Bertrand Motte

1914 - 1980

Informations générales
  • Né le 19 juillet 1914 à Annappes (Nord - France)
  • Décédé le 18 août 1980 à Plougrescant (Côtes-du-Nord - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Ire législature
Mandat
Du 30 novembre 1958 au 9 octobre 1962
Département
Nord
Groupe
Indépendants et paysans d'action sociale

Biographies

Biographie de la Ve République

MOTTE (Bertrand)
Né le 19 juillet 1914 à Annappes (Nord)
Décédé le 18 août 1980 à Plougrescant (Côtes-du-Nord).

Député du Nord de 1958 à 1962


Né dans une famille d’industriels du Nord à la veille de la Grande Guerre, Bertrand Motte, s’intègre rapidement, après des études secondaires, aux milieux économiques et patronaux du département du Nord. Servant pendant la campagne militaire de 1939-1940, capturé en juin 1940, il passe quatre années en Allemagne comme prisonnier de guerre.

À la Libération, il prend rapidement des responsabilités dans les milieux patronaux de son département. Administrateur de plusieurs sociétés, il participe à la fondation de divers organismes d’expansion : le comité régional d’expansion du Nord et du Pas-de-Calais, la société de développement régionale du Nord et du Pas-de-Calais. Plus encore, il devient l’un des principaux porte-parole des milieux économiques du Nord dans les institutions patronales à l’échelon national, siégeant à la conférence des comités régionaux d’études, et au comité national d’orientation économique dans les années 1950. Cette forte identification avec les milieux patronaux lui causera d’ailleurs des difficultés lors de ses débuts en politique, la S.F.I.O mettant tout en œuvre et s’alliant avec le M.R.P. pour tenter, en vain, d’empêcher son élection comme député en 1958. Il conserve la présidence de la société AGFA-Gevaert de 1957 à 1976, et siège au conseil d’administration de plusieurs autres sociétés (Etablissements Agache, Abeille S.A,…).

La carrière politique de Bertrand Motte est d’abord marquée par un engagement européen précoce. Dès 1948, Bertrand Motte appartient à la délégation française au congrès de La Haye. Membre à compter de cette date du Mouvement européen, il en intègre les instances dirigeantes dans les années 1960. C’est dans une large mesure cette conviction européenne qui l’amène à se dresser contre la politique du général de Gaulle au début des années 1960. Une fois élu député, il siège à l’Assemblée de Strasbourg.

Fortement attaché à son département du Nord, il en est élu conseiller général en 1951, avant d’exercer les fonctions de vice-président de l’assemblée départementale de 1952 à 1970. Bénéficiant d’un bon ancrage local, il bénéficie pourtant, paradoxalement, de sa stature nationale pour conserver ce mandat : en 1964, opposé à un candidat gaulliste au second tour, il bénéficie du retrait des candidats socialiste et communiste pour conserver son siège. A la fin des années 1960, Bertrand Motte quitte toutefois son département du Nord pour se fixer à Paris, dont il tente deux fois, en vain, de devenir député.

La carrière nationale de Bertrand Motte est traversée de plusieurs paradoxes. On peut, d’une part, opposer la brièveté de sa présence à l’Assemblée nationale à l’importance du rôle politique qu’il y joue. En 1958, Bertrand Motte est élu député de la première circonscription du Nord, une circonscription urbaine, qui couvre une partie de la ville de Lille. Son élection est difficile. Se présentant sous la bannière des Indépendants paysans, Bertrand Motte se réclame du général de Gaulle, qui, en 1958, « avec une volonté et un courage tranquilles, a entrepris le redressement de l’Etat », et a « posé les bases d’une République forte, protectrice de toutes les activités nationales, promesse d’un renouveau social », avant de conclure : « En votant pour Bertrand Motte, candidat d’Union, vous voterez pour l’unité nationale réaffirmée autour du général de Gaulle et de son œuvre ». Arrivé largement en tête au premier tour, avec près de 30% des voix. Il doit faire face lors du scrutin de ballottage à une coalition d’opposants. Outre les attaques du candidat indépendant Van Calster (« à ma droite, je trouve derrière Van Calster un petit groupe anonyme d’envieux et de ratés qui lui soufflent ses élucubrations »), Bertrand Motte n’a pas de mots assez durs pour dénoncer le désistement du candidat S.F.I.O, Charles Bereaux, en faveur du M.R.P Georges Delfosse. Gagnant 3500 voix entre les deux tours, Bertrand Motte conserve cependant 1500 voix d’avance sur son principal concurrent. Tirant parti de la vague politique qui porte les indépendants de Roger Duchet à l’occasion de ces élections législatives de 1958, il devient donc député.

Pour son unique mandat, Bertrand Motte déploie une activité parlementaire très importante. Membre de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, puis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, il s’impose progressivement comme le principal orateur de son groupe parlementaire. Face aux divisions que provoquent chez les indépendants la politique algérienne du général de Gaulle, il incarne un relatif consensus, et devient président du groupe le 15 novembre 1961. Ayant auparavant réservé ses interventions en tribune aux débats de politique économique, il prend part, à compter de cette date, aux débats de politique générale. Le 15 décembre 1961, à l’occasion du débat sur la motion de censure concernant essentiellement la politique algérienne, il souligne le « malaise politique » dans lequel se débat la France, et exige une « répression officielle » des attentats, avant de souligner, le 20 mars 1962, la nécessité de privilégier la voie de l’autodétermination à celle de l’indépendance.

Bertrand Motte accompagne donc la prise de distance du Centre national des indépendants (CNI) d’avec le pouvoir gaulliste, et sa rupture avec ses représentants au Gouvernement, menés par Valéry Giscard d’Estaing : le 4 juin 1962, puis, surtout, le 4 octobre 1962, il explique les raisons amenant son groupe à censurer le gouvernement : « Cet affrontement était prévisible par suite de l’évolution continue, tantôt rapide, tantôt lente, qu’a suivie depuis 1958 la gestion des affaires publiques », lance-t-il, estimant que « les nouvelles institutions se sont effacées progressivement dans une ombre de plus en plus majestueuse et de plus en plus opaque », avant de dénoncer « l’amenuisement de l’assiette politique, de la plate-forme normale sur laquelle l’exécutif aurait dû trouver sa fermeté et son élan ». « Nous sommes nombreux, ici, à penser que cette continuité ne peut naître que de la cristallisation des institutions, et non pas d’un effort de volonté personnelle, encore moins si cet effort de volonté personnelle a recours à l’arbitraire », estime Bertrand Motte, en mettant en garde contre « les délices et les poisons de la démocratie directe » : en effet, la méthode du référendum « s’accompagne d’un dessaisissement progressif, méthodique, des corps intermédiaires habituellement représentatifs » : « Le peuple ne peut se prononcer que lorsqu’on l’y invite, et se trouve dans l’impossibilité de se prononcer lorsqu’on ne l’y invite pas. C’est le dilemme entre le silence et la violence ». Et de conclure : « Le choix, à nos yeux, ne doit pas être, ne peut pas être un choix entre le général de Gaulle et la République. Mais si le choix qu’on nous impose est entre l’arbitraire et la légalité, ce choix nous l’avons fait, et nous en acceptons toutes les conséquences ».

Bertrand Motte traduit donc le rejet viscéral que l’élection du président au suffrage universel inspire aux notables indépendants. L’épisode du « Cartel des Non » lui permet de conquérir une stature nationale : c’est en tant que chef de parti qu’aux côtés de Guy Mollet et Maurice Faure il mène une campagne, infructueuse, pour le « Non » au référendum. En retour, il subit la vague gaulliste aux élections législatives de 1962. En dépit de l’absence de candidat socialiste dans sa circonscription, il est nettement devancé par le gaulliste Louis Christiaens (5 896 voix contre 14 986 au candidat de l’Union pour la nouvelle République), et se retire au soir du second tour. En dépit de deux tentatives à Paris, dans le 16e arrondissement en 1967, puis dans le 7e arrondissement en 1968 (il connaît une courte défaite), Bertrand Motte ne retrouvera pas de mandat parlementaire.

Insensible aux sirènes gaullistes, Bertrand Motte reste dans l’opposition républicaine de droite, et milite pour un authentique régime présidentiel, illustrant la fascination exercée sur les indépendants par le système politique américain. Participant à la création du Centre démocrate, autour de Jean Lecanuet (il en est vice-président) puis soutenant la candidature d’Alain Poher à l’élection présidentielle de 1969, il saisit néanmoins cette occasion pour clore le cycle ouvert en 1962 : appelant Poher à se désister au second tour en faveur de Georges Pompidou, il quitte peu après le Centre démocrate, pour tenir compte, selon sa formule, du « fait majoritaire ».

La concurrence est alors rude, au sein de l’ancienne famille indépendante, avec les Républicains indépendants de Valéry Giscard d’Estaing. En 1975, Bertrand Motte est élu président du Centre national des indépendants, et se refuse à une fusion avec les Républicains indépendants du nouveau président de la République. Il négocie alors, de manière malaisée, la participation de son petit parti au « pacte » de la majorité, en vue des élections législatives de 1978. Cependant, Bertrand Motte peine à ménager une place à sa formation entre le Rassemblement pour la République (RPR) de Jacques Chirac et l’Union pour la démocratie française (UDF). A l’Assemblée, les quelques membres de son parti siègent à l’U.D.F, au R.P.R ou chez les non-inscrits, et on les retrouve à l’occasion des élections européennes de 1979, aussi bien sur la liste de Simone Veil que sur celle de Jacques Chirac. Las de cette situation, Bertrand Motte renonce à la présidence du C.N.I.P le 10 octobre 1979. Significativement, il est remplacé par un triumvirat composé de Maurice Ligot (proche de l’UDF), Raymond Bourgine (proche de Jacques Chirac) et Jacques Fouchier (alors secrétaire d’Etat à l’agriculture dans le gouvernement de Raymond Barre).

L’unique mandat de député de Bertrand Motte lui suffit donc à conquérir une stature nationale, et à jouer un rôle important dans les débats agitant la droite française sous la Ve République. Cependant, sa promotion est également due au fait qu’il dirige, de fait, une famille politique qui, d’une forte position en 1958, devient vite « l’homme malade » de la droite, en raison de ses divisions sur la question algérienne, qui provoque le départ de Roger Duchet, et de sa vaine opposition au pouvoir gaulliste, qui achève de la diviser et de l’affaiblir, tout en favorisant l’avènement du dissident Valéry Giscard d’Estaing. C’est donc par défaut que Bertrand Motte devient le chef de cette droite libérale défaite par les gaullistes au début des années 1960, sans pour autant participer pleinement à la « revanche » de 1974. Bertrand Motte lie donc son destin à cette famille, trop importante et indépendante pour disparaître, mais pas assez pour peser politiquement.

Bertrand Motte décède le 18 août 1980. Chevalier de la Légion d’honneur, il était père d’un enfant.