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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 50

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 12 septembre 2001
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Jean Le Garrec, président

SOMMAIRE

 

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- Examen de la proposition de résolution de M. Jean-François Mattei tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation des personnes handicapées en France (M. Francis Hammel, rapporteur)

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, sur le rapport de M. Francis Hammel, la proposition de résolution de M. Jean-François Mattei tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation des personnes handicapées en France (n° 3070).

M. Francis Hammel, rapporteur, a indiqué que la commission était saisie d'une proposition de résolution déposée par MM. Jean-François Mattei, Jean-Louis Debré et Philippe Douste-Blazy, tendant à créer une commission d'enquête sur la situation des personnes handicapées en France dont la mission serait d'enquêter sur « leurs conditions de vie et les conditions de leur prise en charge » et « d'analyser l'efficacité des aides qui leur sont allouées ». Cette proposition de résolution étant recevable au regard du Règlement et de l'ordonnance organique relative au fonctionnement des assemblées, la question qui se pose est celle de l'opportunité de la création de cette commission d'enquête.

Tous les élus nationaux ou locaux comme les simples citoyens sont conscients des difficultés auxquelles sont confrontées les personnes handicapées et leurs proches. Les décisions de la Cour de cassation, notamment la décision dite « Perruche » confirmée et précisée par les décisions plus récentes du 13 juillet dernier, ont provoqué une vive émotion et ont été l'élément déclencheur de cette proposition de résolution. Il ne faut pas évacuer ces questions dont la commission s'est d'ailleurs déjà saisie lors de la table ronde qui a eu lieu le 29 mars dernier mais les replacer en perspective avec la situation actuelle des handicapés.

En premier lieu on ne peut laisser dire que les personnes handicapées se trouvent réduites à la portion congrue dans les politiques menées et que leurs difficultés sont ignorées. Sans dresser le bilan détaillé des moyens qui sont consacrés à ces personnes et qui fait l'objet, chaque année, d'un rapport pour avis spécifique de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances, il faut néanmoins rappeler que l'effort de la Nation en direction des personnes handicapées est conséquent. Pour l'année 2001, il s'élève à 42 milliards de francs, et ce pour les seuls crédits budgétaires (hors assurance maladie) : 34 milliards pour le financement des ressources, 7 milliards pour l'accueil et le travail protégé et 1,1 milliard pour l'insertion et l'action sociale. En renforcement du plan quinquennal précédent, des moyens nouveaux d'un total d'1,5 milliard ont été affectés par le plan triennal 2000-2003, et ce plan est d'autant plus important - au-delà de ses aspects quantitatifs - qu'il est novateur : il traduit de nouvelles priorités vers la recherche d'une vie autonome pour les personnes handicapées. En effet, ces sommes ont été consacrées à la création de nouvelles places en établissement pour personnes lourdement handicapées mais aussi au développement des aides techniques, des services d'auxiliaire de vie, de l'interprétariat des centres d'action médico-sociale précoce et des autres services qui au quotidien apportent une aide indispensable.

Certes des sujets d'insatisfaction persistent mais on peut montrer, au travers de deux points plus spécifiques, que des avancées existent, notamment en ce qui concerne les aides techniques, qui sont jugées complexes, limitées dans leur remboursement et prenant mal en compte l'innovation ainsi qu'en matière d'intégration scolaire. Dans ces deux cas, les critiques adressées au système ont été entendues et ont ouvert la voie à la recherche de solutions nouvelles par une prise en charge globale.

Pour les aides techniques, l'expérimentation des sites pour la vie autonome destinés à coordonner et adapter les aides et surtout à modifier l'approche de l'évaluation des besoins a été lancée dans 15 départements. 28 nouveaux départements seront concernés en 2001 et les sites seront généralisés en 2003.

En matière scolaire, le plan « handiscol » lancé en 1999 se concrétise et il a été décidé de l'amplifier par des mesures très concrètes, telles que l'ouverture des dispositifs collectifs de scolarisation (CLISS, UPI) à l'accueil des élèves atteints de déficiences motrices et sensorielles, le développement des SESSAD, la généralisation des centres d'action médico-sociale précoce à tous les départements, la mise en place des groupes de coordination handiscol, la poursuite de l'expérimentation des services d'auxiliaires d'intégration scolaire, mais aussi, et en pratique cela est très important, l'allocation de crédits de l'éducation nationale affectés à l'achat de matériel pédagogique adapté. Débloqués pour la première fois en 2000, ces derniers sont désormais délégués aux académies en trois tranches annuelles 2001-2003 de 56 millions de francs chacune. Quant à l'allocation d'éducation spéciale, sa réforme annoncée lors de la conférence de la famille sera examinée par l'Assemblée nationale lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, au mois d'octobre.

Beaucoup de problèmes demeurent, bien entendu. Ainsi, l'accessibilité des lieux de vie privés comme collectifs est lacunaire. De manière générale, face à des situations personnelles extrêmement diverses mais toujours douloureuses, l'approche est trop souvent bureaucratique et administrative. La réponse concrète se trouve en fait dans la volonté d'agir, dans la capacité d'innover et dans celle de débloquer les moyens nécessaires. A cet égard, une commission d'enquête n'est pas la réponse adéquate.

On ne peut soutenir que la carence de l'information rendrait indispensable la réalisation d'un bilan supplémentaire de l'état des besoins et des conditions de vie des personnes handicapées. De fait, il s'agit là d'un domaine où les associations, investies souvent d'un rôle de gestion, assurent en tout état de cause une veille vigilante et sont en dialogue constant avec le ministère. En effet, les structures d'expression et de travail existent, par exemple le CNCPH, conseil national consultatif des personnes handicapées.

En ce qui concerne les bilans et les études réalisés, on peut se borner à citer quelques travaux parmi les plus récents : le bilan du Conseil économique et social sur la situation de handicap et le cadre de vie, le rapport Hespel et Thierry sur les services d'aide aux personnes, le rapport Lyazid sur l'ensemble des aides techniques et le travail de Michel Fardeau, qui vient de procéder à une analyse comparative et prospective du système de prise en charge des personnes handicapées.

Les travaux parlementaires ne sont pas absents de ce bref panorama. Au-delà du rapport budgétaire annuel, il faut rappeler que la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances de l'Assemblée nationale a dressé l'année dernière un état des COTOREP. Ces travaux ne sont pas restés lettre morte. Sur le dernier point, par exemple, les moyens des COTOREP ont été renforcés et la concertation locale a été lancée sur la mise en _uvre de la fusion des deux sections de ces commissions.

Plus récemment, le délégué interministériel aux personnes handicapées, Patrice Ségal, s'est vu confier une mission sur l'amélioration de la vie des personnes aveugles et mal voyantes.

Enfin, à la suite du recours en indemnisation des parents d'enfants handicapés, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et aux personnes handicapées, a ouvert « une réflexion globale sur les relations entre éthique et handicap » avec les associations, le mouvement familial, les mouvements de pensée. Les conclusions de ces travaux sont attendues à l'automne. Ce débat a déjà été engagé par la préparation d'un séminaire qui aura lieu en octobre à l'initiative de la ministre déléguée aux handicapées et qui réunira des experts, ainsi que des représentants des associations et de toutes les sensibilités politiques. Ce débat sera prolongé par la tenue d'un colloque organisé par l'UNAPEI et la Mutuelle Intégrance les 7 et 8 novembre prochains au cours duquel Mme Ségolène Royal interviendra. Après ces séminaires, une session du CNCPH permettra de consulter les personnes handicapées elles-mêmes à travers les associations qui les représentent.

Au début de l'année 2002, la ministre présentera un bilan de la mise en _uvre des plans pluriannuels permettant de disposer d'un état des lieux précis sur la base duquel une nouvelle programmation pourra être établie. Parallèlement, la révision de la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées sera mise en chantier, donnant lieu à de larges échanges et consultations permettant d'actualiser l'ensemble des orientations des politiques publiques en faveur des personnes en situation de handicap en prenant en compte l'évolution des mentalités et la transformation des conceptions internationales du handicap (par exemple, le droit à compensation).

On peut donc douter de l'utilité d'une commission d'enquête. D'une part, parce que les handicapés et leurs familles attendent du Parlement autre chose qu'un énième bilan, surtout s'il est très général. D'autre part, parce que les réponses véritables résident avant tout dans le déblocage de moyens et dans la capacité de formuler des solutions nouvelles.

En outre on ne peut négliger un argument technique. Compte tenu du calendrier parlementaire, le fait de proposer aujourd'hui de créer une commission d'enquête est paradoxal dans la mesure où cette commission ne pourra être constituée au mieux qu'en octobre, puisqu'elle doit donner lieu à une inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée et à un vote en séance publique. De sorte qu'en réalité elle n'aura que deux à trois mois pour travailler.

Le rapporteur a conclu en indiquant que, personnellement, et en tant que rapporteur pour avis depuis trois ans, il n'avait pas, ainsi que d'autres députés de tous les groupes, attendu la fin de la législature pour suivre de près ces questions et dénoncer les carences de l'action publique, chaque fois qu'il les avait constatées. Il a estimé être donc bien placé pour affirmer qu'une commission d'enquête apporterait plus d'illusions que de résultats concrets.

Après l'exposé du rapporteur, M. Jean-François Mattei a fait part du sentiment de déception qu'il avait éprouvé à l'écoute de l'argumentaire du rapporteur. Il a souligné que l'élément déclencheur de cette proposition était l'arrêt Perruche de la Cour de cassation et que les conséquences de cette décision n'avaient toujours pas été traitées. Il a rappelé que dès la publication de cette décision, il avait proposé un amendement visant à interdire la réparation du préjudice du fait de la naissance. Adopté en commission, cet amendement avait été rejeté en séance, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, ayant demandé le temps de la réflexion et la saisine du comité national d'éthique, lequel a rendu un avis identique à l'approche des auteurs de l'amendement. Un an après l'arrêt Perruche, il serait temps que le Parlement se saisisse du problème.

Le rapporteur n'a pas voulu voir la réalité en face et s'est contenté de jouer son rôle, c'est-à-dire de suivre la ligne du Gouvernement en vantant les réalisations de celui-ci. Mais ce discours ne tient pas face aux difficultés quotidiennes rencontrées par les handicapés et leurs familles sur le terrain. Le choix de garder ou non un enfant destiné à naître handicapé est biaisé, quand on connaît les combats au quotidien que doivent mener les parents d'enfants handicapés. Dans cette perspective, la création d'une commission d'enquête n'est en rien une panacée mais elle constitue du moins un signal fort en direction de familles en détresse et maintenant gagnées par la culpabilité d'avoir choisi la vie malgré tout.

Le président Jean Le Garrec a rappelé qu'il avait pris lui-même l'initiative de l'organisation d'une table ronde sur l'arrêt Perruche présidée par M. Claude Evin. Celle-ci a regroupé de nombreux et éminents intervenants, lesquels ont conclu qu'il était trop tôt pour légiférer. La jurisprudence a connu de nouveaux développements. Il convient d'en analyser la portée avec soin. L'initiative de Mme Ségolène Royal d'approfondir collectivement la réflexion est excellente. Dans un premier temps, il a été décidé de ne pas légiférer. Faudra-t-il aller plus loin ? Pourquoi pas ? Aujourd'hui cependant la question n'est pas là. C'est celle de la place des handicapés dans notre société. C'est vrai que pour les familles, il s'agit d'un combat au quotidien mais on ne peut nier que l'effort de la Nation est impressionnant et que les dernières initiatives du Gouvernement vont encore améliorer la situation. Le rapporteur a dressé un état des actions menées. Les moyens qui leur sont consacrés sont-ils suffisants ? Le débat budgétaire permettra de vérifier que les moyens dégagés pour le plan d'action triennal sont à la hauteur.

Une commission d'enquête aiderait-elle à améliorer la situation ? L'abondance des propositions de résolutions visant à en créer a tendance à en affaiblir la portée. Le dépôt de la présente résolution n'est pourtant pas inutile : il fournit, par le biais du travail mené par le rapporteur et des contacts pris par le président avec le Gouvernement, un éclairage supplémentaire sur la question. Néanmoins, la commission d'enquête ne constitue pas une réponse pertinente aux questions posées.

Mme Hélène Mignon a relevé l'existence de deux questions bien distinctes : la première a trait à la naissance de l'enfant handicapé, la seconde tient à la vie de l'enfant puis de l'adulte handicapé et des difficultés d'insertion qu'il rencontre. Un nouveau point sur les institutions pour handicapés et les places qu'elles offrent n'est pas la priorité majeure ; ces informations peuvent être obtenues par d'autres voies. En revanche, il faut progresser dans l'intégration quotidienne des handicapés.

Le rapporteur a rappelé que la question des handicapés ne se limitait pas aux conclusions à tirer de l'arrêt Perruche, mais concernait également les conditions de vie et la prise en charge des handicapés. C'est pourquoi, son argumentaire dressait avant tout un état des lieux de la situation ; il ne constituait aucunement une apologie de l'action gouvernementale. Au-delà de l'action publique, il faut bien voir que les résistances face à l'intégration des handicapés viennent de la société et appellent de celle-ci un regard différent.

Contrairement aux conclusions du rapporteur, la commission a adopté la proposition de résolution sans modification.


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