Pierre Bérégovoy

1925 - 1993

Informations générales
  • Né le 23 novembre 1925 à Déville-lès-rouen (Seine-Inférieure - France)
  • Décédé le 1er mai 1993 à Nevers (Nièvre - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
VIIIe législature
Mandat
Du 2 avril 1986 au 14 mai 1988
Département
Nièvre
Groupe
Socialiste
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
IXe législature
Mandat
Du 6 juin 1988 au 28 juillet 1988
Département
Nièvre
Groupe
Socialiste
Régime politique
Cinquième République - Assemblée nationale
Législature
Xe législature
Mandat
Du 2 avril 1993 au 1er mai 1993
Département
Nièvre
Groupe
Socialiste

Gouvernement

Chef du Gouvernement
du 3 avril 1992 au 10 mars 1993
Chef du Gouvernement
du 10 mars 1993 au 29 mars 1993

Biographies

Biographie de la Ve République

BÉRÉGOVOY Pierre

Né le 23 décembre 1925 à Deville-lès-Rouen (Seine-Inférieure puis Seine-Maritime)
Décédé le 1er mai 1993 à Nevers (Nièvre)

Secrétaire général de la présidence de la République du 21 mai 1981 au 29 juin 1982
Ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale du 29 juin 1982 au 17 juillet 1984
Ministre de l’économie et des finances du 19 juillet 1984 au 20 mars 1986
Ministre d’État, ministre de l’économie et des finances et du budget du 12 mai 1988 au 31 mars 1992
Premier ministre du 2 avril 1992 au 29 mars 1993
Ministre de la défense du 9 mars 1993 au 29 mars 1993

Député de la Nièvre de 1986 à 1993

Pierre Bérégovoy est le fils d’Adrien Bérégovoy, officier ukrainien de l’armée tsariste réfugié en France, et d’une ouvrière. Élevé en Normandie, aîné de quatre enfants, Pierre obtient son brevet élémentaire en 1941. Son père étant tombé malade, il interrompt ses études, passe un CAP d’ajusteur-fraiseur, travaille un an dans une usine de tissage, puis entre à la SNCF en 1942. À l’été 1943, il adhère à un mouvement de résistance cheminote (futur Résistance fer) et à la CGT clandestine, s’engage dans les Forces françaises de l’intérieur (FFI) en 1944, puis dans l’armée. En désaccord avec les méthodes communistes, en dépit d’amitiés nouées dans la Résistance, il préfère finalement rejoindre les Jeunesses socialistes (JS) en octobre 1945 et adhérer à la SFIO, alors qu’il est à Lyon. Au printemps 1946, il regagne Rouen et la Seine-Inférieure.

Réformiste, Pierre Bérégovoy est favorable au socialisme humaniste de Léon Blum face à l’orthodoxie marxiste de Guy Mollet, qui emporte cependant la direction du parti en août 1946. De même, Pierre Bérégovoy rejoint Force ouvrière (FO) dès sa formation en 1947. Hostile au « coup de Prague », il fonde le syndicat FO des cheminots de Rouen en février 1948 et souhaite son unité d’action avec la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). Secrétaire fédéral des Jeunesses socialistes (JS) depuis mars 1947, il entre dans leur nouveau Bureau national après leur refondation en 1948. Cette même année, il se marie avec Gilberte Bonnet dont il a trois enfants. En septembre 1948, il intègre le cabinet de Christian Pineau, alors ministre des travaux publics et des transports, où il est chargé des relations avec les syndicats. Il devient alors le principal animateur du journal fédéral socialiste de la Seine-Inférieure, La République de Normandie, même s’il lui faut attendre juin 1952 pour être nommé officiellement directeur-gérant. Enfin en janvier 1949, il entre à la commission exécutive de la section SFIO de Rouen, l’une des plus importantes du département, et en devient le secrétaire en novembre 1950. Après avoir quitté le ministère des Transports avec Christian Pineau en février 1950, il continue d’assumer l’ensemble de ses fonctions : secrétaire fédéral adjoint, secrétaire de la section de Rouen-Droite (peut-être avec quelques interruptions), directeur de La République de Normandie – et ce jusqu’à son départ de la Seine-Maritime en 1957. Pourtant, il ne devient jamais un permanent du parti, puisqu’il travaille à Gaz de France depuis le 1er mai 1950.

Pierre Bérégovoy débute sa carrière à Gaz de France comme chef de service à Rouen, puis aux Services centraux parisiens à partir de 1957. Il se révèle parallèlement un syndicaliste très actif. Il participe ainsi aux grandes grèves de l’été 1953 et prend, à cette occasion, la parole à un meeting devant l’Hôtel de ville de Rouen. Il milite, en effet, à la Fédération FO des industries électriques et gazières (IEG) et il entre, en tant que titulaire, à son comité exécutif lors de son IVe congrès en octobre 1954. À l’issue du congrès suivant, en octobre 1956, il est élu titulaire à la commission exécutive ainsi qu’au comité et, lors du VIe congrès de février 1959, il est élu suppléant au comité de la Fédération.

À la fédération SFIO de la Seine-Inférieure, lors de la querelle de la Communauté européenne de défense (CED), il défend, tout d’abord en 1952, les positions anti-cédistes des deux députés socialistes du département, Jean Capdeville et Jean Binot, par hostilité au réarmement allemand, sa fédération se trouvant ainsi en désaccord avec la ligne de la direction du parti. Mais en avril 1954, Pierre Bérégovoy apporte son soutien à Georges Brutelle, secrétaire général adjoint de la SFIO, pour qu’il puisse remplacer, à la tête de la fédération, Jean Capdeville, compromis dans des affaires criminelles. De même, peut-être par mendésisme, se montre-t-il favorable à la discipline de vote sur la CED, proposée par le gouvernement Mendès France en août 1954. Alors qu’en 1953, il n’a pas été élu aux municipales de Rouen (il était en 5e position sur la liste socialiste), lors des élections législatives de janvier 1956, il espère être investi face au maire de Grand-Quevilly, Tony Larue, mais il échoue devant les militants de son parti. À l’été 1957, il quitte la Seine-Maritime pour la région parisienne, mais il lui faut une année pour se fixer en Seine-et-Oise, à Versailles.

Depuis le printemps 1956, Pierre Bérégovoy se montre très critique envers la politique du gouvernement socialiste de Guy Mollet et du gouverneur général de l’Algérie, Robert Lacoste. En mai 1957, il signe la motion minoritaire pour le congrès socialiste de Toulouse. Intitulé, « Qu’on le veuille ou non, tout dépend de l’Algérie », ce texte dénonce « une crise de nationalisme aiguë », propose de renouer le contact avec les combattants et l’opinion musulmane et surtout demande au parti de reconnaître « dès maintenant la vocation nationale de l’Algérie ». Aussi, alors que nombre de militants hésitent, Pierre Bérégovoy est de ceux qui poussent à la scission au congrès d’Issy-les-Moulineaux de la SFIO de septembre 1958, à l’issue duquel, il est l’un des fondateurs du Parti socialiste autonome (PSA), avec Edouard Depreux, Alain Savary et Robert Verdier. Mais sans y être un inconnu, il n’y occupe encore qu’une place modeste : il est élu membre de la commission exécutive de la fédération de la Seine-et-Oise au congrès du 27 mars 1960.

Puis Pierre Bérégovoy participe à la fondation du Parti socialiste unifié (PSU) en avril 1960. Élu au comité politique national du PSU en avril 1961, il rencontre alors Pierre Mendès France, devient son collaborateur direct et échange avec lui une correspondance qui durera longtemps. En 1963, il entre au bureau national du PSU et travaille avec Gilles Martinet, le second du parti. Il y est alors le spécialiste des questions économiques et syndicales. Au PSU, face aux « révolutionnaires », Pierre Bérégovoy et ses camarades mendésistes ne se présentent pas comme « réformistes » ou socialistes « de droite », mais comme les tenants d’un « socialisme moderne » – ou d’une République moderne selon le titre de l’ouvrage de Mendès France publié en 1962. Au bureau national, avec Richard Dartigues et Harris Puisais, il fait entendre la voix de Mendès France. Il appartient ainsi au noyau de fidèles qui publient Les Cahiers de la République. Avec les mendésistes, il s’impose, en outre, comme un facteur de stabilité dans une organisation où les jeux de courants font rage au point d’en menacer l’existence de 1963 à 1967. Mais partisan du ralliement du PSU à la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS), il le quitte en octobre 1967, et fonde avec d’autres mendésistes, dont Françoise Seligmann, le club « Socialisme moderne ». Il rejoint l’Union des clubs pour le renouveau de la gauche (UCRG) dirigée par Alain Savary, laquelle adhère à la FGDS.

Lors du congrès constitutif du nouveau parti socialiste en 1969, Pierre Bérégovoy entre au comité directeur et au bureau national de l’organisation désormais dirigée par Alain Savary. Il y est à nouveau chargé des questions économiques et sociales et, avec Claude Fuzier, des contacts avec le PCF. Minoritaire au congrès d’Épinay en juin 1971, mais maintenu au bureau national, lors de la Convention de Suresnes des 11 et 12 mars 1972, il prend ouvertement la décision de rallier François Mitterrand.

Pierre Bérégovoy symbolise alors les mendésistes ralliés à Mitterrand après le congrès d’Épinay de juin 1971. À la suite de l’élection de François Mitterrand au poste de secrétaire national, il devient l’un de ses collaborateurs, sans être l’un de ses intimes. Il est chargé, à partir d’avril 1972, de négocier le programme commun et représente, à cette fin, aux côtés de Pierre Mauroy, les socialistes dans la commission « Affaires sociales ». Lors du congrès de Grenoble de juin 1973, il est élu au bureau politique sur la motion des mitterrandistes. Il se rapproche des cercles dirigeants et intervient, au nom de François Mitterrand, aux côtés de Georges Marchais et Robert Fabre lors d’un meeting de solidarité pour les ouvriers de Lip le 16 août 1973 à Paris. Lors de la campagne présidentielle de 1974, il s’implique dans les travaux du comité des experts à la demande du secrétaire national. Il fait ainsi partie de la cinquantaine de dirigeants socialistes habilités à s’exprimer au nom du candidat et à mener des meetings. Il agit, cependant, plus en homme de dossiers que sur le devant de la scène. Il participe à l’organisation des Assises du socialisme de 1974 qui permettent le ralliement de Michel Rocard et de ses amis du PSU.

Parallèlement, tout au long de ces années, Pierre Bérégovoy cherche à s’implanter localement et à gagner un siège parlementaire. En 1973, alors qu’il songeait à être candidat en Eure-et-Loir, il est envoyé par François Mitterrand faire campagne dans la 2e circonscription de la Corrèze, à Brive, contre son ministre de tutelle, Jean Charbonnel. Celui-ci, élu député en 1962, a perdu son siège face à Roland Dumas en 1967, puis l’a recouvré à la faveur de la dissolution de 1968. Pierre Bérégovoy bénéficie d’un double parrainage prestigieux, puisque Pierre Mendès France et François Mitterrand lui apportent leur soutien, mais en vain. Il décide, quelques années plus tard, de tenter sa chance dans le Nord. Il achète une maison à Maubeuge et investit les instances fédérales du PS, ainsi que les assemblées locales, grâce à Pierre Mauroy. En outre, le Conseil général du Nord le désigne pour siéger au Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais le 17 mars 1976. Son installation à Maubeuge en fait un successeur potentiel du maire en place, Pierre Forest. Mais ce dernier refuse, finalement, de céder sa place et se représente aux municipales de 1977. PCF et PS s’unissent alors contre le maire sortant, avec notamment le premier adjoint socialiste et le deuxième adjoint communiste, le député Albert Maton, qui font liste commune avec Pierre Bérégovoy. Mais c’est un nouvel échec. En mars 1978, Pierre Bérégovoy, candidat aux élections législatives, est combattu par Pierre Forest et nettement distancé par le député communiste sortant Albert Maton qui l’emporte au second tour face à l’ancien député Bernard Lebas. Malgré l’absence de candidat PSU en 1978 (alors qu’il y en avait un en 1973) et l’augmentation sensible du nombre des suffrages exprimés, Pierre Bérégovoy recueille seulement 144 voix de plus que Pierre Forest n’en a eu en 1973. Ce résultat le convainc de son échec et il démissionne du Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais le 24 mars 1978.

Mais cette difficulté à trouver une terre d’élection n’empêche pas son ascension au sein du PS. En janvier 1975, au congrès socialiste de Pau, Pierre Bérégovoy est devenu secrétaire national chargé des Affaires sociales. Deux ans après, au congrès de Nantes en 1977, il est désigné secrétaire chargé des Relations extérieures, autrement dit des relations avec les autres partis. Il doit donc renégocier les accords avec le PCF et les radicaux de gauche dans le cadre du Programme commun, tâche que François Mitterrand juge prioritaire. Pendant un an, Pierre Bérégovoy, qui est devenu entre-temps directeur adjoint de Gaz de France, mène les débats avec vigueur et ne cède rien. Le 2 juin 1977, il explique à la télévision que le PS est « hostile à une révision du Programme commun », mais qu’il est partisan d’une « actualisation », évoquant ses divergences avec les communistes sur les nationalisations.

De sorte qu’en 1979, il est devenu l’un des piliers de la direction du PS, même s’il a échoué aux élections législatives à Maubeuge. Lors du congrès de Metz d’avril 1979, il participe ainsi à la contre-offensive des mitterrandistes face aux rocardiens. Reconduit dans ses fonctions à l’issue du congrès, il est vingt-deuxième sur la liste socialiste aux premières élections européennes au suffrage universel direct, en position de non éligible. Pour autant, il est nommé au Conseil économique et social de 1979 à 1981, occupe la fonction de numéro 2 au secrétariat derrière Lionel Jospin et participe, enfin, à la direction de la campagne présidentielle de 1981.

Co-rédacteur des « 110 propositions » du candidat Mitterrand, Pierre Bérégovoy accède, après la victoire, au poste stratégique de secrétaire général de l’Élysée. Selon les vœux du nouveau président, il renforce la fonction et en assure l’autonomie. Contraint au tournant de la rigueur en juin 1982, le Premier ministre, Pierre Mauroy, le nomme ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale (juin 1982-juillet 1984). Il présente en juin 1983 le livre blanc de la protection sociale comprenant trois orientations en vue d’assurer l’équilibre financier des régimes sociaux : une augmentation des recettes, un ralentissement des dépenses par une gestion plus rigoureuse, et une réforme du financement couplée avec une harmonisation des régimes. Le système du budget global hospitalier se substitue au système de prix de journée jugé trop inflationniste. Les deux plans de financement dits plans Bérégovoy ont pour effet une décélération des dépenses maladie. Contre l’avis du Premier ministre, il est de ceux, avec Jean Riboud et Jean-Pierre Chevènement, qui préconisent la sortie du franc du Système monétaire européen, mais Pierre Mauroy l’emporte. En juillet 1984, le nouveau Premier ministre, Laurent Fabius, le nomme ministre de l’économie et des finances et il gagne la confiance des milieux d’affaires en stabilisant le franc, en libéralisant les marchés financiers et en modernisant la Bourse : création des certificats de dépôt et du marché des billets de trésorerie en 1985, préparation du Marché des Options Négociables de Paris - MONEP -, lancé effectivement en 1987, création du Marché à terme international de France - Matif -, ouvert en février 1986, préparation de la mise en place de la titrisation et des OAT (obligations assimilables du Trésor), afin de dynamiser la gestion des actifs financiers de l'Etat.

Parallèlement, Pierre Bérégovoy réussit, enfin, à s’implanter localement grâce à un parachutage dans la Nièvre, fief de François Mitterrand que celui-ci lui lègue en gage d’amitié. Élu conseiller municipal de Nevers en mars 1983, sur la liste du maire Daniel Benoist, qui démissionne en juillet suivant, Pierre Bérégovoy devient alors maire de Nevers en septembre 1983 et est réélu en 1989. En 1985, il est candidat dans un canton de la Nièvre nouvellement découpé. Il doit y affronter la droite d’Hervé de Charrette mais aussi un candidat Divers gauche, Maurice Devillechaise, ancien membre du PS et maire de l’autre commune du canton. À l’issue d’un combat acharné, le nouveau maire de Nevers l’emporte finalement de six voix. Mais il refuse de briguer la présidence du conseil général en 1986, à la mort de son président Noël Berrier.

En mars 1986, en revanche, il conforte son implantation nivernaise en devenant député de la Nièvre au scrutin proportionnel. Il est réélu député, dans la 1ère circonscription, au scrutin uninominal à deux tours, dès le premier tour avec 53,7 % des suffrages exprimés, ce qui est un succès personnel, le 5 juin 1988. Pendant quelques mois, d’avril à novembre 1986, il représente l’Assemblée nationale à l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe. Membre de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan jusqu’en juillet 1988, il intervient lors des projets de loi de finance rectificative en 1986 et 1987 sur le taux d’imposition des sociétés. Le 12 novembre 1986, il interpelle le gouvernement de Jacques Chirac à propos de la libération des deux otages français détenus au Liban, en réclamant la poursuite d’une politique de fermeté jusqu’à la libération de tous les otages et le maintien d’une présence française au sein de la FINUL. Il est aussi membre de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République en juillet 1988. Considéré comme l’un des experts du groupe socialiste pour l’économie et les finances, le 20 mai 1987, il ferraille avec le ministre des affaires sociales et de l’emploi, Philippe Séguin, sur les comptes de la sécurité sociale et sur son déficit. Il intervient à nouveau sur le projet de loi de finances de 1988 sur de multiples sujets (croissance, déficit budgétaire, dette publique, emploi, impôt sur la fortune, inflation, pouvoir d’achat, privatisation et sécurité sociale) et dénonce, avec vigueur, ce qu’il appelle « les bombes à retardement » financières du gouvernement Chirac le 14 octobre 1987.

Réélu au conseil général de la Nièvre en 1992, il est également réélu à l’Assemblée nationale en mars 1993, cette fois cependant au second tour, démontrant qu’il a bel et bien trouvé, dans la Nièvre, une terre d’adoption.

Au printemps 1988, Pierre Bérégovoy participe à nouveau à la direction de la campagne présidentielle de François Mitterrand. La victoire acquise, il redevient donc ministre de l’économie et des finances, avec rang de ministre d’État, dans le premier gouvernement de Michel Rocard en juin. À ce poste, celui qu'on appelle communément le « Pinay de gauche » fixe comme objectif le redressement durable de l'économie française en faisant de la désinflation compétitive et du franc fort l'axe de sa politique. À l’Assemblée nationale, entre autres, il dépose le projet de loi sur l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en octobre et défend celui sur le revenu minimum d’insertion (RMI) également à l’automne. Au cours de l’année 1989, il dépose plusieurs projets de loi dont l’un sur les modalités d’application des privatisations (avril), un autre sur la transparence et la sécurité des marchés financiers (avril), et un autre encore sur les établissements assurant l’hébergement des personnes âgées (novembre). Il lance le plan d’épargne populaire. Il assure les réformes du code des assurances (réorganisation du conseil national des assurances, création de la commission nationale des assurances). En juillet 1989, le ministère quitte le Louvre pour s’installer dans les nouveaux locaux de Bercy. En 1990, il dépose, entre autres, un projet de loi pour réformer la Cour de discipline budgétaire et financière (avril) et un autre sur la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic de stupéfiants (mai). Néanmoins, en mai 1991, il est déçu de se voir préférer Édith Cresson au poste de Premier ministre et doit se contenter de Bercy, d’où il ne la ménage guère. Avec son rang de ministre d’État, ministre de l’économie, des finances et du budget, il fait figure de vice-Premier ministre.

Après la rude défaite électorale socialiste aux cantonales et aux régionales en mars 1992, Pierre Bérégovoy remplace Edith Cresson à Matignon, onze mois avant les législatives. Se réclamant de Pierre Mendès France dans son discours d’investiture du 8 avril, il déclare vouloir lutter contre le chômage, l’insécurité et la corruption : « On soupçonne certains hommes publics de s’être enrichis personnellement de manière illégale. S’ils sont innocents, ils doivent être disculpés ; s’ils sont coupables, ils doivent être châtiés ; dans tous les cas, la justice doit passer. […] ». Il ajoute « Comme je suis un Premier ministre nouveau et un homme politique précautionneux, j’ai ici une liste de personnalités dont je pourrais éventuellement vous parler. Je m’en garderai bien ! […] ». Face à la récession qui grève le budget, la très timide victoire du « oui » au référendum sur l’Union européenne de Maastricht en septembre 1992 ne suffit pas à lui redonner l’élan nécessaire. Il est contesté au sein même de son parti par Laurent Fabius et Michel Rocard. Plus dures sont pour lui les révélations du Canard enchaîné sur le prêt personnel d’un million de francs sans intérêt, pour l’achat de son appartement parisien, accordé par un ami de François Mitterrand, à la réputation douteuse, Roger Patrice Pelat. La déroute aux législatives de mars 1993 provoque la chute de son gouvernement. Se sentant abandonné par sa famille politique, ne pouvant supporter les soupçons de corruption, il se donne la mort sur les bords du canal de Nevers le 1er mai 1993. Le président de l’Assemblée nationale Philippe Séguin prononce son éloge funèbre le 18 mai 1993 en rendant hommage à « une vie tendue à la fois par l’idée de solidarité et l’exigence du progrès social ».