rassemblement gaulliste démocratique et républicain, il obtient 47 091 voix sur 208 945 suffrages exprimés et arrive derrière la liste MRP mais devant les listes socialiste et communiste. Au Palais Bourbon, René Kuehn s'inscrit au groupe de l'UDSR par fidélité à l'idéal de la Résistance. L'UDSR se présente encore comme un pré-rassemblement gaulliste. Naturellement, il rejoint le RPF lorsque celui-ci est créé en 1947 et sur le plan parlementaire quitte en 1948 le groupe UDSR pour celui connu sous l'appellation d'Action démocratique et sociale qui a été créé par Jacques Vendroux pour rassembler les députés gaullistes les moins enclins à composer avec la Troisième force.

Au cours de la législature, René Kuehn est juré de la Haute cour de justice (1949) et siège dans plusieurs commissions : intérieur, justice, affaires étrangères, Commission administrative. Mais c'est surtout au sein des commissions de l'intérieur et de la reconstruction et des dommages de guerre qu'il est particulièrement actif. Il est vrai qu'il représente un département qui a grandement souffert de la guerre. Il intervient aux fins d'accélérer la reconstruction, le dédommagement des sinistrés ou bien encore, ainsi le 12 décembre 1947, le rapatriement des Alsaciens Lorrains retenus en URSS. Il en appelle au Président de la République au nom des familles et des associations d'anciens combattants du Haut-Rhin. Le 18 février 1953, il vote l'amnistie des Français incorporés de force dans les armées ennemies.

Le statut de l'Allemagne et son potentiel industriel retient tout particulièrement l'attention du député du Haut-Rhin. Cet intérêt justifie de nombreuses et souvent longues interventions en séance publique. Le 15 juin 1948, René Kuehn intervient au cours du débat sur les recommandations de la Conférence de Londres au sujet de l'Allemagne. A nouveau, il rappelle que le sort de l'Allemagne ne peut laisser indifférents ses administrés. Il plaide en faveur d'un étroit contrôle de la Ruhr car s'y joue la sécurité de l'Europe. Par ailleurs, il s'oppose à ce que les usines de Lorraine soient tributaires du charbon allemand. Il rappelle que Hitler avait voulu créer dans le Ruhr une sorte de combinat et met en garde le gouvernement de ne pas transformer la défaite de l'Allemagne sur le plan militaire en une victoire sur le plan économique et industriel. Aussi, faut-il déplacer l'industrie métallurgique vers la France et pour empêcher toute renaissance de la puissance militaire de l'Allemagne placer ses usines et ses mines sous gestion internationale. « Faute d'obtenir ces garanties, conclut-il, nous, les victimes de Hitler, nous ne pouvons pas répondre oui actuellement au programme de Londres, car nous ne voulons pas réaliser le programme que lui, Hitler, avait échafaudé pour nous asservir à jamais ! » Le 16 juin 1948, il vote contre l'ordre du jour déposé en conclusion du débat sur les recommandations de Londres. Le 2 décembre de la même année, René Kuehn expose à nouveau ses arguments dans une longue intervention sur le statut de la Ruhr. Il exige une fois de plus le renforcement des garanties et suggère que la Ruhr soit un bien commun. Or, face au nouvel impérialisme de l'URSS, la solution est de faire de l'Europe « une entité forte, respectée et indépendante », mais si la Ruhr est rendue à l'Allemagne, « notre projet de fédération européenne ne pourra voir le jour ». Ses interventions traduisent une crainte d'assister au relèvement de l'Allemagne au détriment de la France qu'il souhaiterait plus forte. Peur du militarisme allemand et peur de sa concurrence économique se conjuguent pour que René Kuehn réclame à intervalles rapprochés garanties, réparations et dédommagements. La menace que fait peser l'URSS sur le monde libre ne doit pas conduire le gouvernement sous la pression de l'Angleterre et des Etats-Unis à manquer de prudence. Certes, il a approuvé la ratification du pacte de l'Atlantique mais, le 25 novembre 1949, au cours d'un débat très serré avec Robert Schuman, René Kuehn propose qu'un pacte de garantie contre la remilitarisation de l'Allemagne soit négocié sans délais. Le 25 juillet 1950, à l'occasion du débat sur les crédits de fonctionnement du Commissariat aux affaires allemandes et autrichiennes, il revient sur le plan Schuman « question très compliquée et d'une gravité exceptionnelle ». Il reproche à Robert Schuman d'avoir fait sa déclaration du 9 mai à la presse et non à l'Assemblée nationale ainsi que l'exige la tradition parlementaire. Le très gaulliste Kuehn défend les prérogatives du Parlement en matière de politique extérieure. Parlant d'abondance, René Kuehn pose au ministre des affaires étrangères des questions précises qui concernent le statut de la Ruhr et de la Sarre, des répercussions de la guerre de Corée sur le plan et de l'attitude de l'Angleterre. « Nous ne voudrions pas être dans la situation d'une personne qui veut construire une maison et à qui l'on remet les clefs sans lui avoir permis auparavant de voir le plan de l'architecte, d'indiquer ses goûts et de faire prévaloir son intérêt », précise-t-il. Le 25 octobre 1950, dans le prolongement de ses interventions antécédentes, René Kuehn intervient sur la question du réarmement allemand dans le cadre d'une armée européenne. Il refuse de choisir entre le péril russe ou allemand et à son habitude pose une série de questions, questions qui vont durablement dominer le débat sur la Communauté européenne de défense (CED). Le danger russe est-il imminent ? Qu'a fait le gouvernement pour empêcher le péril d'atteindre la France ? Le réarmement allemand ne constitue-t-il pas un danger pour la France ? Les Allemands sans être armés peuvent-ils apporter leur concours à la France ? La défense de l'Europe doit-elle se faire sur le Rhin ou sur l'Elbe ? Que se passera-t-il si les Etats-Unis refusent la formule d'armée européenne ? Quelles conséquences pour le pool charbon acier ? On l'aura compris René Kuehn n'est guère favorable au projet Pleven et continue à lutter contre la CED sous la seconde législature.

Le 17 juin 1951, René Kuehn est en deuxième position sur la liste RPF conduite par Georges Bourgeois, sénateur et président du Conseil général du Haut-Rhin. Avec 87 500 voix sur 230 716 suffrages exprimés, la liste gaulliste obtient trois sièges. Mais René Kuehn est avec le dernier de liste le candidat qui obtient le moins de suffrages. Faut-il y voir un déficit de popularité ? Il n'est pas impossible que cela ait pesé sur sa décision de ne pas se représenter en 1956.

Sous la seconde législature, René Kuehn est nommé vice-président de la Commission de comptabilité, secrétaire de la Commission des affaires étrangères et membre de la Commission de la défense nationale. Inscrit au groupe RPF, il approuve le projet de loi André Marie et la proposition de loi Barangé d'aide à l'enseignement privé en septembre 1951. Le 13 décembre de la même année, il ne peut s'opposer à l'adoption de l'ensemble du projet relatif au pool charbon acier (le 20 juillet 1955, il sera élu par l'Assemblée pour siéger à l'Assemblée de la Communauté européenne du charbon et de l'acier). Le 17 janvier 1952, il s'abstient sur la motion d'investiture d'Edgar Faure mais contribue à sa chute le 29 février. Le 6 mars 1952, René Kuehn vote avec 26 autres députés RPF dissidents l'investiture du gouvernement Pinay puis rejoint le groupe indépendant d'Action républicaine et sociale (ARS), ce qui lui vaut d'être exclu du RPF. Le 20 octobre 1953, René Kuehn participe à l'important débat sur la politique agricole du gouvernement et intervient pour soutenir les intérêts des producteurs de vins d'Alsace. L'intervention de Joseph Laniel ne calme que partiellement les alarmes des députés inquiets du malaise agricole. Aussi, contre l'avis du président du Conseil, plusieurs demandes d'interpellation sur l'Indochine sont-elles déposées dont celle de René Kuehn. Il la développe le 27 octobre 1953. René Kuehn interpelle le gouvernement sur la politique envisagée envers le Vietnam après le vote par le Congrès national de Saigon d'une motion rejetant la participation à l'Union française. Cette décision avait provoqué une grande émotion dans les milieux politiques qui avaient saisi cette occasion pour demander au gouvernement de préciser sa politique indochinoise. René Kuehn reconnaît avoir été surpris par le vote du Congrès de Saigon et il demande au gouvernement quelle solution il envisage s'il n'entrevoit pas de solution militaire. A l'issue du débat, les ordres du jour socialiste et communiste qui demandaient l'ouverture de négociations sont repoussés. L'ordre du jour déposé par René Kuehn, et accepté par le gouvernement, est adopté le 27 octobre par 315 voix contre 251 et 36 abstentions. Il invitait le gouvernement à développer les forces armées des Etats associés pour relayer progressivement l'armée française, à tout mettre en œuvre pour aboutir, par la négociation, à la pacification générale de l'Asie et à assurer sur le plan international un juste équilibre des efforts et des sacrifices des Nations libres sur les différents points du globe. En d'autres termes, une aide américaine accrue et le maintien des Etats associés dans l'Union française. Réservé à l'égard de Joseph Laniel, il l'est bien davantage au sujet de Pierre Mendès France. Le 4 juin 1953, il s'était abstenu lors du vote de la motion d'investiture, de même que le 17 juin 1954. Toujours préoccupé par l'Indochine et la sécurité de la France, René Kuehn accepte, le 8 juillet 1954, d'être désigné par la Commission de la défense nationale pour faire partie de la commission de coordination chargée de l'examen des problèmes intéressant les Etats associés d'Indochine. Le 23 juillet 1954, il approuve les accords de Genève et le 30 août 1954 la question préalable du général Aumeran qui provoque le rejet du projet de CED. Enfin, il approuve le 29 décembre la ratification des accords de Paris. Le 5 février 1955, il refuse la confiance au gouvernement Mendès France à la suite des interpellations sur la situation en Afrique du Nord et, le 29 novembre 1955, il contribue à la chute du gouvernement Edgar Faure.

René Kuehn ne sollicite pas le renouvellement de son mandat le 2 janvier 1956 et met ainsi un terme à sa carrière parlementaire.